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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives du tag : Justice

Revirement inquiétant de la France pour les réfugiés italiens 28 avril 2021

Communiqué LDH

A l’inverse de ce que la présidence de la République soutient, la décision de François Mitterrand, exprimée lors du congrès de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) en 1985, de ne pas extrader les réfugiés italiens en France n’excluait aucun de ceux-ci.

Il est regrettable qu’en violation de toute éthique le président de la République ait décidé de revenir sur les engagements de la République.

S’en prendre à des femmes et des hommes qui vivent dans notre pays depuis plus de 40 ans pour des faits encore plus anciens, jugés en Italie dans des conditions dictées par les contingences de l’époque, ce n’est pas faire acte de justice, c’est raviver des plaies que le temps avait commencé de refermer.

La LDH dénonce cette décision du président de la République.

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Paris, le 28 avril 2021

Source: Revirement inquiétant de la France pour les réfugiés italiens

La Défense ne s’expulse pas 15 mars 2021

Communiqué LDH

Le 11 mars 2021, un avocat niçois a été expulsé par les forces de l’ordre d’une audience du tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence au cours de laquelle il assurait la défense de son client. Ce dernier, absent en raison d’une contamination à la Covid-19, sollicitait un renvoi de l’audience pour pouvoir assister à son procès.

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) est particulièrement choquée par la décision de poursuivre l’audience. Plusieurs avocats présents pour assister leurs clients ont quitté l’audience en signe de solidarité avec leur confrère. Les propos qui auraient été tenus par un magistrat contre ces avocats et contre l’exercice des droits de la défense ne sont pas dignes de l’institution judiciaire.

Les avocats, garants du procès équitable, ne peuvent être considérés comme des faire-valoir du processus judiciaire. Son bon déroulement et les nécessités de sa continuité doivent s’adapter aux conséquences de la situation sanitaire de manière à protéger les garanties du procès équitable pour tout justiciable.

La LDH s’associe à tous les avocats et aux institutions représentatives de la profession face à cette situation inadmissible.

Paris, le 12 mars 2021

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Source: La Défense ne s’expulse pas

Aide juridictionnelle : de nouvelles dispositions en restreignant l’accès 15 janvier 2021

Communiqué LDH

L’accès au droit et à la justice est essentiel dans une démocratie. L’aide juridictionnelle (AJ) permet aux plus démunis de pouvoir exercer leur droit à un procès équitable.

Depuis de nombreuses années, ce droit pourtant essentiel est remis en question par des dispositions portant sur l’indemnisation des avocats intervenant à l’AJ (une indemnité juste est essentielle pour une défense de qualité), ou sur les conditions d’accès.

De nouvelles mesures viennent d’être prises (intégrées dans la loi de finances et précisées dans le décret 2020-1717 du 20 décembre 2020) relatives au calcul du plafond de ressources pour l’aide juridique (hors recours) et l’aide juridictionnelle.

Les conditions permettant aux intéressés de bénéficier de l’aide de l’Etat pour être assistés d’un avocat sont considérablement complexifiées.

A la place du plafond de ressources (moins de 1 000 euros de revenus mensuels pour l’AJ totale), trois critères sont désormais retenus dont les modalités de calcul sont définies par le décret et la circulaire et modulées selon la composition du foyer fiscal. Le revenu fiscal de référence est pris en compte (il faut justifier de moins de 11 262 euros par an pour la prise en charge totale au titre de l’AJ d’une personne seule). Il est en outre exigé d’apporter la preuve de la valeur en capital de son patrimoine mobilier (moins de 11 262 euros pour une personne seule, comprenant la voiture, les meubles ou l’épargne…) ou immobilier (sauf résidence principale et biens destinés à l’usage professionnel, dont la valeur doit être inférieure à 33 780 euros pour une personne seule).

On sait que les personnes les plus démunies renoncent à exercer leur droit à des aides lorsque les formalités[1] de demande sont trop compliquées ou que les pièces justificatives exigées sont trop nombreuses[2]. La simple lecture des nouvelles conditions à remplir dissuadera donc plus d’une personne pourtant éligible à l’AJ. Et il est aberrant de demander aux bénéficiaires du RSA ou du minimum vieillesse[3], dont les économies et les revenus sont déjà contrôlés, de fournir désormais de telles preuves. De plus, les modalités de calcul du patrimoine mobilier ou immobilier peuvent aboutir à des refus d’aide injustes.

Que le gouvernement décide de resserrer les cordons de la bourse au détriment des plus pauvres est particulièrement choquant alors que la pandémie a eu pour conséquence une augmentation du nombre de chômeurs et une paupérisation d’une partie plus importante de la population.

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) dénonce des dispositions qui risquent de pénaliser celles et ceux qui ont le plus besoin d’une assistance pour défendre leurs droits dans une période de crise et de fragilité.

[1] Pour l’instant, un formulaire papier est encore disponible ; la demande en ligne est prévue par le décret et sera accessible via FranceConnect.

[2] Exemple des prestations sociales : voir le rapport sur le site du ministère des solidarités et de la santé de 2020.

[3] Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa).

Paris, le 15 janvier 2021

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Source: Aide juridictionnelle : de nouvelles dispositions en restreignant l’accès

Le Conseil constitutionnel censure une loi dangereuse 17 août 2020

Communiqué LDH

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) avait attiré l’attention des parlementaires sur la proposition de loi « instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leurs peines », déposée par des députés LREM, qui s’affranchissait des principes fondamentaux internationaux, européens et constitutionnels du droit pénal et de la procédure pénale.

En effet, cette proposition de loi tendait à instaurer, à l’égard de personnes ayant purgé leurs peines et n’ayant commis aucune nouvelle infraction, de nombreuses interdictions et obligations de surveillance privatives ou restrictives de libertés ou de droits, pour une durée pouvant aller jusqu’à dix ans, pénalement sanctionnées et prononcées par une juridiction spéciale.

Fondée sur la notion purement subjective, variable et incertaine de « dangerosité », le nouveau dispositif non nécessaire, ni adapté ni proportionné, critiqué aussi par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), conduisait à l’arbitraire et constituait un tremplin vers une peine à durée indéterminée.

Aussi, la LDH se réjouit-elle de la décision du Conseil constitutionnel du 7 août 2020 qui a censuré les articles de cette nouvelle loi qui, s’ajoutant aux très nombreux textes sécuritaires déjà existant en matière de lutte contre le terrorisme, instauraient ces nouvelles mesures de sûreté liberticides.

Paris, le 10 août 2020

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Source: Le Conseil constitutionnel censure une loi dangereuse

Le projet de code de la justice pénale des mineurs : des propositions inadaptées pour lutter contre l’enfermement des enfants 29 septembre 2019

Communiqué commun

Au 1er juillet 2019, 882 adolescent-e-s étaient incarcéré-e-s, chiffre jamais atteint depuis plus d’une vingtaine d’années. Il faut y ajouter le nombre d’enfants placés dans l’un des 52 centres fermés, ceux placés en psychiatrie ou en centres de rétention, ainsi que le chiffre gris des jeunes condamnés en tant que majeur-e-s pour des faits commis du temps de leur minorité.

Pourtant, la Garde des Sceaux et la Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse avaient assuré que certaines mesures d’application immédiate introduites dans la loi de programmation 2018-2022 de réforme pour la Justice du 23 mars 2019, permettraient une diminution du nombre d’enfants placés en détention provisoire, notamment grâce à l’encadrement des conditions de révocation du contrôle judiciaire et à la réduction de la durée du maintien en détention provisoire des mineur-e-s de 13 à 15 ans une fois l’instruction terminée. Force est de constater que ces mesures n’ont eu en réalité aucun impact.

Que dire alors du projet de code de la justice pénale des mineurs déposé le 11 septembre 2019 en Conseil des ministres, dont la diminution de l’incarcération des mineur-e-s est l’un des objectifs affichés ?

Si ce projet se présente comme « innovant » et « tourné vers l’éducatif », il ne prévoit en réalité aucune mesure susceptible de renverser véritablement le paradigme de ces dernières années, à savoir l’augmentation des mesures répressives et expéditives à l’égard des enfants. Il ne fixe aucun âge effectif d’irresponsabilité pénale de l’enfant. Il fait abstraction de ce que l’enfant mis en cause est d’abord un enfant en danger. Il confond rapidité et efficacité. Il ne garantit aucunement le retour à l’application effective des principes fondateurs de l’ordonnance du 2 février 1945, à valeur constitutionnelle, et particulièrement celui de la primauté de l’éducatif sur le répressif.

Pire encore, les missions éducatives qui consistent à accompagner un enfant dans toutes les dimensions de sa problématique pour participer à sa sortie de délinquance sont amenées à disparaître au profit d’une mesure probatoire de mise à l’épreuve contrainte dans un délai particulièrement réduit, à visée principalement comportementaliste.

Sortir de la logique des politiques répressives qui se sont accumulées au fil du temps et faire le choix de l’éducation, c’est remettre radicalement en cause la logique de l’enfermement desmineur-e-s. Cela nécessite de passer par la déconstruction d’un certain nombre d’idées reçues sur la justice des enfants selon lesquelles les délinquant-e-s juvéniles seraient plus nombreux-ses, plus jeunes et plus violent-e-s qu’autrefois, préjugés que même les statistiques du ministère invalident.

Un enfant qui passe à l’acte est avant tout un enfant en danger. Il ou elle est une personne en construction qui a besoin d’être entouré par des adultes en qui il ait suffisamment confiance pour trouver une légitimité au cadre qui lui est imposé et l’envie ainsi que les ressources nécessaires pour s’insérer socialement. Pour cela, la justice des enfants a surtout besoin de temps et de moyens tant financiers qu’humains et d’une réforme humaniste et émancipatrice fondée sur la protection et l’éducation. C’est cela que nos organisations continueront de défendre au travers de la mobilisation contre ce projet de Code de la justice pénale des mineurs.

Signataires : SM, SAF, SNPES-PJJ/FSU, CGT PJJ, Ligue des droits de l’Homme (LDH), OIP, CGT SP, SNUTER, SNUASFP, SNEPAP, Genepi, DEI-France, CGT, FSU, Solidaire, Solidaire Justice, FCPE75, Avocats du Barreau de Paris, CNB.

Paris, le 26 septembre, 2019

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Source: Le projet de code de la justice pénale des mineurs : des propositions inadaptées pour lutter contre l’enfermement des enfants

Déclaration liminaire commune sur le projet de loi de programmation pour la justice 1 février 2019

Suite de la table ronde du 30 janvier 2019 sur le projet de loi de programmation pour la justice devant la Commission des lois du Sénat

Au-­delà des organisations invitées aujourd’hui, qui représentent les acteurs de la justice en juridiction au sens strict, le projet de loi de programmation pour la justice suscite une opposition large au sein des acteurs du monde de la justice dans son ensemble. Ainsi, par cette déclaration commune, ce sont, en plus de la CGT chancellerie et services judiciaires, de la CFDT, de l’Unsa services judiciaires, du SDGF‐FO, de la Conférence des Bâtonniers, du Barreau de Paris, de la FNUJA, du Syndicat des avocats de France et du Syndicat de la magistrature, présents à cette table ronde, également le SNPES‐PJJ, le SNEPAP, la CGT insertion et probation, la CGT­‐PJJ, Solidaires, la Ligue des droits de l’Homme, le Genepi et l’Observatoire international des prisons qui expriment leur opposition à un texte qui va dégrader considérablement les conditions dans lesquelles la justice sera rendue en France.

Cette mobilisation générale du monde de la justice s’est concrétisée le 15 janvier dernier par une manifestation qui a regroupé 8 000 professionnels et citoyens qui refusent de voir leur justice être ainsi dégradée.

Nous n’agissons pas par corporatisme, bien au contraire. Nos organisations représentent des professions et des positions différentes, dont les intérêts ne se recoupent pas nécessairement, voire divergent. Mais ce ne sont pas ces intérêts propres qui nous mobilisent, et qui nous ont réunis le 15 janvier. Ce qui nous rassemble est bien au­‐delà des intérêts de chacune de nos professions ou de nos organisations, c’est la défense d’une justice de qualité, égale pour tous, protectrice des libertés, et rendue dans des conditions respectueuses des justiciables.

Nous n’agissons pas non plus par conservatisme, bien au contraire. Nous voyons mieux que quiconque les faiblesses et les insuffisances d’un service public de la justice exsangue : notre point commun est de les vivre au quotidien, face aux justiciables.

La France compte 10 juges, 3 procureurs et 34 greffiers pour 100 000 habitants, contre une moyenne de 22 juges, 11,7 procureurs et 69,6 greffiers parmi les 45 Etats du Conseil de l’Europe. Le budget que la France alloue à ses services judiciaires est de 65,9 euros par habitant. En Europe occidentale, seuls la Grèce, l’Irlande et le Portugal font moins. L’Allemagne fait presque le double. Et nous ne pouvons pas entendre que l’argent manquerait : avec 0,20 % de son PIB consacré à la justice contre une moyenne de 0,31 %, la France est au fond du classement du Conseil de l’Europe. 37ème sur 42. Derrière des Etats comme la Moldavie, l’Ukraine, l’Albanie, la Turquie, la Russie ou la Bosnie-­Herzégovine. Le fait d’allouer une part si faible de la richesse nationale à la justice est un choix politique délibéré.

Dans ces conditions, les incantations au « mieux avec moins » sont inaudibles, voire violentes. Allez dire à un procureur français qu’il doit être plus efficace, alors qu’il traite 3 465 procédures par an contre une moyenne de 578 en Europe !

Le projet de loi feint de répondre à cette urgence, en prévoyant une augmentation de 24 % du budget du ministère de la justice et la création de 6 500 emplois d’ici 2022. Mais ces ressources sont presque intégralement consacrées à l’administration pénitentiaire, et n’amélioreront en rien la manière dont est rendue la justice. Derrière les éléments de langage, les actes : le budget des services judiciaires pour 2019 est en augmentation de 1,72 % pour l’année 2019, pour une inflation de 1,8 % en 2018. Donc en euros constants, il baisse.

Le projet de loi de programmation n’a pas pour objet de donner au service public de la justice les moyens de remplir ses missions. Et encore moins d’améliorer le service apporté au justiciable. Au contraire, cette ensemble hétéroclite de mesures qui touchent des domaines très divers est traversé par une logique d’une certaine cohérence : c’est une loi de rationnement, dont l’objet est d’organiser la pénurie, et de la concilier avec un certain niveau de productivité, en sacrifiant tout ce qui peut l’être, au mépris du sens même du service public de la justice.

­‐ Sacrifier l’accès de tous à la justice avec l’idée à peine dissimulée, et déjà expérimentée avec les conseils des prud’hommes, qu’une justice moins accessible est une justice moins saisie, donc moins chargée. La dématérialisation non contrôlée sans prise en compte de la fracture numérique, la suppression des tribunaux d’instance qui porte en germe la dévitalisation de la justice de proximité, la mise en place de « pôles de compétence » civils qui entraîneront un éloignement géographique, l’absorption des greffes des conseils des prud’hommes par le tribunal judiciaire, qui videra les CPH de leur substance… s’inscrivent dans cette logique.
­‐ Sacrifier la qualité du débat judiciaire, avec l’idée que l’audience judiciaire serait un luxe coûteux dont il faudrait faire usage avec parcimonie. Au pénal, c’est l’expérimentation d’une justice criminelle sans jurés, le développement du recours imposé à la visio­‐conférence, et la généralisation des réponses simplifiées et superficielles et de l’audience à juge unique, au détriment du débat judiciaire collégial. Au civil, c’est l’instauration d’une procédure sans contact humain pour les « petits litiges » et la création d’une « juridiction nationale des injonctions de payer », véritable distributeur automatique au service des organismes de crédit.
­‐ Sacrifier des missions de l’autorité judiciaire, faisant fi du rôle protecteur de l’autorité judiciaire. En matière civile, des missions sont privatisées, en confiant des prérogatives aux CAF en matière de révision des pensions alimentaires ou en imposant le recours obligatoire à des plateformes privées et payantes de médiation. En matière pénale, des missions pourtant essentielles de contrôle de l’autorité judiciaire sur l’activité des services de police sont purement et simplement abandonnées.

Au­‐delà de cette logique de rationnement, le texte marque, à rebours des éléments de langage, un biais bien peu favorable aux libertés :

­‐ La baisse généralisée des seuils de recours aux techniques d’enquête intrusives et leur extension dans le cadre beaucoup moins protecteur de l’enquête préliminaire marquent un recul fort de la protection des libertés publiques et des droits de la défense, auquel le Sénat a été particulièrement sensible en première lecture.
­‐ La construction prévue de nombreuses places de prison, la réduction des possibilités d’aménagement de peine ab initio et la mise en place de mandats de dépôt « différés » conduiront à l’augmentation des incarcérations. La construction annoncée de 20 nouveaux centres éducatifs fermés, structures qui ont pourtant largement montré leurs limites et leurs défaut, participe de la même logique de promotion de l’enfermement.
‐ Enfin, le vote par surprise et dans l’improvisation le plus totale d’une habilitation du gouvernement à réformer en totalité la justice pénale des enfants et des adolescents par voie d’ordonnance, sans réflexion ni débat laisse craindre le pire.

En tous domaines, le texte entérine un retrait et un affaiblissement de la justice, dans le seul souci d’économies de bouts de chandelle.

Si nous sommes mobilisés ensemble, ce n’est pas pour défendre des intérêts catégoriels mais pour défendre le sens même de nos professions, qui est attaqué par ce texte. Si la justice ne représente plus un moyen accessible à tous de régler les litiges par le droit, après avoir entendu les parties, le risque est fort de voir les conflits aujourd’hui régulés par l’autorité judiciaire s’exprimer par des moyens beaucoup moins respectueux de l’intérêt général.

Paris, le 31 janvier 2019

Signataires : CGT chancellerie et services judiciaires, CFDT, Unsa services judiciaires,SDGF‐FO, Conférence des Bâtonniers, Barreau de Paris, FNUJA, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature, SNPES‐PJJ, SNEPAP, CGT insertion et probation, CGT­‐PJJ, Union syndicale Solidaires, Ligue des droits de l’Homme, Genepi, Observatoire international des prisons



Source: Déclaration liminaire commune sur le projet de loi de programmation pour la justice

Suppression de l’ordonnance du 2 février 1945 en catimini 1 février 2019

Communiqué commun

La Justice des mineur-e-s subit encore les effets dévastateurs du virage sécuritaire des lois Perben de 2002/2003 qui sont venus déconstruire l’esprit progressiste de l’Ordonnance de 45 en mettant de nouveau en place des Centres Fermés, en créant de nouvelles prisons pour enfants (EPM) et en renforçant la dimension répressive au mépris de la primauté de l’éducatif. Le gouvernement actuel s’obstine dans cette voie autoritaire et sans issue. Il impose en catimini, par voie d’ordonnance, d’une part une réforme de l’ordonnance de 1945 et d’autre part un code de la justice pénale des mineurs.

La Garde des Sceaux réaffirme que la justice des mineur-e-s n’est ni assez rapide ni assez sévère. C’est sans prendre en compte toutes les modifications qui ont déjà eu lieu en ce sens depuis 20 ans. Nous contestons cette logique sécuritaire qui aligne dangereusement la justice des enfants sur celle des adultes.

Cette volonté de réforme est d’autant plus inquiétante qu’elle fait suite à la commande politique d’un programme de création de 20 nouveaux CEF de 2019 à 2021. Ces structures concentrent à elles seules des moyens financiers conséquents (690 euros en moyenne par jour et par jeune) tandis que leur fonctionnement est décrié par plusieurs institutions de la République telles que le Défenseur des droits, la CGLPL (Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté) et la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’Homme).

Ce durcissement de la justice des enfants ne tient aucunement compte de la hausse constante et historique de leur incarcération (plus de 800), de l’inefficacité avérée de la politique répressive d’enfermement  et de l’inadaptation des mesures probatoires à la psychologie adolescente.

Il s’agit d’un refus idéologique de prendre en compte la fragilité et la complexité de l’enfance et de l’adolescence ainsi que la dimension de précarité économico-sociale dans laquelle se trouvent nombre d’enfants sous main de justice.

Les réponses actuelles apportées favorisent les mesures de contrôle, d’enfermement et de punition au mépris d’une justice émancipatrice. La justice des mineur-e-s a besoin de temps, de moyens et de bienveillance à l’égard de ces enfants.

Si l’ordonnance de 1945 régissant le droit pénal des mineur-e-s doit être réformée, c’est pour en réaffirmer son préambule, la primauté de l’éducatif sur le répressif, et donc d’en exclure les mesures transposées du code pénal des majeurs.

Un jeune qui est poursuivi pour un acte de délinquance est avant tout un enfant en danger,  il reste un enfant et doit l’être dans toute sa complexité aux yeux de la justice. 

La création d’un code de la justice pénale des mineur-e-s viendra inévitablement remettre en question cette notion primordiale en réduisant l’adolescent.e à son seul passage à l’acte et inscrira les professionnels de la PJJ dans une dynamique strictement répressive au détriment de la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

L’ordonnance du 2 février 1945 ne doit pas être réformée sans débat, sans prise en compte des besoins réels des jeunes, sans retour à une philosophie bienveillante, protectrice et émancipatrice et sans réelle redistribution des moyens vers les services éducatifs d’insertion, de milieu ouvert et d’hébergement.

Après la manifestation du 15 janvier 2019 contre la réforme de la Justice, nous appelons à un rassemblement le samedi 2 février 2019 à 14h00 : à Paris devant le ministère de la Justice, Place Vendôme (croisement rue de la Paix/ rue Danielle Casanova) et en régions pour contester le projet prévu de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 et exiger une véritable réforme qui rappelle la primauté de l’éducatif.

Paris, le 30 janvier 2019

Signataires : Spnes PJJ, Syndicat de la magistrature, CGT, Saf, Ligue des droits de l’Homme, OIP, Union syndicale Solidaires, FNUJA, FSU, Genepi, Ares.

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Source: Suppression de l’ordonnance du 2 février 1945 en catimini

Projet de loi justice : défendons ensemble une justice de qualité pour toutes et tous 11 janvier 2019

Communiqué commun et appel à rassemblement le 15 janvier 2019 à Paris

Le projet de loi de programmation 2018 – 2022 pour la justice a été adopté en première lecture au terme d’un débat parlementaire chaotique marqué par l’ajout en dernière minute et sans préavis de nouvelles dispositions aux conséquences lourdes dont un amendement qui permet de réformer par voie d’ordonnance la justice des mineurs. Malgré la ferme opposition des acteurs du monde judiciaire, rejoints dans leurs analyses par des institutions telles que le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, le gouvernement persiste dans sa volonté de passer en force.

Le texte doit de nouveau être examiné au Parlement à partir du 15 janvier à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire.

Nous affirmons notre opposition à un projet qui aura pour effet de dégrader les conditions dans laquelle la justice est rendue. A l’insuffisance des moyens de la justice française, le gouvernement répond par une logique de rationnement.

Cette réforme sacrifie la qualité du débat judiciaire, l’accès de tous à la justice, les libertés individuelles et les droits de la défense dans une course aveugle à la productivité et aux économies d’échelle. Elle ne peut pas être adoptée en l’état, à marche forcée, au mépris de l’opposition des professionnels et des organisations de défense des droits, au moment même où un « grand débat national » est ouvert sur les questions de citoyenneté, du service public et de son organisation territoriale, en réponse aux mouvements sociaux qui secouent le pays.

Nos organisations sont déterminées à défendre une justice de qualité, accessible, égale pour tous et protectrice des libertés. Nous appelons donc l’ensemble des professionnels de la justice et des associations œuvrant pour l’accès aux droits à poursuivre leur mobilisation afin que l’examen de ce projet de loi ne soit pas poursuivi. Nous demandons au Premier ministre de recevoir une délégation de représentants de nos organisations à l’issue de la manifestation pour entendre nos revendications.

Retrouvons-nous, unis toutes et tous ensemble, professionnels et citoyens,
le 15 janvier 2019 à 11h30, place Saint-Michel à Paris, pour un départ du cortège en direction des Invalides à 13H.

 

Organisations signataires :

Barreau de Paris, CGT chancellerie et services judiciaires, CGT insertion, CGT-PJJ, Conférence des Bâtonniers, Conseil national des barreaux, Droit au logement, Fédération nationale des Associations représentatives des étudiants en sciences sociales (ARES), FNUJA, FSU, Genepi, La CGT, Ligue des droits de l’Homme, Observatoire international des prisons, SNEPAP – FSU, SNPES-PJJ/FSU, Solidaires, Solidaires-justice, Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France.

Paris, le 10 janvier 2019

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Source: Projet de loi justice : défendons ensemble une justice de qualité pour toutes et tous

Demande d’entretien sur la question de la justice des mineur-e-s (en lien avec la Loi de Programmation Justice 2018-2022) 21 décembre 2018

Lettre d’interpellation de plusieurs associations, dont la LDH, à l’attention de la ministre de la Justice

 

Paris, le 20 décembre 2018

Madame La Ministre de la Justice,

Nous sollicitons un entretien le plus rapidement possible, d’une part sur les points attenants à la justice des mineur-e-s intégrés dans le projet de loi de finances 2019, principalement la création de 20 nouveaux centres fermés pour mineur-e-s, d’autre part sur l’habilitation que vous avez obtenue de la part des parlementaires, dans le cadre du projet de loi de programmation de la justice 2018-2022, pour réformer la Justice des enfants par voie d’ordonnances.

En effet, cette annonce de dernière minute, alors qu’il n’était plus possible de déposer des amendements et sans attendre le rapport de la mission des députés sur la Justice des mineur-e-s, nous inquiète fortement. Elle s’apparente, selon nous, à un passage en force du gouvernement sur un sujet essentiel et sensible qui nécessite au contraire un véritable débat démocratique inscrit dans le temps.

Dans vos premières déclarations, vous évoquez l’idée de juger plus vite les mineur-e-s « sans angélisme, ni démagogie » et d’apporter une réponse « plus prompte » aux victimes. Pourtant, vous n’êtes pas sans savoir qu’au fil du temps, l’ordonnance du 2 février 1945 a été profondément modifiée et que ces évolutions ont surtout eu pour effets d’afficher une plus grande sévérité à l’égard des mineur-e-s, par des procédures accélérées et un traitement tendant à se rapprocher de celles des majeur-e-s. Le principe de responsabilisation à outrance de l’enfant est venu progressivement suppléer ceux de protection et d’éducation qui sont pourtant les principes fondateurs de la Justice des enfants. Le décentrage au pénal des missions de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), le postulat de la réponse pénale à chaque acte, ainsi que la pratique bien trop répandue du déferrement participent au développement de cette tendance et au recours de plus en plus fréquent au contrôle judiciaire, plutôt qu’à des mesures éducatives. La première des conséquences est l’augmentation constante de l’enfermement des mineur-e-s. Au 1er octobre 2018, 835 adolescent-e-s étaient incarcéré-e-s, auxquels il faut ajouter le chiffre gris des jeunes condamné-e-s majeur-e-s pour des faits commis lors de leur minorité, ainsi que les mineur-e-s placé-e-s dans les 52 centres fermés existants.

L’invocation de la nécessité d’offrir une réponse « plus prompte » aux victimes est purement opportuniste. Le soutien aux victimes ne passe pas par des voies procédurales accélérées pour les jeunes.

De la même manière, l’injonction à la « responsabilisation » est de pur affichage et laisse à croire que la réflexion sur l’acte commis n’est pas déjà partie prenante d’un travail éducatif, qui s’appuie sur les besoins de l’enfant et suppose l’installation, dans le temps, d’un lien de confiance entre l’enfant, sa famille et les professionnels qui les accompagnent.

Dans vos choix budgétaires ensuite, vous actez une évolution délétère de la justice des enfants et adolescent-e-s, en consacrant des moyens exorbitants à l’enfermement au détriment des services éducatifs et d’insertion de milieux ouverts. Vous vous refusez à donner aux tribunaux des moyens à la hauteur des enjeux, qui impliquerait de combler les vacances de postes de fonctionnaires et magistrats outre les nécessaires créations de postes qui permettraient de lutter contre la surcharge des cabinets, d’assurer la présence de greffier-e-s aux audiences d’assistance éducative, et plus globalement des conditions matérielles d’accueil et d’exercice dignes. Nous ne nous en étonnons guère tant cette logique irrigue déjà le projet de loi de programmation de la Justice, qui organise le démantèlement du service public de la justice, éloigne les justiciables et aggrave les inégalités devant la Justice.

Tandis que la délinquance juvénile n’a pas augmenté depuis 15 ans, nos organisations interpellent votre ministère depuis mai 2017, sur l’augmentation notable de l’enfermement des enfants, notamment depuis octobre 2016.

Notre alerte vous a conduit à saisir la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) qui a rendu un avis le 27 mars 2018 portant notamment un regard extrêmement critique sur les centres fermés. Elle rappelle le coût exorbitant de ces structures (690 euros du prix de journée, par jeune), tout en en soulignant les dysfonctionnements réguliers, parfois graves, entraînant des fermetures administratives (6 en 2017). Elle relève que la durée moyenne d’un placement dans ces structures est actuellement de 4 mois au lieu de 6 avec un taux de fugue très élevé. Elle met en avant le fait que la privation de liberté imposée dans ce cadre à des jeunes qui ne parviennent pas à y adhérer en raison de leur problématique crée de « fortes tensions relationnelles, au sein desquels les situations peuvent dégénérer ». Enfin, elle recommande de ne pas ouvrir 20 centres fermés supplémentaires.

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) fustige également les centres fermés pour mineur-e-s dans son rapport d’activité pour 2017 en rappelant les faiblesses déjà identifiées : « qualité insuffisante des projets éducatifs, absence de maîtrise de la discipline, insuffisante association des familles ou des éducateurs du milieu ouvert à l’action éducative, instabilité des équipes, (…) ». Elle poursuit en expliquant que « les visites du CGLPL en 2017 ne permettent pas d’observer une évolution notable des CEF dont la maîtrise demeure dramatiquement insuffisante : des situations de violence, des pratiques disciplinaires abusives, des équipes disloquées et des prises en charge éducatives indigentes ont été observées. ».
Cette année encore, les dysfonctionnements graves, ayant entraîné ou susceptibles d’entraîner des fermetures administratives dans ce type de structure sont nombreux, par exemple à Beauvais, la ferme de Fragny, à Dreux, Pionsa ou encore Epinay sur Seine.

Enfin, le 28 septembre 2018, la mission sénatoriale d’information sur la réinsertion des jeunes enfermé-e-s reconnaît que les centres fermés sont devenus des « antichambres » de la prison, « le non-respect par le mineur des contraintes liées à son placement pouvant entraîner son incarcération ». Elle préconise que l’ouverture de nouveaux centres fermés ne soit pas mise en œuvre par la fermeture de foyers classiques et en mordant sur les moyens destinés à l’accompagnement éducatif en milieu ouvert. Or, cette année, trois foyers fermeront. Si votre projet devait aboutir, les 72 centre fermés concentreraient l’essentiel des moyens, au détriment des 63 structures d’hébergement classiques, qui deviendraient ainsi minoritaires.

Vous ne pouvez continuer à minimiser la dimension privative de liberté de ces centres fermés, tant par l’enfermement qui leur est propre que parce qu’ils contribuent à nourrir l’incarcération des mineur-e-s qui n’en respectent pas les règles. L’expérience montrant que la création de places s’accompagne d’une hausse de l’enfermement, il ne fait pas de doute que, si vous persistiez, nous serions témoins d’une nouvelle croissance de l’incarcération des mineur-e-s.

Il y a urgence à recentrer la justice des enfants sur son principe fondateur : privilégier l’éducatif sur le répressif. Cela passe par l’instauration d’une justice protectrice et émancipatrice, la réintroduction significative des mesures civiles à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, le redéploiement des moyens actuellement dévolus à l’enfermement vers les tribunaux pour enfants et les services éducatifs de milieu ouvert, d’insertion et d’hébergement, la marginalisation des procédures rapides, de la détention provisoire, du contrôle judiciaire, le recrutement et la diminution de la charge de travail des équipes éducatives pluridisciplinaires, des fonctionnaires de greffe et des magistrat-e-s. La Justice des enfants a toujours et surtout besoin de temps et des moyens.

En faisant le choix de légiférer par ordonnance, vous déniez aux professionnel-le-s engagé-e-s, forts de leurs expériences et de leur savoir-faire, la capacité d’intervenir dans le processus démocratique, vous manquez de considération pour les jeunes, et notamment celles et ceux les plus en difficultés. Vous devez entendre les différentes organisations signataires de ce texte et même au-delà, car il s’agit d’un sujet trop sérieux pour ne pas prendre le temps des échanges et du débat au sein de la société civile, dans son ensemble : « La France n’est pas assez riche de ses enfants pour en négliger un seul ».

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Source: Demande d’entretien sur la question de la justice des mineur-e-s (en lien avec la Loi de Programmation Justice 2018-2022)

Projet de loi Justice : contre la destruction du service public défendons ensemble « une justice pour toutes et tous » 21 décembre 2018

Appel à rassemblement de plusieurs associations, dont la LDH, le 15 janvier 2019 à Paris

Le projet de loi de programmation 2018 – 2022 pour la Justice a été adopté en première lecture au Sénat et à l’Assemblée nationale, au terme d’un débat parlementaire chaotique marqué par la surdité du gouvernement malgré la ferme opposition de tous les acteurs judiciaires, alors qu’ils sont les premiers à appeler de leurs vœux une évolution de la qualité et des moyens du service public de la justice. Il doit être examiné à nouveau début 2019 à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire.

Le sommet fut atteint lorsque la ministre fit voter par surprise et dans la précipitation rien de moins que l’habilitation à réformer l’ensemble de la justice pénale des enfants et adolescents par voie d’ordonnances comme s’il s’agissait d’un sujet anodin, qui ne méritait ni consultation des professionnels, ni débat parlementaire.

Un amendement présenté par le groupe « la République en marche » vise à supprimer les greffes des Conseils des Prud’hommes lorsque ceux-ci ont leur siège dans la même commune que le tribunal judiciaire ou l’une de ses chambres détachées. Une telle mesure conduirait à priver cette juridiction particulière car composée de juges non professionnels d’un outil incontournable et indispensable à son fonctionnement. Elle traduit la volonté des pouvoirs publics de supprimer à terme cette juridiction.

Ces derniers événements démontrent le mépris dans lequel sont tenus les professionnels de la justice, bien qu’ils soient rejoints dans leurs analyses par des institutions telles que le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme. Ce mépris est monté d’un cran, les rapporteurs du projet de loi à l’Assemblée nationale diffusant sur les réseaux sociaux de nombreux messages pour qualifier les analyses des professionnels de justice de « fake news », avec des arguments iniques et en totale rupture avec la réalité du fonctionnement de la justice.

Nos organisations manifestent depuis l’origine leur opposition à un projet qui dégrade considérablement le service public de la justice. C’est pour cela que nous refusons notamment :

  • un projet qui organise la disparition des tribunaux d’instance, seule véritable justice de proximité ; qui crée une « plate forme » nationale de traitement des injonctions de payer, par voie intégralement dématérialisée et qui ouvre la porte à la dévitalisation de certaines juridictions par la possibilité de faire varier leurs compétences d’un ressort à l’autre, au détriment de la lisibilité, de l’accessibilité de la justice et de la qualité du service rendu ;
  • un projet qui entend éloigner les justiciables les plus modestes des instances de justice en étendant l’obligation de représentation comme pour le contentieux des élections professionnelles, la dématérialisation de la saisine malgré la fracture numérique ;
  • la privatisation du service public par le recours à des services privés en ligne pour les prestations d’aide à la résolution amiable des litiges, qui pourront se fonder sur un traitement algorithmique sans garantie sur la protection des données personnelles ;
  • un projet qui prétend réduire le recours à l’enfermement alors qu’il renforce en fait la place de l’emprisonnement en réduisant les possibilités d’aménagement, en facilitant le prononcé de mandats de dépôt, en créant une peine de détention à domicile sous surveillance électronique réduite à un pur pistage sans accompagnement ; la contrainte pénale est enterrée et l’amendement du Sénat en faveur d’une peine de probation sans référence à l’emprisonnement a été rejeté, la primauté de l’emprisonnement étant de fait réintroduite ;
  • l’ouverture annoncée en marge du PJL de 20 nouveaux centres fermés pour les mineurs qui vont transformer durablement les missions éducatives et la philosophie du placement à la PJJ ;
  • l’abrogation de l’ordonnance du 2 février 1945 et la promulgation d’un code pénal des mineurs sans concertation avec les professionnels de l’enfance et de l’éducation qui laisse craindre la remise en cause de la primauté de l’éducatif ;
  • le recul sans précédent du contrôle de l’autorité judiciaire sur le travail policier, la marginalisation continue du juge d’instruction dans le but – recherché depuis longtemps – de le supprimer à terme, la régression du débat judiciaire, du principe de la contradiction, des droits de la défense et de manière générale des garanties de la procédure pénale.

 

Cette réforme ne résoudra rien, au contraire elle accélèrera la dégradation des conditions dans lesquelles la justice est rendue en France. Elle sacrifie sur l’autel de la rationalisation, de la pseudo modernisation et de la productivité, les libertés individuelles, les droits de la défense, la protection des victimes, la qualité du débat judiciaire et l’accès de toutes et tous à la justice.

Ce projet de loi constitue un désengagement massif de l’état dans le service public de la justice et accentue encore l’abandon des quartiers populaires et des territoires ruraux ou ultrapériphériques, pourtant décriés par le mouvement social qui secoue actuellement la France.

Au même titre que l’éducation, les transports, l’emploi, le logement ou la santé, l’accès au droit, facteur de paix civile, est aujourd’hui l’objet d’une véritable fracture sociale et territoriale dans notre pays.

Puisqu’il ne peut y avoir de réconciliation nationale sans une justice apaisée dotée des moyens indispensables à son bon fonctionnement, il est urgent d’abandonner ce projet de loi et d’organiser les conditions d’un véritable débat public sur l’égalité d’accès à la justice dans les territoires, l’accès aux droits de nos concitoyens, leurs libertés individuelles et publiques, et la politique pénale de notre pays.

Nos organisations sont déterminées à défendre une justice de qualité, accessible, égale pour tous et protectrice des libertés. Nous appelons donc l’ensemble des professionnels de la justice et les associations œuvrant pour l’accès aux droits à poursuivre les mobilisations pour s’opposer au projet de réforme jusqu’à son retrait pur et simple.

Retrouvons nous, unis toutes et tous ensemble, professionnels de justice et justiciables, le 15 janvier 2019 à Paris, dans le cadre d’une journée nationale « Justice pour tous », pour exiger le retrait de ce projet et affirmer notre revendication d’un service public de la justice au service de la population !

Paris, le 19 décembre 2018

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Source: Projet de loi Justice : contre la destruction du service public défendons ensemble « une justice pour toutes et tous »