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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives du tag : Services publics

4 avril 2024 – Tribune “La vision de services publics à vocation universelle est largement remise en cause” publiée dans le monde 7 avril 2024

Tribune à l’initiative du collectif Nos services publics et signée par Patrick Baudouin, président de la LDH

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Depuis plus d’un mois, des milliers d’enseignants, d’élèves et de parents d’élèves de Seine-Saint-Denis sont mobilisés pour obtenir des recrutements en adéquation avec le nombre d’élèves, des chaises en état et des bâtiments sans fuites d’eau. Depuis plus d’un mois, au Mans, les équipes des urgences du centre hospitalier sont en grève pour un accueil décent de leurs patients en service psychiatrie. Dans le même temps, cheminots et militants écologistes font entendre leur voix pour la défense du fret ferroviaire.

Ces mobilisations sont marquées par un sentiment commun d’être au pied du mur. Elles ne réclament ni plus ni moins que l’essentiel : de la décence dans les conditions de travail et le respect des droits élémentaires des usagers. Mais leur portée va bien au-delà de ces revendications, de leur territoire ou de leur secteur. Elles disent l’attachement, partout en France, à la vocation universelle des services publics et le refus de la dualisation de la société en cours devant ce qu’il est en train de devenir : un service public pour les pauvres, donc un pauvre service public.

Le glissement est enclenché depuis plusieurs décennies déjà. Au-delà même de l’évolution démographique, les besoins de la population ont progressé – hausse du nombre de jeunes allant jusqu’au baccalauréat, augmentation massive des maladies chroniques, urgence climatique –, pourtant, les moyens des services publics, comprimés, n’ont pas suivi cette évolution des besoins. Un écart croissant s’est constitué entre les besoins de la population et les moyens de l’école publique, de l’hôpital ou de la justice, disparaissant ou construisant un espace pour le développement de services privés.

Changement de nature

Les collèges privés sous contrat ont vu la proportion d’enfants de parents diplômés passer de 29 % en 2003 à 40 % en 2021, pendant que la composition sociale des établissements publics restait stable. Les cliniques privées à but lucratif se sont spécialisées dans les actes les plus programmables et les plus rentables – elles effectuent 75 % des actes de chirurgie ambulatoire –, là où l’hôpital public continue d’assurer la majorité des urgences, des soins les plus lourds et de l’accueil des patients précaires. Transports, justice, Sécurité sociale : tous les secteurs sont concernés par cette évolution. Même le domaine régalien de la sécurité, que l’on pourrait penser sanctuarisé, voit se multiplier les emplois de vigiles privés.

Ces transformations vont bien plus loin que la seule dégradation des conditions de travail et d’accueil. Lorsque la possibilité est donnée à une fraction de la population de faire sécession, c’est l’ensemble du service public qui change de nature. Quand le service public n’accueille plus que les moins aisés, il devient un moindre service public. Résulte de ce processus la cristallisation d’une société à deux vitesses. Un service public inaccessible et aux moyens limités pour les moins favorisés, qui demande à ses agents de classer et de contrôler plutôt que d’accompagner, et des offres de services payantes pour ceux qui en ont les moyens. Ces services onéreux n’offrant, au demeurant, pas la moindre garantie de qualité, comme l’ont récemment montré les scandales des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou des crèches privées.

C’est ce basculement que refusent les mobilisations actuelles : de moins en moins à même de répondre aux besoins essentiels de la population, les services publics perdent leur capacité à maintenir la cohésion de la société. Les agents en éprouvent tous les jours les conséquences, à rebours de leur éthique professionnelle : tri des patients, sélection des élèves, recul des droits des usagers. Si c’est en Seine-Saint-Denis, dans les zones rurales, auprès des patients atteints de maladies psychiatriques, parmi les personnes étrangères ou celles qui sont le plus éloignées du numérique que cette fragilisation commence à se faire sentir, le mouvement en cours est bien celui d’une fracturation de l’ensemble de notre société. Et les gouvernements successifs ont aggravé cette fracture : d’une main, en faisant de la « baisse des dépenses » l’horizon indépassable des services publics, et, de l’autre, en finançant sur les fonds publics les écoles sous contrat, les cliniques commerciales, ou en favorisant l’accroissement des assurances complémentaires, et parmi elles de celles à but lucratif.

Rendre les droits aux citoyens

Aujourd’hui, la vision de services publics à vocation universelle est largement remise en cause. Des décisions politiques, très concrètes, pourraient au contraire en réaffirmer le caractère essentiel, à rebours des discours et des actes les plus récents : en systématisant la présence de guichets de proximité en complément d’une offre « dématérialisée », en garantissant l’accès à un logement social sur l’ensemble du territoire, en réaffirmant la vocation de mixité sociale et scolaire de l’école publique, en travaillant à un droit, à une alimentation et à une eau de qualité pour toutes et tous, en refusant le vote de lois de préférence nationale, en assurant un accueil digne aux droits à l’aide médicale de l’Etat, à l’asile et au séjour, etc. Revendiquer des services publics universels n’est pas une abstraction : c’est au contraire rendre, très concrètement, leurs droits aux citoyennes et aux citoyens, et leur liberté et leurs moyens de faire leur travail aux agents des services publics.

Les défis auxquels nous faisons face, au premier rang desquels l’urgence écologique, ne pourront être relevés qu’à condition d’une mobilisation réelle pour construire du commun et préparer l’avenir. Les évolutions actuelles des services publics, qui engagent notre société, appellent un débat de société majeur. A rebours de cette nécessité démocratique, les décisions budgétaires passent désormais exclusivement outre le vote du Parlement, par 49.3, voire, à l’instar des récents plans d’économies, par décret. Il nous appartient aujourd’hui de revendiquer cet horizon de services publics pour toutes et tous, et d’organiser le débat dans la société.

Premiers signataires : Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT ; Arnaud Bontemps, coporte-parole du collectif Nos services publics ; Julia Cagé, économiste ; Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France ; Claire Lemercier, historienne, directrice de recherche du CNRS à Sciences Po ; François Molins, ancien procureur général près la Cour de cassation ; Louise Paternoster, enseignante en maternelle et syndicaliste en Seine-Saint-Denis ; Gilles Perret, réalisateur ; Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature ; Florence Rigal, présidente de Médecins du monde ; Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

Voir plus de signataires

Source: 4 avril 2024 – Tribune “La vision de services publics à vocation universelle est largement remise en cause” publiée dans le monde

Pour des services publics… publics 10 mai 2019

Communiqué LDH

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) considère indispensable que l’intérêt général soit garanti par une instance au-dessus des intérêts particuliers dont l’action n’est pas guidée par la seule rentabilité. C’est là une des expressions concrètes de l’égalité, de la fraternité et de la démocratie. 

En France, cette instance s’appelle le service public, au sens large, dont la mission est d’assurer l’égal accès de toutes et tous qu’il s’agisse du travail, de l’éducation, de la santé, du logement, de la sûreté, etc. C’est aussi l’existence d’un secteur régulé qui reste souverain au sens noble du terme parce qu’il répond à des besoins fondamentaux comme l’énergie, les transports, la culture, etc. C’est une gestion et une gouvernance des biens communs comme l’eau, le climat, la biodiversité, qui relèvent du domaine public.

La notion de services publics et les droits qu’elle garantit aux usagers notamment grâce au statut des fonctionnaires qui, lui, préserve leur neutralité, est attaquée par diverses mesures qui visent la privatisation de nombreux secteurs relevant du bien commun.

Or, les expériences menées dans ce sens par d’autres pays européens montrent que partout, ce choix se traduit par une dégradation des services publics dans tous les secteurs et frappe en particulier les plus démunis. Les récents mouvements citoyens expriment au contraire une demande de davantage de services publics et de démocratie dans les décisions concernant le bien commun.

Pour défendre des services publics qui soient également accessibles à toutes et tous et porteurs de l’intérêt général, toutes les organisations syndicales appellent à la mobilisation ce jeudi 9 mai. La LDH soutient cette mobilisation et invite toutes celles et ceux qui sont soucieux d’égalité, de justice et d’impartialité à y participer.

Paris, le 7 mai 2019

Télécharger le communiqué en format PDF

Source: Pour des services publics… publics

La fonction publique : une idée d’avenir 5 juin 2018

Pétition signée par Malik Salemkour, président de la LDH

Face à la volonté gouvernementale d’imposer  des mesures qui de fait contournent le statut des fonctionnaires, voire le vident de sa substance et qui mettent à mal les services publics, il est indispensable de rappeler en quoi le choix du service public est un choix de modernité et d’affirmer que la fonction publique n’est en rien archaïque ou figée : elle est la condition de services publics garantissant à chacun de nous l’effectivité de nos droits. Parce que c’est l’affaire tous nous voulons défendre son utilité et son rôle dans la société et en appeler à un véritable débat

Privilégiés et trop nombreux, les fonctionnaires ? Dépassé, rigide, inapproprié leur statut ? Ces affirmations, assénées comme des évidences jamais démontrées, visent encore une fois à justifier de prétendues réformes qui, présentées comme de simples modernisations, minent en fait le statut général des fonctionnaires. Elles manifestent une ignorance délibérée de l’histoire, de la réalité et du rôle de la Fonction publique dans notre société et esquivent le débat sur leurs enjeux en termes de cohésion sociale, de solidarités, de développement économique, d’effectivité des droits, de développement durable..
Si le choix a été fait d’un statut défini par la loi et non le contrat, c’est fondamentalement que les fonctionnaires ont en charge l’intérêt général lequel ne peut se réduire à une somme d’intérêts particuliers. La Fonction publique est une construction rationnelle qui répond aux besoins des services publics et aux principes qui les régissent : l’égalité, la continuité, l’adaptabilité, la laïcité. Elle repose sur un certain nombre de principes  liés aux fondements de notre démocratie: le principe d’égalité qui se traduit notamment dans le recrutement par concours, le principe d’indépendance avec la séparation du grade et de l’emploi qui constitue une garantie fondamentale aussi bien pour le fonctionnaire – qui est ainsi protégé des pressions locales ou des tentatives de faire prévaloir des intérêts particuliers- que pour l’usager, pour qui sont ainsi assurées les conditions d’une égalité de traitement et d’une pérennité de l’action publique ; le principe de responsabilité qui rend le fonctionnaire responsable de son action et l’oblige à en rendre compte.
Et ce qui est souvent dénoncé comme des privilèges n’est qu’un ensemble de droits mais aussi de contraintes qui s’articulent pour répondre aux besoins des services publics et des usagers.
Nos services publics ont besoin d’agents qui travaillent ensemble avec des droits et des obligations communs, s’articulant avec des règles particulières adaptées à chacun des secteurs d’activité. C’est ce que permet pour les fonctionnaires leur statut: il assure à la fois le respect de principes fondamentaux et la souplesse de fonctionnement et de gestion.
Ce statut n’est ni un monument ni une pièce de musée; il n’a cessé de vivre, d’évoluer, de s’adapter aux besoins de la société et il doit continuer à le faire. Mais ces évolutions doivent prendre appui sur les principes qui le fondent et être démocratiquement débattues avec les agents et les usagers, à l’inverse de ce qui se dessine actuellement.
Nous devons penser l’avenir, faire face aux enjeux du XXIème siècle, ceux d’une prise de conscience accrue d’un destin commun de l’humanité et d’une affirmation nouvelle de valeurs universelles : droits fondamentaux, protection de l’écosystème mondial, accès aux ressources naturelles indispensables, droit au développement, mobilité des personnes, diversité culturelle, égalité femmes-hommes, devoir d’hospitalité, sécurité… Ils nécessitent que tous, fonctionnaires, usagers, élus, citoyens, construisent par le débat une meilleure prise en charge collective d’un intérêt général de plus en plus étendu : c’est précisément ce que permettent les services publics et la fonction publique et ce qui fonde leur modernité et la nécessité de les préserver.
Et c’est pourquoi nous sommes aux côtés de celles et ceux qui se mobilisent pour défendre et promouvoir ce projet éminemment moderne et progressiste.

Vous aussi, signez la pétition !

Premiers signataires : Gérard Aschieri, membre CESE ; Jean Auroux, ancien ministre ; Roland Berthilier, président de la MGEN ; Frédéric Boccara, économiste, membre du CESE ; Alain Bonhomme, Inspecteur général honoraire des Affaires culturelles ; Françoise Bosman, conservatrice générale honoraire du patrimoine ; Olivier David, président de l’Université de Rennes 2 ; Jérôme Deauvieau, directeur du département sciences sociales de l’ENS ; Jean Paul Delahaye, Inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale ; Jean Paul Demoule, professeur des universités émérite, ancien président de l’INRAP ; Michel Dubromel, président de France Nature Environnement ; Christian Favier, président du Conseil départemental du Val-de-Marne ; Eric Favey, président de la Ligue de l’Enseignement ; Charles Fiterman, ancien ministre ; Jacques Fournier, conseiller d’État honoraire ; Pascale Gonod, professeur des universités ; Yves Jean, Président de l’Université de Poitiers ; Marylise Lebranchu, ancienne ministre ; Anicet Le Pors, ancien ministre, conseiller d’État honoraire ; Willy Pelletier, coordinateur général de la Fondation Copernic ; Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), écrivain ; Sophie Pochic, directrice de recherches au CNRS ; Christophe Prudhomme, médecin urgentiste ; Jacques Rigaudiat, conseiller maître honoraire à la Cour des Comptes ; Philippe Rio, maire de Grigny ; Suzy Rojtman, porte parole du Collectif national pour les Droits des Femmes ; Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS ; Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’Homme ; Aurélie Trouvé co présidente d’Attac

 


Source: La fonction publique : une idée d’avenir