Tribune collective signée par la LDH
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Elles sont enceintes, jeunes accouchées avec leur bébé dans les bras, souvent seules, étrangères, prises en charge par une maternité française et elles sont sans domicile.
Nous sommes soignants, travailleurs sociaux, bénévoles ou professionnels, tous au contact quotidien ou presque de la grande précarité. Chaque nouvelle rencontre d’une de ces femmes, chaque nouveau récit sur les solutions de fortune à même le sol d’une salle d’attente de l’hôpital ou de la remise à la rue d’une mère avec son enfant quelques jours après son accouchement, chaque alerte sur le nombre d’enfants qui dorment dehors, nous désespèrent un peu plus par le manque de solutions à offrir.
Mais aussi tout cela éteint la révolte en nous habituant petit à petit ces situations indignes, sans se rendre compte qu’on finit parfois par tolérer l’intolérable.
Le Samu social alerte chaque année sur ce constat dramatique dans la 6ème économie mondiale : de plus en plus femmes enceintes et des familles dorment dehors sans solution d’hébergement disponible.
Le 20 novembre dernier, leur manifeste le rappelait : 700 enfants dorment dans la rue chaque soir à Paris, 160 en Seine-Saint-Denis.
100 femmes avec un nouveau-né ne trouveraient pas de solution d’hébergement à Paris actuellement.
Être à la rue enceinte ou avec un nouveau-né signifie pas de toit mais également un risque périnatal élevé, pas de couches, pas de vêtements propres, pas de protection contre le chaud ou le froid, peu de solution pour manger et de se reposer, pour allaiter, pour prendre soin d’un bébé, prendre soin de soi.. Les conséquences immédiates ou à long terme sur la santé de la mère et de son enfant sont inacceptables. Il y a eu et il y aura des morts si nous ne faisons rien. Les recours aux soins sont évidemment moins bons avec un risque d’hospitalisation dès la naissance et tout au long de la vie beaucoup plus élevé qu’un enfant vivant dans un environnement sécurisé.
« Les 1000 premiers jours de vie d’un citoyen français sont décisifs, sur le plan affectif, sur
le plan cognitif, c’est là qu’on construit parfois
le pire et qu’on peut bâtir le meilleur. Nous devons avoir, construire, imaginer beaucoup
plus loin que ce qu’on a fait jusque-là̀. »
Emmanuel Macron, 25 avril 2019
« Je ne veux plus de femmes et des hommes dans les rues, dans les bois, ou perdus. C’est une question de dignité, c’est une question d’humanité et d’efficacité là aussi. »
Emmanuel Macron, Juillet 2017
Où est l’égalité quand des enfants mis au monde par les mains expertes des mêmes sages-femmes que nos enfants ont, à peine nés, déjà si lourdement grevés leurs 1000 premiers jours décisifs ? Quand des femmes au moment de leur vie où la plupart sont entourées et protégées sont exposées à la violence de la rue?
Où sont nos engagements et nos valeurs à nous tou-te-s citoyen-nes, soignant-es, directions des hôpitaux, femmes et hommes politiques quand ces situations insupportables se répètent, que nous laissons nos collègues se débattre pour y faire face ?
Où est notre humanité quand depuis des mois ils nous alertent, que nos médias l’écrivent et que nous regardons ailleurs, en ne nous indignant pas de l’inacceptable?
Il est temps de mettre nos engagements et nos actes en cohérence.
Nous demandons dès aujourd’hui un état des lieux de cette situation de crise sanitaire et humanitaire et des propositions concrètes urgentes en accord avec les recommandations des professionnels et des associations concernées pour honorer les devoirs de la France sur la protection et le respect des droits de ces enfants et de leurs familles.
Associations signataires : AIDES, LE COMEDE, LE COMEGAS, LE CENTRE PRIMO LEVI, SOLIPAM, CATRED, CIMADE, GISTI, MEDECINS DU MONDE, MFPF PLANNING FAMILIAL, Syndicat de la Médecine générale, Le MRAP, La LDH, MG France Paris, SOS Hépatites, Act Up Paris, L’AFSV, Le réseau Louis Guilloux, Pôle de santé des Enverges, Maison de santé Pyrénées Belleville, La Case sante
Paris, le 17 décembre 2019