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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives du tag : Revue de presse

12 janvier 2024 – Tribune “Contre la loi de la honte, restons mobilisé-e-s” publiée sur Mediapart 21 janvier 2024

Tribune collective dont la LDH est signataire

Nous, associations, collectifs de personnes exilées, collectivités accueillantes et syndicats, demeurons scandalisé-e-s par la récente adoption du projet de loi asile et immigration, ainsi que par les méthodes utilisées par l’exécutif pour y parvenir. Nous appelons à une forte mobilisation nationale les 14 et 21 janvier contre cette loi de la honte, avant la décision du Conseil constitutionnel.

Le gouvernement a fait le choix d’un texte cruel qui, depuis sa version initiale, remet en cause des droits fondamentaux et des engagements internationaux de notre pays. Depuis près d’un an et demi, il n’a tenu compte ni de la parole des personnes concernées par ce texte, ni des recommandations et propositions formulées par les chercheur-ses, associations, collectifs ou élu-e-s pour répondre aux enjeux de l’accueil et de la solidarité.

Au contraire, pour obtenir coûte que coûte l’approbation du groupe Les Républicains, l’exécutif a laissé se propager des discours et mesures xénophobes dès l’examen de la loi par le Sénat. Alors qu’il était encore temps de retirer le texte après l’adoption de la motion de rejet par l’Assemblée nationale, le choix désastreux a été fait de leur donner l’avantage, en convoquant une commission mixte paritaire.

Cette loi concrétise une victoire de l’extrême droite et de ses idées. Dans ce marasme, il est choquant de constater que les personnes étrangères ne sont, une fois de plus, qu’une variable d’ajustement pour satisfaire des calculs politiciens.

Depuis des mois, le gouvernement n’a cessé de clamer ne pas faire d’alliance avec des partis d’extrême droite ou prônant leurs idées. Des millions de Français-e-s se sont rendu aux urnes en 2017 et en 2022 pour leur faire barrage en donnant leurs voix à Emmanuel Macron.

Aux côtés du ministre de l’Intérieur, le gouvernement de l’époque n’a eu de cesse, dès l’été 2022, de construire la figure parfaite de l’étranger comme bouc-émissaire, responsable de tous les maux, dangers, actes délictueux ou criminels, en employant les amalgames les plus honteux. Des drames tragiques, qui ont frappé notre pays ces derniers mois, ont été instrumentalisés par le gouvernement, afin de justifier de manière abjecte la nécessité de cette loi.

Toutes ces basses manœuvres, tous ces renoncements pour quel impact sur la vie de nos concitoyen-ne-s ? Ce texte n’aura comme résultat que l’aggravation de la précarité pour des milliers d’enfants, de femmes et d’hommes vivant dans notre pays ou tentant de le rejoindre, déjà en proie à un système administratif kafkaïen qui les prive bien souvent d’accès aux droits les plus fondamentaux.

Est-ce de cela dont notre pays a aujourd’hui besoin, de fragiliser les conditions de vie de milliers de personnes et d’augmenter l’arbitraire des décisions qui les concernent ? L’augmentation des inégalités sociales et le renforcement d’un système administratif discrétionnaire et judiciaire affaibli n’ont jamais conduit une société à davantage de sérénité et de cohésion.

Le Conseil constitutionnel a été saisi, notamment par le président de la République. Pourtant garant du respect des institutions et de la Constitution,

Emmanuel Macron a donc sciemment encouragé l’adoption de mesures inconstitutionnelles, avant d’en référer au verdict des Sages, attendu le 25 janvier.

Nous dénonçons cette instrumentalisation politique du contrôle de la loi. Cette manœuvre ne peut que fragiliser durablement notre Etat de droit et la confiance que portent les citoyen-ne-s dans l’exécutif et la représentation nationale.

A l’heure où le dangereux Pacte européen sur l’asile et la migration est sur le point d’aboutir, nous ne pouvons-nous résoudre à faire partie d’une Europe et d’une France qui se replient sur elles-mêmes et légitiment des mesures discriminatoires et inefficaces, piétinant les principes humanistes d’égalité et de solidarité sur lesquels nos sociétés se sont construites.

Face à ces dérives, nous, personnes concernées, actrices et acteurs de la société civile, continuerons à nous opposer à toute mesure fondée sur le concept discriminatoire et illégal de la “préférence nationale” et le rejet de l’autre.

Nous condamnons ce texte et ferons tout pour empêcher son application, aux côtés du corps médical, des universitaires, des collectivités, des départements et autres pans entiers de notre société concernés par cette loi qui ont pris position ces dernières semaines.

Plutôt que de créer davantage de division dans notre pays, construisons dès maintenant ensemble un destin positif pour notre société, qui commencera par l’abrogation de cette loi de la honte. Nous serons pleinement mobilisé·es, les 14 et 21 janvier, pour atteindre cet objectif.

Lire la tribune et la liste des signataires sur Mediapart

Source: 12 janvier 2024 – Tribune “Contre la loi de la honte, restons mobilisé-e-s” publiée sur Mediapart

18 janvier 2024 – Tribune de l’Observatoire de la liberté de création “Quand des femmes prennent la parole pour dénoncer Depardieu, ce n’est pas l’art qu’elles attaquent, c’est un homme” publiée sur Libération 21 janvier 2024

Tribune de l’Observatoire de la liberté de création dont la LDH est membre

Lire la tribune sur Libération

A l’occasion des Biennales internationales du spectacle qui se tiennent à Nantes depuis le 17 janvier, les membres de l’Observatoire de la liberté de création (OLC) qui vient de se constituer en association rappellent que la liberté artistique peut et doit s’articuler avec le respect de l’égalité et la lutte contre toute forme de violence.

Fin décembre 2023, le Figaro publie une tribune pour soutenir Gérard Depardieu. Rappelons ce qui la motive (que cette tribune désigne comme un « lynchage ») : l’acteur fait l’objet de diverses accusations et plaintes pour viols et agressions sexuelle et il est mis en examen dans le cadre de la procédure engagée par la comédienne Charlotte Arnould depuis le 16 décembre 2020. En avril 2023, Médiapart révèle le témoignage de 13 femmes qui accusent Gérard Depardieu de gestes ou propos obscènes lors des tournages de onze films entre 2004 et 2022. En juillet 2023, une autre femme dénonce une agression sexuelle sur un tournage en 2015. Le 10 septembre 2023, l’actrice Hélène Darras dépose une plainte pour agression sexuelle à l’encontre de Gérard Depardieu. Elle l’accuse de l’avoir « pelotée » en 2007 sur un tournage de film. Le 19 décembre enfin, une journaliste espagnole se plaint d’une agression sexuelle en 1995 alors qu’elle venait interviewer le comédien.

Ce dont attestent ces 17 femmes, c’est d’abord du caractère répété du comportement répréhensible du comédien, au vu et au su de toute une profession, sans que personne n’en tire de conséquence, au nom du talent de l’acteur. Or le talent ne peut en aucun cas être une excuse exonératoire. Ce dont attestent aussi ces femmes, c’est de la difficulté d’être entendues sur les tournages lorsqu’elles tentent de se plaindre, de l’attitude vindicative de Depardieu si elles osent parler à la production, de la peur d’être blacklistées et des propos les décourageant de porter plainte, leur assurant qu’elles ne seront pas entendues. D’ailleurs, peu ont franchi le cap de la plainte judiciaire. Ce qu’elles disent enfin, c’est leur solitude face à des violences qu’elles dénoncent comme systémiques dans ce métier.

Nous dénonçons la censure des œuvres et nous opposons à une confusion systématique entre les œuvres et leurs auteurs. Ce que dit un personnage dans une œuvre n’est pas nécessairement, la pensée de l’auteur. Nous réfléchissons au cas par cas aux conflits entre les différents droits et libertés qui composent le grand ensemble des droits humains. Nous invitons à réfléchir aux distinctions entre ce qui peut se passer à l’occasion de rapports sociaux hors de l’œuvre, dans le cadre de sa préparation, de sa réalisation ainsi que de sa diffusion.

Nous considérons que l’on doit faire la différence entre les œuvres et la conduite de ceux qui la créent, ou les incarnent, sans que ceci soit pour autant un dogme absolu. Par exemple, nul ne peut s’abriter derrière la liberté de création pour tenir des propos antisémites et révisionnistes, comme l’a fait Dieudonné à de multiples reprises dans ses spectacles. De même, un réalisateur qui filmerait une violence sexuelle non consentie par une comédienne, ou un plasticien maltraitant physiquement son modèle pour obtenir l’image voulue ne serait pas recevable à se prévaloir de la liberté de création et serait pénalement responsable, comme le comédien se livrant à cette violence. La Convention européenne des droits de l’Homme, qui protège la liberté d’expression (et donc de création, avec ses spécificités) dans son article 10, comporte une disposition que l’on oublie trop souvent et qui est pourtant très éclairante, son article 17 : « Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un Etat, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ».

Abus de pouvoir

Il est arrivé plusieurs fois à la cour de Strasbourg de considérer que celui qui mésuse de la liberté d’expression pour tenir des propos discriminatoires ou révisionnistes ne peut invoquer la liberté d’expression car son but est de détruire la société démocratique égalitaire telle que la promeut la Convention. Forts de notre connaissance du droit, de notre expérience, de nos riches débats internes et de nos prises de position publiques, nous souhaitons dire très fermement que ceux qui invoquent l’Art avec une majuscule comme un « totem d’impunité » pour les prédateurs sexuels mettent la liberté qu’ils prétendent défendre en danger. Si Depardieu était menacé de censure, ou si les œuvres dans lesquelles il a joué l’étaient, l’Observatoire de la liberté de création (OLC) s’y opposerait comme il l’a toujours fait pour d’autres artistes (Polanski, Cantat…). Dans une société démocratique, il revient aux spectateurs de juger les œuvres qu’ils sont libres de voir, ou de ne pas voir, et à la justice de juger les hommes.

Pour autant, le fait d’être un auteur, un artiste, un artiste-interprète, ne confère aucun statut exceptionnel qui permettrait de ne pas assumer la responsabilité relative aux actes délictueux commis envers des personnes à l’occasion de la préparation ou de l’élaboration d’œuvres. Un tournage, un spectacle, ne sont pas des lieux de non-droit et les professions concernées sont d’ailleurs en voie d’en prendre conscience. Ce sont des lieux de travail qui, comme tous les lieux de travail, doivent permettre à toutes et tous de remplir ses tâches sans être exposé(e), comme victime ou comme témoin, à des violences.

Quand des femmes osent finalement prendre la parole pour dénoncer un comportement délictueux, ce n’est pas l’art qu’elles attaquent, c’est un homme. Avec tout le courage que cela suppose, et tous les risques que cela leur fait encourir. Un homme qui semble avoir abusé de sa position iconique de « monstre sacré », ce que dira la justice, dont le travail est utilement complété par la presse que l’on ne saurait faire taire à coups de tribunes. Car ce que ne dira pas la justice, c’est tout le contexte social et historique qui a permis à une profession dans son ensemble de couvrir, voire de contribuer à produire ce type d’actes auxquels ont été exposées tant de femmes se taisant de peur de perdre leur emploi et de renoncer à leurs rêves. A ces femmes, l’Observatoire de la liberté de création (OLC) adresse son plein et entier soutien.

Source: 18 janvier 2024 – Tribune de l’Observatoire de la liberté de création “Quand des femmes prennent la parole pour dénoncer Depardieu, ce n’est pas l’art qu’elles attaquent, c’est un homme” publiée sur Libération

13 octobre 2023 – Tribune collective “A Mayotte, l’urgence c’est l’eau, pas les « décasages » : stop aux expulsions ” publiée dans L’Humanité 15 octobre 2023

Tribune collective signée par LDH

Lire la tribune dans l’Humanité

Alors que Mayotte fait aujourd’hui face à une crise de l’eau sans précédent, qui devrait mobiliser toute l’énergie des pouvoirs publics, plusieurs organisations demandent la suspension de l’opération Wuambushu, lancée au mois d’avril pour intensifier le programme de démolition des habitations en tôles pour raison d’insalubrité, au prétexte de régler, en même temps, les problèmes d’insécurité et de lutte contre l’immigration dite irrégulière. 

La crise de l’eau à Mayotte est une crise progressive dont les premiers signes remontent au moins à février 2016, date des premiers rationnements et des premières coupures d’eau. Circonscrite au départ dans les villages de brousse du sud et du nord de l’île, la pénurie s’est généralisée depuis deux ans y compris dans les zones urbaines (communes de Mamoudzou et de Koungou).

En plus de la sécheresse, l’état de délabrement du réseau de distribution interroge sur la qualité de l’eau fournie. La population se plaint en effet qu’une eau trouble, à la limite boueuse, coule des robinets lors de la remise en eau, les habitants des quartiers pauvres se plaignent de maux de ventre et les cas de gastro-entérites semblent se multiplier faisant craindre à la population des maladies plus graves telles que des fièvres typhoïdes voire des cas de choléra.
L’insuffisance, pour ne pas dire l’absence, de mesures d’anticipation de la crise par les pouvoirs publics risque de peser lourd sur la situation durant les semaines qui séparent encore de la saison des pluies qui ne débutera qu’en novembre.

Il est d’ailleurs incompréhensible que, dans un tel contexte, certain.e.s élu.e.s de Mayotte continuent  à prendre pour cible la population des quartiers les plus pauvres et aillent même jusqu’à s’insurger de l’installation de rampes d’eau à proximité des bidonvilles.

Et on peut s’indigner, de la même manière, de voir les pouvoirs publics continuer à mener l’opération dite Wuambushu. Rappelons que cette opération, débutée le 22 avril 2023, a marqué la volonté du gouvernement d’intensifier le programme de démolition des habitations en tôles pour raison d’insalubrité, prétendant en même temps régler les problèmes d’insécurité et de lutte contre l’immigration dite irrégulière. Depuis cette date, cinq quartiers ont été détruits pour un total de 400 logements selon les chiffres communiqués par le ministre de l’Intérieur et la préfecture de Mayotte. L’objectif annoncé par le gouvernement étant d’aboutir à détruire 1 25O logements d’ici la fin de l’année, il reste donc 850 logements à démolir (soit les deux tiers d’une opération qui devait être terminée fin juin).

Le contexte anxiogène qui touche tout particulièrement les populations vulnérables qui vivent dans les bidonvilles, du fait des restrictions d’eau, n’a pas empêché la préfecture de publier un nouvel arrêté 2 d’expulsion le 23 août 2023 pour un quartier de Mutsamudu, village au sud de la commune de Bandrele. Le contour des démolitions semble pour le moins mal apprécié : « 20 bangas environ vides de leurs occupants » seraient concernés selon la gendarmerie alors que l’ARS parle « des locaux à usage d’habitation numérotés de 1 à 91 » et que les propositions de relogements (annexées à l’arrêté) se limitent à 11 familles sans la moindre précision sur leur composition. La démolition pourrait néanmoins intervenir au tout début du mois d’octobre.
C’est pourquoi les signataires du présent texte demandent au gouvernement de mobiliser, avec les moyens nécessaires, toute son énergie sur la résolution de la crise de l’eau qui menace à très court terme des besoins vitaux de la population et, en conséquence, de suspendre urgemment  le programme de démolition des quartiers de cases en tôles, de cesser le contrôle administratif des habitants sur la voie publique qui entrave leur mobilité et, au contraire, de tout mettre en œuvre pour favoriser les déplacements vers les centres de soins afin d’enrayer tout risque d’épidémie.

Signataires : Association pour le droit des étrangers (ADDE), Secours Catholique-Caritas France, Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), LDH (Ligue des droits de l’Homme), Syndicat des avocats de France (Saf).

Source: 13 octobre 2023 – Tribune collective “A Mayotte, l’urgence c’est l’eau, pas les « décasages » : stop aux expulsions ” publiée dans L’Humanité

3 juillet 2023 – Tribune “« Les cours criminelles départementales contribuent à perpétuer l’invisibilisation des crimes de viol »” publiée dans le Monde 4 juillet 2023

Tribune commune signée par Patrick Baudouin, président de la LDH

Lire la tribune dans le Monde

Avec la généralisation des cours criminelles départementales, le viol n’est plus jugé par une cour d’assises. Dans une tribune au « Monde », une centaine de responsables associatifs ou membres des professions du droit et du monde judiciaire, réunis par le collectif #NousToutes, dénoncent ce recul des droits des femmes et appellent les députés à supprimer ces nouvelles juridictions.

Depuis le 1er janvier 2023, les viols sont symboliquement devenus des crimes de « seconde classe », réduisant à néant le long combat de Gisèle Halimi pour qu’ils soient jugés comme des crimes à part entière, mais aussi celui de toutes celles et ceux qui luttent contre les violences sexistes et sexuelles.

En effet, face au manque de moyens alloués à la justice et au nombre d’affaires de viol devant être jugées, la seule réponse du gouvernement a été l’instauration des cours criminelles départementales, expérimentées dans plusieurs départements depuis 2019. Or ces cours ne permettent pas une prise en compte adaptée, par la justice, du problème public des violences sexistes et sexuelles.

Pour rappel, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, on compte en France 94 000 femmes majeures se déclarant victimes de viol ou de tentative de viol par an, soit une toutes les six minutes. Malgré les nombreuses voix qui se sont élevées contre cette réforme et les carences constatées dans le rapport rendu par le comité d’évaluation en octobre 2022, les cours criminelles départementales sont à présent les seules juridictions chargées de juger toute personne majeure accusée d’un crime puni jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle, hors récidive.

En pratique, les affaires jugées par ces cours sont, dans près de 90 % des cas, des affaires de viol. Présentées par le gouvernement comme une alternative permettant d’éviter la correctionnalisation des viols – pratique consistant à disqualifier le viol pour le juger comme un délit d’agression sexuelle devant un tribunal correctionnel sans jurés, dans une optique de gain de temps –, les cours criminelles départementales, en écartant le jury populaire, s’apparentent pourtant à une forme de correctionnalisation.

Cette réforme est un non-sens démocratique

Le viol n’est en effet plus jugé par une cour d’assises comme les autres crimes. Poursuivant une logique gestionnaire, le gouvernement a souhaité faire des économies en supprimant le jury populaire, les cours criminelles étant exclusivement composées de magistrates et de magistrats professionnels. Ces prétendues réductions de coût se font au détriment des citoyennes et des citoyens, de la démocratie et du traitement judiciaire des crimes de viol.

Nous, citoyennes et citoyens engagés, femmes et hommes appartenant à des associations et collectifs féministes, à des organisations de la société civile, aux professions du droit et du monde judiciaire, considérons que cette réforme est un non-sens démocratique ainsi qu’un recul des droits des femmes et des minorités de genre et nous dénonçons l’instauration de ces cours criminelles.

D’un point de vue pratique, les objectifs des cours criminelles départementales n’ont pas été atteints. Selon le dernier rapport d’évaluation, ni la correctionnalisation, ni le temps d’audiencement, ni la durée des audiences n’ont été significativement réduits. En tout état de cause, l’objectif de réduction du temps d’audience poursuivi par la réforme est un retour en arrière dans l’attention portée aux femmes victimes et à leur traumatisme.

En outre, le taux d’appel des décisions des cours criminelles témoigne de l’insatisfaction des justiciables sur la manière dont les audiences s’y déroulent : 23 % pour les affaires de viol jugées par les cours criminelles départementales, contre 17 % devant les cours d’assises. D’un point de vue social et psychologique, elles empêchent les victimes de viol de faire entendre leur voix largement.

Reléguer le crime de viol au second plan

L’espace de parole donné aux victimes est d’autant plus important qu’il s’agit d’un crime caractérisé par la loi du silence qui empêche encore trop de victimes de demander justice : en 2016, seulement 12 % des victimes d’agressions sexuelles portaient plainte, selon les chiffres relayés par le gouvernement.

D’un point de vue démocratique, ces cours criminelles soustraient le crime de viol à la connaissance des jurys citoyens amenés à siéger en cour d’assises. Les citoyennes et citoyens sont désormais mis à l’écart de l’œuvre de justice en matière de violences sexuelles. Cela prive donc une partie de la population d’une sensibilisation à la réalité de ces crimes et de la possibilité de participer à la manière dont ils sont jugés. Cela contribue à la perpétuation de l’invisibilisation des crimes de viol.

D’un point de vue juridique et politique, faire juger les viols par une juridiction criminelle distincte revient à les disqualifier et ne résout pas le problème éminemment éthique et juridique de la correctionnalisation. Faire juger les crimes sexuels par une juridiction compétente pour connaître des crimes dits « les moins graves » minimise le crime de viol dans l’esprit du plus grand nombre. Elle relègue le crime de viol au second plan par rapport aux autres crimes.

Préserver le jury populaire et sauver les assises

Alors que le projet de loi de programmation et d’orientation de la justice 2023-2027 est actuellement débattu à l’Assemblée après avoir été voté par le Sénat, nous appelons les députés à voter les amendements à l’article 3 qui visent à supprimer les cours criminelles départementales, préserver le jury populaire et sauver les assises !

Nous demandons aux pouvoirs publics de prendre la mesure de la gravité et de la singularité du crime de viol. Nous demandons une augmentation du budget alloué à la justice et au programme de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles et pour que les procès qui en découlent se déroulent dans le respect des droits des victimes et des principes fondamentaux de notre République.

Nous demandons le recrutement de personnels judiciaires supplémentaires pour le jugement des violences sexistes et sexuelles. Le viol doit faire l’objet de réformes à la mesure de la gravité et de l’ampleur du problème public qu’il représente. Voter pour qu’il ne devienne pas un crime de « seconde classe » est indispensable.

Parmi les signataires : Agnès Aoudai, coprésidente du Mouvement des mères isolées (MMI) ; Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Sandrine Bouchait, présidente de l’Union nationale des familles de féminicides (UNFF) ; Claire Dujardin, présidente du Syndicat des avocats de France (SAF) ; Benjamin Fiorini, universitaire, président de Sauvons les assises ! Jérôme Pauzat, président de l’association A.M.O.U.R de la Justice (Association des magistrats, personnels et usagers de justice œuvrant pour l’unité et la réforme) ; Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV) ; Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature (SM) ; Laurence Roques, présidente de la commission Libertés et droits de l’homme au Conseil national des barreaux (CNB) ; My-Kim Yang-Paya, présidente d’honneur d’Avocats femmes violences (AFV).

 

 

Source: 3 juillet 2023 – Tribune “« Les cours criminelles départementales contribuent à perpétuer l’invisibilisation des crimes de viol »” publiée dans le Monde

9 juillet 2021 – Tribune collective “Pour un véritable code de l’enfance” publiée dans Libération 29 avril 2023

Tribune signée par la LDH publiée dans Libération

Présenté le 16 juin dernier au Conseil des ministres, le projet de loi sur la protection de l’enfance est en cours d’examen à l’Assemblée nationale.

Les principaux points de ce texte auraient pour finalité “de mieux protéger les enfants contre les violences” et de “mieux piloter la politique de prévention et de protection de l’enfance”, avec la priorité du placement dans la famille de l’enfant, la normalisation de l’évaluation des situations de danger sur l’ensemble du territoire, ou encore une infime amélioration des conditions de travail et de rémunération des familles d’accueil… Néanmoins, ce texte est aussi celui qui, sous certaines conditions, autorise les placements d’enfants à l’hôtel, qui sont unanimement décriés, en faisant mine de poser une interdiction de principe. Il prévoit enfin des mesures particulièrement inquiétantes concernant les mineur-e-s isolé-e-s étrangers-ère-s.

Ce projet de loi, établi et discuté dans la précipitation, le gouvernement ayant encore une fois recours à la procédure accélérée, ne permet pas de garantir suffisamment l’intérêt des enfants et ne répond pas aux attentes légitimes des acteurs et actrices intervenant en protection des enfants. Il n’évoque pas la notion de prévention de l’enfance en danger et surtout le manque de moyens pour assurer l’ensemble des missions de prévention et de protection de l’enfance.

En effet, la protection de l’enfance connaît une crise profonde en raison du défaut criant de moyens et d’une politique globale de prise en charge des enfants erratique et morcelée dans de nombreux départements. Ainsi des décisions judiciaires en assistance éducative restent inappliquées ou retardées par manque de moyens humains et d’accueil ; des enfants sont laissés à domicile dans un contexte de danger avéré ou bien placés à l’hôtel faute de place en institution; ou bien encore confiés à des structures inadaptées à leur problématique ou éloignées de leurs attaches sociales et familiales, par défaut de diversité des hébergements ou de place ; le travail indispensable d’intégration des familles dans le processus éducatif est souvent « oublié » dans le stress du quotidien de travail, etc.

Dans ce contexte particulièrement oppressant, les professionnels ne se reconnaissent plus dans des demandes centrées en permanence sur l’urgence, le chiffre et les gestions comptables à l’origine d’ un épuisement psychique et physique et d’une perte de sens de leur engagement professionnel.

Ces graves dysfonctionnements ne seront pas réglés par ce texte qui élargit au contraire les possibilités de délégation d’autorité parentale à l’Aide sociale à l’enfance, amoindrissant de fait le contrôle du juge, ne garantit pas l’absence d’éloignement des enfants faute de structures de proximité et prévoit de trop nombreuses dérogations à l’interdiction d’héberger des enfants en hôtel ou en centres de vacances, Il est aussi une occasion manquée de permettre une pleine et entière assistance en justice du mineur, particulièrement vulnérable, à tous les stades de la procédure et la question de l’accompagnement des jeunes majeurs sortant de l’Aide Sociale à l’Enfance est à nouveau ignorée.

Pire, ce texte organise la scission entre protection de l’enfance et prise en charge des enfants isolés étrangers. Loin de répondre aux véritables problématiques qui rendent l’accompagnement de ces enfants discriminatoire (invisibilisation de leurs difficultés, accompagnement éducatif insuffisant, absence d’hébergement ou hébergement à l’hôtel, éloignement géographique forcé pour satisfaire les quotas par département), il organise un glissement dangereux et inacceptable de la protection de l’enfance vers la politique d’immigration.

Le recours de fait obligatoire au fichier dit « d’appui à l’évaluation de la minorité » induit une logique de contrôle, au détriment de la protection de ces jeunes particulièrement vulnérables et au risque de refuser par erreur la protection à un enfant.

Par ailleurs, ce projet de loi est discuté alors qu’entre en application, le 30 septembre 2021 le code de la justice pénale des mineurs, très contesté également qui affiche des réponses fermes et rapides au détriment du temps essentiel de l’accompagnement éducatif.

En définitive, il ne prend pas en compte la protection de l’enfant dans sa globalité. Il fait l’impasse sur la dimension pourtant essentielle de la prévention, n’évoquant aucunement certains des lieux de vie des enfants et adolescents tel que l’école.

Pour éviter ces différents écueils, nous demandons que le débat soit réorienté sur la réflexion autour d’une véritable protection de l’enfance, globale et dotée des moyens adéquats, dont les dispositions seraient réunies dans un code de l’enfance intégrant les deux dimensions que sont la protection des enfants et la prévention, dont font pleinement partie les mineur-e-s non accompagné-e-s, et la justice pénale des mineur-e-s.

Tous ces enfants sont les mêmes : ils ont besoin d’un accompagnement et d’une aide cohérente et bienveillante.

Cette jeunesse reste l’avenir de notre société. Demain adulte, comment peut-elle se construire dans cet état de relégation, d’abandon, de stigmatisation qui lui est imposé ? Quels citoyens et citoyennes seront ces jeunes demain ? Il s’agit de l’urgence de leur protection immédiate, mais aussi d’un investissement humain à long terme dans la construction d’une société plus apaisée.

Organisations signataires : Conseil national des Barreaux ; Syndicat de la magistrature ; Syndicat des avocats de France ; SNPES-PJJ/FSU ; La CGT ; FSU ; Ligue des droits de l’Homme ; Solidaires ; SNUASFP FSU ; SNUTER FSU ; DEI France ; SNEPAP FSU ; Sud Santé sociaux ; Solidaires Justice ; Sud Collectivité territoriales

Paris, le 9 juillet 2021

Lire la tribune dans Libération

Source: 9 juillet 2021 – Tribune collective “Pour un véritable code de l’enfance” publiée dans Libération

22 avril 2023 – Tribune collective “Alerte sur les libertés associatives” publiée dans le JDD 23 avril 2023

Tribune collective, signée par Patrick Baudouin, président de la LDH, et publiée dans le JDD

Plusieurs acteurs des secteurs associatifs et syndicaux, dont Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif, Laurent Berger ou encore Patrick Baudouin, président de la Ligue des droits de l’Homme, alertent sur la remise en cause de la liberté des associations.

Le 5 avril dernier, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, interpellé lors d’une audition sénatoriale, sur les critiques formulées par la Ligue des droits de l’Homme quant à l’action des forces de l’ordre à Sainte Soline, a indiqué que, dans ce contexte, les subventions accordées par l’Etat à la LDH devraient en effet être examinées, avant d’enjoindre les collectivités territoriales à faire de même. Loin de remettre en cause ces propos, la Première Ministre a renchéri en questionnant certaines prises de position de cette même association.

Ces déclarations ont, à juste titre, suscité de vives réactions. Parce que l’expression du ministre de l’Intérieur ressemble à l’expression d’un fait du prince usant de son pouvoir pour réduire les oppositions, et parce qu’elle porte sur une association dont l’histoire est faite, depuis 125 ans, de combats pour protéger les droits et libertés de tous et toutes et faire vivre les valeurs de la République, y compris parfois face aux autorités elles-mêmes.

Il est évidemment normal qu’un financeur s’assure de la bonne utilisation des fonds par les associations qu’il subventionne ; mais cela sur la base des missions qui sont celles de l’association, et pour lesquelles elle est soutenue ; et non pas conformément à ce que souhaiteraient entendre celles ou ceux qui pour un temps ont la responsabilité de la gestion de l’Etat. Ainsi que le rappelle à juste titre la circulaire relative aux relations entre pouvoirs publics et associations du 29 septembre 2015, « l’octroi de subventions doit favoriser un partenariat équilibré entre pouvoirs publics et associations. » Subventionner une association ne veut pas dire la contraindre au silence. La grandeur d’une démocratie est justement de savoir soutenir la diversité des approches et des points de vue qui permettent le débat et qui sont aussi des contre-pouvoirs nécessaires. Il est donc extrêmement grave qu’un ministre de la République puisse ouvertement mettre en question les financements accordés à une association parce que cette dernière, dans le respect de la loi, a une parole critique sur l’action de l’Etat.

Mais si le ministre de l’Intérieur se permet cette mise en cause et en question si directe, c’est parce que le climat aujourd’hui l’y autorise. En effet aussi choquantes soient ces déclarations, nous ne pouvons malheureusement pas en être complètement surpris. Elles interviennent dans un contexte où de nombreux signaux, bien que moins visibles, traduisent cette volonté de remettre en cause les libertés et l’indépendance des associations et de renforcer le contrôle sur les organisations de la société civile.

La loi confortant le respect des principes de la République et ses dispositions relatives au Contrat d’engagement républicain, à l’élargissement des motifs de dissolution d’associations, au renforcement des mesures de contrôle des financements sont une traduction très concrète de ce tournant dans les rapports entre administrations et associations. Le contrat d’engagement républicain, notamment utilisé pour remettre en cause la subvention versée à l’association Alternatiba Poitiers, dénature la relation de confiance qui doit prévaloir entre pouvoirs publics et associations, mettant en place une forme de brevet préalable de « conformité républicaine » contraire à l’esprit de la loi 1901. Et quand les dispositions de ce Contrat ne sont pas directement activées, il constitue de plus en plus souvent une épée de Damoclès, voire une menace non déguisée pour des associations dont les activités militantes ne répondent pas aux positions de leurs interlocuteurs politiques. Cette boite de Pandore qui a été ouverte conduit aujourd’hui des élus territoriaux à vouloir imposer aux associations dans leurs actions les exigences de neutralité qui n’ont à s’appliquer qu’aux services publics ; conduit des parlementaires à vouloir pénaliser des associations pour les actions individuelles de leurs membres, en dehors de toute intervention de justice ; conduit certaines administrations à exiger d’associations, au prétexte qu’elles reçoivent des fonds publics, qu’elles se censurent dans leurs pratiques. Qu’il s’agisse de nouvelles contraintes administratives, de nouveaux textes législatifs ou de déclarations publiques, certaines associations se retrouvent de plus en plus souvent contraintes dans leur capacité d’actions, voire attaquées dans leur capacité à interpeller les pouvoirs publics.

Cette fragilisation est dangereuse. Elle a des impacts. Des impacts sur celles et ceux qui sont engagées pour l’action, qui s’investissent pour le collectif et pour l’intérêt général et auxquels on renvoie soit de la défiance soit de la contrainte. Des impacts sur la capacité à prendre en compte les voies de transformation qui sont bien souvent portées par les associations, parfois à la limite de ce que sont les règles admises, souvent en tout cas ailleurs que dans ce que proposent les politiques publiques. Des impacts enfin et surtout, pour notre vitalité démocratique et pour sa sérénité. Nous avons plus que jamais besoin de ces espaces de construction de la parole et de l’action collectives que sont les associations et de la contribution qu’elles peuvent apporter, sous de multiples formes au débat public. Limiter et contraindre ces expressions ne peut que contribuer à exacerber des tensions déjà vives dans notre société.

Les alertes sont aujourd’hui trop nombreuses et récurrentes pour qu’elles ne soient pas prises au sérieux. La Défenseure des droits, dans un communiqué du 14 avril, constate « une intensification des risques d’atteintes à la liberté d’association » et souligne qu’ « une telle évolution est hautement problématique dans un État démocratique ». Plus que jamais, il est essentiel de réaffirmer collectivement notre attachement aux libertés associatives, de rendre publiques toutes les atteintes qui y seront portées et nous mobiliser contre ces attaques.

Il est de la responsabilité du Gouvernement aujourd’hui, de cesser les amalgames et d’affirmer haut et fort, en mots et en actes, que les libertés associatives sont au cœur de notre pacte démocratique. Nous appelons également tous ceux et toutes celles qui en savent toute l’importance, et notamment les élus territoriaux qui construisent au quotidien avec les associations, à se mobiliser pour elles.

Un an après des élections où le Président de la République lui-même expliquait que le vote « l’obligeait », n’ayons pas peur de la démocratie. Ayons la sagesse de ne pas considérer toute opposition comme un « nouveau séparatisme ». Ayons l’intelligence de débattre sans nous invectiver. Ayons le courage de réinstaurer un dialogue de confiance entre les pouvoirs publics et les associations. Il en est encore temps !

129 acteurs de la société civile alertent sur la remise en cause de la liberté des associations :

  • Claire Thoury, Présidente, Le Mouvement associatif
  • Thierry Abalea, Président, Le Mouvement associatif Bretagne
  • Yoann Alba, Président, Crajep Centre Val de Loire
  • Chantal Alexandre, Présidente, MJC Amboise
  • Stéphane Alexandre, Co-président, Réseau National des Juniors Associations
  • Fanette Bardin, Arthur Moraglia, Pauline Veron, Co-président.e.s, Démocratie Ouverte
  • Patrick Baudouin, Président, Ligue des droits de l’Homme
  • Souâd Belhaddad, Fondatrice, Citoyenneté Possible
  • Laurent Berger, Secrétaire général, CFDT
  • François Bernard, Président, Alice Guy Production
  • Patrick Bertrand, Directeur exécutif, Action Santé Mondiale
  • Cathy Blanc-Gonnet, Directrice, Humatem
  • Thierry Bos, président, Fédération des MJC de France
  • François Bouchon, Président, France Bénévolat
  • Lucie Bozonnet, Yann Renault, Arnaud Tiercelin, Co-président.e.s, Cnajep
  • Olivier Bruyeron, Président, Coordination SUD
  • Sylvie Bukhari-De Pontual, Présidente, CCFD-Terre Solidaire
  • Rodrigue Carbonnel, Secrétaire général, Fédération des Aroeven
  • Marie-Pierre Cattet, Présidente, Le Mouvement associatif Bourgogne-Franche Comté
  • Clément Chauvel, Directeur, OPPELIA Essonne
  • Suzanne Chevrel, Présidente, Eclaireuses et Eclaireurs Unionistes de France
  • Philippe Clément, Président, Le Mouvement associatif Normandie
  • Patricia Coler, Co-présidente, Mouvement pour l’Economie Solidaire
  • Morgane Creach, Directrice générale, Réseau Action Climat
  • Henry de Cazotte, Président, GRET
  • Christophe Dansac, Trésorier, Académie territoriale des savoirs en construction
  • Leopold Dauriac, Co-président, MES Occitanie
  • Vincent David, Fondateur, Agence RUP
  • Charlotte Debray, Déléguée générale, La Fonda
  • Michelle Demessine, Présidente, Union nationale des associations de tourisme
  • Dominique Demory, Président, URIOPSS Hauts de France
  • Jean-Luc Depeyris, Directeur général, Sauvegarde du Val d’Oise
  • Thierry Dereux, Président, FNE Hauts de France
  • Joël Derrien, Président, AD PEP 28
  • Sophie Descarpentries, Co-présidente, FRENE
  • Julie Desmidt, Co-présidente, UFISC
  • Véronique Devise, Présidente, Secours Catholique – Caritas France
  • Philippe Doux, Secrétaire, Le Mouvement associatif Pays de le Loire
  • Cécile Duflot, Directrice générale, Oxfam France
  • Sarah Durocher, Présidente, Planning familial
  • Sylvie Emsellem, Déléguée nationale, l’ESPER
  • Gilles Epale, Président, Le Mouvement associatif Auvergne-Rhône-Alpes
  • Christian Eyschen, Secrétaire général, Fédération nationale de la Libre Pensée
  • Jean-Marie Fardeau, Délégué national, VoxPublic
  • Beatrice Fonlupt, Directrice générale, ADAES 44
  • Françoise Fromageau, Présidente, Mona Lisa
  • Aurélie Gal-Régniez, Directrice, Equipop
  • Claude Garcera, Président, Union Nationale pour l’Habitat des Jeunes
  • Christophe Gaydier, Président, Animafac
  • Iola Gelin, Directrice, CEMEA Centre Val de Loire
  • Martine Gernez, Présidente, HAMAP
  • Dominique Gillot, Présidente, Fédération générale des PEP
  • Gérald Godreuil, Délégué général, Fédération Artisans du Monde
  • Bruno Guermonprez, Président, Élevages Sans Frontières
  • Murielle Guilbert, Co-déléguée générale, Union syndicale Solidaires
  • Dominique Guillien Isenmann, Présidente, Fédération Nationale solidarité femmes
  • Dominique Hays, Président, Réseau Cocagne
  • Michel Horn, Président, GRAPE Normandie
  • Eric Hugentobler, Directeur, Picardie Nature
  • Philippe Isnard, Président, Laïcité l’observatoire PACA Midi
  • Didier Jacquemain, Président, Hexopée
  • Véronique Jenn-Treyer, Directrice, Planète Enfants & Développement
  • Michel Jezequel, Président, CRESS Bretagne
  • Mohamed Khandriche, Président, Touiza solidarité
  • Michel Le Direach, Président, UFCV
  • Anastasia Léauté, Présidente, RESES
  • Marion Lelouvier, Présidente, Centre français des Fonds et Fondations (CFF)
  • Jacques Limouzin, Président, Mouvement des Régies
  • Françoise Marchand
  • Marie-Claire Martel, Présidente, COFAC
  • Océane Martin, Déléguée générale, Radio Campus France
  • Catherine Mechkour-Di Maria, Secrétaire générale, Réseau national des ressourceries et recycleries
  • Hélène Mimar-Rangel, Présidente, Radio Occitania
  • Guy Mimard, Trésorier, Radio Occitania
  • André Molesin, Responsable régional Occitanie, ESPER
  • Stéphane Montuzet, Président, CRESS Nouvelle Aquitaine
  • José Mariage, Directeur, Le Partenariat
  • Alexandre Moreau, Président, Anafé
  • Véronique Moreira, Présidente, WECF France
  • William Morissé, Président, Office de tourisme des Portes Euréliennes d’Ile de France
  • Aurelien Naud, Directeur adjoint, OUL
  • Charlotte Niclause, Directrice générale adjointe, Ligue de l’Enseignement 78
  • Carole Orchampt, Déléguée générale, Réseau national des Maisons des associations
  • Béremy Otto, Chef de projet, Mouvement associatif Centre val de Loire
  • Imane Ouelhadj, Présidente, UNEF
  • Judith Pavard, Présidente, Fédération nationale des arts de la rue
  • Yvan Pavis, Délégué régional, Fédération des MJC Ile de France
  • Amélie Pedrot, Administratrice, La Fonda
  • Valérie Pélisson-Courlieu, Directrice générale, ESPERER 95
  • Philippe Pereira , Délégué national, Cotravaux
  • Pascal Petit, Vice-président, Mouvement associatif de Bretagne
  • Peuple et Culture, Collectif
  • Guy Plassais, Président, Fédération 95 de la Ligue de l’Enseignement
  • Jean-François Quantin, Co-président, MRAP
  • Marie-Noëlle Reboulet, Présidente, Geres
  • Marcel Rémon, Directeur, CERAS
  • Marie-Noelle Rinquin, Administratrice, Institut Culturel de Bretagne – Skol Uhel Ar Vro
  • Tristan Rivoallan , Trésorier, Constructions Incongrues
  • Christophe Robert, Délégué général, Fondation Abbé Pierre
  • Jean-Marc Roirant, Président, Fédération de Paris Ligue de l’Enseignement
  • Christine Rollard, Présidente, OPIE
  • Michel Roy, Secrétaire général, Justice et Paix France
  • Gilles Rouby, Président, Collectif des Associations Citoyennes
  • Jérôme Saddier, Président, ESS-France
  • Nadjima Saïdou, Présidente, Engagé·e·s & Déterminé·e·s
  • Cécile Sajas, Présidente, Crajep Ile de France
  • Louise Schalchli, Chargée de mission, Le Mouvement associatif Occitanie
  • Arnaud Schwartz, Président, France Nature Environnement
  • Pierre Segura, Président, Fédération nationale des Francas
  • Roger Sue, Sociologue
  • Antoine Sueur, Président, Emmaüs France
  • Françoise Sturbaut, Présidente, Ligue de l’Enseignement
  • Syndicat de la Magistrature
  • Julien Talpin, Chargé de recherche au CNRS, Observatoire des libertés associatives
  • Marielle Thuau, Présidente, Fédération Citoyens & Justice
  • Florence Thune, Directrice générale, Sidaction
  • José Tissier, Président, Commerce Equitable France
  • Jérémie Torel, Co-président, Bénénova
  • Mackendie Toutpuissant, Président, FORIM
  • Robert Turgis, Président, Le Mouvement associatif d’Ile-de-France
  • Elise Van Beneden, Présidente, Anticor
  • Nathalie Vandermersch, Directrice générale, Ajhiralp
  • Didier Vaubaillon, Président, Terre des Hommes France
  • Daniel Verger, Président, CLONG Volontariat
  • Françoise Vernet, Présidente, Terre&Humanisme
  • Kaméra Vesic, Directrice, PIKPIK Environnement
  • Loreline Vidal, Administratrice référente, Réseau National des Maisons des Associations
  • Jérôme Voiturier, Délégué général, UNIOPSS
  • Youlie Yamamoto, Porte-Parole, Attac France

Source: 22 avril 2023 – Tribune collective “Alerte sur les libertés associatives” publiée dans le JDD

2 février 2023 – Tribune “Inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, c’est maintenant !” 2 février 2023

Tribune collective signée par Françoise Dumont, présidente d’honneur de la LDH

Quinze personnalités du droit des femmes cosignent, avec les dirigeants de la CFDT, de la CGT, la FSU et de l’Union syndicale Solidaire, une tribune au Monde appelant les sénatrices et les sénateurs à voter la proposition de loi Panot, déjà approuvée par l’Assemblée, visant à l’inscription du droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution.

Le 24 novembre 2022, l’Assemblée nationale a voté par 337 voix pour et 32 contre la proposition de loi présentée par Mathilde Panot (présidente du groupe La France insoumise) qui vise à inscrire dans la Constitution le droit à l’interruption volontaire de grossesse. Le 1er février, cette proposition est présentée au Sénat.

Le collectif Avortement en Europe, les femmes décident affirme aujourd’hui qu’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution française sera un acte politique puissant pour les droits des femmes en France et symboliquement dans le monde.

Lorsque la Cour suprême des États-Unis d’Amérique a supprimé, en juin 2022, l’arrêt Roe vs Wade, ce sont les droits des femmes qui ont été attaqués non seulement dans ce pays mais aussi dans le monde entier. Cette décision a cruellement mis en évidence qu’un droit acquis ne l’est jamais totalement, y compris quand il s’agit d’un droit aussi fondamental pour les femmes que celui de choisir librement leur maternité. “N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise économique ou religieuse pour que le droit des femmes soit remis en question”, écrivait déjà Simone de Beauvoir (1908-1986).

Lire la suite de la tribune dans Le Monde

Source: 2 février 2023 – Tribune “Inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, c’est maintenant !”

28 novembre – Tribune “«Ocean Viking», autopsie d’un «accueil» à la française” publiée sur Libération 29 novembre 2022

Tribune collective signée par la LDH, l’ADDE, l’Anafé, l’Ardhis, La Cimade, le Gisti, le Saf et le SM

La précipitation des autorités à mettre en place un dispositif exceptionnel de détention a occasionné une multitude de dysfonctionnements, d’illégalités et de violations des droits : un résultat dont personne ne sort gagnant et dont il va falloir tirer les leçons.

La sagesse, comme la simple humanité, aurait dû conduire à offrir aux rescapés de l’Ocean Viking des conditions d’accueil propres à leur permettre de se reposer de leurs épreuves et d’envisager dans le calme leur avenir. Au contraire, outre qu’elle a prolongé les souffrances qu’ils avaient subies, la précipitation des autorités à mettre en place un dispositif exceptionnel de détention a été la source d’une multitude de dysfonctionnements, d’illégalités et de violations des droits : un résultat dont personne ne sort gagnant.

Dix jours après le débarquement à Toulon des 234 rescapés de l’Ocean Viking – et malgré les annonces du ministre de l’Intérieur affirmant que tous ceux qui ne  seraient pas admis à demander l’asile en France seraient expulsées et les deux tiers des autres « relocalisées » dans d’autres pays de l’Union européenne – 230 étaient présents et libres de circuler sur le territoire français, y compris ceux qui n’avaient pas été autorisés à y accéder. Ce bilan, qui constitue à l’évidence un camouflet pour le gouvernement, met en évidence une autre réalité : le sinistre système des « zones d’attente », consistant à enfermer toutes les personnes qui se présentent aux frontières en demandant protection à la France, est intrinsèquement porteur de violations des droits humains.

Lire la suite sur Libération

Source: 28 novembre – Tribune “«Ocean Viking», autopsie d’un «accueil» à la française” publiée sur Libération

“23 février 2022 – Tribune de Malik Salemkour “Respecter les droits des prisonniers corses et basques, ni plus ni moins” publiée sur Mediapart  25 février 2022

Tribune de Malik Salemkour, président de la LDH

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Pendant plusieurs décennies, des mouvements clandestins avaient porté par des actions violentes et des attentats inacceptables leurs revendications régionalistes ou nationalistes pour la Corse comme pour le Pays basque. Ces temps sombres sont maintenant révolus. La lutte armée a été volontairement abandonnée, en 2014 en Corse, en 2017 au Pays basque, pour permettre d’engager une seule voie, démocratique, avec des processus de pacification et de règlement politique qui reçoivent un très large soutien des sociétés civiles et politiques corses et basques. Dans les deux cas, les appels publics des associations et élus de tous bords à la poursuite du dialogue sont aujourd’hui bloqués par un gouvernement français qui se refuse à toute avancée concrète, sans aucun motif légitime.

Le sort des prisonniers corses et basques est hautement symbolique et l’opposition obstinée du pouvoir en place devient préjudiciable à la paix et aux dynamiques positives engagées. Les demandes formulées s’inscrivent pleinement dans les possibilités du droit, sans traitement de faveur attendu de la part de l’Etat. Il s’agit de choix politique à assumer comme les signes de la relance de deux processus démocratiques qui doivent urgemment sortir de l’impasse.

Ainsi, Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, arrêtés en 1999 et condamnés en 2003 à la perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac en 1998, purgent leur peine dans la prison de Poissy, dans les Yvelines. Comme ils y ont droit, ils ont formulé à plusieurs reprises une demande de rapprochement afin de poursuivre leur détention au centre pénitentiaire de Borgo, en Corse, à proximité de leurs familles dont ils sont séparés depuis plus de vingt ans. Pour ce faire, le statut de « détenus particulièrement signalés » (DPS) qui les frappe doit être préalablement levé. Dans trois avis successifs précédents, la commission locale de Poissy s’est déclarée favorable à ce changement de statut. Le ministère de la Justice a décidé de ne pas suivre cet avis, empêchant volontairement toute possibilité de changement de lieu de détention. En février 2022, la commission, à nouveau sollicitée, a créé la surprise en s’exprimant cette fois contre la levée du statut DPS. Ce revirement soudain de position, qui ne peut que satisfaire la Chancellerie, est inquiétant. Il revient maintenant au gouvernement de décider de mettre fin à cette injustice et de faire les gestes d’apaisement espérés par la société civile corse et les élus comme les parlementaires de divers partis politiques – dont ceux de la majorité présidentielle – qui avaient intercédé encore en décembre en faveur d’une détention en Corse.

Ainsi, Jon Parot et Jakes Esnal, tous deux âgés de plus de 70 ans, sont détenus en France depuis plus de trente ans, après avoir été condamnés par la justice française à la réclusion criminelle à perpétuité pour des crimes graves commis en Espagne. Ils seraient aujourd’hui libérés s’ils avaient purgé leur peine en Espagne, pays dans lequel trente ans aurait été la durée maximale de leur détention. Bien que les juges d’application des peines se soient exprimés comme favorables à une libération conditionnelle, là encore, le gouvernement français et le parquet antiterroriste s’acharnent à refuser toute perspective, au risque de les voir mourir en prison. De leur mise en liberté, de leurs vies dépend l’avenir de la paix au Pays basque. C’est ce que sont venus rappeler les deux-cents volontaires, militants associatifs et élus là encore de tous bords politiques, le 18 février dernier, devant la sous-préfecture de Bayonne. Le président de la République se doit d’entendre l’inquiétude et l’impatience des artisans de la paix mobilisés pour la mise en œuvre, avec l’Etat français, d’un véritable processus démocratique et politique. D’autres initiatives de désobéissance civile seront organisées, dont la LDH sera partie prenante, pour faire bouger les lignes, sortir de l’humiliation et d’une logique de vengeance d’Etat destructrice de tout espoir.

Le consensus des forces politiques locales au-delà des clivages partisans avec des sociétés civiles largement rassemblées dépasse les actualités électorales et permet d’avancer sans attendre. Traiter maintenant la situation de ceux qui ont été condamnés, permettre une réponse pour chacun qui, sans impunité, tienne compte du changement de contexte, sont les conditions de la réconciliation et de sociétés durablement apaisées.

Malik Salemkour, président de la LDH

 

Source: “23 février 2022 – Tribune de Malik Salemkour “Respecter les droits des prisonniers corses et basques, ni plus ni moins” publiée sur Mediapart 

4 février 2022 – Tribune “Migrations : Il faut mettre fin à « la politique qui ne génère que maltraitance et violence », créée par les accords du Touquet” publiée sur le Monde.fr 8 février 2022

Tribune commune, signée par Malik Salemkour, président de la LDH

Lire la tribune sur Le Monde.fr

Signé il y a dix-neuf ans par Paris et Londres, ce texte fait de la France le « bras policier » de la politique migratoire du Royaume-Uni pour empêcher les personnes exilées de traverser la Manche, dénoncent une trentaine d’ONG dans une tribune au « Monde ».

Tribune. Depuis plusieurs décennies, des hommes, des femmes et des enfants originaires d’Europe de l’Est, d’Afrique de l’Est, du Moyen-Orient ou d’Asie du Sud-Est, toutes et tous en recherche de protection, survivent sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord. La plupart de ces personnes exilées présentes sur nos côtes n’ont qu’un seul objectif : franchir – par tous les moyens – la frontière qui se dresse devant elles et qui les empêche de rejoindre le Royaume-Uni.

Il y a dix-neuf ans, le 4 février 2003, à la suite de la fermeture du centre de Sangatte et dans le prolongement du traité de Canterbury du 12 février 1986, la France et le Royaume-Uni signent le traité du Touquet. La frontière britannique est externalisée sur le sol français moyennant des financements de la Grande-Bretagne. La France devient le « bras policier » de la politique migratoire du Royaume-Uni pour empêcher les personnes exilées de traverser la Manche.

Expulsions, confiscations

Sur les côtes françaises, les autorités mettent en œuvre une politique de lutte contre la présence des personnes exilées et d’invisibilisation de celles-ci. Les maltraitances quotidiennes qu’elle implique sont nombreuses : expulsion de lieux de vie, confiscation d’affaires, maintien à la rue en l’absence de services permettant de couvrir leurs besoins fondamentaux, entrave à l’action des associations, etc.

Cette politique n’est pas seulement indigne et inacceptable, elle est également mortelle : au moins 342 personnes ont perdu la vie à la frontière franco-britannique depuis 1999, dont 36 en 2021. La poursuite année après année de cette politique inhumaine, la répétition de ces maltraitances et de ces drames pourraient nous pousser au fatalisme. Au contraire, nous agissons pour l’amélioration de la situation, pour le respect des droits et de la vie des personnes en exil.

C’est dans cet esprit que la Plate-forme des soutiens aux migrant-e-s (PSM), dont nous sommes membres ou que nous soutenons, a demandé à l’anthropologue Marta Lotto (« On The Border, la vie en transit à la frontière franco-britannique ») et au politologue Pierre Bonnevalle (« Enquête sur trente ans de fabrique politique de la dissuasion : l’Etat français et la gestion de la présence des personnes exilées dans la frontière franco-britannique. Harceler, expulser, disperser ») d’enquêter, pour l’une, sur les conditions de vie des personnes en transit et, pour l’autre, sur la gestion par les autorités françaises de la présence des personnes exilées à la frontière [présentation des deux rapports le 4 février, à l’université du Littoral-Côte d’Opale (ULCO), à Dunkerque].

Leurs analyses fines nous permettent une compréhension globale de la situation et nous contraignent, nous citoyens, à mettre les autorités face à leurs responsabilités et à leur imposer la mise en œuvre d’une politique alternative.

Aux portes de leur rêve

En effet, Marta Lotto, dans son rapport, nous indique que les raisons pour lesquelles ces personnes sont à Calais (Pas-de-Calais), Grande- Synthe (Nord), Ouistreham (Calvados) ou, pour d’autres, moins nombreuses, à Norrent-Fontes (Pas-de-Calais), Steenvoorde (Nord) ou Cherbourg (Manche), sont diverses.

Certaines ont commencé leur parcours migratoire avec l’objectif de vivre en Grande-Bretagne ; après un périple de quelques jours ou de plusieurs années, elles se retrouvent bloquées aux portes de leur rêve.

D’autres, au contraire, n’ont jamais imaginé aller en Grande-Bretagne, mais les circonstances de leur parcours les ont conduites aux portes de ce pays, qui est alors devenu le dernier recours face aux rejets auxquels elles ont été confrontées ailleurs en Europe.

Depuis trente ans, sans cesse, parce qu’elles veulent rejoindre leur famille, parce qu’elles sont anglophones ou parce qu’elles nourrissent de vains espoirs d’accéder à une vie meilleure, des personnes tentent de franchir les quelques dizaines de kilomètres qui les séparent de la Grande-Bretagne.

Barbelés et lames de rasoir

En dehors de la parenthèse 2015-2016, quand le tumulte du monde a poussé plus d’un million de personnes vers l’Europe, et une partie d’entre elles vers la Grande-Bretagne, il y a toujours eu entre 1 000 et 3 000 personnes en transit bloquées à la frontière.

Et, pourtant, ce n’est pas faute, pour les autorités françaises et britanniques, d’avoir tenu un discours de fermeté et mis en œuvre une politique de dissuasion. De manière très détaillée, le politologue Pierre Bonnevalle nous révèle que, depuis trente ans, quels que soient les gouvernements, une seule et même politique est menée : rendre les territoires situés sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord aussi inhospitaliers que possible.

Nous avons donc vu pousser des barrières et des barbelés, nous avons appris ce qu’était une « concertina », ces barbelés couplés à des lames de rasoir. Nous avons vu des arbres abattus et des maisons murées. Nous avons aussi appris que mise à l’abri pouvait être synonyme d’expulsions violentes, et que la solidarité pouvait être un délit.

Atteintes toujours plus fortes à la dignité, violation des droits des personnes exilées et destruction de l’attractivité de nos territoires sont les seuls résultats de cette politique. Vient s’ajouter le reniement constant et systématique de nos valeurs, celles qui fondent notre vivre-ensemble. N’est-elle alors que communication ? Une mise en scène pour montrer que l’Etat agit ? Mais qu’est-ce qu’une politique qui ne génère que maltraitance et violence ?

Un dialogue citoyen

Face à ce constat d’un échec flagrant de la politique mise en œuvre à la frontière franco-britannique, face à la violence qu’elle engendre pour les personnes exilées, mais aussi pour toutes celles qui vivent sur ces territoires, nous devons, aujourd’hui, regarder la réalité en face.

Pour que ces personnes vivent dans des conditions dignes, pour que nos territoires ne soient plus constellés de campements et de bidonvilles, pour que nos valeurs soient respectées, le paradigme des politiques publiques mises en œuvre à la frontière doit changer. Ces deux rapports, mais surtout les maltraitances qui s’exercent chaque jour sur notre sol, nous incitent à l’exiger.

Pour obtenir ce changement de modèle, nous devons, ensemble, engager un dialogue citoyen réunissant l’ensemble des forces vives des territoires du littoral de la Manche et de la mer du Nord et imaginer, collectivement, une politique respectueuse des droits de toutes et tous.

Nous appelons toutes celles et tous ceux qui le souhaitent à nous rejoindre pour lancer cette dynamique de convention citoyenne à la frontière franco-britannique.

Principaux signataires : Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD- Terre solidaire ; Chrystel Chatoux, coprésidente d’Utopia 56 ; François Guennoc, président de l’Auberge des migrants ; Henry Masson, président de la Cimade ; Martine Minne, présidente d’Attac Flandres ; docteure Carine Rolland, présidente de Médecins du monde ; Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Antoine Sueur, président d’Emmaüs France ; Corinne Torre, chef de mission de la mission France de Médecins sans frontières ; Véronique Devise, présidente du Secours catholique-Caritas France.

Liste complète des signataires :

https://www.psmigrants.org/site/tribune-accords-du-touquet-fevrier-2003-a-fevrier-2022-mettons-fin-a-la-violence-et-a-linhumanite/

Source: 4 février 2022 – Tribune “Migrations : Il faut mettre fin à « la politique qui ne génère que maltraitance et violence », créée par les accords du Touquet” publiée sur le Monde.fr