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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

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Cinq ans de suivi de l’Etat de droit par la Commission européenne : Bilan et perspectives 6 août 2024

La Commission européenne a publié ce 24 juillet son cinquième rapport annuel sur l’Etat de droit dans les pays de l’Union européenne. Le chapitre consacré à la France est accessible ici. Le Forum civique européen (FCE), dont la LDH est membre, a publié une première réaction en mettant en perspective les limites de l’exercice au vu des cinq années passées.

Communiqué du Forum civique européen (FCE) dont la LDH est membre

2024 marque la cinquième édition du cycle annuel d’examen, par la Commission européenne, du respect de l’état de droit dans les Etats membres de l’UE. Au-delà de l’évaluation du rapport 2024, cet anniversaire est l’occasion de réfléchir aux résultats tangibles de cet exercice et à la façon de remédier à ses lacunes.

Le Forum civique européen (FCE) se sent particulièrement légitime pour partager son analyse, car il a largement contribué, en tant qu’acteur indépendant, à alimenter les rapports de la Commission et a commenté leurs contenus, cela depuis l’origine.

Si l’on regarde les cinq dernières années, deux questions se posent. D’une part, avons-nous observé une amélioration du respect de l’État de droit dans les États membres qui connaissaient déjà des violations majeures lorsque le processus a été lancé en 2019 ? D’autre part, est-ce que le suivi annuel a contribué à stopper ou à ralentir significativement les détériorations de l’État de droit apparues depuis 2019 ?

Pour toutes celles et ceux qui, au sein de la Commission ou en dehors défendent l’État de droit et l’accès effectif aux droits pour toutes et tous, le constat est clair : le respect de l’État de droit a régressé dans de nombreux pays, et les quelques progrès notés n’ont été que des exceptions.

Dans la présente note, nous mettons en exergue les lacunes majeures du processus de suivi l’État de droit tel que mis en œuvre par la Commission et nous proposons des possibles solutions.

Le respect de l’État de droit est étroitement lié à l’égalité dans la société comme à ce qui fait sa cohésion

La Commission limite son évaluation des violations de l’État de droit aux domaines qui relèvent de son mandat principal, à savoir le bon fonctionnement du marché intérieur et la gestion du budget de l’UE, d’où l’attention accordée principalement à la corruption et aux outils de défense des intérêts financiers de l’UE. Un champ d’évaluation aussi étroit exclut de nombreuses violations qui affaiblissent pourtant l’État de droit, la démocratie et les droits fondamentaux. C’est le cas des violations de la liberté d’expression et de la liberté de réunion pacifique, des violences policières ou encore des limites arbitraires imposées au dialogue social et civil.

Depuis le premier rapport de suivi de l’Etat de droit en 2019, le FCE a souligné à maintes reprises que le respect de l’État de droit va de pair avec la construction de sociétés inclusives. Nous avons régulièrement montré que le respect de l’Etat de droit est plus fort dans les pays qui mènent des politiques publiques de cohésion sociale et d’inclusion de toutes et tous et plus faible dans les sociétés caractérisées par de grandes inégalités, de la précarité et de la fragmentation. Par conséquent, en limitant le champ d’observation de l’État de droit au bon fonctionnement du marché intérieur, la Commission a une approche erronée parce qu’insuffisante, les limites de ses rapports empêchant leur impact réel et durable.

L’État de droit nécessite une approche globale

Dans son document sur les orientations politiques de la prochaine Commission européenne, la présidente Ursula Von der Leyen s’engage à consolider le rapport sur l’Etat de droit et à s’assurer qu’il couvre tous les sujets qui se posent en Europe. Pour cela nous disons qu’il faudra transformer le rapport existant afin d’aborder toutes les menaces et tous les défis, et en particulier ceux de l’accès effectif aux droits fondamentaux pour tous et toutes qui figure dans le traité de l’UE avec la Charte des droits fondamentaux. La Présidente s’engage également à faire en sorte que la société civile soit mieux protégée dans son travail. Pour cela, la Commission devrait procurer à la société civile et aux défenseurs des droits de l’Homme agissant à l’intérieur de l’UE une protection similaire à celle visée dans les lignes directrices du Service européen pour l’action extérieure en vue de protéger les défenseurs des droits agissant dans les pays hors de l’UE. Cette protection doit couvrir toutes les catégories de droits : droits du travail, droits des migrants, droits des femmes, droits des LGBTQI+,… ainsi que les libertés civiles.

Nous craignons toutefois que le Conseil ne s’oppose à toute extension du champ d’application du suivi de l’État de droit confié à la Commission. On verrait le système actuel se perpétuer, et continuer de faire l’impasse sur les violations de l’Etat de droit qui ne relèvent pas des compétences de l’UE. Or, parce qu’il ne permet pas d’évaluer des domaines clés, le statu quo n’est pas acceptable. Les acteurs civiques sont donc prêts à travailler avec la Commission pour obtenir l’extension du champ couvert pour le contrôle du respect de l’État de droit dans les États membres de l’UE, couvrant tous les domaines pertinents et pour que le processus de suivi soit mené de manière à ce que les Etats membres ne puissent pas influencer le champ et le contenu des critiques formulées.

Un mécanisme d’alerte précoce est essentiel pour prévenir les violations de l’État de droit devenant systémiques

Les tendances alarmantes qui se développent ces derniers temps en France et en Italie montrent le besoin d’un mécanisme d’alerte précoce pour le suivi de l’État de droit, qui soit adjoint au cycle annuel.

Comme le montre le rapport du FCE sur l’espace civique, une violation systémique de l’État de droit semble se mettre en place en France. En décembre dernier, lors de la discussion au Parlement de la loi sur l’immigration, nous avons franchi un cap lorsque le gouvernement a reconnu sans se cacher que des dispositions qu’il défendait allaient à l’encontre de la Constitution française. Sa décision de demander après l’adoption du texte que le Conseil constitutionnel répare les manquements n’atténue en rien sa responsabilité, ni l’enjeu. Cela vient s’ajouter à la détérioration accélérée du respect de la liberté d’association et du droit de manifester pacifiquement, mis à mal par des décisions administratives ­ répétées systématiquement par les autorités bien qu’elles soient régulièrement annulées par les tribunaux.[1]

Les restrictions imposées à la société civile en Italie ont également augmenté de manière inquiétante, comme le montre notre récente alerte par le site Civic Space Watch. Il s’agit notamment de mesures ciblant des activistes climatiques, des ONG de sauvetage des migrant-es en mer, et des personnes exprimant leur soutien aux Palestinien-nes, ainsi que de restrictions à la liberté des médias. En réponse, la Commission a simplement réaf²firmé qu’elle suivait de près l’évolution de la situation affectant l’Etat de droit dans tous les Etats membres, y compris l’Italie. La récente réforme de la justice annoncée par le gouvernement de Giorgia Meloni, incluant des changements dans les méthodes de recrutement des magistrats, la séparation des carrières des procureurs et des juges et une évolution des critères de composition du Conseil Supérieur de la Magistrature, soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’avenir de l’Etat de droit et de la séparation des pouvoirs en Italie.

Les exemples de ces deux pays montrent que les outils de suivi de la Commission ne sont pas conçus pour faire face de façon précoce à des développements inquiétants. C’est là une faiblesse essentielle du processus de suivi. De plus, le fait que le rapport de la Commission n’aborde pas ces éléments de détérioration pourrait conduire l’opinion publique à considérer que des considérations politiques prévalent sur le respect de l’Etat de droit. Cela nuirait à la crédibilité globale de l’exercice et affaiblirait la confiance du public dans la capacité des institutions à effectuer des contrôles et à veiller à l’équilibre des pouvoirs.

La Commission devrait donc mettre en place un mécanisme permanent d’alerte précoce. Ce mécanisme devrait lui permettre d’évaluer rapidement les évolutions inquiétantes et de réagir vite et concrètement, par exemple par des recommandations et un dialogue, avant d’éventuelles sanctions si les pays ne prennent pas de mesures rectificatives. L’influence croissante de l’extrême droite sur l’élaboration des politiques publiques, même lorsqu’elle n’est pas au pouvoir, a déjà eu des répercussions négatives sur l’État de droit. Il est donc d’autant plus urgent de mettre en place un mécanisme d’intervention précoce.

En résumé, une intervention précoce est cruciale pour que les violations ne s’enracinent pas.

La Commission ne doit pas mettre fin prématurément aux procédures de suivi engagées

Jusqu’à présent, les mesures prises par les institutions européennes pour remédier aux violations systémiques de l’État de droit se sont principalement concentrées sur la Hongrie et la Pologne.

Après les élections d’octobre 2023 en Pologne, la promesse du nouveau gouvernement de restaurer un cadre solide pour l’État de droit a suscité l’espoir qu’il était possible d’inverser la situation, désastreuse, par un changement positif. Cependant, la décision de la Commission de clore la procédure engagée contre la Pologne au titre de l’article 7, en déclarant qu’il n’y a plus de risque clair de violation grave de l’État de droit[2] , apparait clairement comme prématurée, motivée principalement par des considérations politiques. Avant de retirer sa pression, la Commission aurait dû prendre en considération la persistance des obstacles restant à surmonter pour annuler l’impact durable des mesures introduites par le gouvernement précédent puisqu’au moment de la décision de la Commission une grande partie des instruments institutionnels préjudiciables à l’État de droit étaient encore en place, et le sont encore aujourd’hui.

Regarder vers l’avenir

En résumé, l’approche actuelle de la Commission est inadéquate car elle méconnaît l’interdépendance entre des politiques publiques fortes s’attaquant aux vulnérabilités sociales, d’une part, et la vigueur de l’État de droit, de l’autre, celles-ci pouvant renforcer celui-là. Nous savons aussi que la précarité et l’exclusion alimentent la montée des partis d’extrême droite et renforcent leur audience, et la portée de leurs discours contre l’État de droit, la démocratie et les droits fondamentaux pour tou.tes. Tenir compte de ces liens est déterminant pour briser le cercle vicieux actuel.

Pour développer une approche globale de l’État de droit, la Commission doit reconnaître que le marché et l’économie, la cohésion sociale et la démocratie sont liés. Ils ne peuvent être traités séparément. Ainsi, le cycle de suivi de l’État de droit devrait être lié à un semestre économique élargi et au suivi du pilier européen des droits sociaux, grâce à la mise en place d’un semestre européen de la démocratie.

Enfin, les recommandations contenues dans le rapport doivent être plus spécifiques, concrètes, assorties d’un calendrier précis, et refléter tous les domaines thématiques. Enfin, leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une évaluation approfondie. Les mécanismes de sanction doivent être combinés à des initiatives de conditionnalité positive et à un soutien aux réformes nécessaires.

[1] Nous nous félicitons de constater que le rapport sur la France mentionne les limites au droit de manifester que le FCE et la LDH avaient soumises, bien que cela ne s’accompagne d’aucune recommandation faite à la France pour préserver l’espace civique. En revanche, il nous apparait incroyable que le rapport publié ce jour ne mentionne même pas les manquements majeurs à l’Etat de droit lors du passage de la loi sur l’immigration au Parlement et ce dont la Commission a été alertée dès janvier dernier.
[2]h ttps://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/nl/ip_24_2461

Bruxelles, 24 juillet 2024

Télécharger le communiqué au format PDF

Source: Cinq ans de suivi de l’Etat de droit par la Commission européenne : Bilan et perspectives

28 février 2024 – Tribune de Patrick Baudouin “N’oublions pas l’Ukraine” publiée sur Mediapart 1 mars 2024

Tribune de Patrick Baudouin, président de la LDH

Lire la tribune du Mediapart

Il y a désormais deux ans, le 24 février 2022, Vladimir Poutine déclenchait une guerre d’invasion contre l’Ukraine en affichant sa certitude d’une victoire éclair. C’était compter sans la résistance d’un peuple ukrainien uni pour défendre ses droits et sa souveraineté. Mais depuis lors la guerre continue avec son lot effrayant de destructions et de morts, dont le nombre s’élève à des dizaines, voire des centaines de milliers parmi lesquels une large part de victimes civiles. Or devant la durée du conflit, et la prédominance de la situation tragique à Gaza sur la scène internationale, les regards se détournent de l’Ukraine au moment même où ce pays a besoin d’un maximum de soutien.

Comme l’écrit dans une récente tribune Josep Borrell, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, cette guerre en Ukraine n’est pas celle de l’Occident contre les autres, mais celle du rejet de la terreur, et de la défense des relations internationales fondée sur le respect mutuel et le droit universel des peuples à la sécurité et à la liberté. La légitimité de la résistance armée des Ukrainiens est incontestable au regard tant du droit international que du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Face à une guerre d’agression, la nécessaire solidarité impose d’apporter à l’Ukraine toutes les aides, financière et militaire, qui lui sont indispensables pour empêcher, au regard de la disproportion des forces en présence, que la victoire ne revienne à l’envahisseur. L’objectif doit être de permettre à l’Ukraine d’inverser le cours d’une situation militaire qui lui devient défavorable. Ce n’est qu’à cette condition que sera crédible l’exigence absolue du retrait sans conditions des troupes russes de l’ensemble du territoire ukrainien.

L’enjeu est d’autant plus important que la résistance du peuple ukrainien va au-delà de la défense d’un territoire, mais reflète aussi ses aspirations légitimes à une société plus égalitaire et plus fraternelle dans la continuité du mouvement Maïdan pour la dignité de février 2014. Ce projet d’une société où le changement est possible se trouve à l’origine de l’offensive poutinienne développant une vision du monde où toute lutte en faveur d’un projet de changement démocratique doit rester vouée à l’échec. Le nouvel ordre mondial prôné par le Kremlin repose sur le rejet des normes et des règles internationales afin que chaque grande puissance puisse exploiter en toute impunité la population et la nature dans sa propre zone d’influence exclusive. C’est une remise en cause de tout l’édifice des principes universels constitutifs de l’ordre international établi après la Seconde Guerre mondiale. La solidarité de la communauté internationale avec la société ukrainienne doit aussi intégrer le soutien aux organisations de sa société civile qui contribuent au combat pour une démocratie vilipendée par Vladimir Poutine.

Une nouvelle illustration édifiante de la véritable nature du régime poutinien vient d’être donnée avec l’assassinat d’Alexeï Navalny. La violence terroriste d’Etat, qui se manifeste aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Russie, s’avère une caractéristique majeure d’un pouvoir qui a écrasé Alep sous les bombes, rasé Grozny comme Marioupol, et continue à semer la mort en Ukraine. Cette violence à répétition, dont la gravité a été trop longtemps sous-estimée, contribue largement aux désordres du monde actuel de même que les relations multiformes établies au fil des années entre les extrêmes droites de tous pays et le régime de Poutine. La généralisation de ces violences mises en œuvre par des Etats, sans que la communauté internationale ne soit en mesure de les empêcher ou de les stopper, a des effets dévastateurs pour la crédibilité du droit international et pour les institutions onusiennes en particulier. Afin de contrer la spirale de la barbarie, et de la négation des droits humains, également à l’œuvre dans le conflit israélo-palestinien, il y a urgence à combattre pour la défense de la démocratie, et pour l’établissement des solidarités avec toutes celles et tous ceux qui luttent pour l’effectivité des droits universels.

Un autre enjeu majeur au regard des abominations commises dans la guerre ukrainienne demeure celui de la lutte contre l’impunité. On ne répétera jamais assez que massacres, viols et tortures, bombardements indiscriminés sur les populations civiles et les infrastructures fournissant les biens essentiels perpétrés sans relâche depuis deux années constituent des crimes de guerre, et même, par leur caractère généralisé et systématique, des crimes contre l’humanité. Les enlèvements et déportations d’enfants ukrainiens vers la Russie relèvent de la qualification de crime de génocide, ce qui vaut à Vladimir Poutine d’être poursuivi par la Cour pénale internationale. Celle-ci doit disposer de tous les moyens nécessaires, humains et financiers, pour enquêter sur les crimes de masse commis et documentés en temps réel, aux côtés de la justice ukrainienne, et en lien avec d’autres justices d’Etats tiers sur le fondement de la compétence universelle, pour qu’à tous les niveaux hiérarchiques les responsables de ces crimes abominables soient amenés à rendre des comptes.

En aucun cas il ne faut se laisser gagner par la résignation, le découragement et la lassitude. Aujourd’hui plus encore qu’hier la mobilisation pour la défense de l’Ukraine doit être massive et déterminée. Tout signe de faiblesse ne fera que renforcer Vladimir Poutine dans une politique expansionniste qui menacera l’intégrité territoriale d’autres pays. Contre une guerre destructrice qui met en danger la sécurité mondiale et la stabilité des démocraties, le devoir est celui d’une solidarité active avec une résistance, civile et militaire, admirable de courage, qui se bat pour la liberté de l’Ukraine et pour celle du reste d’un monde globalisé.

Patrick Baudouin, président de la LDH

Source: 28 février 2024 – Tribune de Patrick Baudouin “N’oublions pas l’Ukraine” publiée sur Mediapart

Emotion et colère après l’assassinat d’Alexeï Navalny 18 février 2024

Communiqué LDH

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) s’associe à l’émotion et la colère qui s’expriment après l’assassinat d’Alexeï Navalny, nouvelle victime du régime poutinien après tant d’autres dont Boris Nemtsov et Anna Politkovskaïa.

La violence terroriste d’Etat qui se manifeste encore une fois est une caractéristique majeure d’un pouvoir qui a écrasé Alep sous les bombes, rasé Grozny comme Marioupol, et sème la mort partout en Ukraine.

Cette violence à répétition et le cynisme traduit par les mots du régime poutinien à chaque nouvel épisode de sa chevauchée mortifère apparaissent de plus en plus comme une composante des désordres du monde actuel, auxquels contribuent aussi les relations multiformes qui se sont établies au fil des années entre les extrêmes droites de tous pays et le régime de Poutine.

La généralisation de toutes sortes de violences mises en œuvre par des Etats, y compris se réclamant de la démocratie, participe de la spirale délétère qui entraine vers toujours davantage de barbarie, de négation des droits humains à travers le monde. Il y a urgence à penser le combat pour la défense de la démocratie comme un combat universel, qui se mène dans toutes les arènes, locales, nationales, internationales. Un combat qui porte celui de toutes les solidarités avec celles et ceux qui se battent pour l’effectivité des droits universels.

La LDH participera aux initiatives qui vont être appelées dans les prochains jours pour manifester son indignation face à l’assassinat d’Alexeï Navalny. Elle sera aux côtés des opposants au régime poutinien qui sont réfugiés en France.

Ici comme là-bas, la LDH sera avec toutes celles et ceux qui sont solidaires avec les victimes russes du régime, et tout particulièrement avec l’association Mémorial alors que s’ouvre aujourd’hui le procès d’Oleg Orlov.

Paris, le 16 février 2024

Télécharger le communiqué LDH en pdf.

Source: Emotion et colère après l’assassinat d’Alexeï Navalny

Plus de 100 organisations appellent les eurodéputés à voter NON à l’accord de libéralisation du commerce et de l’investissement UE-Chili 24 janvier 2024

Communiqué commun dont la LDH signataire

Le 13 décembre dernier, en pleine COP28 sur le climat, l’Union européenne et le Chili ont signé un nouvel accord de libéralisation du commerce et de l’investissement qui doit prendre la suite de l’accord existant depuis 2003. Il est désormais sur la table du Parlement européen pour ratification, ce mercredi 24 janvier à l’occasion de la réunion de la Commission commerce international (INTA) avant de l’être de celui du Parlement européen dans son ensemble à la fin du mois de février. Dans une déclaration signée par plus de 100 organisations européennes, dont plus d’une vingtaine française (voir liste ci-dessous), la société civile appelle les eurodéputés européens à voter contre cet accord qui va enfermer le Chili dans une dépendance accrue à l’exportation de matières premières minières et agricoles, au détriment des populations locales et de l’environnement. Côté européen, en pleine mobilisation des agriculteurs, cet accord, comme l’accord UE-Nouvelle-Zélande ratifié en décembre, va conduire à importer toujours plus de produits agricoles de l’autre bout de la planète et déstabiliser un peu plus les marchés agricoles.

Accès à la déclaration signée par 100 organisations : ici en français et .pdf

Selon la Commission européenne, cet accord va faciliter l’approvisionnement de l’UE en matières premières cruciales pour la transition énergétique et en diversifier l’origine. Dans les faits, un tel accord va accentuer la dépendance du Chili à l’exportation de matières premières et aux marchés mondiaux, plutôt que favoriser le développement d’une industrie et d’une économie locales créatrices d’emplois locaux. Cet accord comporte en effet des dispositions favorables à l’Union européenne qui vont limiter d’autant les capacités du Chili à valoriser ses matières premières sur son territoire : taxer les exportations minières, soutenir les entreprises locales, différencier les prix en fonction de la destination, réglementer l’accès aux investisseurs étrangers seront considérées comme des obstacles au commerce et pourraient être prétexte à des sanctions. Résultat, ce sont les entreprises multinationales qui exploitent, commercent et importent les matières premières qui en seront les grandes gagnantes, au détriment du peuple chilien, de ses territoires et de la planète.

Si le Chili ne se place qu’au 21e rand des importations agricoles européennes, les quotas d’importation sans droits de douane vont encore augmenter pour le porc, le bœuf ou la viande ovine. Celui de la viande de volaille double pour atteindre les 38 000 tonnes. De nouveaux quotas sont créés pour les préparations de fruits (1000 tonnes), l’huile d’olive (11 000 tonnes) ou encore l’éthanol (2000 tonnes). Veut-on vraiment, encore en 2023, augmenter les importations agricoles provenant de l’autre bout de la planète ? Par ailleurs, l’accord ne prévoit aucune disposition qui impose aux produits agricoles chiliens d’être alignés sur la législation qui encadre la production de produits européens. Les produits agricoles chiliens contenant des pesticides devront se limiter à respecter les limites maximales de résidus définies au niveau international, limites qui peuvent être supérieures à celles en vigueur dans l’UE.

Enfin, les entreprises européennes présentes dans le secteur des services vont très largement bénéficier de cet accord qui ouvre bon nombre de marchés publics chiliens (livraisons, télécommunications, transport maritime et services financiers) dans des conditions qui les favoriseront au détriment des entreprises locales. Plus généralement, les dispositions portant sur le climat sont faibles ou non contraignantes, et qui entrera nécessairement en contradiction avec les engagements de l’Accord de Paris.

Pour court-circuiter d’éventuelles oppositions à la ratification de cet accord au sein des États-Membres de l’UE, la Commission européenne a scindé ce nouvel accord en deux parties :

  • un accord dit « cadre avancé » comprenant les trois chapitres portant sur l’investissement, les services financiers et les flux de capitaux qui représente la partie mixte de l’accord, soumise à validation des États-Membres,
  • un accord commercial intérimaire (interim Free Trade Agreement), comprenant 33 chapitres portant sur les compétences exclusives de l’UE, qui ne sont pas soumises à la ratification nationale.

Si le Parlement européen vote favorablement cet accord commercial intérimaire, il sera ratifié et pourra entrer en vigueur. L’accord cadre-avancé devra être ratifié par chacun des pays avant de l’être également.

Pour les 100 organisations signataires de la déclaration de la société civile « l’accord UE-Chili s’inscrit dans un modèle commercial suranné qui doit être abandonné si nous voulons que la transition verte de de l’UE soit véritablement équitable. Les accords commerciaux néo-coloniaux appartiennent au passé. Raisons pour lesquelles nous appelons les députés européens à voter CONTRE cet accord ».

Liste des organisations françaises signataires de la déclaration publiée en janvier 2024 :
ActionAid France, Action non-violente COP 21, Aitec, Alternatiba, Alofa Tuvalu, Attac France, Bloom, CADTM France, Canopée, Confédération paysanne, CGT, Collectif national Stop CETA-Mercosur, Extinction Rebellion, Fédération Artisans du Monde, France Amérique Latine – FAL , France Nature Environnement, FSU, Générations Futures, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Les Amis de la Terre, Les Amis du Monde diplomatique, L’Offensive, Notre Affaire À Tous, Sherpa, Veblen Institute

Paris, le 23 janvier 2024


Source: Plus de 100 organisations appellent les eurodéputés à voter NON à l’accord de libéralisation du commerce et de l’investissement UE-Chili

Projet de loi européenne sur l’ingérence étrangère : la société civile est-elle en danger ? 9 mai 2023

Lettre ouverte de 230 organisations, dont la LDH, adressée à la présidente de la Commission européenne

Dans une lettre adressée à la Présidente de la Commission européenne, 230 organisations de la société civile en appellent à la Commission pour que la proposition de loi européenne sur “l’ingérence étrangère dissimulée” ne soit en contradiction au droit international et européen en matière de droits de l’Homme, et en particulier l’exercice des libertés civiques, la liberté d’association et la liberté d’expression. La LDH l’a signée.

En mai 2023, la Commission européenne proposera un nouveau paquet de mesures “pour la défense de la démocratie”, comprenant des propositions bienvenues visant à renforcer la participation démocratique et à protéger l’espace civique. Cependant, certains éléments de ce paquet menacent de saper les politiques actuelles et futures menées en ce sens, et tout particulièrement un nouvel instrument juridique visant la société civile organisée, dont les associations.

Un rapport financé par la Commission européenne plaide en faveur d’un nouvel “instrument juridique (directive) visant à introduire des normes communes de transparence et de responsabilité pour les services de représentation d’intérêts qui seraient payés ou commendités depuis l’extérieur de l’UE, afin de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et de protéger la sphère démocratique de l’UE contre les ingérences extérieures dissimulées”.

Si ce rapport met en avant les notions transparence et responsabilité, cette proposition semble reprendre l’idée de “législations sur l’influence étrangère” prises dans des pays non démocratiques, régulièrement condamnés par l’UE en particulier dans des pays hors Union européenne, mais pas seulement.  Ces lois ont considérablement réduit l’espace de la société civile indépendante et ont été utilisées pour faire taire les voix critiques.

Une telle proposition semble faire écho à certains débats au Parlement européen et aux arguments avancés par certains gouvernements de l’UE pour justifier des restrictions sévères aux financements venant de l’étranger. Cette approche est très risquée car elle peut conduire à des restrictions significatives de l’espace civique dans l’Union européenne et dans le monde.

La société civile a toujours été une fervente partisane du renforcement de la transparence et continue à accueillir favorablement toute initiative qui la renforce de façon à conforter l’espace des activités d’une société civile indépendante.

En tant qu’organisations de la société civile ayant une grande expérience des libertés civiques, les signataire appellent la Commission européenne à tenir compte de trois facteurs clés avant toute proposition législative :

  1. Réaliser une analyse d’impact de la loi proposées sur le respect des droits fondamentaux, ce qui n’a pas été fait jusqu’à maintenant

L’Union européenne exige une analyse d’impact avant toute législation susceptible d’avoir des répercussions économiques, sociales ou environnementales importantes. En outre, la stratégie européenne pour la mise en œuvre effective de la Charte des droits fondamentaux exige que les droits et principes consacrés par la Charte soient correctement pris en compte à chaque étape du processus législatif. Comme le texte sur la base duquel le rapport à été commandé indique qu’aucune évaluation d’impact n’est prévue, les organisations signataires exigent qu’elle soit réalisée avant toute poursuite du processus législatif.

  1. Clarté quant aux objectifs politiques dont le rapport doit traiter

Le texte sur la base duquel le rapport à été commandé n’identifie pas le besoin spécifique auquel la nouvelle législation répondrait et la raison pour laquelle une directive de l’UE est un instrument nécessaire ou approprié. Il ne définit pas non plus quels sont les “services de représentation d’intérêts ou “l’ingérence extérieure dissimulées” qui doivent être pris en compte. Plusieurs États membres de l’UE ont déjà adopté ou proposé des législations et des politiques qui restreignent volontairement ou involontairement l’espace civique, ce qui a donné lieu à des protestations et contestations tout ce qu’il y a de plus justifié. Il est d’autant plus nécessaire que l’approche des institutions européennes prennent en compte les risques de la législation pour l’espace civique avec une évaluation minutieuse des conséquences, y compris involontaires. Un manque de clarté quant aux objectifs de la législation envisagée risque d’ouvrir la voie à des abus et à des discriminations indues à l’encontre des organisations de la société civile.

  1. Obligations en matière de droits fondamentaux

D’un point de vue juridique et dans le cadre de la Charte des droits fondamentaux, l’Union européenne doit respecter et promouvoir activement les droits qui sont à la base de démocraties dynamiques et saines. Trois références références méritent d’être signalées :

  • Le mois dernier, le Conseil européen a adopté, pour la première fois, des conclusions du Conseil pour l’espace civique, faisant écho à la déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, et affirmant que “la liberté de rechercher, de recevoir et d’utiliser […] des ressources fait partie intégrante du droit à la liberté d’association”.
  • En 2020, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée dans une décision qui a fait jurisprudence, à savoir “Commission européenne contre Hongrie (C-78/18)”, que la liberté d’association, consacrée par l’article 12(1) de la Charte, “constitue l’une des bases essentielles d’une société démocratique et pluraliste”. L’arrêt a identifié le droit d’accès au financement comme un élément substantiel de la liberté d’association et a affirmé l’effet dissuasif de lois telle que celle adoptée en Hongrie, qui créent un climat de défiance vis à vis du travail des associations. En résumé, le jugement a conclu que la Hongrie avait introduit des restrictions discriminatoires, injustifiées et inutiles sur les dons étrangers à la société civile.
  • Les lignes directrices de l’OSCE et de la Commission de Venise sur la liberté d’association stipulent que “le droit à la liberté d’association d’association serait privé de sens si les groupes souhaitant s’associer n’avaient pas la possibilité d’accéder à différents types de ressources, y compris financières, en nature, matérielles et humaines, et provenant de différentes sources, notamment publiques ou privées, nationales, étrangères ou internationales”.

Ces trois éléments indiquent clairement la nécessité d’un examen exceptionnellement attentif et d’une étude d’impact formelle pour déterminer si une telle mesure est nécessaire et proportionnée à ce qui est actuellement un objectif très peu défini.

Les organisation demandent aussi un dialogue ouvert et structuré avec toutes les parties prenantes. En particulier, toutes les propositions ou révision de la législation affectant la société civile doivent être préparées en dialogue étroit avec la société civile.

Télécharger la lettre commune.

Source: Projet de loi européenne sur l’ingérence étrangère : la société civile est-elle en danger ?

La Commission européenne a ouvert une consultation au sujet de la défense de la démocratie en Europe 19 avril 2023

Le Forum Civique Européen (FCE), dont la LDH est membre, a soumis une contribution.

L’approche qu’a la Commission des dangers auxquels l’Union européenne se focalise sur le fait que les attaques viennent de l’extérieur. Le Forum Civique Européen met au centre des préoccupations à avoir qu’une part considérable de la population se détache de la démocratie en constatant qu’elle ne permet pas la prise en compte par les politiques publiques de leurs attentes légitimes en terme de protection sociales, environnementales, économiques et d’accès effectif aux droits.

Le rôle de la société civile organisée (associations, syndicats, mouvements …) dans la société est un élément clef pour la démocratie. La contribution du FCE s’oppose aux mesures particulières pour les associations qui reçoivent des financements de l’étranger qu’envisage d’introduire la Commission européenne à l’instar de ce qui se fait par exemple aux Etats-Unis et en Hongrie et qui limite de diverses façons, indues, la liberté d’association.

Lire la communication du FCE.

 

Source: La Commission européenne a ouvert une consultation au sujet de la défense de la démocratie en Europe

Briser le silence 12 février 2021

Communiqué LDH

Alors que se profilent les prochaines élections – prévues le 14 février – devant renouveler le gouvernement de la Generalitat à la suite de la destitution de son président Quim Torra le 28 septembre dernier, rien n’est réglé concernant celles et ceux qui, depuis octobre 2017 ou mars 2018, sont emprisonnés.

Sept membres du gouvernement de la Generalitat et deux présidents d’associations ont été condamnés pour sédition à dix et treize ans de prison après avoir organisé un référendum en octobre 2017 sur l’indépendance de la Catalogne.

Après un procès vivement critiqué, notamment dans le rapport commun établi par la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et EuroMed Droits, ils sont dans l’attente de la décision du Tribunal suprême, condition préalable pour saisir la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

Au niveau européen la situation n’est pas meilleure : trois membres de l’ancien gouvernement de la Generalitat élus députés européens font l’objet d’une procédure de demande de levée d’immunité parlementaire à la demande du gouvernement espagnol.

La question de l’indépendance ou non de la Catalogne a aveuglé bon nombre d’observateurs depuis plus de trois ans au point de ne même plus s’indigner de voir des prisonniers politiques purger de lourdes peines de prison juste à nos frontières. Le silence est tel, sauf en Catalogne, que l’on peut s’interroger sur le respect des droits fondamentaux qui ne peut être à géométrie variable.

La demande d’un règlement politique et non judiciaire a été faible auprès d’un gouvernement, celui de Pedro Sanchez, qui se trouve aux prises avec un Conseil supérieur du pouvoir judiciaire dont la majorité des membres est issue de l’ancienne majorité de droite empêchant tout règlement politique d’un conflit.

Pourtant dès juin 2019, en plein déroulement du procès, un groupe de travail sur les détentions arbitraires d’un organisme dépendant des Nations unies a demandé la libération immédiate des prisonniers politiques, considérant qu’ont été violés par la justice espagnole les droits des condamnés : droit à la liberté d’expression, droit de manifestation pacifique, droit à la liberté et à la sécurité de la personne, égalité devant la loi, droit à la participation aux affaires publiques, droit à la liberté d’opinion.

D’autres voix s’élèvent depuis quelque temps : des parlementaires français ont pris position pour demander la libération des prisonniers et un règlement politique et non judiciaire de la situation des prisonniers politiques, une pétition internationale a été signée par de très nombreuses personnalités.

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) appelle à la mobilisation pour la défense des droits fondamentaux en Espagne comme elle le fait en France et partout où ceux-ci sont malmenés.

Paris, le 12 février 2021

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Source: Briser le silence

Commentaires sur le récent rapport de la Commission européenne sur l’Etat de droit dans les pays de l’Union européenne 12 octobre 2020

Texte du Forum civique européen, dont la LDH est membre

Mercredi 30 septembre, la Commission européenne a présenté son premier rapport sur la situation pour l’État de droit dans l’Union européenne. Ce rapport est complété par 27 chapitres nationaux qui analysent les spécificités dans chaque État membre.

Le Forum civique européen (FCE) avait apporté sa contribution sur ce sujet dans le cadre de la consultation ouverte par la Commission européenne au printemps (voir la réponse du FCE) [1].

Comme l’ont souligné de nombreux acteurs civiques depuis la publication du rapport, pour être utile, celui-ci doit déboucher sur des actions contre tout recul de l’État de droit quel que soit l’État membre.

Cela dit, nous notons avec satisfaction l’inclusion dans le rapport d’observations concernant la détérioration dans le contexte de la crise du Covid-19. Nous rendons hommage à la manière dont la Commission européenne souligne bien le rôle des acteurs civiques pour la défense de l’État de droit. Le rapport reconnaît que le respect de l’État de droit dépend d’un écosystème plein et entier de contrôles, d’équilibres institutionnels et d’acteurs sociétaux comprenant la société civile. Le rapport mentionne à plusieurs reprises les organisations civiques comme des acteurs majeurs pour alerter sur les violations de l’État de droit. Les autorités nationales sont invitées à prendre en considération leurs déclarations et le rapport dit que « les tentatives de répression des acteurs de la société civile devraient toujours être considérées comme un signe d’alerte en matière d’État de droit ».

Nous considérons l’inclusion de l’espace civique dans le rapport et cette reconnaissance de son rôle comme un signe positif de la part de la CE. Elles reflètent une écoute, au fil des dernières années et aussi pendant la pandémie, des organisations de la société civile, nationales et européennes, y compris du FCE. Cette première étape doit déboucher sur un engagement concret pour un dialogue civique régulier, structuré et transparent sur toute question concernant les politiques publiques.

Si le rapport a de nombreux aspects positifs, l’approche de la Commission européenne en matière d’État de droit est limitée, car elle ne se concentre que sur quatre sujets seulement et, de plus, n’inclut pas les politiques lorsqu’elles sont menées au-delà des frontières comme pour les migrations vers l’Union européenne.

Ainsi, dans le cas de l’espace civique, elle se limite à analyser les législations concernant la vie associative et n’aborde pas la mise en œuvre pratique, accès effectif aux ressources et mises à disposition de locaux pour l’action des organisations civiques. La liberté de réunion n’est pas suffisamment prise en compte (pour en savoir davantage sur l’approche de l’espace civique du FCE).

Aussi, ce document ne décrit que très partiellement les défis auxquels les acteurs civiques sont confrontés dans de nombreux pays lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre et de défendre l’État de droit. Pour la plupart des pays, la lecture laisse une étrange impression, se limitant reprendre une description de problèmes telle que présentée par les gouvernements nationaux, et ne reprenant pas l’analyse qu’en font les acteurs civiques qui rendent compte des faits et alertent sur les brèches identifiées.

Par exemple, le rapport mentionne positivement la Croatie parmi les États membres qui ont récemment « renforcé ou ont l’intention de prendre des initiatives relatives à l’environnement pour la société civile » pour son « plan national visant à améliorer le système de soutien juridique, financier et institutionnel aux activités des organisations de la société civile ». Pourtant, cette stratégie nationale annoncée depuis 2016, n’a toujours pas été adoptée par le gouvernement croate, ce qui a conduit les acteurs civiques non seulement à une précarité de financement mais aussi à limiter leur capacité à jouer leur rôle pour la cohésion sociale et la citoyenneté active.

Dans le cas de la France, pays qui n’a généralement pas une réputation de mauvais élève, la violence de la police lors des manifestations, élément majeur pour 2019, n’est quasiment pas mentionnée. La phrase qui parle de la violence exercée contre les journalistes est allusive.

Ces exemples ne sont pas des exceptions. De nombreux rapports nationaux ne traitent pas ou pas clairement des questions pourtant bien documentées par les acteurs civiques.

Il est trop tôt pour faire une analyse complète des chapitre sur les pays. Les organisations de la société civile continueront à apporter leurs commentaires dans les prochains jours et semaines. Leurs analyses seront de la plus haute importance pour évaluer la pertinence des rapports pour les acteurs civiques qui défendent l’État de droit dans tous les pays de l’Union européenne.

La question est maintenant de savoir comment la Commission entend utiliser les procédures du droit communautaire contre les violations du traité en matière d’État de droit, et quels changements elle recommande aux États membres pour répondre aux problèmes qu’elle mentionne déjà dans les rapports. Nous attendons de la Commission des mesures plus concrètes pour soutenir les actions entreprises par les acteurs de la société civile dans les différents États membres.

Le FCE continuera à intervenir pour alerter sur les lacunes mentionnées ci-dessus et à plaider pour une meilleure prise en compte par la Commission européenne de l’avis des organisations civiques qui agissent à tous les niveaux, du local à l’européen, dans la préparation des futurs rapports.

[1] De plus, le site Civic Space Watch, mis en place par le FCE, qui donne de l’information sur l’espace civique en Europe, ainsi que le « CIVICUS Monitor », que le FCE alimente pour certains pays, sont mentionnés dans des rapports nationaux.

Paris, le 8 octobre 2020

Source: Commentaires sur le récent rapport de la Commission européenne sur l’Etat de droit dans les pays de l’Union européenne

Les citoyens européens méritent plus et mieux du budget de l’UE 4 août 2020

Communiqué du Forum civique européen, dont la LDH est membre

Comme l’ont déclaré les acteurs de la société civile et le Parlement européen, les décisions du Conseil concernant le budget pluriannuel de l’UE ne sont pas acceptables. La mobilisation et les discussions institutionnelles à venir doivent remédier à ses insuffisances et à ses mauvaises orientations.
Au lendemain de la réunion du Conseil, de nombreux chefs d’État ont fait état de “résultats” qui sont en fait leurs souhaits lorsqu’ils n’ont pas fait d’annonces trompeuses qui ne correspondent pas vraiment aux faits.
Pour nous, “un avenir différent du passé” après l’énorme choc de la Covid‐19 signifie une approche de solidarité généralisée pour s’attaquer à la désagrégation exacerbée pour l’accès effectif aux droits fondamentaux que la crise a produite. Au lieu de cela, nous avons entendu plus que jamais des chefs d’État faire des déclarations cyniques, provocantes ou d’autojustifications.

Par exemple, rappelons que les dirigeants hongrois et polonais ont crié victoire parce que les fonds européens seraient versés même en cas de non‐respect de l’État de droit. Ne devrions‐nous pas plutôt les entendre se vanter que nulle part dans l’UE l’État de droit est violé ?  De même, le dirigeant néerlandais a crié victoire pour la réduction des subventions aux pays qui souffrent le plus des effets de la pandémie, parce qu’à son avis les subventions ne devraient pas aller à l’Italie, un pays dont il ne croit pas à la capacité de réforme. Une approche européenne aurait été de revendiquer une victoire pour avoir agréé le plus grand financement possible pour faire face à la plus importante crise vécue.

Un message essentiel pour le président français a été que certains des objectifs qu’il avait mis en avant lors d’un discours à la Sorbonne en septembre 2017 trouvaient écho dans les résultats de la réunion. Non seulement cela est discutable, mais il aurait été plus utile d’entendre des opinions sur la manière de faire face aux conséquences de la réduction décidée des subventions disponibles.

De tels discours sont autant de messages désastreux envoyés aux citoyens de l’Union européenne qui ont participé en si grand nombre aux élections de 2019, montrant ainsi leur attachement à un avenir européen partagé.

La proposition de budget pluriannuel du Conseil européen ne répond pas aux défis du moment

Au‐delà d’un comportement inquiétant des dirigeants qu’on attendrait plutôt à se concentrer sur le bien commun européen lorsqu’ils entrent dans les réunions du Conseil, les décisions prises apportent de mauvaises nouvelles. Mentionnons‐en quelques‐unes, parmi les plus importantes.

De nombreuses stratégies et politiques prioritaires qui sont emblématiques des ambitions de l’UE au‐delà de son strict mandat économique, financier et monétaire voient leur budget baisser : transition écologique et biodiversité, lutte contre le changement climatique, santé, éducation, égalité femmes‐hommes, innovation numérique, asile et immigration, aide humanitaire, démocratie et valeurs fondamentales.

De nombreux programmes importants seront réduits ou laissés avec un budget insuffisant : “Erasmus” qui est un programme phare pour la construction d’une jeunesse européenne tournée vers l’amitié ; le
programme “droits et valeurs” qui vise à soutenir les défenseurs de la société civile des valeurs humanistes européennes revendiquées ; “NDICI” qui est le bras de la solidarité internationale et du développement pour le soutien de l’UE aux pays en développement ; le programme “Europe créative” qui soutient la culture et les médias ; les programmes de recherche qui visent à soutenir l’innovation et la construction des connaissances ; le programme “EU4Health” qui a été présenté comme l’approche commune d’un bouclier sanitaire européen partagé.

Nous voyons un cimetière complet d’ambitions abandonnées qui couvrent des secteurs clés pour d’une Europe en commun. Il est frappant de constater que cela peut se décider dans le cadre d’une réunion du Conseil européen, derrière des portes fermées, sans donner lieu à un débat public préalable.

Un autre sujet de préoccupation est de constater qu’à ce niveau de moyens, le budget européen pour faire face aux conséquences de la crise apparait comme un simple complément à la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne, et non comme l’essentiel pour répondre aux défis des dégâts de la crise.

Même pour l’Italie, principal bénéficiaire de ces fonds, les 81 milliards d’euros de la composante “dons” correspondent à un financement direct de 1,5 % de son PIB pour une période de trois ans, durée bien limitée si l’on considère le temps nécessaire pour sortir de la crise.

Les partisans de l’accord nous demandent de construire notre opinion sur l’avancée qu’est l’émission d’une dette commune européenne. C’est en effet une réalité. Mais l’absence de précision quant aux modalités de son remboursement laisse ouverte l’inquiétante perspective de devoir utiliser les futurs budgets pluriannuels ordinaires pour le faire.
Et enfin, comment ne pas revenir sur la question de l’État de droit, problème qui ne devrait pas exister dans la réalité de l’Union européenne. Pourtant, dans la réalité, nous avons des pays où l’État de droit est attaqué et où les acteurs civiques doivent continument mobiliser contre des violations. L’attente était forte pour que le Conseil européen décide le lier le versement des fonds de l’UE au respect de l’État de droit. Un
mandat imprécis a été donné à la Commission pour maintenant concevoir des conditions aux déboursements, ce qui n’incite pas à l’optimisme. Ainsi, le message donné aux citoyens est que le respect des droits et des valeurs n’est pas une condition préalable à un accord sur les dépenses du budget européen.

Le Forum Civique Européen considère que les décisions adoptées par le Conseil pour le cadre financier pluriannuel et NGUE sont globalement inacceptables. Elles ne reflètent pas les attentes des citoyens que la crise a suscité, elle n’est pas propice à la consolidation d’une citoyenneté européenne reposant sur d’avantage de commun dans l’UE.

La déclaration votée par le Parlement européen met en avant les enjeux cruciaux.
Il est habituel de voir la société civile demander le soutien des institutions dans le cadre des combats qu’elle mène. Mais lorsque c’est le Parlement européen qui interpelle sur des questions centrales et précises en matière de démocratie, d’inclusion européenne et des valeurs fondamentales, la société civile démocratique a toutes les raisons de cheminer de conserve.

Le 23 juillet, le Parlement européen a voté une très importante résolution sur les décisions du Conseil européen. Après avoir caractérisé la mise en place du fonds de relance comme une étape historique, le mot qu’il utilise le plus est “déplorer”.

Le Parlement européen déplore la priorité donnée aux intérêts nationaux et à la méthode intergouvernementale ; la réduction des ressources ; l’exclusion du Parlement (la seule institution directement élue) de la gestion de l’accord ; l’absence du respect des valeurs fondamentales de l’UE comme condition pour l’accède aux financements européens; les rabais sur les contributions accordés à certains États ; la réduction des financements pour les priorités stratégiques et des programmes fondamentaux.

Le FCE se félicite vivement de la résolution du Parlement européen qui converge avec notre approche des questions en jeu pour le budget européen, et qui dit clairement des vérités sur les débats et les décisions du Conseil européen.

Nous soutenons la volonté exprimée par le Parlement européen d’obtenir la pleine reconnaissance de son rôle dans l’architecture institutionnelle de l’UE, et en l’occurrence pour son droit d’améliorer l’accord agréé au Conseil européen avant qu’il ne vote une approbation.

La voix de la société civile démocratique et des acteurs sociaux doit se faire entendre avec force en ce moment délicat et important. Les étapes institutionnelles qui viennent avant l’adoption du budget donnent encore une marge de manœuvre pour une meilleure direction, pour plus de solidarité et plus d’inclusion. Mais le temps presse, agissons ensemble !

Le 24 juillet 2020

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Source: Les citoyens européens méritent plus et mieux du budget de l’UE

Le futur doit être différent du passé 24 avril 2020

Appel du FCE, dont la LDH est membre

Dix leçons tirées dans la crise, pour être largement discutées

L’humanité traverse une crise sans précédent, avec beaucoup de souffrance, de sacrifices, de douleurs et de changement drastique pour notre vie quotidienne. La crise nous apporte de nombreuses leçons pour le future. Le Forum civique européen (FCE) vous en propose dix. 

Leçon une : notre propre sécurité dépend de la sécurité des autres.
Nous avons besoin d’une protection sociale et d’un système de santé universel pour tous et toutes, partout dans le monde.

Leçon deux : nous sommes toutes et tous vulnérables et nos destinées sont liées. Solidarité, égalité, droits, attention doit être au fondement des relations internationales comme du vécu de chaque jour.

Leçon trois : le bien commun existe.
Les institutions publiques doivent servir, protéger et mettre en œuvre le bien commun, pas les intérêts particuliers. 

Leçon quatre : la démocratie est l’antivirus indispensable dont nous avons tous besoin.
La conscience qu’on les citoyens, la participation citoyenne, une information digne de confiance, la recherche et l’éducation publiques, des institutions transparentes contribuer à assurer le bien public.

Leçon cinq : le marché mondialisé a échoué.
La production doit être relocalisée, l’économie circulaire développée, un revenu universel de base pour tous assuré.

Leçon six : nous sommes les dépositaires de la terre, pas ses propriétaires.
Avec notre confinement la nature récupère des dommages que nous faisons. Nous devons retourner au monde avec une responsabilité de justice écologique.

Leçon sept : les vrais héros sont les travailleurs essentiels, avec les femmes au premier rang. Leur contribution doit être reconnue dans la hiérarchie sociale, les invisibles doivent accéder pleinement à tous leurs droits.

Leçon huit : le temps doit ralentir.
Le confinement nous a obligés à donner toute leur place aux liens sociaux, à la patience, à la compassion : nous devons garder cela à long terme.

Leçon neuf : nous avons besoin des sécurités humaines, sociales, écologiques.
Nous nous engageons pour que la remise en état et la transition soient justes, dans notre pays, en Europe et partout dans le monde.

Leçon dix : le futur doit être différent d’hier Nous devons apprendre des Leçons et agir ensemble.

Le FCE est un réseau de plus de 100 associations de 28 pays en Europe, dont la LDH. Nous menons la #MEGA Campaign (Make Europe Great for All – une Europe pour tou-te-s), informons sur la situation dans l’espace civique en Europe avec Civic Space Watch. Nous œuvrons à ce que l’Article 11 du traité de l’Union européenne se traduise par une démocratie participative et un réel dialogue entre les institutions et les représentants des associations.

 

 

Source: Le futur doit être différent du passé