Twitter Facebook Accueil

Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives du tag : Démocratie

D&L 207 – Une remise en cause de l’Etat de droit désormais assumée 29 octobre 2024

D&L 207 – La France sait-elle décoloniser ? Le désastre calédonien 29 octobre 2024

Pour une démocratie pleine et entière, défendons l’Etat de droit ! 2 octobre 2024

Communiqué commun à l’initiative de la LDH

Dimanche 29 septembre 2024, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, se disait « habité par un sentiment de gravité » lorsqu’il a parlé de sujets relevant de la démocratie, de la lutte contre l’arbitraire… à la façon dont le font les régimes autoritaires, les démagogues penchants à l’extrême droite. Avec une légèreté effrayante, il a affirmé reléguer l’Etat de droit au nombre des scories encombrantes de la contrainte juridique. Selon lui, « l’Etat de droit n’est pas intangible » mais devrait évoluer en fonction des besoins définis par les politiques nationales.

Or, c’est bien l’inverse qui fonde l’Etat de droit. Pour protéger de l’arbitraire du pouvoir du moment, l’Etat de droit, ce sont des règles à respecter qui assurent la protection des citoyennes et citoyens comme des institutions. Ces règles s’appuient sur des outils juridiques, dont l’indépendance des juges, pour que ne s’impose pas la loi du plus fort. Loin de s’opposer au peuple, l’Etat de droit est, au contraire, la garantie de l’égalité de toutes les citoyennes et tous les citoyens qui le composent et de sa libre expression contre toutes les oppressions, individuelles ou collectives. L’Etat de droit est une condition de la démocratie.

L’Etat de droit reprend des éléments clefs de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 avec, par exemple, le principe de la séparation des pouvoirs, de la garantie des droits et de l’égalité de toutes et tous devant la loi.

C’est le propre de l’extrême droite, et dorénavant de plus en plus des droites extrêmes, de ne pas reconnaître l’universalité des droits, de nier l’égalité en droit de toutes et tous. Pour que certaines et certains ne puissent se revendiquer de droits, ni obtenir leur protection par un juge, il faut à ces courants politiques démanteler les garanties qu’apporte un Etat de droit.

Bruno Retailleau refuse l’Etat de droit, qui a en son centre l’égal traitement de chaque individu, affirmant qu’au-dessus il y aurait « la vox populi » qui imposerait sa loi en toute chose. La démocratie n’est pourtant pas la dictature de la majorité, elle ne saurait être une opération formelle, sans cadre de valeurs, de principes, se réduisant à un vote.

La séparation des pouvoirs doit être garantie lorsque le Parlement vote la loi. Le Parlement peut d’ailleurs modifier ou abroger un texte déjà voté. Il ne peut en revanche remettre en cause les droits et les libertés inscrites dans les textes à valeur constitutionnelle, qui sont de niveau supérieur aux lois ordinaires, comme par exemple la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 ou le Préambule de la Constitution de 1946 (cité dans celui de la Constitution de la Ve République) ou dans la Constitution au sens strict, pour prendre un exemple, « la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».Il ne peut pas non plus déroger aux conventions ratifiées par la France (ce qui a nécessité un vote du Parlement), comme la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ou la Convention des droits de l’enfant (Cide) ou celle d’Istanbul contre la violence à l’égard des femmes, etc., qui participent à la garantie des droits sans laquelle il n’y a pas d’espace démocratique.

Etat de droit et démocratie sont intimement liés. Ils progressent ensemble et régressent ensemble…

Face à la montée de la haine et de l’autoritarisme, et parce que nous sommes attachés aux principes fondamentaux de la démocratie, nous le disons solennellement : nous défendrons l’Etat de droit.

Un appel à l’initiative de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) et signé par Confédération générale du travail (CGT), La Cimade, Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Fédération syndicale unitaire (FSU), Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples (Mrap), Oxfam France, SOS Racisme, Syndicat de la Magistrature (SM).

Autres signataires :

Agir ensemble contre le chômage  (AC !), Alternatives Européennes (AE), Les Amoureux au ban public, APF France handicap, L’Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie (L’Acort), Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc (Asdhom), Association française des juristes démocrates (AFJD), Association France Palestine Solidarité (AFPS), Association Histoire coloniale et postcoloniale, Céméa France, Collectif des associations citoyennes (CAC), Collectif Changer de Cap, Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (Cnajep), Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT), Commerce Equitable France (CEF), Confédération nationale du logement (CNL), Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), Convention pour la 6* République (C6R), Coordination antifasciste pour l’affirmation des libertés academiques et pedagogiques (CAALAP), Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes (CLEF), Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, Coordination nationale urgences accès aux soins pour tous Marmande, Culture XXI, Europe solidaire sans frontières (ESSF), Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR), Fondation Copernic, Fondation Lilian Thuram Education contre le racisme pour l’égalité, Générations Futures (GF), Generation for Rights Over the World (Grow), Humanity Diaspo (HD), Jesuit Refugee Service France (JRS France), Les Libres Apprentis-Sages de la Vie, Le Lierre, Ligue de l’enseignement, Ligue des femmes iraniennes pour la démocratie (LFID), La Maison des Pas Que, Migraction59, Mouvement pour une alternative non-violente (MAN), Mouvement National Le CRI, Mouvement pour l’économie solidaire (MES), On est prêt, Patron.nes Solidaires, POLLINIS, Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes (RAAR), Réseau Education sans frontières (RESF), Syndicat national des journalistes (SNJ), Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT), Une Autre Voix Juive (UAVJ), Union étudiante, Union fédérale d’intervention des structures culturelles (UFISC), Utopia 56.

Les organisations qui souhaitent signer l’appel « Pour une démocratie pleine et entière, défendons l’Etat de droit ! » peuvent remplir ce formulaire

Paris, le 1er octobre 2024

Source: Pour une démocratie pleine et entière, défendons l’Etat de droit !

Adresse solennelle au président de la République 6 août 2024

Communiqué LDH

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) exprime son inquiétude à l’égard de la situation institutionnelle de la France.

À l’issue des élections législatives provoquées par une dissolution et la mobilisation de l’électorat pour que cette décision n’aboutisse pas à donner le pouvoir politique à l’extrême droite, le président de la République a décidé de ne pas décider. Ses propos récents arguant du déroulement d’une compétition sportive pour reporter la poursuite du processus institutionnel sont à l’image du désordre qu’il a installé.

Ainsi d’un gouvernement démissionnaire dont les membres élu-e-s député-e-s ont pris part au vote pour désigner des représentants de l’Assemblée nationale, en retenant une interprétation discutable de l’article 23 de la Constitution qui interdit de cumuler les fonctions de membre du gouvernement et du parlement, interrogeant sur une atteinte faite au principe de séparation des pouvoirs, fondement de l’Etat de droit, de la démocratie et de la République.

Ainsi du refus de nommer une Première ou un Premier ministre proposé par la coalition parlementaire qui dispose du plus grand nombre de député-e-s à l’Assemblée nationale. Une atteinte à la pratique républicaine usuelle et au message des électrices et électeurs qui ont exprimé au second tour le clair rejet d’un gouvernement d’extrême droite, après avoir placé le camp présidentiel en troisième position au premier tour, loin derrière la gauche.

Mais plus encore de refuser de nommer une Première ou un Premier ministre ayant charge de constituer un gouvernement présenté au Parlement, alors même que cette obligation résulte de l’article 8 de la Constitution, quand bien même celle-ci ne prévoit pas de délai. Inversant l’ordre des chose, le Président invente un processus qui le ferait juge a priori de ce que majorité doit inclure et exclure.

Avec une telle lecture de ses pouvoirs, le Président pourrait s’autoriser à se passer de gouvernement jusqu’à l’issue de son mandat. L’absence de gouvernement de plein exercice laisse entre les mains du président de la République une concentration inédite des pouvoirs politiques, dont il serait seul à déterminer la durée. Sans base constitutionnelle, ce choix va à l’encontre de ses responsabilités essentielles de chef de l’Etat qui « veille au respect de la Constitution [et] assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat » (article 5).

Laisser perdurer une telle situation ne peut que conduire à une désaffection des électrices et des électeurs vis à vis de la chose politique. Après plus d’une dizaine d’années marquée par une brutalisation des institutions et de la démocratie, il est grand temps de restaurer un fonctionnement d’institutions démocratiques.

La LDH, depuis toujours défenseuse d’un fonctionnement démocratique des institutions de la République, demande solennellement au président de la République de respecter la Constitution dans sa lettre et dans son esprit, et à ce titre, sans plus attendre, dans son rôle institutionnel, de nommer un-e chef-fe de gouvernement.

Paris, le 25 juillet 2024

Télécharger le communiqué « Adresse solennelle au président de la République » en format PDF

Source: Adresse solennelle au président de la République

1er août 20524 – Tribune de Nathalie Tehio « Des jeux et du spectacle… n’apportent pas les réponses politiques nécessaires » publiée sur Mediapart 6 août 2024

Les Jeux olympiques sont l’occasion d’une grande fête populaire.

Voilà qu’ils deviennent surtout le prétexte à un report sine die de la mise en place d’un gouvernement ! Le président de la République nous explique que la bonne tenue des jeux passe avant la désignation d’un-e Premier-e ministre… qui attendra donc !

Rappelons qu’il a pris la responsabilité (l’irresponsabilité !) de la dissolution de l’Assemblée nationale alors que l’extrême droite paraissait en mesure d’avoir la majorité. L’évidence de l’approche des JO n’avait pas compté.

Ce n’est que grâce à la mobilisation de la société civile, à l’union des partis de gauche, et aux désistements de candidats arrivés en troisième position que le pire a été évité. Il est d’autant plus regrettable que beaucoup de candidats de droite aient refusé de se désister pour le candidat du Nouveau Front populaire mieux placé à l’issue du premier tour, augmentant ainsi le nombre d’élus d’extrême droite.

Malgré cette irresponsabilité de la droite, on voit le président rechercher avant toute autre chose une alliance entre les députés des partis qui le soutiennent et la droite. Pour lui, cette alliance, qui a permis la réélection au perchoir de Yaël Braun-Pivet, devrait maintenant conduire à d’autres continuités au service de politiques pourtant largement rejetées par l’électorat.

L’usage dans la République est que la coalition qui a le plus grand nombre d’élus à l’Assemblée nationale propose un ou une candidate que le président appelle comme Premier-e ministre, quitte à ce que l’Assemblée vote une motion de censure. En l’occurrence, c’est Lucie Castets qui est proposée par le Nouveau Front populaire.

Ajoutant au désordre créé par le président de la République, voici la lettre et l’esprit de l’article 23 de la Constitution détournés au bénéfice d’une interprétation discutable de l’article Lo 153 du code électoral. Au prix d’une confusion entre pouvoirs législatif et exécutif, les ministres qui ont été élu-e-s député-e-s votent comme parlementaires. Pourtant, l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 proclame qu’à défaut de séparation des pouvoirs, la société est sans constitution.

Pendant ce temps, de l’autre côté de la planète, la Nouvelle-Calédonie est toujours en proie à de vives tensions. L’absence d’exécutif en France à même de prendre les décisions nécessaires empêche de réouvrir une perspective de solution politique, dans la ligne de celle qui prévaut depuis quatre décennies maintenant. La visite éclair à Nouméa de la ministre démissionnaire ne pouvait pas trouver de débouché politique.

Il est pourtant urgent de restaurer le dialogue et de trouver une solution politique durable, légitime, rompant avec les approches de fait coloniales. L’économie est à l’agonie, l’usine de nickel du Nord licencie plus d’un millier de salariés, sans compter l’explosion du nombre de chômeurs en raison de la destruction des entreprises.

Le risque d’une guerre civile est là : les discours de haine raciste qui resurgissent de part et d’autre, et la radicalisation des plus jeunes Kanaks qui pratiquent la politique de la terre brûlée, durcissent jour après jour le climat politique. Cela touche désormais l’ensemble du territoire, alors que les destructions ne concernaient que Nouméa et les communes proches au départ. Le président de l’Union calédonienne (l’une des composantes du FLNKS – Front de libération nationale kanak et socialiste), Daniel Goa, a promis la proclamation de l’indépendance pour le 24 septembre 2024 (date anniversaire de la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France) avant de la repousser à 2025. La présidente de la province Sud, Sonia Backès, propose une partition de l’île, Nouméa restant française, sous-entendant la séparation des Kanaks des autres communautés. Et, pour la première fois depuis des décennies, les départs définitifs sont massifs.

Quant à la justice, elle ne joue pas son rôle, qui pourrait être pacificateur. Ainsi, elle maintient à 17 000 km de chez eux des responsables politiques indépendantistes. Le fait que deux d’entre eux soient désormais sous assignation à résidence et non plus en détention ne répare pas l’éloignement géographique et familial, qui n’aurait pas dû être décidé. Malgré les accusations de violences des milices privées contre les jeunes Kanaks, le parquet n’ouvre pas d’enquêtes. La justice ne doit pas seulement être rendue, elle doit l’être avec impartialité.

Le droit à l’autodétermination du peuple kanak doit être respecté par l’Etat français. Cette promesse, inscrite dans les accords de Matignon et Nouméa qui fixaient le chemin d’un avenir partagé, a été mise à bas par la décision de tenir un troisième référendum sur l’indépendance sans concertation avec les indépendantistes, puis par le dégel du corps électoral aux élections provinciales. Il est urgent, au sens le plus fort et littéral du terme, que le futur gouvernement abandonne définitivement cette réforme et ouvre un cadre de dialogue pour trouver une voie politique pacifique. L’accord de Nouméa de 1998 portait en germe la possibilité d’une décolonisation permettant aux descendants de colons et aux différentes communautés d’intégrer la nouvelle nation. Il est encore possible de poursuivre le chemin de la décolonisation ouvert en 1988 avec les accords Matignon-Oudinot. Mais jusqu’à quand, alors que le pouvoir présidentiel en France n’inscrit pas ses décisions dans ce cadre ?

En l’absence d’un gouvernement français constitué et de plein exercice, capable de reprendre le rôle d’arbitre, et avec un président qui ne semble pas prendre en compte l’urgence de revenir sur les désordres que ses décisions ont créés, même s’il a reçu les élus de Nouvelle-Calédonie, l’espoir s’éloigne un peu plus chaque jour.

Que le président ne pense pas que le spectacle des jeux nous fasse oublier sa responsabilité première : nommer un-e Premier-e ministre pour que le nouveau gouvernement puisse répondre aux besoins de celles et ceux qui ont toutes raisons de se sentir rejetés, méprisés, niés. Liberté, Egalité, Fraternité, Sororité, Respect… ne sont pas que des mots sur un écran de télévision retransmettant une cérémonie d’ouverture de Jeux olympiques.

Nathalie Tehio, présidente de la LDH

Source: 1er août 20524 – Tribune de Nathalie Tehio « Des jeux et du spectacle… n’apportent pas les réponses politiques nécessaires » publiée sur Mediapart

Pour un front commun des forces progressistes face à l’extrême droite 13 juin 2024

Communiqué LDH

Le résultat des élections européennes correspond à ce que les sondages laissaient présager. L’annonce immédiate d’une dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République ouvre l’éventualité d’une majorité d’extrême droite. Cette perspective serait évidemment un désastre pour la République française et pour les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité que nous portons, qui n’ont jamais été aussi menacées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) appelle dès à présent l’ensemble des forces politiques progressistes à dialoguer, à mettre l’ensemble de leurs divergences de côté, à se mobiliser afin de proposer un front commun dans le champ électoral face à l’adversité. Elle va chercher sans tarder à travailler à cela avec toutes les forces syndicales et associatives qui partagent cet objectif avec elle.

Paris, le 10 juin 2024

Télécharger le communiqué LDH en pdf.

Source: Pour un front commun des forces progressistes face à l’extrême droite

L’union européenne, un enjeu citoyen 29 mai 2024

Comme c’est le cas au niveau national et local, le niveau européen est plus que jamais un espace de mobilisation pour les droits économiques, sociaux, environnementaux, culturels, pour les libertés publiques, pour l’égalité et la solidarité, contre les discriminations, pour des sociétés inclusives et accueillantes. Une démocratie renforcée ne peut se concevoir qu’avec des politiques publiques répondant à ces revendications.

Votons pour dire que :

• nous voulons une Europe qui garantisse l’accès aux droits fondamentaux, pour toutes les personnes qui résident sur son territoire, sans distinction ;
• chacune des politiques européennes doit inclure l’effectivité et l’indivisibilité des droits ;
• l’Europe doit être un espace de libertés, d’Etat de droit et de démocratie, en renversant les tendances inverses qui s’expriment dans nombre de pays, mais aussi par des politiques décidées au niveau communautaire.

Le dimanche 9 juin 2024

Allons voter pour contribuer à réduire le poids des extrêmes droites et de celles et ceux qui les rejoignent, et ainsi refuser qu’on supprime l’accès aux droits d’une partie de celles et ceux qui vivent sur notre territoire, au motif que cet accès serait mieux assuré si les droits étaient réservés aux nationaux ! Votons, pour que ces demandes n’aient aucune légitimité à peser sur les politiques européennes des années à venir.

Allons voter pour affirmer que les politiques publiques ne sauraient se limiter au seul objectif « d’égalité des chances ». Menées depuis des décennies, ces politiques laissent nombre de personnes sans accès effectif aux droits fondamentaux. Elles construisent des précarités et développent les peurs qui détruisent les solidarités qui doivent fonder nos sociétés.

La LDH, qui est active avec nombre d’associations pour porter le combat des droits au niveau des institutions européennes, espère continuer à trouver au Parlement européen des personnes élues, appartenant à plusieurs des groupes politiques, qui porteront l’objectif de « tous les droits pour toutes et tous ». Nos combats auront besoin de forces politiques qui partagent cet objectif.

A chacune et à chacun d’y contribuer par son vote le 9 juin.


Source: L’union européenne, un enjeu citoyen

27 avril 2024 – Tribune collective “Critiquer la politique d’un Etat est un droit fondamental et ne saurait constituer une apologie du terrorisme” publiée dans Le Monde 28 avril 2024

Tribune collective signée par Patrick Baudouin, président de la LDH

Lire sur Le Monde

Alors qu’Emmanuel Macron a remis le droit international au cœur de la question israélo-palestinienne, des citoyennes et citoyens sont poursuivis en justice lorsqu’ils s’y réfèrent dans des tracts, s’alarme un collectif de plusieurs personnalitées, dont Patrick Baudouin, président de la LDH

Certains s’en féliciteront, tout en soupirant à bas bruit, « enfin ». D’autres peut-être s’en désoleront. Mais toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté ne penseront qu’une seule chose : peut-être que les massacres vont s’arrêter, peut-être que finalement l’humanité pourrait l’emporter dans toute cette horreur interminable.

Car la tribune du roi de Jordanie, Abdallah II, du président de la République égyptienne, Abdel Fattah Al-Sissi, et du président de la République française, Emmanuel Macron, publiée dans Le Monde du 10 avril 2024, remet le droit international au cœur de la question israélo-palestinienne, en réaffirmant le respect de toutes les vies et en condamnant toutes les violations du droit international humanitaire, qui jalonnent depuis le 7 octobre 2023 les massacres que tous ont connus et connaissent encore. Et ils rappellent que leur demande pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza se fonde sur les résolutions 2720 et 2728 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui exigent précisément cela de toutes les parties.

La proclamation de ces trois chefs d’Etat de l’indispensable respect du droit humanitaire international s’accompagne de tout ce qui a été perdu de vue depuis des décennies dans cette région si déchirée : « Nous demandons instamment qu’il soit mis fin à toutes les mesures unilatérales, notamment les activités de colonisation et la confiscation de terres. Nous exhortons également Israël à empêcher la violence des colons. Nous soulignons la nécessité de respecter le statu quo historique et juridique des lieux saints musulmans et chrétiens de Jérusalem (…) . »

Enfin, en prônant la solution de deux Etats conformément au droit international et aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, les chefs d’Etat ancrent définitivement le droit international comme seul remède à la haine et comme seule solution pour la paix.

Mais alors, que deviennent tous ces écrits, communiqués, tracts qui servent de fondement à toutes les procédures diligentées par les parquets pour apologie du terrorisme ? Et qui parfois maladroitement, ou de manière véhémente, mais toujours dans l’émotion légitime, n’ont eux aussi fait que se référer aux violations du droit international, droit que la France notamment a affirmé et soutenu depuis plusieurs décennies dans l’enceinte des Nations unies ? Fallait-il mettre à mal la liberté d’expression, fût-elle excessive ou provocatrice, à travers ces procédures ? Alors même que la Cour européenne des droits de l’homme, notre boussole juridique et judiciaire en Europe, a pourtant toujours rangé cette liberté parmi les socles indispensables à une société démocratique, rappelant, dans une décision du 11 juin 2020, que « la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Elle vaut non seulement pour les informations ou les idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique » .

Utilisation de mots consacrés

Alors où va la démocratie française ? Après de multiples atteintes portées aux libertés d’association et de manifestation, après le vote de lois dont le Rassemblement national s’enthousiasme d’en inspirer la philosophie, fallait-il attenter à celle des libertés fondamentales qui est le fondement même d’une société démocratique dont la seule limite est l’exclusion des détestables appels à la violence et à la haine ? Quelle est la valeur de la parole internationale de la France quand elle-même met en place une police de la pensée qui en incrimine le sens et les termes ?

En effet, une loi de 2014, en retirant l’apologie du terrorisme commise publiquement de la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour l’intégrer à la procédure commune, laisse apparaître aujourd’hui sa fonction réelle : éviter les protections de la pensée mises en place depuis plus d’un siècle de débats républicains, et écarter les prescriptions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont la Cour répète souvent – à la France notamment – que l’article 10 « ne laisse guère de place à des restrictions à la liberté d’expression dans le domaine des discours politiques » .

Ces procédures d’apologie du terrorisme se déroulent dans le cadre d’enquêtes préliminaires avec convocation en audition libre mentionnant seulement l’infraction visée. La personne entendue, avec présence possible de l’avocat, découvre les propos reprochés au travers des questions du policier, qui, outre de possibles dérapages sur les convictions religieuses ou l’appartenance politique, révèle l’objet des poursuites basé sur l’utilisation de mots consacrés par le droit international : colonialisme, appropriation des terres dans les territoires occupés, résistance à l’occupation, dénonciation de crimes commis. C’est au mépris des textes internationaux intégrés à la hiérarchie des normes françaises que des instructions ont pu être données par la chancellerie au parquet de poursuivre de tels propos.

Pourtant, la critique de la politique d’un Etat, y compris celle de la France, qui paraît avoir oublié les principes qu’elle a défendus, est un droit fondamental reconnu aux citoyens dans un système démocratique. Elle ne saurait constituer une apologie du terrorisme pour l’évidente raison que, finalement, le chef de l’Etat français, et ceux qui signent avec lui la tribune, se réapproprient les fondements du droit international, que beaucoup n’ont fait que rappeler à l’occasion de ces procédures.

Et il est bon de se souvenir de la formule de Victor Hugo pendant les débats sur la loi sur la presse – « La souveraineté du peuple, le suffrage universel, la liberté de la presse sont trois choses identiques » – pour s’interroger sur ce qui est manifestement perdu aujourd’hui dans la démocratie française.

Signataires : Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Rony Brauman, médecin, ex-président de Médecins sans frontières ; Jean-Paul Chagnolaud, professeur émérite des universités ; Antoine Comte, avocat à la cour d’appel de Paris ;Evelyne Sire-Marin, magistrate honoraire, ex-présidente du Syndicat de la magistrature.

Source: 27 avril 2024 – Tribune collective “Critiquer la politique d’un Etat est un droit fondamental et ne saurait constituer une apologie du terrorisme” publiée dans Le Monde

La liberté d’expression et la démocratie sont en danger 23 avril 2024

Communiqué LDH

Depuis le 7 octobre 2023, depuis les bombardements sur la population de Gaza, les réflexes militants et d’identité ont engagé chacune et chacun dans la protection de ce qui leur paraissait le plus légitime. Si les guerres et les crimes contre l’humanité n’ont jamais cessé à travers le monde, en France ils résonnent plus que jamais dans les consciences͏‌. En témoigne la crispation d’une partie de la communauté juive face à un moment vécu comme existentiel après les atrocités commises sur des civils israéliens. En témoigne également celle d’une partie de la communauté arabo-musulmane et des soutiens au peuple palestinien qui dénoncent avec impuissance les massacres de civils palestiniens de Gaza et la poursuite inexorable de la colonisation en Cisjordanie. L’antisémitisme, l’islamophobie et les racismes en sont les symptômes les plus saillants, florissant sur les discours réactionnaires dont certains médias et sphères politiques se nourrissent. La haine se déverse sans entrave.

A un moment où la conflictualité politique aurait dû laisser la place au dialogue et à l’écoute pour panser ces fractures, les rapports de forces se sont exacerbés. C’est dans ce moment périlleux que le gouvernement a choisi d’exercer des mesures violentes et liberticides contre l’expression politique et sociale. La circulaire du ministère de la Justice du 10 octobre 2023 appelant à une réponse pénale ferme et rapide contre les expressions militantes a conduit à la multiplication de poursuites pour apologie du terrorisme contre des représentants syndicaux et politiques. Les préfectures et des représentants politiques exercent des pressions contre le monde académique pour restreindre la liberté d’expression au sein des universités, interdisant de manière inconsidérée des réunions qui s’inscrivent naturellement dans le nécessaire débat public et démocratique du pays. Dernière en date, une manifestation pacifique contre le racisme a été interdite par le préfet de police de Paris avant que cette interdiction ne soit heureusement censurée par les juridictions administratives comme étant manifestement illégale. Ce sont plus généralement toutes les expressions de soutien à la population palestinienne qui sont visées en raison même de ce soutien. La liberté d’expression, même lorsqu’elle s’inscrit dans le cadre légal, n’a jamais autant été restreinte par l’Etat ou par ses représentants. L’équilibre délicat instauré par la loi et les tribunaux pour protéger les libertés individuelles et collectives d’expression de ses opinions, cœur vivant de la démocratie, est en danger.

Les messages présentant favorablement les actes terroristes commis par le Hamas ainsi que les crimes de guerre commis par l’Etat israélien doivent être dénoncés et condamnés. Ce à quoi nous assistons est bien différent. C’est d’opportunisme politique et de poursuites de circonstances qu’il est question. Un opportunisme qui conduit à stigmatiser toute une sphère militante par le biais de la répression judiciaire et administrative. Bâillonner les consciences, c’est jouer délibérément contre la démocratie, contre le débat public, contre l’ordre social. Alors que les périls sont immenses, le monde et donc la France ont besoin de dialogue, de compréhension et de l’affirmation du droit face à la violence.

C’est avec gravité que la LDH (Ligue des droits de l’Homme) demande au gouvernement de les promouvoir et de mettre un terme aux atteintes disproportionnées à la liberté d’expression.

Paris, le 23 avril 2024

Télécharger le communiqué LDH en pdf.

Source: La liberté d’expression et la démocratie sont en danger

24 janvier 2024 – Tribune de Patrick Baudouin “Sauver la démocratie”, publiée sur Mediapart 24 janvier 2024

Tribune de Patrick Baudouin, président de la LDH

En ce début d’année l’état des lieux à l’échelle planétaire est aussi consternant qu’inquiétant. Le cap des deux années de guerre va être atteint en Ukraine. La destruction de Gaza se poursuit au détriment d’une population civile palestinienne martyrisée. La situation au Moyen-Orient est devenue explosive avec la multiplication d’incidents impliquant l’Iran. Les tensions resurgissent entre les deux Corées ou entre la Chine et Taïwan. Les conflits meurtriers s’éternisent en Afrique, notamment au Congo, au Soudan, en Ethiopie. Le continent sud-américain n’est pas épargné avec la violence des narcotrafiquants qui gangrènent la vie politique et amènent plusieurs Etats à s’affranchir de l’Etat de droit. Les régimes autoritaires prospèrent et de nombreuses menaces planent sur les démocraties.

L’année 2024 s’avère d’autant plus cruciale que la moitié de la population mondiale en âge de voter est appelée aux urnes pour des élections présidentielles ou législatives déterminantes lors de scrutins libres ou déjà joués d’avance. Tel est le cas par exemple en Asie pour l’Inde, l’Indonésie, le Pakistan ou l’Iran, en Afrique pour l’Afrique du Sud, le Sénégal, la Mauritanie, le Rwanda ou le Tchad, en Amérique latine pour le Mexique, le Venezuela ou l’Uruguay, en Amérique du Nord où aux Etats-Unis le possible retour de Trump comporte des risques considérables pour la stabilité internationale. En Europe même, il y aura non seulement des élections dans de très nombreux pays comme le Royaume-Uni, la Belgique, le Portugal, la Croatie, l’Autriche, la Roumanie, la Russie, mais aussi des élections pour le Parlement européen, ce dans un contexte de montée en puissance des partis d’extrême droite.

En France également une forte progression de l’extrême droite menace la démocratie, dont le socle est déjà fragilisé par de multiples reculs des droits et libertés. Le vote de la loi sur l’immigration par une majorité incluant les députés du Rassemblement national en constitue une cuisante illustration. Or il ne suffit plus pour inverser la tendance et faire barrage aux ennemis de la démocratie de procéder par une simple contestation de leurs idées et de leurs mensonges. Comme l’analyse avec beaucoup de justesse Pierre Rosanvallon lors d’une récente interview et en réponse à une question sur la droitisation de l’électorat : « Les idées de la droite extrême ne séduisent que parce que le langage de la gauche n’entre plus en résonance avec ce que vivent les gens. Il en reste trop souvent à l’incantation et à la dénonciation sans plus offrir de vision attrayante et crédible. Ce n’est qu’en reforgeant une nouvelle langue progressiste que l’on fera reculer la démagogie. Une langue qui fasse écho aux attentes de dignité, de respect, de justice et de considération des vies d’en bas ».

On ne saurait mieux dire et on rappellera que c’est précisément cet objectif qu’entend poursuivre la LDH pour agir positivement sur les enjeux fondamentaux dans le cadre d’un collectif réunissant de nombreuses organisations associatives et syndicales « Démocratie, Droits et Libertés ». Quatre thèmes d’intervention et de proposition ont été retenus. Le premier concerne la défense, avec une mobilisation constante, des libertés fondamentales d’association, de manifestation, d’expression, d’information, syndicale. Le deuxième est celui de la justice sociale et de la justice écologique, indivisiblement, en menant le combat pour les droits économiques et sociaux au service d’une transition juste. Le troisième porte sur l’égalité des territoires tant la cohésion sociale est fracturée par d’énormes inégalités territoriales, notamment en termes de services publics (santé, transport, éducation, logement) dont sont victimes quartiers populaires et territoires ruraux ou périurbains. Le quatrième aborde la question du respect de l’altérité et de la diversité humaine qui suppose face à la haine, à la stigmatisation de l’étranger et aux discriminations, de revendiquer sans relâche l’égalité de toutes et de tous en dignité et en droits.

C’est là en quelque sorte une feuille de route enthousiasmante à suivre pour l’année qui commence afin de reprendre l’offensive contre les fauteurs de haine et de division en rassemblant un maximum d’acteurs de la société civile. Alors que la situation mondiale est si angoissante, mener et gagner un tel combat dépasse l’échelle de la France tant il existe une interdépendance entre les pays pour la préservation de la démocratie et de ses valeurs.

Patrick Baudouin, président de la LDH

Lire la tribune sur Mediapart

Source: 24 janvier 2024 – Tribune de Patrick Baudouin “Sauver la démocratie”, publiée sur Mediapart