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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives par catégorie : Articles

En dépit des outrances sémantiques du ministère de l’Intérieur, participer à une manifestation organisée par les Soulèvements de la Terre ne fait pas de vous un « écoterroriste » 13 juin, 2024

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Alors que le rapporteur spécial sur les défenseurs de l’environnement aux Nations Unies, Michel Forst, considère que la France est le pire pays d’Europe concernant la répression policière des militants environnementaux, le tribunal administratif de Paris vient de condamner vingt-sept fois l’État français pour avoir empêché des militant.e.s du mouvement italien “No Tav” de rejoindre un événement d’opposition au projet ferroviaire de ligne à grande vitesse reliant Lyon à Turin. Cet événement au cours duquel étaient prévus débats, performances artistiques et une manifestation, était en partie organisé par les Soulèvements de la Terre et s’est tenu du 16 au 18 juin 2023.

Plusieurs dizaines de personnes, dont une de nationalité française, se sont vu refuser l’entrée sur le territoire français, et ont pour certaines d’entre elles été refoulées vers l’Italie les 15, 16 et 17 juin 2023 en raison d’interdictions administratives du territoire (IAT) prises à leur encontre, ou pour d’autres, en raison d’un supposé risque de trouble à l’ordre public.

Le 26 mars et le 4 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a, par vingt-sept décisions, annulé l’ensemble les décisions administratives litigieuses. Il a condamné l’État, d’une part, à verser à chacun.e des requérant.es une somme allant de 500 à 1300 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi et d’autre part, au remboursement des frais de justice.

Le ministère de l’Intérieur précisait, pour justifier les IAT, « que ce mouvement local était appuyé par le mouvement écologiste radical “Les Soulèvements de la Terre” ». Loin d’adhérer à cet argumentaire, et conformément à la décision du Conseil d’État annulant la dissolution de ce mouvement, le tribunal administratif de Paris a considéré que le fait d’avoir pour projet de participer à des événements organisés par les Soulèvements de la Terre n’est pas de “nature à révéler […] l’existence, dans le comportement personnel [des requérants], du point de vue de l’ordre ou de la sécurité publics, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société », condition de légalité d’une IAT.

Le Syndicat des avocats de France (SAF), l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les personnes étrangères (ANAFÉ), l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) et la DH (Ligue des droits de l’Homme) ont soutenu ces recours par intervention volontaire.

Si les requérant.es sont satisfait.es par ces décisions qui reconnaissent l’illégalité des méthodes employées par l’État pour réprimer les militant.e.s écologistes, il.elles regrettent que l’indemnisation n’ait pas été plus conséquente eu égard aux graves atteintes aux droits et libertés fondamentales (liberté d’expression, de réunion et de circulation) dans un contexte de durcissement revendiqué de la répression et de la criminalisation des mouvements militants, libertés pourtant consubstantielles à toute société démocratique.

Alors que l’Europe économique est en constant développement, nous ne pouvons que regretter que des obstacles soient posés à la construction d’une Europe respectueuse des principes démocratiques.

Paris, le 7 juin 2024

Communiqué du SAF, de l’ADDE, de l’ANAFÉ, de la LDH (Ligue des droits de l’Homme), et des avocat.e.s : Anna BLANCHOT (barreau de Brest), Alexis BAUDELIN, Fayçal KALAF, Alexandre MAESTLÉ (barreau de Paris), Flor TERCERO (barreau de Toulouse)

Source: En dépit des outrances sémantiques du ministère de l’Intérieur, participer à une manifestation organisée par les Soulèvements de la Terre ne fait pas de vous un « écoterroriste »

Stop aux massacres à Gaza ! Reconnaissance immédiate de l’Etat de Palestine ! 13 juin, 2024

Manifestation le samedi 8 juin 2024, à 15h, place de la Bastille à Paris

Depuis les crimes perpétrés par le Hamas le 7 octobre dernier, le gouvernement d’extrême-droite israélien commet des massacres de masse touchant principalement les populations civiles palestiniennes de Gaza : bombardements aveugles, attaques contre des camps de réfugiés (Rafah), destruction de toutes les infrastructures, notamment sanitaires, blocage des approvisionnements, de l’eau, de l’électricité, famine, déplacements forcés… provoquant des dizaines de milliers de morts civiles.

Malgré les décisions de la Cour internationale de justice, demandant à Israël de protéger les populations palestiniennes contre un risque génocidaire, puis exigeant l’arrêt immédiat des opérations militaires, celles-ci se sont intensifiées. Parallèlement, la situation en Cisjordanie se dégrade, avec la poursuite de la colonisation et la multiplication des attaques et des arrestations contre les Palestiniens.

Face à ce déni du droit, le procureur de la Cour pénale internationale a requis des mandats d’arrêt contre les principaux dirigeants du Hamas et du gouvernement israélien, dont le Premier Ministre.

Face à l’horreur, la France ne peut pas se contenter de déclarations, mais doit agir concrètement pour faire stopper ces massacres. Assez de tribunes ! Place aux actes ! Elle doit faire respecter les décisions de la CIJ et soutenir le procureur de la CPI.

Nous exigeons :

– Un cessez-le-feu immédiat et permanent, le retrait des troupes israéliennes de la bande de Gaza, l’ouverture immédiat de l’accès pour l’aide humanitaire

– La libération des otages israéliens retenus par le Hamas

–  La libération des prisonniers politiques palestiniens détenus en Israël

– L’embargo immédiat sur les armes vers Israël, et la fin de la coopération militaire et sécuritaire,

– La reconnaissance immédiate par la France de l’Etat de Palestine, aux côtés de l’Etat d’Israël, sur la base des frontières de 1967, comme l’ont fait l’Espagne, la Norvège, l’Irlande et la Slovénie.

– La résolution du conflit par le respect du droit et de la justice, par la négociation dans le cadre du droit international qui doit être appliqué, ce qui implique la fin de l’occupation et de la colonisation de la Cisjordanie et de Gaza, et la levée du blocus de Gaza. Cela suppose l’application des résolutions de l’ONU, des arrêts de la CIJ et des réquisitoires du procureur de la CPI.

– Dès maintenant, l’intervention de la France auprès de l’UE pour la suspension de l’accord d’association UE-Israël.

Le large vote de l’assemblée générale de l’ONU en faveur de l’Etat de Palestine montre que la solidarité internationale n’est pas sans effet.

Aujourd’hui, il est possible que l’ensemble des pays membres de l’UE reconnaisse l’État de Palestine !

Renforçons et élargissons la mobilisation pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens ! Agissons contre le racisme et l’antisémitisme !

Signataires : LDH (Ligue des droits de l’Homme), Mouvement de la Paix, MRAP, PCF, SNES, UAVJ

Source: Stop aux massacres à Gaza ! Reconnaissance immédiate de l’Etat de Palestine !

Les solidarités, grandes oubliées de l’agenda gouvernemental 5 juin, 2024

35 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion membres de la Commission lutte contre la pauvreté de l’UNIOPSS et des collectifs inter-associatifs locaux présents dans 8 régions (Uriopss)

35 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion membres de la Commission lutte contre la pauvreté de l’UNIOPSS et des collectifs inter-associatifs locaux présents dans 8 régions (Uriopss)

35 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion membres de la Commission lutte contre la pauvreté de l’UNIOPSS et des collectifs inter-associatifs locaux présents dans 8 régions (Uriopss)

35 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l’exclusion membres de la Commission lutte contre la pauvreté de l’UNIOPSS et des collectifs inter-associatifs locaux présents dans 8 régions (Uriopss)

Communiqué du collectif ALERTE dont la LDH est membre

Les solidarités, grandes oubliées de l’agenda gouvernemental

Ce matin, les associations de solidarité rencontraient la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, et ce pour la première fois depuis le remaniement ministériel du 11 janvier 2024. Cette dernière a été à l’écoute et a su démontrer sa connaissance des dossiers pendant plus de deux heures, sans pourtant s’engager sur aucune promesse, hormis sa volonté de ne pas supprimer l’ASS (allocation spécifique de solidarité) actuellement et de renforcer les contrats d’engagement jeunes (CEJ).

Les acteurs associatifs ont alerté unanimement le gouvernement sur la gravité de la situation des publics qu’ils accueillent et sur l’incapacité des associations à remplacer une action publique de plus en plus déficiente. En effet, les personnes les plus précaires de notre société semblent être devenues la cible première des économies budgétaires, couplées d’un discours culpabilisateur et stigmatisant.

En septembre 2023, la Première ministre nous présentait le Pacte des solidarités et promettait une hausse de 50 % des moyens dédiés à la lutte contre la pauvreté. Aujourd’hui, les sommes annoncées ne correspondent pas aux réalités que nous constatons. De plus, ces 12 derniers mois, le gouvernement a multiplié les mesures et les annonces qui, loin de combattre la pauvreté, s’attaquent aux personnes les plus précaires notamment :

  • La loi « plein emploi » conditionne le versement du RSA, sans amélioration réelle de l’accompagnement, et renforce le contrôle social des personnes les plus vulnérables.
  • La loi immigration qui a intégré des mesures de « préférence nationale » avant que le Conseil constitutionnel ne les rejette, sans réellement faciliter la régularisation par le travail.
  • Le nouveau projet de loi sur le logement affaiblit le logement social, réduisant l’objectif de construction de logement social imposé par la loi SRU et donc rendra plus difficile le logement des personnes en précarité et des classes moyennes.
  • Une énième réforme de l’assurance chômage est annoncée et affaiblira à nouveau les droits des personnes sans emploi, dans le seul but de recherche d’économies budgétaires.

Le gouvernement doit impérativement changer de cap afin de répondre à l’engagement d’éradication de l’extrême pauvreté d’ici 2030 pris par le président de la République.
Nous demandons en particulier que cessent les discours stigmatisants.

Le Pacte des solidarités pourrait, s’il s’en donne les moyens, réduire la pauvreté subie par trop de personnes vivant en France, grâce à :

  • L’accompagnement renforcé par France Travail. Celui-ci doit se voir allouer des moyens suffisants, afin de permettre aux allocataires du RSA d’avoir une chance de retrouver un emploi de qualité. Le PLF 2025 doit ainsi dégager les moyens nécessaires afin de recruter les personnes au moment de la généralisation de la réforme.
  • La solidarité à la source doit permettre aux personnes de mieux faire valoir leurs droits sociaux. La simplification des déclarations et l’automaticité des versements devront notamment permettre une obtention pleine et garantie des droits, alors que des prestations sont l’objet d’un fort non-recours (RSA, minimum vieillesse, ASPA et prime d’activité).
  • Face à la flambée des prix de l’énergie, le chèque énergie doit être triplé car son barème est gelé depuis 2018 et l’aide exceptionnelle pour l’énergie doit être reconduite dans le parc géré.
  • La tarification sociale de l’eau promise par le président de la République ne doit pas rester parmi les rendez-vous manqués comme le chèque alimentation.

Paris, le 3 juin 2024

Lire le communiqué en PDF

Source: Les solidarités, grandes oubliées de l’agenda gouvernemental

L’union européenne, un enjeu citoyen 29 mai, 2024

Comme c’est le cas au niveau national et local, le niveau européen est plus que jamais un espace de mobilisation pour les droits économiques, sociaux, environnementaux, culturels, pour les libertés publiques, pour l’égalité et la solidarité, contre les discriminations, pour des sociétés inclusives et accueillantes. Une démocratie renforcée ne peut se concevoir qu’avec des politiques publiques répondant à ces revendications.

Votons pour dire que :

• nous voulons une Europe qui garantisse l’accès aux droits fondamentaux, pour toutes les personnes qui résident sur son territoire, sans distinction ;
• chacune des politiques européennes doit inclure l’effectivité et l’indivisibilité des droits ;
• l’Europe doit être un espace de libertés, d’Etat de droit et de démocratie, en renversant les tendances inverses qui s’expriment dans nombre de pays, mais aussi par des politiques décidées au niveau communautaire.

Le dimanche 9 juin 2024

Allons voter pour contribuer à réduire le poids des extrêmes droites et de celles et ceux qui les rejoignent, et ainsi refuser qu’on supprime l’accès aux droits d’une partie de celles et ceux qui vivent sur notre territoire, au motif que cet accès serait mieux assuré si les droits étaient réservés aux nationaux ! Votons, pour que ces demandes n’aient aucune légitimité à peser sur les politiques européennes des années à venir.

Allons voter pour affirmer que les politiques publiques ne sauraient se limiter au seul objectif « d’égalité des chances ». Menées depuis des décennies, ces politiques laissent nombre de personnes sans accès effectif aux droits fondamentaux. Elles construisent des précarités et développent les peurs qui détruisent les solidarités qui doivent fonder nos sociétés.

La LDH, qui est active avec nombre d’associations pour porter le combat des droits au niveau des institutions européennes, espère continuer à trouver au Parlement européen des personnes élues, appartenant à plusieurs des groupes politiques, qui porteront l’objectif de « tous les droits pour toutes et tous ». Nos combats auront besoin de forces politiques qui partagent cet objectif.

A chacune et à chacun d’y contribuer par son vote le 9 juin.


Source: L’union européenne, un enjeu citoyen

Proposition de loi “ingérences étrangères”, une nouvelle étape dans l’escalade sécuritaire 29 mai, 2024

Communiqué de l’Observatoire des libertés et du numérique dont la LDH est membre

L’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) demande aux parlementaires de s’opposer à l’extension des finalités des boîtes noires de renseignement inscrite dans la proposition de loi “ingérences étrangères”.

“L’ingérence étrangère”, un énième prétexte à l’extension de la surveillance de masse

La proposition loi “Prévenir les ingérences étrangères en France”, présentée par le député Sacha Houlié avec le soutien du camp présidentiel, a été adoptée par l’Assemblée nationale (27 mars) et le Sénat (22 mai) avec le soutien des partis Les Républicains et Rassemblement national, alliés naturels du gouvernement pour les lois sécuritaires, mais ici avec également le soutien du PS et d’EELV.

L’objectif affiché de cette loi est de limiter les intrusions d’autres Etats via l’espionnage et les manipulations pour contraindre les intérêts géopolitiques de la France. Mais, alors que le gouvernement dispose déjà de nombreux outils pour éviter ces intrusions, ce texte fraîchement adopté ne peut qu’inquiéter.

En effet, ces dispositions pourraient avoir pour conséquence de soumettre des associations d’intérêt public œuvrant pour l’intérêt collectif à des obligations de déclaration des subventions de fondations étrangères, renforçant ainsi les possibilités de contrôle gouvernemental.

Par ailleurs, dans une logique constante de solutionnisme technologique, le texte promeut l’extension d’une technique de renseignement dite de l’algorithme de détection ou “boîte noire de renseignement”.

Des gardes fous toujours remis en cause

Cette technique a été instaurée par la loi renseignement de 2015 nos organisations s’y étaient alors fermement opposées. Elle implique, en effet, la nécessaire surveillance de l’intégralité des éléments techniques de toutes les communications de la population (qui contacte qui ? quand ? comment ? voire pourquoi ?), qu’elles soient téléphoniques ou sur Internet, tout cela pour poursuivre l’objectif de détecter automatiquement des profils effectuant un certain nombre d’actions déterminées comme étant “suspectes”. Ces profils seront ensuite ciblés et plus spécifiquement suivis par des agents du renseignement. Cette technique agit donc à la manière d’un énorme “filet de pêche”, jeté sur l’ensemble des personnes résidant en France, la largeur de maille étant déterminée par le gouvernement.

En raison de son caractère hautement liberticide, cette mesure avait été limitée à la stricte lutte contre le risque terroriste et instaurée de façon expérimentale pour quelques années avec des obligations d’évaluation. Malgré des résultats qui semblent peu convaincants et des rapports d’évaluation manquants, cette technique a, depuis, été pérennisée et explicitement élargie à l’analyse des adresses web des sites Internet.

Un dévoiement des finalités

L’OLN dénonçait déjà les risques induits par l’utilisation de ce dispositif avec la finalité de “lutte contre le terrorisme”, notamment en raison de l’amplitude de ce que peut recouvrir la qualification de terrorisme, notion du reste non définie dans le texte.

L’actualité vient confirmer nos craintes et l’on ne compte plus les usages particulièrement préoccupants de cette notion : désignation “d’écoterroristes“pour des actions sans atteinte aux personnes, multiples poursuites pour “apologie du terrorisme“, pour des demandes de cessez-le-feu et des propos liés à l’autodétermination du peuple palestinien, condamnations pour une préparation de projet terroriste sans qu’un projet n’ait pu être établi par l’accusation.

Cette proposition de loi élargira cette technique de l’algorithme à deux nouvelles finalités de renseignement :

1° l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale ;

2° les intérêts majeurs de la politique étrangère, l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère ;

Là encore, la définition des finalités est bien trop vague, sujette à de très larges interprétations, pouvant inclure les actions suivantes : militer contre des accords de libre-échange, lutter contre des projets pétroliers, soutien aux migrants, remettre en cause les ventes d’armement ou les interventions militaires de la France…

Un encadrement bien limité

Si un contrôle théorique de ses finalités doit être opéré par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), ses avis peuvent ne pas être suivis.

De même, si la proposition de loi est, là encore, prévue pour une phase “expérimentale” pendant 4 ans et avec des obligations de documentation, peu de doutes sont permis sur ce qu’il adviendra, au vu des précédents sur le sujet.

Un élargissement des “techniques spéciales d’enquête”

Dans le cadre de ce nouveau texte sécuritaire, le Sénat en a aussi profité pour aggraver le barème des peines et créer une nouvelle circonstance aggravante dite “générale” applicable à l’ensemble des infractions (au même titre que l’usage de la cryptologie…) permettant de monter d’un palier la peine de prison encourue (3 à 6, 5 à 7, 7 à 10…) dès que l’infraction est commise “dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère, d’une entreprise ou d’une organisation étrangère, ou sous contrôle étranger“. Cette aggravation de peine permettra l’utilisation des “techniques spéciales d’enquête“, soit les intrusions les plus graves dans la vie privée (écoutes téléphoniques, balises GPS, la prise de contrôle d’appareil, hacking informatique…). Là où ces techniques étaient censées n’être utilisées que pour les crimes les plus graves, elles sont, texte après texte, étendues à un nombre toujours plus important d’infractions.

Quelle lutte contre quelles ingérences ?

Le gouvernement ne ferait-il pas mieux de s’inquiéter de certaines ingérences étrangères bien réelles, telles que la captation des données de santé des Français exploitées par les autorités étasuniennes dans le cadre du Health Data Hub, d’autres captations frauduleuses par les entreprises du numérique américaines ou encore la vente de technologies de pointe par des société étrangères, notamment israéliennes, comme PEGASUS, permettant de surveiller des personnalités politiques françaises au plus haut niveau ?

Des outils terrifiants au service d’un pouvoir qui continue sa fuite en avant autoritaire

Les boîtes noires comme les autres techniques d’intrusion du renseignement offrent des possibilités terrifiantes, qu’elles soient prévues par la loi ou utilisées abusivement. Cette démultiplication des capacités de surveillance participe à l’actuelle dérive autoritaire d’un pouvoir qui se crispe face aux contestations pourtant légitimes de sa politique antisociale et climaticide et devrait toutes et tous nous inquiéter alors que les idées les plus réactionnaires et de contrôle des populations s’intensifient chaque jour un peu plus.

Espérer un retour à la raison

Espérant un retour à la raison et à la primauté des libertés publiques, passant par la fin de la dérive sécuritaire et de son terrible “effet cliquet” nous appelons   la Commission mixte paritaire qui aura à se prononcer sur ce texte puis les parlementaires à rejeter l’article 4 (élargissement du barème de peine et techniques spéciales d’enquête) et l’article 3 (élargissement des finalités des boites noires) de cette proposition de loi, et, a minima, à s’en tenir à une restriction d’utilisation de cette technique à des cas beaucoup plus précis et définis (par exemple au risque d’attentat causant des atteintes à la vie et les ingérences étrangères graves telles qu’envisagées aux articles 411-1 à -8 du Code pénal).

Membres de l’OLN : LDH (Ligue des droits de l’Homme), Syndicat de la magistrature, Quadrature du Net, Syndicat des avocats de France, Cecil, Creis-Terminal, Globenet

Paris, le 29 mai 2024

Source: Proposition de loi “ingérences étrangères”, une nouvelle étape dans l’escalade sécuritaire

Massacre près de Rafah : l’impérieuse nécessité de faire respecter le droit international 27 mai, 2024

Communiqué LDH

Ce 26 mai 2024, l’armée israélienne a bombardé un centre pour personnes déplacées près de Rafah, 40 morts étant comptabilisés à cette heure, alors que le bilan pourrait dépasser les 100 victimes, selon un porte-parole de l’UNWRA.

Ce nouveau massacre s’inscrit dans une politique mise en œuvre de façon systématique par les autorités israéliennes qui tue de façon indiscriminée. Cette action ne peut apparaître que comme une réponse à la déclaration de la Cour internationale de justice (CIJ) qui a ordonné à Israël, il y a deux jours de cela, d’arrêter immédiatement son offensive militaire à Rafah où sont réfugiées des centaines de milliers de personnes.

Dans cette ordonnance du 24 mai 2024, la CIJ a également demandé l’arrêt de « toute autre action menée dans le gouvernorat de Rafah qui serait susceptible d’infliger au groupe des Palestiniens de Gaza des conditions d’existence capables d’entraîner sa destruction physique ou partielle », après avoir rappelé qu’il existait « un risque réel et imminent » que la situation soit irréparable, et « un risque accru » de génocide des Palestiniennes et des Palestiniens de Gaza.

Ce nouveau bombardement dans une zone humanitaire peuplée de civils vivant sous des tentes révulse notre humanité. Il est un défi lancé à la communauté internationale. Cette dernière, et tout particulièrement les Etats-Unis et l’Union européenne, se doivent de tout faire pour qu’Israël se conforme sans délai à l’ordonnance de la CIJ. Dans les circonstances présentes, ils portent la responsabilité première de garantir la crédibilité du système juridique international, qui doit s’appliquer à toutes et tous.

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) appelle donc instamment la France à agir pour que soient prises, en particulier avec l’Union européenne, les mesures efficaces pour faire respecter la décision de la CIJ.

Assurer le respect du droit international est une impérieuse nécessité. Au-delà des enjeux juridique et pénal, cette situation engage la responsabilité politique et morale de la République française comme celle de chacune et chacun d’entre nous.

La LDH rappelle qu’elle demande un cessez-le-feu immédiat et durable avec la fin des bombardements et du déplacement forcé de la population gazaouie, la libération immédiate des otages détenus par le Hamas, la protection de tous les civils en Israël, à Gaza, en Cisjordanie et Jérusalem-Est, la mise en place d’un corridor humanitaire pour le passage de tous les produits de première nécessité, la levée intégrale du blocus de Gaza, la libération des prisonniers palestiniens en détention administrative arbitraire.

Paris, le 27 mai 2024

Télécharger le communiqué LDH en pdf.

Source: Massacre près de Rafah : l’impérieuse nécessité de faire respecter le droit international

Lutte contre les extrêmes droites 26 mai, 2024

Episode 18 “Des Voix et des droits”, le podcast de la LDH, avec René Monzat, membre du groupe de travail de la LDH « Lutte contre les extrêmes droites »

Aujourd’hui, “Des Voix et des droits” aborde le sujet de l’extrême droite. Avec René Monzat, à la veille des élections européennes, nous dressons un état des lieux.

Source: Lutte contre les extrêmes droites

Féministes unies contre l’offensive anti-trans 26 mai, 2024

Communiqué commun signé par la LDH

Nous, féministes, dénonçons fermement la campagne transphobe en cours menée par la droite et l’extrême-droite.
Nous condamnons la proposition de loi portée par les Républicains, dont le seul objectif est de stigmatiser les personnes trans. Ces dernières, et en particulier les femmes trans, sont déjà confrontées à des violences verbales et même physiques fortes. 70% des femmes trans dans l’Union européenne déclarent avoir subi des discriminations dans les douze derniers mois. Les attaques réactionnaires actuelles ne font que favoriser la multiplication des discours haineux, des discriminations et des actes violents à l’encontre des personnes trans et les condamnent à des conditions de vie précaires, à un accès difficile à la santé, au logement et au travail, voire à une exclusion du travail.

Nous, féministes, savons que ceux qui s’en prennent aujourd’hui violemment aux personnes trans sont les mêmes que ceux qui s’opposent aux avancées pour les droits des femmes et stigmatisent les lesbiennes et les gays. Nous savons également que les violences que subissent les personnes trans sont la conséquence de l’hétéropatriarcat. En tant que féministes, nous sommes solidaires de celles et ceux qui souffrent de violences et discriminations, nous devons être partie prenante des mobilisations de défense des droits des personnes trans. Nous dénonçons l’obsession anti-trans nauséabonde de Dora Moutot et Marguerite Stern, anciennes militantes féministes, et leur alliance avec la droite et l’extrême-droite. Nous affirmons que la lutte féministe doit être menée avec et non pas contre les personnes trans.

Nous, féministes, appelons à rejoindre la mobilisation du 26 mai 2024 organisée par plusieurs associations de défense des personnes trans pour lutter contre cette offensive transphobe d’une ampleur sans précédent.

Paris : 26 mai, Place de la République, 14h

Paris, le 24 mai 2024

Source: Féministes unies contre l’offensive anti-trans

Blessures, procès, GAV et convocation du Président de l’USL : une nouvelle étape de la répression est franchie 24 mai, 2024

Communiqué commun dont la LDH est signataire

Mardi 14 mai, le lycée Maurice Genevoix de Montrouge était bloqué pour manifester en faveur de la paix à Gaza. Lors du blocus, trois lycéennes et deux lycéens ont été brutalement interpellé-e-s et placé-e-s en garde-à-vue.

Un lycéen, frappé par les policiers, risque d’être amputé d’un doigt de pied. À ce jour, une lycéenne passera devant le tribunal des mineurs en juillet pour “organisation d’un rassemblement armé” et un autre devra effectuer des travaux d’intérêt général.

En tant que responsables syndicaux nationaux, nous étions de nouveau présent-e-s au rassemblement du lycée Maurice Genevoix ce vendredi 17 mai, toujours pour l’obtention d’une paix durable dans la bande de Gaza et pour dénoncer la répression subie par les élèves le mardi.

Deux lycéens ont été placés en garde-à-vue en raison de leur participation à la mobilisation. Aussi, Gwenn Thomas-Alves, président de l’Union syndicale lycéenne, a été violemment interpellé et emmené au commissariat. Il fait aujourd’hui l’objet d’une convocation par la police le vendredi 25 mai à 09h30 pour “outrages et dégradations en réunion”, du fait d’un graffiti marqué lors du blocus. Ce qui est reproché est bien l’organisation et la participation à une action pour la paix à Gaza ! Cette convocation et ces gardes-à-vue ne sont donc qu’un prétexte pour bâillonner l’expression des lycéen-ne-s mobilisé-e-s.

Nous condamnons unanimement cette convocation politique, qui s’inscrit dans ces multitudes de convocations pour faire taire les voix pour la paix, les violences policières subies par les lycéen-ne-s lors des blocus, tout comme la répression policière dont font l’objet les étudiant-e-s.

Notre mobilisation continuera pour un cessez-le-feu immédiat et l’arrêt du massacre à Gaza.

Paris, le 23 mai 2024

Les signataires du communiqué unitaire :

Syndicats : Union syndicale lycéenne, AEB-SL, Confédération générale du travail (CGT), Fédération syndicale unitaire (FSU), IEL, MNL, Union syndicale solidaires, Solidaires étudiant·es, ULK, Unef, Union étudiante, UPL.

Partis politiques : Génération·s, La France insoumise, Les écologistes – EELV, NPA L’Anticapitaliste, NPA Révolutionnaire, Parti communiste français, Parti socialiste, Parti ouvrier indépendant, PEPS, REV, Révolution permanente.

Associations et collectifs : Attac, LDH (Ligue des droits de l’Homme), Urgence Palestine

Organisations de jeunesse : FJR, Jeune garde, Mouvement des jeunes communistes, Jeunes génération·s, Jeunes insoumis·es, Jeunes NPA L’Anticapitaliste, Jeunes NPA Révolutionnaire, Jeunes socialistes, Jeunes écologistes, PEPS Jeunes, Peule révolté, Le poing levé, RED Jeunes, REV Jeunes.

Source: Blessures, procès, GAV et convocation du Président de l’USL : une nouvelle étape de la répression est franchie

Résolution « Pour une alternative démocratique, sociale et écologique » 24 mai, 2024

Résolution adoptée par le 92e congrès de la LDH, Bordeaux – 18, 19 et 20 mai 2024

I. Une crise multiforme qui fragilise la démocratie – Éléments de contexte

Les politiques publiques dictées par l’agenda néolibéral se sont généralisées au fil des décennies, à mesure que se mondialisait et se financiarisait l’économie et que s’étendait la marchandisation. Loin de la « mondialisation heureuse » promise, elles ont conduit à un accroissement vertigineux des inégalités, qui ne sont pas sans conséquence sur le fonctionnement de notre démocratie. Elles ont de même conduit, notamment au travers du démantèlement progressif du droit du travail, au développement d’une insécurité économique et sociale aux dimensions multiples, et ont installé dans la précarité une part considérable de la population.

L’accès effectif et permanent aux droits économiques, sociaux et culturels les plus essentiels – comme un revenu du travail ou à défaut une allocation de remplacement permettant de vivre décemment, le droit au logement, le droit à la santé, le droit à l’éducation – a été fortement entamé. Le droit à un environnement sain a continué d’être gravement bafoué par un usage prédateur des ressources, avec la perpétuation d’un système non viable écologiquement. Or l’on constate en maintes circonstances combien l’accès à un droit conditionne celui aux autres droits, d’où un cumul des vulnérabilités sociales pour un nombre considérable de gens.

Les situations de non-accès ou de non-recours aux droits sociaux ont progressé encore plus rapidement que le nombre de personnes précarisées éligibles aux dispositifs. La dématérialisation de l’accès aux services peut constituer une maltraitance institutionnelle et est un frein considérable pour celles et ceux qui ne sont pas formés au numérique ou n’y ont simplement pas accès. Les inégalités sociales se sont creusées et territorialisées, tandis que s’accélérait la concentration des richesses dans les mains de quelques-uns.

Un détricotage du salariat, en particulier du salariat stable, s’opère dans tous les secteurs, en lien avec la plateformisation de l’économie. Aujourd’hui, près de 90 % des embauches se font en CDD et le nombre d’emplois précaires a quadruplé en 25 ans. Les travailleurs des plateformes n’ont pas un même accès aux droits conquis par les combats ouvriers comme les congés payés, l’assurance santé, les arrêts maladie, le droit au chômage, à la retraite et le régime protégé des accidents du travail.

En parallèle, le désastre écologique s’accélère, traduisant un modèle d’accaparement des richesses fondé sur la réalisation de profits à court terme. Pourtant le changement climatique global et la destruction accélérée des espèces et des écosystèmes imposent d’agir d’urgence, alors que six des neuf « limites planétaires » ont d’ores et déjà été dépassées.

La concomitance des destructions environnementales et de l’extension des précarités devrait conduire à mettre en oeuvre des politiques publiques capables de faire face à l’urgence et l’ampleur des besoins actuels et futurs. Au lieu de cela, le gouvernement se focalise sur l’accompagnement des demandes des marchés. La casse de l’Etat social se poursuit avec la déstructuration des services publics, qui en outre ne sont plus d’égale qualité sur tous les territoires, et notamment ultramarins. La protection sociale devient une « variable d’ajustement » des déséquilibres budgétaires, fragilisant la situation d’un nombre croissant de personnes. Le modèle néolibéral continue de dominer la politique budgétaire et monétaire mise au service de marchés largement dérégulés, montrant jour après jour qu’il est le problème et en aucun cas une solution face à la décomposition des liens qui font les sociétés humaines.

Les processus démocratiques, y compris dans les pays où ils restent très développés, répondent de moins en moins efficacement aux besoins de sécurité économique, sociale, environnementale des populations. Les facteurs de cohésion de la société sont affaiblis par le recul des services publics et des politiques publiques assurant les solidarités, l’inclusion et les libertés fondamentales. La montée continue et durable des précarités et des inégalités dans un pays aussi riche que la France, un territoire aussi prospère que l’Union européenne, explique largement les doutes qui s’expriment dans des pans entiers de la société sur la pertinence même de la démocratie pour répondre aux besoins, ouvrant par là-même des opportunités d’attaques venant de l’extérieur (Russie, désinformation, intox…).

On observe en France (comme dans de nombreux pays) une défiance croissante des citoyennes et citoyens vis-à-vis de la sphère politique. Pour une partie de la société domine un sentiment d’abandon, de dépossession et de ressentiment, découlant de l’impossibilité d’influencer les politiques pour répondre aux problèmes rencontrés. Electoralement, cela se traduit par des niveaux d’abstention historiquement élevés et par une instabilité des choix électoraux d’un scrutin à l’autre. A de rapides montées peuvent succéder des chutes brutales. Les votes sont souvent davantage l’expression d’une défiance plutôt qu’une adhésion de fond.

La démocratie s’en trouve affaiblie dans sa légitimité au sein de la population, d’autant que la sphère du débat politique est de plus en plus contournée, avec la mise en place d’une gouvernance par des institutions échappant largement aux contrôles, à l’équilibre des pouvoirs et à la discussion collective des critères de décision.

De plus, l’Etat ne se contente pas de rogner sur son rôle d’organisation des marchés, de redistribution des richesses produites. Il développe un autoritarisme s’appuyant sur le rétrécissement des libertés publiques, avec une dépossession des prérogatives du champ judiciaire au profit du pouvoir administratif, mais aussi, dans la période récente, un mépris de l’État de droit. Aux résistances, oppositions et contre-pouvoirs, l’État, largement subordonné aux objectifs économiques, répond par l’autoritarisme et s’achemine vers le musèlement de toute contradiction.

Les acteurs de cohésion et d’alerte que sont les associations, les syndicats, les corps intermédiaires institués sont régulièrement méprisés, contournés, empêchés de porter collectivement les demandes que les institutions devraient prendre en compte – ce qui accentue le délitement du corps social. Cela ajoute encore aux doutes sur l’efficacité de la démocratie et, ultimement, sur son utilité.

Les restrictions à la liberté d’expression, de manifestation, d’association, la criminalisation d’actions militantes, notamment écologistes, et de gestes de solidarité en particulier avec les personnes exilées, participent d’une volonté d’intimidation, dont les violences policières sont l’incarnation la plus spectaculaire, la multiplication des technologies de surveillance l’avatar le plus insidieux. La dernière période voit la multiplication d’actions violentes de groupes d’extrême droite, qui privatisent la violence à l’égard des personnes agissant pour faire valoir les droits et les libertés. Cela illustre les effets délétères du climat installé par le recul de l’Etat de droit.

Quant à la concentration des médias, gérés en fonction d’intérêts privés à la recherche de profits, elle contribue à faire reculer l’intérêt collectif. Le débat public pluraliste, favorable à la vie démocratique, en fait les frais. Les limites croissantes au pluralisme participent de manière insidieuse à l’intimidation générale. Des lignes éditoriales en soutien aux extrêmes droites et droites extrêmes, contraires au cahier des charges fixé aux médias d’information, ont justement été soulignées par le Conseil d’Etat, sans conséquences notables. L’absence de gouvernance indépendante des médias, y compris de service public, accentue ce phénomène. Le champ des médias est plus que jamais un enjeu majeur pour la démocratie.

Les réseaux sociaux, s’ils contribuent à la circulation des informations, sont cependant contrôlés par des intérêts particuliers, et sous influence politique partisane (souvent d’extrême droite). Une grande partie des contenus, résultant d’un enfermement algorithmique, ont un effet destructeur sur le débat public.

La cohésion de la société est également menacée par les atteintes aux droits dans les territoires ultramarins de la France dont les populations voient leurs droits encore plus maltraités. La France a une politique à deux vitesses sur ses propres territoires comme elle l’a d’ailleurs lorsqu’il s’agit de considérer ces mêmes droits dans sa politique internationale.

II. Un affrontement politique structuré par trois approches des droits – Éléments d’analyse

Dans ce contexte de crise, la LDH, qui analyse les pays occidentaux au prisme des droits, considère que le champ politique est principalement structuré par trois approches fondamentalement différentes, qui se concrétisent dans chaque pays selon des modalités spécifiques en évolution permanente.

La première vision, dans laquelle la LDH se retrouve pleinement, est celle d’une société qui poursuit l’objectif d’assurer à toutes et tous l’accès effectif aux droits fondamentaux, une société où la richesse créée est mise au service de cette ambition. Quand les discours se traduisent en actes, cette approche s’incarne à travers des politiques publiques assurant davantage d’égalité, de justice et de solidarités, sans détruire les écosystèmes. N’ayant pas à lutter constamment pour faire reconnaître et respecter les droits, syndicats et associations peuvent concentrer leur action sur la construction de rapports de force propices à obtenir des politiques servant leur vision.

Une deuxième approche, celle du néolibéralisme développé depuis les années 1980, considère que l’objectif des politiques publiques est de créer un cadre d’opportunités pour les personnes, chacun trouvant censément sa place dans la société en fonction de ses capacités. L’octroi de droits formels doit suffire, peu importe qu’ils soient ou non effectifs. Dans les faits, cette approche culpabilisante, résumée par la formule « traverser la rue [pour trouver un emploi] » et justifiée par le slogan de « l’égalité des chances », organise la mise en concurrence de tous contre tous et un productivisme effréné. Elle conditionne l’accès aux droits aux comportements individuels, niant son caractère universel. Elle se traduit toujours et partout par l’accroissement des inégalités et la désagrégation des liens sociaux. Elle s’accompagne dans de nombreux pays, dont la France, de la répression de toute contestation. La LDH s’inscrit dans tous les combats en défense des droits que cette approche détruit.

La troisième approche est celle historiquement portée par les extrêmes droites, à laquelle des forces politiques de droite sont désormais régulièrement perméables. Cette approche met au centre de toute politique la légitimité d’exclure certaines personnes de l’accès aux droits en fonction de critères « identitaires ». Sont concernées le plus souvent les personnes étrangères, jugées « différentes », ne correspondant pas à une prétendue « culture nationale ». Exclure certaines personnes d’un droit est présenté comme la condition pour l’assurer au reste de la population (dite « de souche » ou « normale »). Cette approche vient pleinement légitimer le racisme et les discriminations. C’est la négation absolue de l’universalité des droits telle que portée par le droit international, voire de toute régulation juridique. Comme le montrent ses votes aux parlements européens et français, dans la logique de sa vision d’une population à l’identité homogène, l’extrême droite rejette la redistribution comme outil premier pour répondre aux besoins sociaux, même au sein de la « communauté nationale » qu’elle dit pourtant vouloir protéger. Au contraire, elle conforte l’inégale répartition des richesses dans la société. Ainsi ses discours sociaux ne sont-ils que fallacieux et mensongers. Jugeant largement illégitime l’engagement environnemental, l’extrême droite sert également le court-termisme qui domine l’économie financiarisée, et en accompagne les intérêts. En résumé, cette approche est la négation absolue de ce que porte la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH) avec les droits humains universels, indivisibles et interdépendants.

Le champ politique des pays occidentaux est structuré par ces trois approches. Toute action visant à peser en France et en Europe sur ce champ gagne à en tenir compte.

III. La boussole des droits pour toutes et tous – Orientations structurantes

En France et en Europe, de fortes mobilisations portent régulièrement des revendications contre les précarités et les vulnérabilités tant sociales que climatiques, pour les libertés publiques, pour les droits des femmes et de toutes les personnes minorisées, pour le respect de l’Etat de droit et tant d’autres droits à faire valoir. Dans ce temps de montée des extrêmes droites et des politiques régressives, c’est un facteur essentiel, solide, bienvenu pour porter nos combats partagés y compris dans le champ politique. Quatre grandes exigences, d’importance égale, rassemblent de fait les forces qui participent à tous ces combats.

La première est d’œuvrer à ce que nos sociétés reposent sur un socle dont on ne saurait déroger, fondé sur le triptyque « démocratie, Etat de droit et effectivité des droits fondamentaux » tel qu’il est défini par le droit international. Ce socle figure dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme déclinés dans les pactes de New York pour les droits économiques, sociaux et culturels. Il est dans les objectifs de l’accord de Paris sur le climat et les conventions régionales pour la démocratie environnementale. Il est dans la Convention européenne des droits de l’Homme et sa charte sociale, la Charte européenne des droits fondamentaux, dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (CEFDEF/CEDAW), la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), ou encore la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE).

Dans ces textes, l’universalité des droits est systématiquement affirmée, à l’opposé de toute exclusion ou hiérarchisation. Ce socle inscrit le droit contre toute discrimination, toute forme de rejet de l’autre, qu’elles relèvent du sexisme, de l’homophobie et d’autres LGBTIQ-phobies, de l’antisémitisme, de l’islamophobie et de toutes les formes de racisme, du rejet en raison de la couleur de peau, de la religion, de la nationalité, du genre, de l’âge, du handicap, de la classe sociale, ou de quelque préjugé que ce soit, contre toutes ces haines liées entre elles par le refus de l’altérité.

La deuxième exigence commune aux forces qui luttent pour les droits et les libertés est celle d’un contrat social construit autour des valeurs d’égalité, de solidarité, de justice et d’inclusion, valeurs qui sont au coeur de la démocratie. Cette exigence suppose, et permet, un renouvellement de l’exercice de la citoyenneté, renouvellement qui ne se limite pas au bulletin de vote même si celui-ci est important. Ce contrat social, auquel il est fait référence dans l’article premier de la Constitution, doit être construit autour d’un cercle vertueux où la participation citoyenne est prise en compte par les institutions, où les politiques publiques répondent aux besoins de l’égalité et de l’effectivité des droits, où la diversité des aspirations présentes dans nos sociétés est non seulement reconnue mais trouve des réponses reposant sur les valeurs proclamées par le contrat social, où la laïcité est un principe de liberté.

Troisièmement, l’effectivité des droits économiques, sociaux, environnementaux et culturels doit être au coeur de la société. C’est à la fois le moyen et la condition d’une société solidaire, que construit une fiscalité redistributive de façon juste et efficace, où l’accès aux droits de l’un-e ou de l’autre peut être considéré comme un bien partagé par toutes et tous, ce qui garantit la solidité des processus de la démocratie dans nos sociétés complexes et diverses. Dans une telle perspective, l’effectivité des droits permet une opportunité politique pour revivifier le contrat social. En revanche, toute collectivité prenant des décisions remisant l’égalité et la justice sociale le remet en cause.

Enfin, avec la crise d’un système non viable écologiquement et construisant de façon systémique les précarités, la quatrième exigence consiste à porter l’indivisibilité de la justice sociale et d’un environnement sain et durable, avec le développement des communs à toutes les échelles et la gestion démocratique qui y correspond intrinsèquement, permettant la garantie des biens communs et une régulation publique, démocratique et sociale des activités économiques.

Répondre à la crise de la démocratie implique de traiter simultanément deux questions intrinsèquement liées : à quoi sert la démocratie dans nos sociétés complexes et diversifiées et quels processus démocratiques faut-il pour que la démocratie apporte les réponses attendues ? L’universalité et l’indivisibilité des droits forment le cadre que la démocratie doit servir pour le bien commun. Les politiques publiques doivent garantir ce cadre, pas y être contraires. La création des richesses doit être mise au service des droits et de la préservation des écosystèmes, pas se faire au détriment de leur plein respect.

IV. Défaire l’extrême droite et ses idées : construire une alternative autour de l’effectivité des droits – Appel

La LDH agit pour l’effectivité de tous les droits pour toutes et tous, pour la défense des libertés publiques. Elle n’est pas qu’une vigie, elle est un collectif de luttes et d’actions, et une force de résistance.

C’est forte de cette identité que la LDH aborde la situation présente, inédite depuis huit décennies, d’une France où l’un des possibles est l’arrivée au pouvoir d’Etat de l’extrême droite en 2027.

Ce qui caractérise l’extrême droite, aujourd’hui comme hier, c’est de penser chaque question à travers un prisme selon lequel les droits fondamentaux ne sont pas pour toutes et tous ; c’est de vouloir une société qui pense l’accès aux droits en partant de qui n’est pas légitime à en bénéficier, en général sur la base de critères identitaires qui excluent (nationalité, origine, religion, orientation sexuelle…).

L’extrême droite s’appuie sur les précarités que produisent massivement les politiques néolibérales pour chercher à convaincre qu’en excluant certaines personnes des droits, il y en aurait davantage à donner aux autres. Parce que par principe, par idéologie, elle tourne le dos à une société de l’égalité, de la solidarité, de l’inclusion, l’extrême droite au pouvoir est par nature une régression profonde. Le prix que les sociétés doivent payer pour s’en relever est toujours considérable.

Partie prenante des combats pour l’accès effectif aux droits, la LDH en constate le nombre et la force. Elle constate également qu’une unité inédite a été réalisée dans le champ syndical, et que le besoin de convergence des combats menés irrigue aussi le champ associatif. Dans la situation actuelle, ce sont des atouts essentiels.

Aujourd’hui, notamment à l’approche des élections de 2027, nous sommes face au défi d’un vote pour l’extrême droite plus haut que jamais. La LDH refuse de considérer l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir d’Etat comme inéluctable. La politique néolibérale menée ces dernières années au service des intérêts financiers, avec une succession de lois régressives, s’est accompagnée, en particulier avec la loi immigration, d’une rupture assumée vis-à-vis de l’Etat de droit (ce jusqu’à la caricature, en considérant que c’était au Conseil constitutionnel d’intervenir là où le gouvernement assumait de voter des mesures non constitutionnelles). Cette politique alimente le discours d’extrême droite tout autant qu’elle s’en nourrit. Elle rend inopérante la possibilité de battre l’extrême droite dans les urnes autour d’une candidature issue de l’approche néolibérale. La LDH affirme que seule une alternative politique progressiste est susceptible d’agréger l’ensemble des refus de l’extrême droite au second tour de l’élection présidentielle et de mobiliser la diversité de celles et ceux qui veulent vivre dans une société guidée par l’objectif d’assurer tous les droits à toutes et tous. La LDH considère que les fortes mobilisations de ces dernières années, ayant couvert les préoccupations dans le champ social, environnemental, des droits des femmes, des droits de toutes les personnes discriminées, en défense des libertés individuelles et des libertés publiques, contre les violences policières…, traduisent les aspirations collectives à une société inclusive, d’égalité, de solidarité. Elles doivent être amplifiées et être au fondement de l’alternative à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.

Ces mobilisations tracent la voie à suivre pour des politiques publiques qui recréent les liens dont notre société a besoin, alors que leur absence la désagrège. Les exigences, mais aussi souvent les initiatives concrètes de solidarité qui leur sont liées tracent une perspective d’extension des champs de la coopération et de la justice sociale comme instruments de participation civique. Avoir une alternative politique qui corresponde à ces mobilisations est l’enjeu majeur pour pouvoir défaire les approches sociétales tracées tant par l’approche néolibérale que par celle de l’extrême droite.

La LDH fait partie de celles et ceux qui ne se résignent pas à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Elle souhaite participer à l’émergence d’une nécessaire convergence entre, d’une part, ce que portent les mobilisations organisées par les syndicats, les associations, les mouvements sociaux et, d’autre part, une offre politique inscrite dans une perspective porteuse d’émancipation, d’égalité, de solidarité, d’une société inclusive, de démocratie, de libertés publiques.

Construire cette convergence indispensable pour tenir l’extrême droite hors de la sphère du pouvoir d’État n’a rien d’une évidence. La LDH considère que c’est à partir de leurs pratiques rassemblant une diversité d’opinions présentes dans la société qu’associations et syndicats se doivent de peser maintenant sur les forces politiques qui dans leur diversité interviennent et se reconnaissent dans ces combats pour une société de tous les droits pour toutes et tous.

La LDH appelle toutes et tous, collectivement, à travailler au rassemblement contre les idées d’extrême droite et ceux qui les portent, à même d’en assurer la défaite en 2027 sur la base d’un nouveau contrat social structuré par les solidarités, fait d’inclusion, de refus des discriminations, respectueux des libertés publiques et promouvant la démocratie. La LDH affirme que c’est la présence d’une telle « offre politique » qui peut rassembler pour assurer la défaite de l’extrême droite dans les urnes.

Fidèle à son histoire, la LDH se propose d’être, à tous les niveaux et sur tout le territoire, une table commune, ouverte aux discussions impliquant tous les partenaires progressistes de la société civile, associations, collectifs, syndicats et forces politiques pour contribuer à construire une offre unitaire. Celle-ci doit assurer dans le champ électoral la défaite de l’extrême droite, mais aussi, et ce sera décisif pour la suite, doit reposer sur l’engagement de mener les politiques démontrant aux électrices et électeurs, et plus largement à toutes celles et tous ceux qui vivent sur le territoire quel que soit leur statut, que la démocratie fonctionne pour eux, que ses processus répondent aux besoins légitimes qu’elles et ils expriment pour bénéficier de l’effectivité des droits.

La LDH exhorte les citoyennes et les citoyens mus par la justice sociale et écologique, qui ressentent déception, trahison ou abandon des politiques, à ne pas renoncer à la bataille politique. En corollaire, elle exhorte les mouvements et partis politiques à travailler avec l’ensemble des acteurs de la société civile pour construire des perspectives d’espoir. Face aux complaisantes et paresseuses prophéties autoréalisatrices d’une inéluctable arrivée au pouvoir de l’extrême droite, nous construirons les conditions de la victoire d’un projet de société juste et inclusive.

Ensemble, engageons un processus pour que notre société soit pleinement une démocratie, porteuse d’espoir, c’est-à-dire qui serve à mettre en œuvre les politiques nécessaires au bien-être dans la société – ce qui implique un fonctionnement où il est normal que les citoyennes et citoyens influent sur les décisions et s’assurent de la mise en œuvre des engagements pris.

Adoptée le 20 mai 2024

Pour : 437 ; contre : 0 ; abstentions : 12

Source: Résolution « Pour une alternative démocratique, sociale et écologique »