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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives par catégorie : Articles

Défendre l’université et la recherche pour défendre la démocratie 27 mars, 2025

Communiqué LDH

L’université et la recherche font aujourd’hui l’objet d’attaques d’une violence sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, partout dans le monde et particulièrement depuis l’élection de Trump aux Etats-Unis. Selon un rapport rédigé par une équipe de chercheurs germano-suédoise, publié le 13 mars 2025, l’indice de liberté académique est en « déclin significatif » dans 34 pays et territoires depuis dix ans. Les universités, les organismes et institutions de recherche, les agences de régulation, sont systématiquement attaquées dans leurs fondements et missions, mais aussi dans leur capacité à fonctionner, par l’administration Trump.

La communauté scientifique est ainsi visée pour ce qui fonde le cœur de son activité, la démarche scientifique, l’honnêteté des interprétations, la liberté de la pensée, et la recherche d’une connaissance qui soit appuyée sur des faits et la vérification des démonstrations ou expériences. Les libertés académiques sont bafouées directement par les décrets américains contrôlant le vocabulaire scientifique et interdisant l’usage de mots – « femme », « diversité, « changement climatique », « minorités » – dans la recherche sous peine de suppression des financements. Il s’agit bien, en entravant le travail scientifique, de distordre les faits, c’est un projet de réécriture du réel que porte Donald Trump. Les décisions de Donald Trump entraînent aussi de graves conséquences pour les communautés scientifiques hors des Etats-Unis mêmes qui travaillent en réseau qui incluent ces équipes états-uniennes. C’est le travail scientifique de l’humanité qui est ainsi attaqué. Particulièrement sur le chantier vital du réchauffement climatique, tout comme en matière de protection de la santé.

Dans le contexte exacerbé aux Etats-Unis, mais qui se développe de façon plus partielle dans d’autres pays (comme en Hongrie, en Italie), la LDH (Ligue des droits de l’Homme) rappelle son attachement à la pleine indépendance du monde universitaire, partout dans le monde. Cette indépendance doit être garantie vis-à-vis de toute emprise d’un pouvoir économique, confessionnel, idéologique et aussi politique.

En France, la liberté académique est un principe constitutionnel depuis 1984 qui interdit juridiquement l’intervention du pouvoir dans la gouvernance d’une université, et la LDH souhaite rappeler l’importance de renforcer l’indépendance de la communauté scientifique travaillant en France et particulièrement la liberté académique malmenée ces dernières années :

– quand les travaux des universitaires dans les domaines des études de genre, des études post-coloniales, sur les forces de l’ordre, les mouvements sociaux, les questions environnementales sont délégitimées par des propos infondés émanant de responsables politiques ;

– quand des membres du gouvernement remettent en cause la pertinence des débats ou analyses, s’exprimant sur cela parfois au sein même des établissements ;

– quand une réforme du CNRS disant viser à concentrer les moyens sur quelques « key-labs » malmène la liberté de la recherche ;

– quand la légitime controverse interne à la communauté scientifique est compromise par des procédures-bâillons ou des procédés d’intimidation internes ou externes ;

– quand l’accès aux sources ou instruments de recherche est entravé ;

– quand les moyens et budgets sont réduits par de coupes budgétaires importantes entrainant des mises sous-tutelle d’universités ;

– quand les formations sont évaluées selon des modalités et sur des critères contestables, ce qui peut porter atteinte à la liberté d’enseignement et ne relever que d’un cadre de pensée utilitariste et néolibéral ;

– quand se multiplient les interdictions de réunions ou de conférences, portant gravement atteinte à la liberté d’expression ;

– quand le libre accès aux études supérieures semble remis en cause par les réformes récentes combinées à des annonces de réduction de capacité d’accueil.

La démocratie est en danger

Les universités sont un indispensable rempart face aux projets totalitaires et antidémocratiques. Elles sont des lieux de production d’un savoir scientifique, de formation à l’esprit critique et à la citoyenneté, d’émancipation individuelle et collective, de résistances à la détérioration profonde du débat public. Leur financement public est une garantie d’indépendance par rapport à des intérêts particuliers qui souhaitent orienter la recherche scientifique dans un sens qui réponde à leurs intérêts propres. C’est aussi en cela et comme cela que les universités sont un élément constitutif des fondements de la démocratie. Le service public d’enseignement supérieur et de recherche doit pouvoir rester un garde-fou de préservation d’une connaissance partagée face aux menaces réactionnaires ou obscurantistes qui vont de pair avec la situation internationale.

Il faut assurer l’indépendance professionnelle des communautés d’enseignement supérieur vis-à-vis des ingérences indues des différents pouvoirs, et préserver leurs principes de fonctionnement dérogatoires au droit commun, aujourd’hui fragilisés par des pressions multiples :

– les universitaires doivent être recrutés et jugés par leurs pairs ;

– le service public d’enseignement supérieur doit rester administré par des conseils composés de membres de la communauté universitaire ;

– le financement du service public d’enseignement supérieur doit être à la hauteur des missions confiées ;

– les franchises universitaires doivent préserver les campus des interventions des forces de l’ordre prises sans le consentement de leur responsable ;

– la recherche doit rester inconditionnellement libre des choix de ses objets, de ses outils, et dans son expression.

La LDH appelle à participer aux mobilisations pour le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, le jeudi 27 mars 2025 et aux manifestations du jeudi 3 avril 2025.

La LDH s’exprime en soutien d’un accueil en France de réfugiés scientifiques voulant quitter leurs employeurs états-uniens. Elle souhaite que des moyens nécessaires supplémentaires permettent que la France soit le choix de nos collègues, et accompagnent cet accueil.

La LDH est intéressée par une réflexion au niveau européen qui généralise la liberté académique et la nécessaire autonomie universitaire selon les meilleures pratiques, y compris dans le contexte où l’enseignement supérieur est une compétence des Etats membres.

Pour la LDH, le précédent états-unien est un avertissement qui doit conduire à renforcer dès à présent l’indépendance de la communauté scientifique en France et particulièrement la liberté académique déjà malmenée souvent dans un non-respect de l’Etat de droit.

Paris, le 27 mars 2025

Télécharger le communiqué LDH « Défendre l’université et la recherche pour défendre a démocratie » en pdf.

Source: Défendre l’université et la recherche pour défendre la démocratie

Vague de haine raciste en ligne après le meurtre de la petite Louise dans l’Essonne 27 mars, 2025

La divulgation du patronyme à consonance maghrébine d’un suspect dans l’enquête du meurtre de la petite Louise, par ailleurs mis hors de cause, a entraîné moult commentaires haineux à la suite de la publication du maire de Longjumeau, qui apportait ses condoléances à la famille.

Suite au décès de la jeune Louise début février 2025, le maire de Longjumeau, où résidait la victime, a publié sur Facebook un message de condoléances.

Sous cette publication se multiplient les propos racistes. Les médiats d’extrême droites avaient en effet relayé le patronyme à consonance maghrébine d’un suspect, par ailleurs mis hors de cause par la suite. Néanmoins, cette information a alimenté des discours haineux en ligne, incitant à la violence et à la discrimination.

Face à ce déferlement de haine, SOS Racisme et la LDH ont attiré l’attention du maire de Longjumeau, visant à ce qu’il retire les dits commentaires soumis à son attention, comme le lui demandaient de nombreux internautes. En effet, si sa publication n’est absolument pas en cause, il lui revient de modérer les commentaires qui y sont ajoutés.

C’est ainsi que l’ancien maire de Beaucaire, M. Julien Sanchez, avait été condamné en 2015 pour n’avoir pas promptement supprimé les commentaires illicites publiés par des tiers sur son mur Facebook. La Cour européenne des droits de l’Homme a confirmé cette jurisprudence dans l’arrêt Sanchez c. France du 2 septembre 2021.

Sos racisme et la LDH souhaitent ainsi sensibiliser les personnalités politiques et médiatiques quant à leur devoir de modération quant aux contenus publiés par des tiers sur leurs réseaux sociaux, et leur rôle dans la lutte contre la haine en ligne.

Source: Vague de haine raciste en ligne après le meurtre de la petite Louise dans l’Essonne

Rupture de la trêve à Gaza. Halte aux bombardements, halte au massacre ! 22 mars, 2025

Communiqué LDH

Il faut arrêter cette folie meurtrière. La France doit exiger un cessez-le-feu immédiat.

Après deux mois de cessez-le-feu le gouvernement d’extrême droite israélien a repris, dans la nuit de lundi à mardi, les bombardements massifs de la population civile de Gaza faisant au moins 400 morts, des centaines de blessé-e-s, un massacre est en cours.

Ces bombardements font suite au nouveau blocage de l’accès à l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, à la privation d’énergie pour ses habitantes et habitants, aux assassinats quotidiens des Palestiniennes et Palestiniens en Palestine occupée, à l’agression militaire de grande ampleur de la Cisjordanie, au déplacement forcé de 40 000 réfugié-e-s palestinien-ne-s de Jénine et Tulkarem dont les camps ont été rendus inhabitables, au nettoyage ethnique de la Palestine.

Benyamin Netanyahou, soutenu par Trump et l’internationale d’extrême droite, ne pensant l’avenir que comme construite sur la seule loi du plus fort, ne veut ni d’un nouveau cessez-le-feu, ni de la libération des otages israéliens. Il veut, par une guerre sans limite, un Gaza sans présence palestinienne.

Tous ces actes qui relèvent de la plus sauvage barbarie, sont constitutifs de crimes contre l’humanité !

La France et l’Union européenne doivent exiger un cessez-le-feu immédiat.

La France doit reconnaître sans délai l’Etat de Palestine.

Lire le communiqué « Rupture de la trêve à Gaza. Halte aux bombardements, halte au massacre ! »

Paris, le 19 mars 2025

Source: Rupture de la trêve à Gaza. Halte aux bombardements, halte au massacre !

Contre tous les racismes : un combat sans exclusive, ni hiérarchie, ni exception 22 mars, 2025

Communiqué LDH

A l’heure du soixantième anniversaire de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (21 décembre 1965, entrée en vigueur en 1969) et à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, la LDH (Ligue des droits de l’Homme) réaffirme son engagement contre tous les racismes et toutes les discriminations, sans exclusive, ni hiérarchie, ni exception.

Elle tient à rappeler aux Etats leur engagement à mettre en œuvre des actions pour lutter contre les discours et les actes racistes et contre les discriminations et dénonce la faiblesse des politiques publiques et des moyens déployés dans ce domaine. Elle appelle de même les partis politiques revendiquant la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, les médias et l’ensemble de la société civile à agir pour s’unir dans cette lutte, et non pour diviser, car la situation est grave.

Comme le montre le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) sur l’année 2023, nous assistons en France à une augmentation alarmante du racisme : les actes racistes en général ont augmenté de 32%, en particulier les actes antisémites, et aussi islamophobes.

Nous voyons évidemment l’impact de la multiplication des lois sur l’immigration et des discours de l’extrême droite et de celles et ceux qui utilisent les mêmes approches alimentant la xénophobie ambiante. Nous sommes de même bien conscients de l’impact de la guerre au Moyen-Orient et de l’usage raciste qui peut être fait des émotions et des solidarités normales qu’elle suscite, en particulier à l’égard du peuple palestinien comme envers toutes les victimes de l’attaque du 7 octobre 2023. Cet impact sur la progression du racisme est mondial, même s’il n’en est pas l’unique facteur.

Aux Etats-Unis, en 2023, les discriminations et les agressions à l’encontre des musulman-e-s et des Palestinien-ne-s ont ainsi augmenté par rapport à l’année précédente. En octobre, un enfant américain d’origine palestinienne de 6 ans a été tué à l’arme blanche et en novembre, trois Américains d’origine palestinienne ont été assassinés. On observe dans la même période une hausse massive des actes antisémites selon la Ligue anti-diffamation (ADL), principal groupe de défense des droits des juif-ve-s.

En Allemagne, pays d’une sensibilité singulière du fait de son histoire, l’association fédérale des centres de recherche et d’information sur l’antisémitisme (Rias) et le réseau CLAIM (Alliance contre l’islamophobie et la musulmanophobie) ont tous deux rapporté, en 2023, une augmentation très importante du nombre d’agressions, souvent verbales et aussi physiques, par rapport à l’année précédente.

Il faut combattre ces maux de façon unie car ils s’alimentent aux mêmes peurs et nourrissent la même haine de l’égalité et de la liberté. Pourtant, en France, nous constatons une tendance éminemment dangereuse à opposer la lutte contre l’antisémitisme et la lutte contre l’islamophobie. Il suffit de constater les absences de certains groupes ou partis à des rassemblements quand ils dénoncent des faits antisémites comme tout récemment le viol d’une enfant à Courbevoie, insultée en tant que juive, ou lors des rassemblements contre l’islamophobie.

Cet état de choses est profondément délétère, comme l’est l’usage de symboles et de comparaisons historiques souvent décontextualisées, et qui n’ont pour effet que de relativiser les horreurs d’hier ou celles d’aujourd’hui. Dans cette logique, nous aurions à choisir entre la lutte contre l’antisémitisme et la lutte contre l’islamophobie et à nous polariser sur ces sujets, en négligeant tous les autres racismes et les autres victimes, occultant ainsi le racisme contre les Roms, anti-noir-e-s ou anti-asiatiques…

Nous refusons cette logique mortifère et l’acte irresponsable consistant à opposer les causes antiracistes et les minorités entre elles. Nous appelons toutes celles et tous ceux qui sèment la division au sein de l’antiracisme à plus de responsabilité, à ne jamais ajouter de la haine à la haine, à toujours la combattre.

Toute hiérarchisation et toute concurrence alimentent au final un racisme ou un autre ; or, si chaque racisme est spécifique, la lutte contre le racisme est indivisible, elle ne souffre aucune exception, ni instrumentalisation, ni relativisme.

Le 22 mars 2025, manifestons contre tous les racismes.

Paris, le 21 mars 2025

Télécharger le communiqué LDH en pdf.

Source: Contre tous les racismes : un combat sans exclusive, ni hiérarchie, ni exception

Loi sur la laïcité dans le sport 22 mars, 2025

Note d’analyse de la LDH

Le Sénat ayant adopté en première lecture une proposition de loi intitulée « proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport », la commission des affaires culturelles et de l’éducation doit examiner ce texte.

Ce texte prévoit à la fois d’interdire le port de signes religieux dans les compétitions sportives et d’imposer le « respect des principes de neutralité du service public et de laïcité » dans les règlements d’utilisation d’une piscine ou d’une baignade artificielle publique à usage collectif.

Ces deux points nous semblent particulièrement problématiques au regard de la liberté de conscience et de culte garantie par l’art 10 de la DDHC de 1789, réaffirmée par l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat et par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme (« droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion »). Ce texte se réclame de la laïcité alors qu’il la dévoie gravement.

Cette proposition de loi entre également en contradiction avec le droit de disposer de son corps et plus spécifiquement l’autonomie personnelle, protégée par l’article 8 de la Convention susmentionnée.

Enfin, il ressort de l’exposé des motifs et des travaux parlementaires que la proposition de loi, en dépit de son énoncé universel, cible les femmes musulmanes qui portent le foulard. Partant, elle revêt un caractère discriminatoire.

En adoptant une telle loi, l’Assemblée serait en contradiction flagrante avec notre Constitution et les engagements internationaux de la France.

Sur la question du port de signes religieux dans les compétitions sportives

Cette proposition de loi représente le dernier développement en date d’une tendance semble-t-il ininterrompue depuis deux décennies, qui vise à :

  • généraliser une norme de neutralité religieuse en multipliant les interdictions ;
  • rattacher cette exigence au principe de laïcité. Après l’adoption de règles ayant prescrit la discrétion, sinon la neutralité religieuse des élèves à l’école, interdit certaines tenues dans l’espace public et permis, dans certaines conditions, aux entreprises de prescrire la neutralité convictionnelle des salariés, le sport est le dernier terrain en date des mobilisations autour de cette « nouvelle laïcité »[1] (, comme l’avait déjà illustré l’« affaire » des statuts de la FFF qui a mené à l’arrêt, controversé, rendu par le Conseil d’Etat en juin 2023). Or cette norme de neutralité religieuse met en cause la liberté religieuse et le principe d’égalité ; elle représente, en outre, une instrumentalisation fallacieuse du principe de laïcité.

La décision du Conseil d’Etat, rendue le 29 juin 2023, concernait l’interdiction de signes religieux ou politiques dans le règlement de la Fédération Française de football (FFF). Le Conseil d’Etat a jugé que :

  • seuls les licenciés que la Fédération a sélectionnés dans les équipes de France sont soumis au principe de neutralité du service public ;
  • les autres licenciés bénéficient de la liberté d’exprimer leurs opinions et convictions conformément au principe de laïcité ;
  • cette liberté ne peut être limitée que si cela est nécessaire ; en ce qui concerne le football, cette interdiction apparaît nécessaire lors des compétitions sportives organisées par la FFF (« limitée aux temps et lieux des matchs de football ») pour assurer leur bon déroulement, pour prévenir « notamment tout affrontement ou confrontation sans lien avec le sport ».

Cet arrêt, qui a inspiré la proposition de loi susceptible de s’appliquer à l’ensemble des fédérations sportives, est problématique sur plusieurs points :

  • alors que les obligations de neutralité religieuse générées par le principe de laïcité ne pèsent normalement, dans la logique de la loi de 1905, que sur les personnes publiques, cet arrêt les transfère ici sur les personnes privées que sont les usagers du service public – ici, celui du sport ;
  • ce faisant, il fait du principe de laïcité le fondement d’une restriction générale à la liberté religieuse, retournant le principe de laïcité contre lui-même (pour mémoire, le principe de laïcité inclut la garantie de la liberté religieuse[2]) ;
  • enfin, il valide l’hypothèse d’une telle restriction à la liberté religieuse ici imposée par une personne privée chargée d’un service public (la FFF) en l’absence de toute habilitation législative[3].

La seule exception admise concernait, depuis la loi de 2004, les élèves de l’éducation nationale qui, compte tenu de leur minorité, nécessitaient une protection accrue. Cette nouvelle dérogation à la liberté religieuse revient ainsi à traiter une partie de nos concitoyens, et singulièrement les femmes musulmanes, en mineurs.

Cette décision du Conseil d’Etat a donné lieu à une saisine de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) et la LDH a déposé une requête en intervention. La CEDH a jugé le 24 mars 2024 le recours suffisamment sérieux pour le soumettre à la procédure contradictoire. Il est actuellement en cours d’instruction et devrait conduire à une décision de cette Cour d’ici la fin de l’année 2025.

Le caractère discriminatoire du règlement FFF a été retenu par le Comité des droits de l’Homme de l’ONU dans ses observations finales concernant le sixième rapport périodique de la France de novembre 2024[4]. Ce rapport a fait suite à deux lettres de cinq rapporteurs spéciaux[5] des Nations unies en date des 27 octobre 2023[6] et 22 octobre 2024[7] dans lesquelles ceux-ci exprimaient « leur grave préoccupation au sujet de ces interdictions relatives au port de vêtement religieux, qui conduisent à un ciblage disproportionné des femmes musulmanes (…). De telles mesures non seulement excluent un grand nombre de femmes et de filles musulmanes de l’accès aux sports, mais peuvent aussi alimenter l’intolérance et la discrimination à leur égard ».

L’interdiction projetée étant fondée sur le risque de « radicalisation »[8] : les rapporteurs spéciaux de l’ONU ont rappelé que, conformément à l’observation n°22 du Comité des droits de l’homme, « une interdiction de porter des symboles religieux qui est fondée sur une simple spéculation ou présomption plutôt que sur des faits démontrables est considérée comme une violation de la liberté religieuse des individus »[9].

Plusieurs Professeurs d’université[10] ont relevé qu’une interdiction des signes religieux dans le sport confond les dérives communautaristes avec la simple manifestation d’une conviction religieuse, alors que celle-ci ne justifie aucune restriction. En effet, en France, le port du hijab conçu pour la pratique sportive, lorsqu’il est autorisé, ou lorsqu’il était autorisé, n’a donné lieu à aucune difficulté et n’a jamais conduit à perturber le bon déroulement des compétitions sportives.

La France serait ainsi l’unique Etat[11] à adopter une telle législation, dans un contexte dans lequel la Défenseure des droits[12] a relevé que les actes ciblant les personnes de confession musulmane ne « cessaient d’augmenter » et étaient « amplifiés par un discours politique assimilant l’islam au terrorisme » et « stigmatisant notamment le port du voile ».

En définitive, cette proposition de loi, qui souhaite protéger le vivre ensemble et la neutralité du sport ne fera que renforcer l’isolement de certains. En effet, les sportif.ves qui refuseront d’abdiquer leur liberté religieuse seront de fait exclues des compétitions officielles et sans doute réduit.es à pratiquer leur sport entre équipes exclues.

Sur la laïcité dans les piscines ou les baignades

La question du burkini dans les piscines, dont il est principalement voire uniquement question ici, pose là aussi le problème de la neutralité des usagers du service public. Comme nous l’avons exposé ci-dessus, la neutralité ne concerne que la puissance publique et ne peut pas être imposée à ses usagers.

Les tenues dans les piscines ne sont réglementées que pour des raisons d’hygiène et il faut donc déterminer si ces tenues posent un problème d’hygiène susceptible de justifier une atteinte à la liberté des cultes et à la liberté de se vêtir. Le burkini est une tenue de bain dont le tissu est exactement le même que celui de l’ensemble des tenues de bain autorisées et dont l’usage unique est la natation. Il ne semble pas en tant que tel poser de problème d’hygiène. Une réglementation générale autorisant comme c’est le cas dans certaines piscines de Nouvelle-Calédonie, le port de vêtements de bain longs et non ajustés ne poserait sans doute pas de problème d’égalité de traitement, contrairement au règlement général des piscines de la ville de Grenoble de mai 2022[13], annulé par le juge de référé du tribunal administratif, tout en préservant la liberté religieuse des usagers.

Il ne semble pas opportun que le législateur s’immisce dans cette question, au risque d’exclure à nouveau un certain nombre de femmes de la pratique sportive, en tentant d’imposer à des usagers majeurs une limitation d’une liberté fondamentale, la liberté de conscience, alors qu’aucune nécessité d’ordre public général ou problème d’hygiène avéré ne justifie une telle interdiction généralisée à l’échelle du pays, interdiction générale qui parait en outre particulièrement disproportionnée au regard e l’article 9 alinéa 2 de la Convention EDH.

En effet, aux termes de l’article 9 § 2, les buts légitimes susceptibles de justifier une ingérence dans la manifestation, par une personne, de sa religion ou de ses convictions sont la sécurité publique, la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou la protection des droits et libertés d’autrui. Cette énumération des buts légitimes est strictement exhaustive.

Appliqué aux usagers des services publics, la CEDH a rappelé qu’à la différence des agents publics, les usagers ne sont pas soumis à une obligation de discrétion dans l’expression publique de leurs convictions religieuses[14]. La règle générale est donc que l’usager est libre d’exprimer ses convictions religieuses dans l’enceinte d’un bâtiment public, y compris sans doute une piscine.

Au-delà de la liberté religieuse, la méconnaissance du droit au respect de la vie privée

Outre la violation du droit de manifester ses convictions religieuses, la présente proposition de loi, en ce qu’elle cible principalement les femmes musulmanes, prive ces dernières de disposer librement de leur corps.

La Cour européenne des droits de l’Homme estime que « les choix faits quant à l’apparence que l’on souhaite avoir, dans l’espace public comme en privé, relèvent de l’expression de la personnalité de chacun et donc de la vie privée. […] Elle considère, à l’instar de la Commission, qu’il en va de même du choix des vêtements »[15].

Ainsi, en contraignant les femmes à se dévoiler ou à montrer leur corps, le législateur porterait atteinte à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Sur la portée discriminatoire de la proposition de loi

La présente mesure porte également atteinte à l’article 14 combiné aux articles 8 et 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme, du fait de sa portée discriminatoire. Non seulement elle vise principalement certains signes religieux (le rapporteur public devant le Conseil d’Etat dans l’affaire des statuts de la FFF avait ainsi souligné qu’en dépit de la généralité des termes employés, c’était bien du voile qu’il était en réalité question), mais elle génère une contrainte spécifique sur les femmes, qui devront opérer un choix entre la manifestation de leurs convictions religieuses ou la libre disposition de leur corps d’une part, et la pratique du sport ainsi que l’accès aux piscines publiques d’autre part.

Enfin, loin des valeurs d’inclusion dans le sport, elle exclut une partie des femmes de sa pratique.

En tant qu’association de défense des droits et libertés, la LDH tenait à vous faire part de ces éléments, afin que vous soyez en mesure de vous prononcer en toute connaissance de cause, ces éléments étant absents des rapports établis pour l’examen de cette proposition de loi.

La LDH est inquiète de l’atteinte à l’autonomie personnelle des femmes et du fait que cette législation serve à nouveau à stigmatiser, exclure et discriminer une partie de nos concitoyen et concitoyennes en fonction de leur croyance. Alors que la montée des discours de haine est incontestable, la défense de la liberté de conscience et de culte et la lutte contre les discriminations sont une nécessité démocratique. Cette proposition de loi nous semble inconstitutionnelle, contraire à nos engagements internationaux et antidémocratique, puisqu’elle va à l’encontre de la devise « Liberté, égalité, fraternité ».

Notes de bas de page

[1] Voir Annabelle Caprais, Yamina Meziani, Haifa Tlili, « La fabrique institutionnelle d’un problème public : le cas du port du voile dans le sport (2012-2024) », Intersections, Revue semestrielle genre et droit, 2025, n°2)

[2] cf. Art. 1er de la loi de 1905: « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice du culte ».

[3] https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/etudes/etude-relative-aux-possibilites-juridiques-d-interdiction-du-port-du-voile-integral

En 2010 le Conseil d’Etat, devant se prononcer sur l’interdiction du voile intégral dans l’espace public, avait souligné le risque d’inconstitutionnalité d’une interdiction générale des signes religieux. Il avait surtout écarté « le principe de laïcité comme fondement d’une éventuelle interdiction. La laïcité s’applique principalement, en effet, dans la relation entre les collectivités publiques et les religions ou les personnes qui s’en réclament. Elle s’impose directement aux institutions publiques, ce qui justifie une obligation de neutralité pour les agents publics dans l’exercice de leurs missions. En revanche, elle ne peut s’imposer directement à la société ou aux individus qu’en raison des exigences propres à certains services publics (comme c’est le cas des établissements scolaires) »

[4]https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2024/10/france-hijab-bans-sports-are-discriminatory-and-must-be-reversed-say-experts

[5] Alexandra Xanthaki, Rapporteure spéciale dans le domaine des droits culturels ; Nicolas Levrat, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités ; Nazila Ghanea, Rapporteure spéciale sur la liberté de religion ou de conviction ; Laura Nyirinkindi (Chair), Claudia Flores (Vice-Chair), Dorothy Estrada Tanck, Ivana Krstić, and Haina Lu, Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles

https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2024/10/france-hijab-bans-sports-are-discriminatory-and-must-be-reversed-say-experts

[6] Courrier numéroté AL FRA 13/2023 du 27 octobre 2023

[7] Courrier numéroté AL FRA 7/2024 du 22 octobre 2024

[8] Voir l’exposé des motifs de la proposition de loi : https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppl23-376-expose.html

[9] Voir par exemple le courrier du 22 octobre 2024 p.2

Pour une enquête approfondie sur les risques de radicalisation, voir le rapport de mars 2022 : « Terrains de radicalisation ou de prévention ? Exploration des radicalisations dans le sport associatif » (Sporad), concluant : « Les données collectées en entretien échouent à montrer un phénomène structurel ni même significatif déradicalisation ou de communautarisme dans le sport » (p.6 §2). « En définitive, les données collectées ne permettent pas de soutenir un rôle spécifique de la pratique sportive en soi ou de l’association sportive dans la radicalisation. La vingtaine de cas dans lesquels le sport est un facteur sont des petits groupes formés en-dehors des clubs » (résumé p.6 in fine). Il est précisé : « Le lien entre sport et radicalisation pourrait bien être négatif puisque de nombreux parcours de radicalisation sont marqués par l’arrêt du sport » (p.54§1).

[10] Par exemple, https://aoc.media/analyse/2023/07/09/la-tres-politique-sacralisation-republicaine-des-terrains-de-football/

[11] En Allemagne, le burkini est admis : il est, par exemple, admis dans un très grand nombre de piscines allemandes [1]. Il y est aussi admis dans les écoles, où il peut même jouer un rôle clef puisqu’il permet la conciliation entre liberté religieuse et obligations scolaires. Selon le raisonnement de la Cour constitutionnelle allemande [2], c’est en effet parce qu’elles permettent aux jeunes filles musulmanes de porter le burkini que les autorités scolaires sont fondées à refuser les demandes de dispense de natation présentées par leurs familles [3]. La Cour européenne des droits de l’Homme a d’ailleurs déployé un raisonnement comparable dans une affaire concernant la Suisse : c’est bien parce que le burkini est admis que la Cour estime la mission d’éducation et la force intégrative de l’école, objectifs d’intégration sociale d’autant plus importants vis-à-vis d’élèves d’origine étrangère, peuvent primer sur la liberté religieuse des parents [4].

[1] Ines Michalowski, Max Behrendt, “The Accommodation of Muslim Body Practices in German Public Swimming Pools”, Ethnic and Racial Studies, 2020, vol. 43, n°11, p. 2080.

[2] BverfG, 8 nov. 2016, 1BvR 3237/13.

[3] Thomas Hochmann, « Allemagne: le burkini à fronts renversés », Constitutions, 2016, p. 631.

[4] CEDH, 10 Janv. 2017, Osmanoǧlu and Kocabaş v. Switzerland, n°29086/12.

[12] Tierce-intervention du Défenseur des droits du 9 octobre 2024 à la CEDH dans les procédures n° 38506/23, 38578/23, 38650/23, 38651/23 (F.D. et I.M. contre la France, M.D. et H.D. contre la France, S.l. B et I.H. contre la France, D.K. contre la France).

[13] En mai 2022 la municipalité de Grenoble a adopté un nouveau règlement général de ses piscines qui tout en maintenant la définition classique de tenue de bain (appropriée et ajustée) pour l’ensemble des usagers permettait le port de tenues ample et couvrante pour les femmes, pour répondre à une demande de collectifs de femmes musulmanes. Ce règlement qui ne visait qu’à autoriser le burkini a été annulé parce que contraire aux principes de laïcité et d’égalité de traitement.

[14] Ebrahimian c. France, 2015, § 64 ; Lachiri c. Belgique, 2018, § 44.

[15] Arrêt SAS c/ France (CEDH, 2014, SAS c. France, Requête no 43835/11).

Source: Loi sur la laïcité dans le sport

L’OEE condamne la proposition d’allongement de la durée de rétention administrative 18 mars, 2025

Communiqué de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) dont la LDH est membre

L’OEE, et les associations qui le composent, engagées dans la défense des droits des personnes étrangères, dénoncent avec la plus grande fermeté la proposition d’allongement de la durée de rétention administrative actuellement discutée au Sénat. Cette proposition vise à allonger la durée de rétention à 210 jours pour une majorité de personnes placées en rétention. Hier, le ministre de l’Intérieur a proposé un nouvel allongement en évoquant une durée de rétention de 18 mois. Dans la droite ligne de la loi du 26 janvier 2024, nous assistons à une surenchère et à un durcissement catastrophique de cette mesure de privation de liberté.

Une mesure inefficace et inhumaine

Nos associations ne cessent d’alerter au sujet des effets délétères sur la santé physique et mentale des personnes enfermées, et cela alors que les données compilées année après année par les différentes associations intervenant en CRA montrent clairement qu’il n’existe aucune corrélation entre la durée de rétention et le nombre d’expulsions.

Alors même que la durée maximale de rétention a été portée à 90 jours en 2018, il n’existe aujourd’hui aucune analyse de ses effets qui pourrait justifier d’allonger davantage l’enfermement des personnes étrangères au seul motif de leur situation administrative. Les conséquences de la rétention sur les personnes sont, en revanche, bien connues : suicides, tentatives de suicide, traumatismes, violations du droit à une vie privée et familiale, violations du droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants, atteinte à la dignité des personnes, violences policières, etc.

Cette nouvelle mesure ne fera qu’aggraver la violence institutionnelle et la maltraitance des personnes retenues.

Un dispositif qui s’emballe

Nous constatons que le dispositif de rétention administrative s’emballe, avec des enfermements massifs et abusifs ; en témoigne le taux élevé de libérations par les juges judiciaires sanctionnant ainsi les pratiques illégales des préfectures. La rétention administrative est aujourd’hui utilisée par l’administration pour nourrir toujours plus cet amalgame entre personnes étrangères et « délinquance ». Cette logique d’enfermement et d’expulsion doit être supprimée et le respect des droits fondamentaux remis au cœur de la politique migratoire.

Pour la fin de l’enfermement des personnes étrangères

L’OEE appelle les parlementaires à rejeter cette proposition d’allongement de la durée de rétention et à refuser de cautionner un dispositif qui dysfonctionne et qui est source de souffrances inutiles.

L’OEE demande une réflexion approfondie sur les politiques migratoires, en tenant compte des droits fondamentaux des personnes, et la fermeture de tous les lieux d’enfermement spécifiques aux personnes étrangères.

Paris, le 13 mars 2025

Source: L’OEE condamne la proposition d’allongement de la durée de rétention administrative

Liens du groupe Carrefour avec la colonisation israélienne 18 mars, 2025

Lettre ouverte commune signée par la LDH et adressée à Alexandre Bompard, président-directeur général du Groupe Carrefour

Monsieur le Président-directeur général,

En décembre 2022, nous avons publié un rapport intitulé Les liaisons dangereuses du groupe Carrefour avec la colonisation israélienne[1]. Dans ce rapport, nous mettions en évidence le fait que le groupe Carrefour se compromettait avec la colonisation israélienne de la Palestine par son accord passé avec deux sociétés israéliennes, Electra Consumer Products et Yenot Bitan, fortement impliquées dans cette colonisation. Nous avons rappelé dans notre rapport que cet accord, dont la mise en œuvre a débuté à l’été 2022, est contraire aux obligations des entreprises en matière de droits humains et de respect du droit international humanitaire et qu’il est en contradiction avec la philosophie affichée par Carrefour en matière d’éthique et de droits humains.

Au-delà du fait que le groupe Carrefour se trouve lié à des sociétés partenaires très actives dans la colonisation, l’accord de franchise que vous avez signé vous implique directement dans la mesure où votre partenaire Yenot Bitan, devenu par la suite Carrefour Israël, possède des magasins dans au moins huit colonies[2] en territoire palestinien occupé, toutes ces colonies étant illégales au regard du droit international. Même si ces magasins ne portent pas l’enseigne Carrefour et semblent avoir cessé de vendre directement des produits de la marque Carrefour[3], il reste que ce sont des magasins couverts par l’accord de franchise comme en témoigne le dernier Document d’enregistrement universel[4] destiné aux actionnaires de mai 2024 dans lequel il est précisé qu’Electra Consumer Products avait « signé un contrat lui interdisant de développer des magasins sous enseigne Carrefour dans les territoires palestiniens », ce qui permet donc en creux aux magasins situés dans les colonies de bénéficier de l’accord de franchise du moment que le logo de Carrefour n’est pas affiché.

Depuis la publication de notre rapport en décembre 2022, le groupe Carrefour a passé d’autres accords avec des sociétés israéliennes très impliquées dans la colonisation comme la banque Hapoalim qui est inscrite sur la base de données de l’ONU des 97 entreprises les plus complices de la colonisation et la société Juganu. D’autre part, début 2023, Carrefour Israël a contracté des emprunts auprès de quatre grandes banques israéliennes qui sont toutes inscrites sur la base de données de l’ONU, la banque Hapoalim déjà citée et les banques Leumi, Mizrahi Tefahot et Israël Discount Bank.

Nous vous rappelons que le 19 juillet 2024, la Cour internationale de Justice (CIJ) a indiqué dans un avis consultatif majeur[5] que les Etats ne doivent pas « entretenir de relations économiques ou commerciales avec Israël qui seraient de nature à renforcer la présence illicite de ce dernier dans le territoire palestinien » et qu’ils doivent « prendre des mesures pour empêcher les échanges commerciaux ou les investissements qui aident au maintien de la situation illicite créée par Israël dans le Territoire palestinien occupé ». Cet avis formulé par la plus haute autorité judiciaire de l’ONU prohibe purement et simplement le commerce avec les colonies israéliennes et impose aux entreprises de leur pays respectif de cesser toute activité économique liée à la colonisation. Sans attendre les directives de l’État dont elles relèvent, les entreprises doivent répondre à leur obligation de devoir de vigilance, qui les oblige notamment à s’assurer que leurs activités n’enfreignent pas les droits de l’Homme.

Dans le contexte actuel marqué par une violence de plus en plus exacerbée de la part de l’armée et des colons israéliens contre la population civile en Territoire palestinien occupé(6) et par la probabilité de plus en plus forte et reconnue par la CIJ et les plus grandes ONG internationales et françaises qu’Israël commette un génocide à Gaza, il est de plus en plus insupportable à un grand nombre de citoyens et citoyennes, en France et dans le monde, que le groupe Carrefour maintienne et développe ses liens avec des entreprises complices de telles violations des droits humains. Nous demandons, à nouveau et avec la plus grande détermination, que le groupe Carrefour se retire de ces partenariats indécents.

Pour échanger sur ces questions et connaître vos éventuelles intentions sur la poursuite ou l’arrêt de vos partenariats avec des sociétés israéliennes complices et actrices de la colonisation, nous sollicitons une nouvelle rencontre, après celle que vous nous avez accordée en décembre 2022.

Dans l’attente de votre réponse, veuillez recevoir nos salutations sincères.

Jérôme Bonnard, secrétaire national, Union syndical Solidaires

Amar Lagha, secrétaire général, Fédération CGT du commerce et des services

Sarah Lecoq, chargée de plaidoyer conflits et droits humains, CCFD-Terre Solidaire

François Leroux, président, Plateforme des ONG françaises pour la Palestine

Boris Plazzi, secrétaire confédéral, CGT

Nathalie Tehio, présidente, LDH (Ligue des droits de l’Homme)

Anne Tuaillon, présidente, Association France Palestine Solidarité

Paris, le 6 mars 2025

Copie à :

Mme Marianne Sabel, manager RSE, groupe Carrefour

Bertrand Swiderski, directeur RSE, groupe Carrefour

[1] Rapport « Les liaisons dangereuses du groupe Carrefour avec la colonisation israélienne », https://www.france-palestine.org/IMG/pdf/rapport_les_liaisons_dangereuses_du_groupe_carrefour_avec_la_colonisation_israelienne.pdf

[2] Alfei Menashe, Ariel, Beit El, Kokhav Ya’akov, Ma’ale Adumim, Modi’in Ilit, Modi’in Maccabim Re’ut (quartier Maccabim), Neve Ya’akov

[3] Des observations partielles effectuées sur place au cours de l’été 2024 semblent confirmer que les produits Carrefour avaient été retirés, à ce moment-là, de plusieurs magasins Yenot Bitan situés dans des colonies

[4] https://www.carrefour.com/sites/default/files/2024-03/Document%20d’enregistrement%20universel%202023%20(PDF)_7.pdf

[5] Cour internationale de Justice, avis consultatif du 19 juillet 2024, https://www.icj-cij.org/index.php/fr/node/204160

Télécharger la lettre ouverte commune en pdf.

Source: Liens du groupe Carrefour avec la colonisation israélienne

Saluts nazis, racisme et transphobie lors d’une simulation du Parlement des étudiants de Lille 1 mars, 2025

Le 30 janvier 2025 se réunissait le Parlement des étudiants au sein de l’établissement Sciences Po Lille. Lors de cet événement, censé encourager le débat démocratique par la simulation de débats parlementaires, plusieurs étudiants ont effectué des saluts nazis, proféré des injures racistes et transphobes, et auraient en outre commis des violences à caractère raciste.

Ces agissements, qui rappellent les heures les plus sombres de l’histoire, ne peuvent être tolérés.

La LDH a porté plainte contre X, le 25 février 2025, auprès de la Procureure de Lille, pour apologie de crimes contre l’humanité, violences aggravées et injures discriminatoires.

Source: Saluts nazis, racisme et transphobie lors d’une simulation du Parlement des étudiants de Lille

Mariage interdit à Béziers : quand un maire défie la Constitution et la loi au nom de l’idéologie 1 mars, 2025

En juillet 2023, le maire de Béziers a refusé de marier une Française et un Algérien sans titre de séjour valide, invoquant l’OQTF pesant sur ce dernier, dénonçant « une situation ubuesque ». Plus encore, le maire aurait œuvré auprès de l’autorité préfectorale pour que l’intéressé soit effectivement éloigné du territoire, ce qui fut le cas quelques jours après la date où devait être célébré le mariage.

Pourtant, si M. Ménard avait saisi le procureur de la République, comme le lui permet la loi lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage est susceptible d’être annulé, l’autorité judiciaire ne s’était pas opposé audit mariage, constatant qu’il n’y avait « pas suffisamment d’indices sérieux lui permettant de présumer, en l’état, l’absence de consentement matrimonial ». En l’absence d’opposition du Procureur de la République, l’officier d’état civil doit procéder à la célébration du mariage.

La fiancée, rapidement soutenue par plusieurs associations dont la LDH, a porté plainte face au refus obstiné du maire de célébrer le mariage.

En effet, l’article 432-1 du code pénal réprime « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi », l’infraction étant punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende si elle a été suivie d’effet. Par ailleurs, les faits peuvent également constituer une discrimination, là encore par personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions, punie par l’article 432-7 du code pénal.

Assumant son refus et persistant à maintenir sa position, l’édile a été convoqué le 18 février 2025 dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Lors de sa convocation, Robert Ménard a refusé la proposition du procureur de Montpellier, et donc de reconnaître sa culpabilité. Ce refus entraîne sa comparution prochaine devant le tribunal correctionnel.

La LDH, qui s’est portée partie civile aux côtés de la fiancée lésée, réaffirme son engagement en faveur du respect des droits fondamentaux, notamment le droit au mariage, de valeur constitutionnelle, inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme et dans la Convention européenne des droits de l’Homme.

Source: Mariage interdit à Béziers : quand un maire défie la Constitution et la loi au nom de l’idéologie