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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives par catégorie : Evénements

NON A DE NOUVEAUX ELOGES DE L’OAS 5 juin 2013

Communiqué LDH

Au moment où s’ouvraient les négociations d’Evian pour mettre fin à la guerre d’Algérie, deux activistes, Albert Dovecar et Claude Piegts, membres des sinistres commandos delta de l’OAS, participaient à l’assassinat de Roger Gavoury, commissaire central d’Alger, dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1961. Condamnés à mort, Dovecar et Piegts ont été exécutés le 7 juin 1962.

C’est précisément le 7 juin 2013 que le Collectif aixois des rapatriés – le CAR –, a choisi pour inaugurer à Aix-en-Provence un monument, de même nature que ceux de Nice, Toulon, Perpignan et Marignane, érigés à la gloire de tels assassins. La stèle sera installée dans la cour de la Maison du maréchal Alphonse Juin, propriété de la ville d’Aix, devenue véritable casemate de la « nostalgérie ». L’actuelle équipe municipale en a confié la gestion au CAR qu’elle subventionne abondamment. Coutumier des éloges de la colonisation et de l’OAS, le président du collectif, René Andrès, lance un appel pour l’inauguration d’un espace « appelé à devenir le haut lieu de la mémoire, et de la conservation, de la vérité du peuple Pied-Noir et Harkis ».

L’Association de défense des anciens détenus de l’Algérie française (ADIMAD) soutient cet appel. Ces irréductibles de l’Algérie française ont prévu de se retrouver, comme chaque année, début juin autour de la tombe de Claude Piegts au Touvet, dans l’Isère. L’hommage initialement prévu le 2 juin 2013, a soulevé de telles protestations qu’il vient d’être interdit par la préfecture de l’Isère. Ses initiateurs l’ont reporté au 9 juin, deux jours après la cérémonie d’Aix.

La Ligue des droits de l’Homme dénonce avec force ces tentatives de réhabilitation des anciens tueurs de l’OAS, autant que les dérives idéologiques sur les aspects positifs de la colonisation et les nouvelles instrumentalisations du drame des Harkis et de leurs enfants. Il est indispensable que soient officiellement reconnus, simplement reconnus, les crimes et méfaits qui ont accompagné la colonisation et la guerre d’indépendance de l’Algérie. Indispensable pour bannir en France toutes les formes de racisme que ces dérives alimentent ; indispensable pour permettre le renforcement des liens d’estime et d’amitié entre les peuples algérien et français, l’établissement d’une coopération active et sincère entre la France et l’Algérie !

Paris, le 4 juin 2013

Une adresse au PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE ET AUX PARLEMENTAIRES 23 mai 2013

Monsieur le président de la République,

Mesdames, Messieurs de la majorité parlementaire

Monsieur le président de la République,



Vous avez incarné l’espoir d’un « changement maintenant » et, à ce jour, il a été déçu.

Vous avez désigné la finance comme votre adversaire, et elle règne toujours.

Vous avez prôné l’emploi et la justice sociale, mais le chômage augmente et le niveau de vie des moins favorisés diminue.

Le gouvernement de votre Premier ministre a su tenir bon face aux manifestations de l’extrême droite alliée à la droite parlementaire, et il a réussi à faire adopter la loi sur le mariage pour tous. Nous aurions souhaité la même détermination pour les autres réformes.

Il a certes beaucoup écouté la société civile mais sans l’avoir, semble-t-il, entendue. Les grands débats nécessaires à la réussite du changement – sur la politique migratoire et les demandeurs d’asile, la politique de sécurité, les réformes démocratiques, l’avenir de la jeunesse – ont été, jusqu’à ce jour, évacués.

Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Vous vous êtes présentés pour tourner la page des politiques inégalitaires, injustes et sécuritaires ; les stigmates de l’ancienne législature perdurent.

Vous avez voulu incarner l’alternative ; elle peine à se mettre en place.

Vous avez souhaité une pratique parlementaire indépendante et exigeante ; votre voix, trop souvent, est étouffée.

Vous avez l’honneur d’élaborer et de voter les lois. Cette charge vous engage. Nous en appelons à votre responsabilité de représentants du Peuple souverain. L’opposition, la frilosité et l’esprit de renoncement seront toujours mobilisés pour faire échec aux réformes de justice et de progrès. Il vous incombe de faire en sorte que l’espoir et les changements se concrétisent.

Nous en appelons à cette relation démocratique forte, et à votre courage. Il est vain de vouloir apprivoiser ou contourner les maux qui découlent des politiques néolibérales ou des réflexes sécuritaires. Assumez les propositions de progrès pour les droits et les libertés du programme sur lequel vous avez été élus ; vous ne lui serez fidèles qu’en défendant des mesures de justice, de lutte contre les inégalités, et de restauration des droits des citoyens bafoués par la législation rétrograde des derniers quinquennats.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Vous avez l’honneur et la charge de disputer notre pays aux crises financière, économique et morale qui alimentent chômage, xénophobies et défiance du politique. Nous avons besoin pour cela de justice et de pragmatisme, d’éthique et de démocratie, de décisions et de détermination. Le changement et la justice ne sont pas des concessions accordées par les forces politiques et économiques qui s’y opposent. La justice, la démocratie et le progrès social ont toujours dû être conquis de haute lutte. Cette vérité est plus que jamais d’actualité.



Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Nous, militants de la Ligue des droits de l’Homme réunis en congrès, vous demandons instamment de manifester l’éthique politique, le courage civique et la responsabilité nécessaires pour combattre la crise et promouvoir les valeurs proclamées de la République que sont l’égalité, la liberté et la fraternité.

Nous, militants de la Ligue des droits de l’Homme, répondons toujours présents à l’appel de ces valeurs, et nous nous engageons pour les réformes qu’elles appellent. Nous continuerons à le faire :
- jusqu’à ce que le droit de vote et d’éligibilité de tous les résidents étrangers s’impose car il répond à un impérieux besoin d’élargissement de la démocratie ;
- jusqu’à ce que les rapports entre la police et la population, et particulièrement la jeunesse, soient profondément réformés, car cela répond à un profond besoin de sécurité et de sérénité ;
- jusqu’à ce que la politique pénale soit rééquilibrée, afin que le tout-carcéral laisse la place à une justice digne et réellement efficace ;
- jusqu’à ce que les étrangers soient traités dans le respect des droits de l’Homme et des conventions internationales, qu’il s’agisse de nos concitoyens européens que sont les Roms ou de ceux qui vivent parmi nous ou y recherchent un droit effectif à la protection ;
- jusqu’à ce que les politiques économiques poursuivent le progrès social plutôt que l’enrichissement inégal.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Vous avez, là où vous êtes, là où le peuple vous a placés, d’immenses responsabilités. Il vous revient de ne pas les décevoir, et il nous revient de vous le rappeler.

Croyez en notre détermination, à la hauteur de ce que mérite l’avenir de la République.

OUI, LA LIGUE DES DROITS DE L’HOMME FAIT DE LA POLITIQUE ! 22 décembre 2012

Au cours de la réunion du conseil municipal du 17 décembre, M Gérard Bramoullé, adjoint aux finances, a tenté de justifier la diminution de la subvention accordée à notre section avec des arguments contestables. Voici la lettre que Philippe Sénégas, président de la section, vient d’adresser à la maire d’Aix, Mme Joissains, et en pièce jointe l’écho qu’en a donné La Provence.

Madame le maire,

M’ont été rapportés par des conseillers municipaux et ont été cités dans la presse des propos tenus par votre adjoint, Gérard Bramoullé , au cours du conseil municipal du 17 décembre, au sujet de la subvention accordée à la section d’Aix-en-Provence de la Ligue des Droits de l’Homme, subvention déjà très faible jusqu’à présent (1000 €) et que vous avez décidé de diminuer cette année de 20 % pour l’établir à 800 €.

Pour justifier cette baisse M Bramoullé aurait utilisé plusieurs arguments :

-  La réduction des « flux budgétaires » conduisant à diminuer les subventions : sur un budget total de près de 13 millions € de subventions accordées aux associations (d’après le récapitulatif 2011) les 1000 € que nous demandions représentent peu de choses et situent la LDH parmi les associations les moins aidées, et de loin ; par ailleurs je n’ai pas constaté dans les subventions de 2012 beaucoup de diminutions.

M Bramoullé invoque, d’après La Provence, deux autres arguments :

-  « Le problème de cette ligue, ce n’est pas qu’elle ait adopté la déclaration (des Droits de l’Homme) de 1789, mais celle de 1948 ». Cette affirmation laisse perplexe : la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 (que certains s’accordent à trouver nettement moins « révolutionnaire » que la déclaration de 1789) a été votée à l’unanimité des membres de l’ONU ; seuls se sont abstenus l’Afrique du sud (au nom de l’apartheid), l’Arabie Saoudite (qui refusait l’égalité homme-femme) et quatre Etats d’Europe de l’Est (au motif d’un différend sur la définition de l’universalité) ; la France, bien sûr, l’a votée.

-  La « vraie » raison de M Bramoulé est donc la suivante : «  La LDH a eu des prises de position idéologiques, ouvertement politiques, regardez ce qu’ils font, écoutez ce qu’ils disent ». Je suis, Madame le Maire, extrêmement choqué, outré même, par de tels propos. Oui, la Ligue des Droits de l’Homme fait de la politique quand elle défend les droits civils, sociaux, économiques ; oui elle participe ainsi à la vie et à la gestion de la cité ; c’est notre honneur d’être auprès de ceux qui souffrent d’inégalité, d’injustice, de pauvreté ou de violences ; c’est notre honneur de combattre pour tous les droits reconnus par les déclarations des droits de l’Homme, qu’il s’agisse de celle de 1789 ou de celle de 1948, et par les instances internationales.

Dois-je comprendre dès lors que la municipalité module ses subventions sur des critères politiques ? Cela explique-t-il les subventions très élevées de certaines associations et la faiblesse d’autres ? Ou bien, plus précisément, s’agit-il de sanctionner ceux qui ont cherché tout au long de cette année à apporter aide et assistance aux populations Roms que vous vous êtes efforcée de bannir du territoire aixois ? Ces subventions ne sont-elles pas payées grâce à l’impôt de tous les citoyens ?

Je veux croire qu’il s’agit d’un malentendu et que vous accepterez de revenir sur les propos de votre adjoint et de rétablir la subvention de la LDH à son niveau antérieur, à défaut d’accepter l’augmentation demandée.

Puisqu’il s’agissait lundi dernier d’un débat public vous comprendrez que je rende publique la demande que je vous adresse.

Je vous prie de croire, Madame le Maire, à l’assurance de ma considération citoyenne.

Philippe Sénégas

Pièces jointes

pdf/La_Provence_2012-12-22_LDH_1_.pdf Télécharger
pdf/Let_M_Joissains_21_decembre_2012.pdf Télécharger

CELA S’APPELLE LA CENSURE ! 4 juin 2012

La section d’Aix-en-Provence de la Ligue des Droits de l’Homme dénonce la censure exercée par la municipalité d’Aix-en-Provence sur les acteurs culturels de la ville à des fins de racolage électoral.

2012 est le cinquantenaire de la fin de la guerre d’Algérie. Comme dans d’autres villes de France, à Aix-en-Provence aurait dû se dérouler fin mars une manifestation rappelant le passé de notre relation à l’Algérie et interrogeant le présent de ce pays. Une manifestation d’ampleur à laquelle étaient associés des acteurs culturels aixois de premier plan : La Cité du Livre, l’Institut de l’Image, Les Ecritures Croisées, le Cobiac (Collectif de bibliothécaires et intervenants en action culturelle). Au programme, deux soirées de cinéma, de littérature, de témoignages et de débats avec des invités des deux rives de la Méditerranée.

Mais avec Maryse Joissains à sa tête, Aix-en-Provence n’est plus une ville comme les autres, la presse nationale s’en fait quotidiennement l’écho.

Alors que l’organisation programmatique et matérielle de ces journées était achevée, Patricia Larnaudie, adjointe à la culture, déléguée auprès de la Cité du Livre, faisait savoir que la programmation n’était pas validée par la municipalité ; la conséquence en fut l’annulation de la manifestation. L’explication devait venir deux mois plus tard de Maryse Joissains elle-même. « Cette manifestation aurait pu porter atteinte à l’ordre public parce qu’elle était très pro-algérienne et que la mémoire sur ces événements n’est pas tout à fait apaisée. » (La Provence du 22 mai 2012).

Cette décision et sa justification appellent deux réactions.

Sur le plan culturel d’abord. Il faut bien mal connaître les personnalités qui devaient participer à cette célébration, et il faut bien mal connaître leurs œuvres pour les qualifier de « pro-algériennes ». Qui oserait prétendre que le film de Tariq Teguia qui était programmé est un film pro-algérien ? Comment la table ronde prévue sur le thème « 50 ans après l’indépendance, l’Algérie..? » aurait-elle pu être candidement « pro-algérienne » ? Est-ce la projection du film de Pontecorvo La Bataille d’Alger qu’il s’agissait d’interdire ? La décision de la majorité municipale d’Aix relève de l’inculture et du schématisme simpliste.

Mais cette décision révèle surtout le cynisme politique de nos édiles. Troubles à l’ordre public ? M. Joissains pense donc que des foules de nostalgiques de l’Algérie française seraient venues perturber cette manifestation ? Au besoin les y aurait-elle encouragées ? Elle qui a assimilé l’anniversaire du 50ème anniversaire des accords d’Evian à « l’anniversaire de l’abdication de la France face à une poignée de rebelles ». En tous les cas ce message envoyé à l’extrême droite aixoise, et qui s’ajoute à beaucoup d’autres, est clair : rien ne sépare M. Joissains d’un candidat du Front National.

Les fins de guerre méritent d’être célébrées par tous. La fin de la guerre d’Algérie est inscrite dans la mémoire de millions de français et d’algériens. La mémoire de la fin des combats tout simplement ; celle, exaltée, d’un peuple accédant à l’indépendance ; celle de la fin du colonialisme français. Mais aussi la mémoire des souffrances et des tortures ; celle des vies perdues au combat ou dans les attentats ; celle des vies défaites par l’arrachement brutal du sol natal.

« La mémoire de l’Algérie est pour nous traumatisante. Le propre des mémoires est d’être plurielles, contradictoires ».(Régis Debray, Colloque L’Algérie et la France au XXIème siècle, 17 décembre 2011, Assemblée Nationale-Paris).

Si « la mémoire de ces événements n’est pas tout à fait apaisée » comme le pense M. Joissains, ce sont les vérités de l’histoire et le dialogue entre les hommes qui peuvent éclairer les jugements et engendrer l’apaisement. Pas la censure.

Pièces jointes

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La section d’Aix présente devant la Cour d’appel pour défendre Lisandru Plasenzotti 4 janvier 2012

Communiqué commun L.D.H. 13 et L.D.H. Corse

• La décision à l’issue de l’audience à la Cour d’Appel d’Aix en Provence concernant la demande de remise en liberté de Lisandru Plasenzotti a été mise en délibéré au mercredi 11 Janvier 2012.

L’Avocat Général a demandé le maintien en détention.

Le magistrat instructeur doit entendre Lisandru la veille, le mardi 10 janvier.

La Ligue des Droits de l’Homme estime qu’il est plus que temps de faire cesser une privation de liberté incompréhensible et disproportionnée.

La Justice dispose d’autres moyens pour agir sereinement et équitablement.

Lisandru doit être rendu à sa famille pour se soigner et se reconstruire.

Marseille et Ajaccio le 4 Janvier 2012

Pièces jointes

#2011 – Rapport moral et d’activité 7 décembre 2011

Le compte-rendu d’activité 2011 a été voté

Prenez connaissance de l’essentiel de l’activité et des orientations de la section d’Aix en Provence en lisant le rapport moral et d’activité adopté par l’assemblée générale le 5 décembre 2011.

Pièces jointes

Rapport moral et d'activité Télécharger

Forum social mondial de Provence à Gardanne 22 avril 2011

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Dans cet article nous en rendons compte en trois points.

1 – La laïcité : qu’est-ce que c’est ? Rappel et histoire

Par Anne Torunczyk, vice présidente de la section d’Aix en Provence de la ldh.

Sources : Annie Rouquier, historienne, LDH, Aix

Jean-Paul Scot, historien (cf article trouvé sur Médiapart, 14 avril 2011 « Liberté-Egalité-Laïcité ».)

Laïcité : un principe républicain. Conseil d’Etat, rapport public 2004.

La loi de 1905 instituant le principe de la laïcité est le résultat d’un long processus de sécularisation de la société française, c’est-à-dire de la séparation du sacré et du profane.

Déjà sous l’Ancien Régime, il y avait eu des conflits entre le pouvoir politique des rois et l’autorité du pape, qui avaient accoutumé les esprits à distinguer les deux domaines.

La France fut le premier état à reconnaître la tolérance religieuse, dans l’Edit de Nantes accordé en 1598 par Henri IV à ses sujets protestants. Mais cette tolérance n’est pas un droit égal accordé à tous – y compris aux non-croyants. C’est une faveur du prince. L’Edit de Nantes sera d’ailleurs annulé en 1685 par Louis XIV. La pluralité des religions, ce n’est pas l’égalité des droits. La laïcité ne se réduit pas à la seule tolérance.

C’est la Révolution Française qui représente l’étape décisive dans le processus de laïcisation de l’Etat et de sécularisation de la société, avec la Déclaration des droits de l’Homme.

Article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

La proclamation de la liberté de conscience (qui ne se réduit pas à la liberté religieuse, donc qui n’exclut plus les non-croyants) n’émane plus d’un roi mais de la nation, et, surtout, elle fait partie d’une déclaration qui affirme aussi l’égalité des droits (« Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits »)

Après la Révolution, pour conforter son pouvoir et garder droit de regard sur la nomination des membres du clergé, Napoléon Bonaparte impose en 1802 le régime des « cultes reconnus » : catholique, protestant, juif, dont les ministres sont payés par l’Etat.

Tout le XIXe siècle est traversé par les conflits entre les forces de l’Ancien Régime soutenus par l’Eglise, et les républicains, anticléricaux parce qu’hostiles à ce que le clergé se mêle des affaires publiques.

La Troisième République qui s’établit en 1871 fait très vite des lois laïques : gratuité de l’enseignement primaire (1881), obligatoire pour les filles et les garçons (1882), laïque (1883) et réservant les fonds publics à l’enseignement public.

L’Affaire Dreyfus (1894-1906) marque l’exacerbation du conflit entre les deux courants, clérical et antirépublicain, anticlérical et républicain : l’Affaire révèle en effet que de nombreux catholiques préfèrent défendre l’honneur de l’armée que les droits d’un Juif victime d’une erreur judiciaire. De violentes émeutes remettent en question la république, déchirant le pays et menaçant de tourner à la guerre civile.

 

La loi de 1905, relative à la « séparation de l’Eglise et de l’Etat », est l’aboutissement de la conquête de la laïcité. Elle se veut une loi d’apaisement. Ses principes devraient être sérieusement révisés aujourd’hui par nos gouvernants, Nicolas Sarkozy en tête.

Article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions… de l’ordre public ».

La laïcité n’est donc pas instituée contre les religions, encore moins contre une religion. Elle permet au contraire à tous – croyants de toutes religions et non-croyants – de vivre ensemble, avec l’obligation de respecter le droit commun. C’est donc un principe de liberté et de tolérance.

Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucune culte. »

La France met ainsi fin au régime des « cultes reconnus » – contrairement à la plupart des autres Etats européens. La République ne reconnaît que des citoyens, pas des croyants ou des incroyants.

Cette neutralité – que nos gouvernants actuels ne cessent de transgresser lorsqu’ils font des musulmans des boucs émissaires – signifie que l’Etat n’a pas à se mêler de religions ni de croyances et, inversement, qu’aucune institution religieuse ne peut prétendre exercer un pouvoir politique ni imposer ses dogmes aux institutions civiles.

Par contre, l’Etat reconnaît l’existence des religions et leur pluralisme : garant de la liberté religieuse, il se doit de protéger les cultes minoritaires contre les discriminations. Là encore, nos dirigeants devraient réviser leurs connaissances en la matière !

La laïcité repose sur l’articulation des principes de liberté de conscience, d’égalité des droits et de neutralité de l’Etat à l’égard de toutes les convictions.

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». C’est le préambule de la Constitution qui l’affirme.

On ne peut sans la dénaturer couper la laïcité des autres valeurs républicaines – ce que font allègrement les Guéant, Copé, Sarkozy, sans parler de Marine Le Pen – en désignant « les musulmans » (c’est-à-dire les Arabes !) à la vindicte publique.

2 – L’instrumentalisation xénophobe de la laïcité

Notes prises au cours de l’exposé de Laurent Lévy, avocat, auteur en particulier de « « La gauche », les noirs et les arabes », éditions La Fabrique, 2010.

Pendant des décennies, on n’a plus parlé de la laïcité. Ce qui a fait ressurgir le débat sur la laïcité, ce sont les problèmes liés à l’immigration, le régime instauré en Iran, et surtout le 11-septembre. On a « islamisé » les gens d’origine maghrébine. Une génération de Français est apparue, d’origine maghrébine, de culture musulmane. Le regard jeté sur le « bougnoul », hérité du colonialisme, devenait intenable vis-à-vis de Français. Mais, d’autre part, on a refusé d’assumer notre passé colonial. D’où l’instrumentalisation de la laïcité. L’usage de la laïcité n’est pas anodin. On a substitué au mot Etat le mot « société ». L’ Etat est laïque, la société non ! Lorsqu’on impose aux citoyens un devoir de réserve sur leurs opinions, religieuses ou pas, dans l’espace public, il y a confusion des genres. L’espace public n’appartient pas à l’Etat mais à la Société, à tout un chacun. C’est un espace de socialité et aussi un espace privé dans lequel tout un chacun doit se sentir libre d’être comme il l’entend, ses droits étant limités uniquement par ceux des autres (je ne peux pas me coucher en travers du trottoir parce que je gêne la circulation des autres, l’exhibition est une agression des autres – d’ailleurs qui change selon les époques, etc.). Dans une école, le personnel est représentant de l’Etat et doit donc à ce titre être neutre, mais les usagers, élèves ou leurs parents sont libres – devraient l’être – de leurs opinions et ne sont pas tenus à un devoir de réserve (reste la question du prosélytisme, religieux, politique…). Cette confusion entre l’Etat et la société a permis l’interdiction du voile à l’école ; et celle de la burqa. Pour promulguer la loi sur la burqa il fallait la faire reposer sur l’« ordre public » ; et on a inventé un principe d’ »ordre public sociétal ». Une telle logique est grosse d’une dérive totalitaire, car elle introduit la possibilité pour l’Etat d’imposer des interdits dans l’espace sociétal – ce qui est un abus de pouvoir, et dans la vie privée des citoyens.

La laïcité est la garantie pour tous les citoyens de leur liberté d’opinion, de conscience, y compris dans l’espace public dans lequel se déroule leur vie. Elle est intrinsèquement liée à la liberté, l’égalité et la fraternité, elle en est la garantie. Elle assure le respect de tous par tous dans leurs opinions diverses, elle est la base d’un vouloir vivre ensemble, dans les différences. L’utilisation de la laïcité pour stigmatiser une religion (l’Islam) ou toute opinion, est une perversion. Elle est alors au service d’une négation de la liberté des citoyens, elle nie la fraternité.

3 – Comment progresser ? Comment engager le dialogue sur ces questions de laïcité, xénophobie, islamophobie ?

C’était l’objectif de l’atelier : nos modes d’expression habituels (tracts, débats…) ne sont pas toujours adéquats ; nous avons de grandes difficultés pour rencontrer, dialoguer, convaincre en particulier avec deux types de populations :

- celles et ceux qui sont ou sont susceptibles d’être sensibles aux thèses xénophobes du Front national et du gouvernement,

- les jeunes, en particuliers des quartiers populaires.

Les propositions issues des réflexions de l’atelier peuvent être ainsi résumées :

a – Attitudes

> écouter, laisser s’exprimer

> respecter l’autre, apprendre à vivre ensemble

> penser l’identité hors de la sphère religieuse ou de celle des origines (bien souvent un gosse de cité est élève de tel collège, membre de tel club de foot, membre de telle bande de copains, avant d’être musulman ou arabe). Faire passer de la « masse identitaire » aux personnes qui sont toutes différentes

> dans le dialogue reconnaître les peurs, et aussi les nôtres, et les démystifier après

> aux crispations de la société française « de souche » répondent les crispations des immigrés ou français descendants proches d’immigrés, c’est une réalité qu’il faut prendre en compte.

> ne pas jeter l’anathème

> être tolérants, mais « pas trop »

> se préoccuper des militants politiques et syndicaux qui peuvent être influencés par les propos xénophobes.

b – Propos

> informer sur la laïcité, sur les discriminations

> aborder par le concret, la vie quotidienne

> Nous sommes tous quelque part xénophobes. Il faut poser le problème autrement : comment vivre ensemble avec toutes nos diversités ? il faut se référer à une identité hors religion : chaque individu a le choix entre un grand éventail de possibilités et a le droit de vivre la vie qu’il s’est choisie

> ne pas répondre aux propos racistes par de la morale : celle-ci ne fait que renforcer l’autre dans ses convictions, et coupe toute possibilité de discussion

> par des questions amener les protagonistes à voir les conséquences de leurs affirmations. Amener à la nécessité de pouvoir vivre ensemble.

c – Modes, formes

> les intermédiaires privilégiés sont les partis politiques, les syndicats, les associations de terrain. Il faut les mobiliser tout comme il faut se tourner vers les enseignants

> les fêtes, théâtres de rue, musiques etc. doivent permettre à tous de réaliser qu’ils sont chez eux ici et maintenant : les « Maghrébins » ne sont plus des immigrés mais des habitants de leur quartier, les « Français de souche » habitent maintenant leurs quartiers qui sont différents de ce qu’ils imaginaient dans leur enfance, tous sont chez eux ici, actuellement. Nous constituons le peuple de France, dans toute sa diversité

> films + débat

> utiliser l’Internet : sites et réseaux sociaux

> les tracts doivent être simples, rédigés dans un style compréhensible

> actions vis-à-vis des élèves

> campagnes pour inciter au vote (surtout auprès des jeunes)

> se former au dialogue, à la maïeutique.

Philippe Sénégas

Président de la section d’Aix en Provence de la LDH

Pièces jointes

Les libertés individuelles en débat à Venelles 5 février 2011

Pourquoi Venelles ? Ce n’est sans doute pas un hasard si la Ligue des Droits de l’Homme a choisi cette commune pour organiser son premier débat public.

D’autant qu’ici, on est à la veille d’imiter la grande soeur aixoise en matière de vidéosurveillance.

Même si l’objectif affiché par les organisateurs est avant tout de poser des questions en matière de sécurité. Et, sur certains points, de faire des propositions…

Philippe Senegas, président de la section aixoise de la LDH a introduit la séance devant un public venu nombreux. Précisant que ce premier débat faisait suite à la signature, au plan national, par une cinquantaine d’organisations associatives et syndicales, du « Pacte pour les droits et la citoyenneté ».

Pour illustrer et lancer la réflexion, Gilles Sainati, magistrat membre du Syndicat de la magistrature, a fait un long exposé sur le développement des outils de vidéosurveillance, le fichage, la biométrie… et leur compatibilité avec les libertés individuelles.

Quel encadrement ? Pourquoi cette généralisation ? Quelles conséquences ? Sécurité et liberté vont-elles de pair ? « Depuis 2002 nous enregistrons 42 nouvelles lois sécuritaires, cela engendre une augmentation des poursuites pénales », note-t-il.  » Et puis on a évacué le contradictoire… on a démantelé la section économique… on a introduit l’automaticité des peines, prenant exemple des pénalités routières… avec pour conséquences la tenue de fichiers… ». Et de citer le fichier STIC (Système de traitement des infractions constatées) regroupant les informations concernant les auteurs d’infractions « présumés coupables, témoins ou victimes » interpellés par les services de la police nationale.

Le public n’a pas manqué de poser des questions. François Hamy, élu aixois d’opposition, s’est interrogé sur Facebook qu’il a qualifié de « STIC caché » en tant que réseau social consultable.

Anne Mesliand, conseillère régionale et présidente de la commission « solidarité et sécurité, santé et services publics », a rappelé que la vidéosurveillance n’était pas une politique de la Région qui reste attachée à la prévention.

« Il ne faudrait pas qu’il y ait détournement des dispositifs sociaux », s’est-elle inquiétée. « Il est prévu de renforcer la police nationale par des effectifs citoyens fortement indemnisés avec les risques que l’on imagine », a dit tel autre. « D’autant que l’argument des maires est de dire que la population le demande ».

« Y a-t-il donc un risque de clientélisme ? » Luc Foulquier, responsable du Parti communiste, s’exprime en tant que citoyen et demande instamment que l’on se projette dans l’avenir… « Est-il bon de remplacer les humains par des caméras et d’exploiter la peur ? » Gilles Sainati s’inquiète au final des conséquences de la LOPPSI (loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) qui vise, dit-il, « à développer la vidéosurveillance et le transfert au privé de la sécurité. » Philippe Senegas rappelle pour conclure les propositions concrètes du Pacte qui concernent la démocratie, la protection de la vie privée et des données personnelles, les droits et libertés face à la justice, à la police et au système pénitentiaire, la lutte contre les discriminations, l’égalité sociale et les solidarités. « Je suis preneur de l’avis des élus », a-t-il précisé. « Il faut que leurs réponses éclairent les citoyens. »

A noter enfin qu’aucun élu de la majorité municipale de Venelles n’était présent. Le maire, Jean-Pierre Saez, a simplement déclaré : « J’assume complètement le choix largement partagé par les Venellois de la mise en oeuvre de la vidéoprotection ».

Marie-Pierre Peyrou, élue d’opposition, présente au débat, a déclaré avoir voté contre cette mise en oeuvre. Et, au-delà de Venelles, le débat reste donc très

ouvert.

S.L.

Gilles Sainati est l’auteur de la « Décadence sécuritaire », éditions La Fabrique.

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