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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives de l'auteur : LDH Aix

Forum social mondial de Provence à Gardanne 22 avril 2011

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Dans cet article nous en rendons compte en trois points.

1 – La laïcité : qu’est-ce que c’est ? Rappel et histoire

Par Anne Torunczyk, vice présidente de la section d’Aix en Provence de la ldh.

Sources : Annie Rouquier, historienne, LDH, Aix

Jean-Paul Scot, historien (cf article trouvé sur Médiapart, 14 avril 2011 « Liberté-Egalité-Laïcité ».)

Laïcité : un principe républicain. Conseil d’Etat, rapport public 2004.

La loi de 1905 instituant le principe de la laïcité est le résultat d’un long processus de sécularisation de la société française, c’est-à-dire de la séparation du sacré et du profane.

Déjà sous l’Ancien Régime, il y avait eu des conflits entre le pouvoir politique des rois et l’autorité du pape, qui avaient accoutumé les esprits à distinguer les deux domaines.

La France fut le premier état à reconnaître la tolérance religieuse, dans l’Edit de Nantes accordé en 1598 par Henri IV à ses sujets protestants. Mais cette tolérance n’est pas un droit égal accordé à tous – y compris aux non-croyants. C’est une faveur du prince. L’Edit de Nantes sera d’ailleurs annulé en 1685 par Louis XIV. La pluralité des religions, ce n’est pas l’égalité des droits. La laïcité ne se réduit pas à la seule tolérance.

C’est la Révolution Française qui représente l’étape décisive dans le processus de laïcisation de l’Etat et de sécularisation de la société, avec la Déclaration des droits de l’Homme.

Article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

La proclamation de la liberté de conscience (qui ne se réduit pas à la liberté religieuse, donc qui n’exclut plus les non-croyants) n’émane plus d’un roi mais de la nation, et, surtout, elle fait partie d’une déclaration qui affirme aussi l’égalité des droits (« Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits »)

Après la Révolution, pour conforter son pouvoir et garder droit de regard sur la nomination des membres du clergé, Napoléon Bonaparte impose en 1802 le régime des « cultes reconnus » : catholique, protestant, juif, dont les ministres sont payés par l’Etat.

Tout le XIXe siècle est traversé par les conflits entre les forces de l’Ancien Régime soutenus par l’Eglise, et les républicains, anticléricaux parce qu’hostiles à ce que le clergé se mêle des affaires publiques.

La Troisième République qui s’établit en 1871 fait très vite des lois laïques : gratuité de l’enseignement primaire (1881), obligatoire pour les filles et les garçons (1882), laïque (1883) et réservant les fonds publics à l’enseignement public.

L’Affaire Dreyfus (1894-1906) marque l’exacerbation du conflit entre les deux courants, clérical et antirépublicain, anticlérical et républicain : l’Affaire révèle en effet que de nombreux catholiques préfèrent défendre l’honneur de l’armée que les droits d’un Juif victime d’une erreur judiciaire. De violentes émeutes remettent en question la république, déchirant le pays et menaçant de tourner à la guerre civile.

 

La loi de 1905, relative à la « séparation de l’Eglise et de l’Etat », est l’aboutissement de la conquête de la laïcité. Elle se veut une loi d’apaisement. Ses principes devraient être sérieusement révisés aujourd’hui par nos gouvernants, Nicolas Sarkozy en tête.

Article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions… de l’ordre public ».

La laïcité n’est donc pas instituée contre les religions, encore moins contre une religion. Elle permet au contraire à tous – croyants de toutes religions et non-croyants – de vivre ensemble, avec l’obligation de respecter le droit commun. C’est donc un principe de liberté et de tolérance.

Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucune culte. »

La France met ainsi fin au régime des « cultes reconnus » – contrairement à la plupart des autres Etats européens. La République ne reconnaît que des citoyens, pas des croyants ou des incroyants.

Cette neutralité – que nos gouvernants actuels ne cessent de transgresser lorsqu’ils font des musulmans des boucs émissaires – signifie que l’Etat n’a pas à se mêler de religions ni de croyances et, inversement, qu’aucune institution religieuse ne peut prétendre exercer un pouvoir politique ni imposer ses dogmes aux institutions civiles.

Par contre, l’Etat reconnaît l’existence des religions et leur pluralisme : garant de la liberté religieuse, il se doit de protéger les cultes minoritaires contre les discriminations. Là encore, nos dirigeants devraient réviser leurs connaissances en la matière !

La laïcité repose sur l’articulation des principes de liberté de conscience, d’égalité des droits et de neutralité de l’Etat à l’égard de toutes les convictions.

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». C’est le préambule de la Constitution qui l’affirme.

On ne peut sans la dénaturer couper la laïcité des autres valeurs républicaines – ce que font allègrement les Guéant, Copé, Sarkozy, sans parler de Marine Le Pen – en désignant « les musulmans » (c’est-à-dire les Arabes !) à la vindicte publique.

2 – L’instrumentalisation xénophobe de la laïcité

Notes prises au cours de l’exposé de Laurent Lévy, avocat, auteur en particulier de « « La gauche », les noirs et les arabes », éditions La Fabrique, 2010.

Pendant des décennies, on n’a plus parlé de la laïcité. Ce qui a fait ressurgir le débat sur la laïcité, ce sont les problèmes liés à l’immigration, le régime instauré en Iran, et surtout le 11-septembre. On a « islamisé » les gens d’origine maghrébine. Une génération de Français est apparue, d’origine maghrébine, de culture musulmane. Le regard jeté sur le « bougnoul », hérité du colonialisme, devenait intenable vis-à-vis de Français. Mais, d’autre part, on a refusé d’assumer notre passé colonial. D’où l’instrumentalisation de la laïcité. L’usage de la laïcité n’est pas anodin. On a substitué au mot Etat le mot « société ». L’ Etat est laïque, la société non ! Lorsqu’on impose aux citoyens un devoir de réserve sur leurs opinions, religieuses ou pas, dans l’espace public, il y a confusion des genres. L’espace public n’appartient pas à l’Etat mais à la Société, à tout un chacun. C’est un espace de socialité et aussi un espace privé dans lequel tout un chacun doit se sentir libre d’être comme il l’entend, ses droits étant limités uniquement par ceux des autres (je ne peux pas me coucher en travers du trottoir parce que je gêne la circulation des autres, l’exhibition est une agression des autres – d’ailleurs qui change selon les époques, etc.). Dans une école, le personnel est représentant de l’Etat et doit donc à ce titre être neutre, mais les usagers, élèves ou leurs parents sont libres – devraient l’être – de leurs opinions et ne sont pas tenus à un devoir de réserve (reste la question du prosélytisme, religieux, politique…). Cette confusion entre l’Etat et la société a permis l’interdiction du voile à l’école ; et celle de la burqa. Pour promulguer la loi sur la burqa il fallait la faire reposer sur l’« ordre public » ; et on a inventé un principe d’ »ordre public sociétal ». Une telle logique est grosse d’une dérive totalitaire, car elle introduit la possibilité pour l’Etat d’imposer des interdits dans l’espace sociétal – ce qui est un abus de pouvoir, et dans la vie privée des citoyens.

La laïcité est la garantie pour tous les citoyens de leur liberté d’opinion, de conscience, y compris dans l’espace public dans lequel se déroule leur vie. Elle est intrinsèquement liée à la liberté, l’égalité et la fraternité, elle en est la garantie. Elle assure le respect de tous par tous dans leurs opinions diverses, elle est la base d’un vouloir vivre ensemble, dans les différences. L’utilisation de la laïcité pour stigmatiser une religion (l’Islam) ou toute opinion, est une perversion. Elle est alors au service d’une négation de la liberté des citoyens, elle nie la fraternité.

3 – Comment progresser ? Comment engager le dialogue sur ces questions de laïcité, xénophobie, islamophobie ?

C’était l’objectif de l’atelier : nos modes d’expression habituels (tracts, débats…) ne sont pas toujours adéquats ; nous avons de grandes difficultés pour rencontrer, dialoguer, convaincre en particulier avec deux types de populations :

- celles et ceux qui sont ou sont susceptibles d’être sensibles aux thèses xénophobes du Front national et du gouvernement,

- les jeunes, en particuliers des quartiers populaires.

Les propositions issues des réflexions de l’atelier peuvent être ainsi résumées :

a – Attitudes

> écouter, laisser s’exprimer

> respecter l’autre, apprendre à vivre ensemble

> penser l’identité hors de la sphère religieuse ou de celle des origines (bien souvent un gosse de cité est élève de tel collège, membre de tel club de foot, membre de telle bande de copains, avant d’être musulman ou arabe). Faire passer de la « masse identitaire » aux personnes qui sont toutes différentes

> dans le dialogue reconnaître les peurs, et aussi les nôtres, et les démystifier après

> aux crispations de la société française « de souche » répondent les crispations des immigrés ou français descendants proches d’immigrés, c’est une réalité qu’il faut prendre en compte.

> ne pas jeter l’anathème

> être tolérants, mais « pas trop »

> se préoccuper des militants politiques et syndicaux qui peuvent être influencés par les propos xénophobes.

b – Propos

> informer sur la laïcité, sur les discriminations

> aborder par le concret, la vie quotidienne

> Nous sommes tous quelque part xénophobes. Il faut poser le problème autrement : comment vivre ensemble avec toutes nos diversités ? il faut se référer à une identité hors religion : chaque individu a le choix entre un grand éventail de possibilités et a le droit de vivre la vie qu’il s’est choisie

> ne pas répondre aux propos racistes par de la morale : celle-ci ne fait que renforcer l’autre dans ses convictions, et coupe toute possibilité de discussion

> par des questions amener les protagonistes à voir les conséquences de leurs affirmations. Amener à la nécessité de pouvoir vivre ensemble.

c – Modes, formes

> les intermédiaires privilégiés sont les partis politiques, les syndicats, les associations de terrain. Il faut les mobiliser tout comme il faut se tourner vers les enseignants

> les fêtes, théâtres de rue, musiques etc. doivent permettre à tous de réaliser qu’ils sont chez eux ici et maintenant : les « Maghrébins » ne sont plus des immigrés mais des habitants de leur quartier, les « Français de souche » habitent maintenant leurs quartiers qui sont différents de ce qu’ils imaginaient dans leur enfance, tous sont chez eux ici, actuellement. Nous constituons le peuple de France, dans toute sa diversité

> films + débat

> utiliser l’Internet : sites et réseaux sociaux

> les tracts doivent être simples, rédigés dans un style compréhensible

> actions vis-à-vis des élèves

> campagnes pour inciter au vote (surtout auprès des jeunes)

> se former au dialogue, à la maïeutique.

Philippe Sénégas

Président de la section d’Aix en Provence de la LDH

Pièces jointes

Le faux départ de l’insurrection algérienne 31 mars 2011

Les émeutes initiales

Les émeutes populaires spontanées sont chroniques en Algérie depuis des années. Pour des raisons évidentes, celles qui explosent dans les premiers jours de janvier sont assimilées à l’embrasement insurrectionnel parti de Tunisie et d’Egypte. En fait, à partir du 3 janvier, c’est la forte hausse des prix des denrées alimentaires de base qui provoque une augmentation de ces révoltes. Les émeutiers sont des jeunes qui dans leurs expéditions s’en prennent aux symboles de l’état (sièges communaux, bureaux de poste) et de la consommation (grands magasins, concessionnaires automobiles…). Les manifestations s’étendent en quelques jours à l’ensemble du pays. Les interventions de la police et de l’armée sont musclées : cinq morts sont à dénombrer entre le 7 et le 9 janvier. Plusieurs tentatives d’immolation par le feu se produisent entre le 12 et le 17 janvier ; elles se solderont par 2 décès. Exploitant le caractère inorganisé et violent des manifestations, les autorités algériennes assurent que les jeunes n’ont aucune revendication politique et que leur seul but est de « détruire et piller ». Face à cette position de l’état, face aussi aux très nombreuses arrestations et comparutions devant les tribunaux de jeunes manifestants, des organisations d’opposition entreprennent une tentative de politisation et d’organisation du mouvement.

L’organisation de la protestation

Il faut d’abord rappeler que depuis 1992, la population est soumise à un régime d’Etat d’Urgence qui limite de façon considérable les libertés publiques en Algérie, en particulier la liberté d’association et la liberté de manifestation.

Le 22 janvier, un parti d’opposition le RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie, à ne pas confondre avec le RCD de Moubarak en Egypte !), tente d’organiser une manifestation à Alger, manifestation interdite (Etat d’Urgence) qui ne réunira que quelques centaines de participants assez fortement réprimés par les forces de l’ordre (nombreux blessés et des arrestations).

La veille, le 21 janvier, a été créée la CNCD (Coordination nationale pour le changement et la démocratie) à l’initiative de syndicats autonomes, des organisations de défense des droits de l’homme parmi lesquelles la LADDH (Ligue Algérienne pour la défense des droits de l’homme), des associations estudiantines et de jeunes, des comités de quartier, des collectifs citoyens, des associations de disparus, des figures intellectuelles et des partis politiques. Les objectifs de la CNCD sont la libération des manifestants arrêtés, la levée de l’Etat d’Urgence, l’ouverture de l’espace public (médiatique, politique, associatif…) au militantisme politique et associatif.

Des marches pacifiques (toujours interdites) sont appelées par la CNCD, le 12 février (3000 manifestants, 30 000 policiers) et le 19 février (participation équivalente, durcissement de la répression) ; ce jour-là un député du RCD est durement frappé par la police et des affrontement ont lieu entre manifestants et « pros-Bouteflika ».

http://www.france24.com/fr/20110303-reporters-algerie-jeunesse-defie-pouvoir-manifestations-alger-greves-bouteflika-armee-suicides-immolations-changement

Parallèlement à ces manifestations spontanées ou organisées, d’autres formes de protestations émergent , en particulier des grèves en séries, motivées par des revendications catégorielles : greffiers, enseignants, étudiants, contractuels, gardes municipaux, cheminots, médecins des CHU etc.

Situation actuelle : fausse libéralisation, baisse de la protestation politique organisée, émeutes quasi-quotidiennes

La fin du mois de mars est marquée par une baisse de la protestation organisée et la persistance quotidienne d’émeutes spontanées, d’affrontements violents entre jeunes et forces de sécurité : ces émeutes réparties sur tout le pays sont essentiellement motivées par le chômage et les conditions de logement déplorables que connaissent les algériens. Cinq décès par immolation sont à déplorer depuis le début de l’année.

L’affaiblissement des manifestations citoyennes initiées fin janvier est en grande partie explicable par l’ampleur des pressions et répression policières opposée à la mobilisation des organisations d’opposition. Concrètement, les rassemblements sont tout simplement empêchés par la force. Mais le pouvoir a réagi aussi par des annonces sur le terrain social et sur le terrain politique. Sur le terrain social, il a désamorcé (ou tenté de désamorcer) une partie des jacqueries populaires en ramenant à des valeurs abordables les prix des denrées courantes et en faisant des promesses mirifiques d’aides à l’emploi et au logement. Sur le terrain politique, on se souvient des revendications de la CNCD : libération des manifestants arrêtés, levée de l’état d’urgence, ouverture de l’espace public (médiatique, politique, associatif…) au militantisme pacifique. Or dés le début février, le président algérien Bouteflika allaient donner des gages formels sur ces questions. Le 24 février, le décret abrogeant l’Etat d’Urgence qui était en vigueur depuis 1992 est publié au journal officiel. Dans les faits, ce desserrement formel de l’étau dans lequel sont maintenues les libertés publiques en Algérie n’a rien changé. La manifestation organisée le 26 février, soit deux jours après l’annonce de l’abrogation de l’Etat d’Urgence a été durement réprimée par la police. « Les marches ne sont pas interdites, elles sont soumises à autorisation. Pour être autorisées, les marches doivent offrir le maximum de garanties quant aux risques. Le moment ne paraît pas être venu pour autoriser les marches à Alger », a indiqué le ministre de l’Intérieur, Dahou Ould Kablia, à la radio algérienne. Par ailleurs, l’agrément de nouveaux partis politiques ne semble pas à l’ordre du jour. « Cela ne veut pas dire qu’ils ne le seront pas lorsque le moment apparaîtra opportun. Aucun agrément n’a été délivré pour l’instant », a encore indiqué le ministre de l’Intérieur. Enfin, le président Bouteflika avait promis début février l’ouverture de la télévision publique à tous les partis d’opposition. Mais hormis les partis de l’Alliance présidentielle (FLN et partis satellites) et les formations favorables au pouvoir, comme le Parti des Travailleurs (PT), aucun mouvement d’opposition n’a été convié sur les plateaux de la télévision pour débattre de la situation de politique du pays.

Cette triple stratégie, associant répression, annonces sur le plan économique et social et promesses de démocratisation a atteint en partie un de ses objectifs : diviser le mouvement protestataire. Pour mieux le comprendre il faut connaître l’état de l’opposition politique en Algérie (ce que pourrait permettre un prochain « Eclairage »). Un désaccord sur la stratégie de la contestation a conduit le 22 février à un éclatement de la CNCD. Pour faire bref, un courant « partis politiques » conduit par le RCD s’oppose à un courant « société civile » conduit par la LADDH. Les premiers maintiennent les appels hebdomadaires aux manifestations. Les seconds préfèrent l’organisation de meetings et de conférences en vue de toucher les travailleurs, les chômeurs, les étudiants. Mais derrière ces divergences presque techniques (et dont on ne voit pas pourquoi elles seraient incompatibles) à vrai dire, ce sont des analyses différentes sur les voies de la démocratisation en Algérie qui s’opposent actuellement. Les uns croient à une révolution « à la tunisienne ou à l’égyptienne » et veulent se présenter comme les leaders politiques de cette révolution et de l’alternance qui suivra, les autres considèrent que la complexité de la situation algérienne exige un travail en profondeur au cœur de la société algérienne et donc se méfient des risques que les appétits politiciens peuvent faire courir à la société civile.

Les droits de l’Homme en Algérie 31 mars 2011

1. La situation des droits de l’Homme en Algérie

Le rapport 2010 d’Amnesty International sur « Les droits humains en République algérienne démocratique et populaire » donne une vue d’ensemble de la situation. Depuis janvier 2011, les effets de l’Etat d’Urgence se sont faits sentir à la faveur des mouvements et manifestations pour la démocratie. Même si l’Etat d’Urgence a été supprimé il y a quelques semaines, la pression policière et militaire ne s’est pas affaiblie. On constatera le poids encore très important des suites de la guerre civile des années 90.

Des personnes soupçonnées d’actes de terrorisme ont été arrêtées et incarcérées sans contact avec le monde extérieur ; certaines ont été jugées dans le cadre de procès ne respectant pas les normes d’équité. Les autorités ont harcelé des défenseurs des droits humains, des avocats et des journalistes, dont certains ont fait l’objet de poursuites pour avoir critiqué des responsables gouvernementaux. Une nouvelle loi érigeant en infraction la migration clandestine a été adoptée. Cette année encore, les autorités n’ont pris aucune mesure pour élucider le sort des milliers de personnes qui ont été victimes de disparition forcée, entre autres atteintes graves aux droits humains commises par le passé, ni pour traduire les responsables en justice.

Contexte

Le 9 avril, le président Abdelaziz Bouteflika a été réélu après qu’une modification de la Constitution adoptée en 2008 l’eut autorisé à briguer un troisième mandat. Le 19 avril, il a exprimé son engagement à poursuivre le processus de « réconciliation nationale » démarré lors de son accession au pouvoir en 1999. En vertu de ce processus, le gouvernement a proclamé une amnistie ainsi que d’autres mesures qui institutionnalisent l’impunité pour les atteintes massives aux droits humains commises dans le cadre du conflit interne des années 1990 et qui privent les victimes de leur droit à connaître la vérité, à obtenir justice et à recevoir une réparation appropriée. Durant sa campagne électorale, le président Bouteflika a proposé la proclamation d’une amnistie pour les groupes armés.

Des groupes armés ont poursuivi leurs attaques ; celles perpétrées sans discrimination contre des civils ont toutefois diminué par rapport aux années précédentes. Quelque 30 civils et 90 membres des forces de sécurité auraient trouvé la mort dans de telles circonstances, essentiellement lors d’attentats à l’explosif dans des lieux publics. Plusieurs dizaines de membres de groupes armés présumés auraient été tués par les forces de sécurité au cours d’affrontements ou d’opérations de ratissage. Dans la plupart des cas, les circonstances étaient peu claires et on craignait que certains de ces homicides n’aient été des exécutions extrajudiciaires. Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) était, semble-t-il, le principal groupe islamiste armé actif en Algérie.

L’année a été marquée par une série d’émeutes, de grèves et de manifestations, organisées dans différentes régions pour protester notamment contre le chômage, l’insuffisance des salaires et la pénurie de logements.

En août, le gouvernement a promulgué la Loi 09-04 ainsi qu’un décret présidentiel visant à accroître la transparence et l’indépendance de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH). En mars, le sous-comité d’accréditation du Comité international de coordination des institutions nationales de promotion et protection des droits de l’homme (CIC) avait recommandé de ne pas accréditer entièrement la CNCPPDH car elle ne respectait pas les Principes de Paris concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales des droits humains.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Le Département du renseignement et de la sécurité (DRS, le service de renseignement militaire) continuait d’arrêter des personnes soupçonnées d’actes de terrorisme et de les placer en détention. Incarcérés pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, sans contact avec le monde extérieur, ces détenus risquaient d’être torturés ou maltraités.

Les personnes soupçonnées d’actes de terrorisme voyaient leur droit à un procès équitable bafoué. Certaines d’entre elles ont comparu devant des tribunaux militaires. Dans plusieurs cas, les détenus ont été privés de l’assistance d’un avocat, en particulier dans la période précédant le procès. Les autorités n’ont pas enquêté sur les allégations faisant état d’actes de torture et de mauvais traitements subis par des détenus et, cette année encore, les tribunaux ont retenu à titre de preuve, sans ordonner aucune enquête, des « aveux » qui auraient été obtenus sous la torture ou la contrainte.

• Moussa Rahli a été enlevé le 17 mars à son domicile d’Ouled Aïssa, dans la préfecture de Boumerdès, par des membres des services de sécurité en civil. Il a été maintenu au secret pendant près de 50 jours avant que sa famille ne soit informée qu’il se trouvait à la prison militaire de Blida. Bien que civil, Moussa Rahli allait, semble-t-il, être jugé par un tribunal militaire pour des infractions liées au terrorisme. Son procès n’avait pas débuté à la fin de l’année.

• Mohamed Rahmouni, également civil, était maintenu en détention dans la prison militaire de Blida, en attente de son procès devant un tribunal de l’armée pour des infractions liées au terrorisme. Arrêté en juillet 2007, il avait été maintenu au secret pendant les six premiers mois de sa détention. Les pouvoirs publics ne l’avaient pas autorisé à se faire représenter par l’avocat de son choix, ni à le consulter ; le tribunal militaire lui a désigné un avocat qu’il n’a pas accepté.

Le 17 janvier, Bachir Ghalaab est devenu le huitième Algérien à être renvoyé de la prison américaine de Guantánamo Bay. Ces huit hommes étaient tous en liberté. Deux d’entre eux devaient être jugés pour appartenance à un groupe terroriste opérant à l’étranger. Bachir Ghalaab et deux autres anciens prisonniers de Guantánamo étaient placés sous contrôle judiciaire aux fins d’enquête. En novembre, un tribunal d’Alger a acquitté Feghoul Abdelli et Mohammed Abd al Qadir, qui étaient poursuivis pour appartenance à un groupe terroriste opérant à l’étranger et falsification de documents. Le huitième homme a bénéficié d’un non-lieu.

Liberté d’expression

Des défenseurs des droits humains, des journalistes et d’autres personnes ont fait l’objet de poursuites, notamment pour diffamation, pour avoir dénoncé la situation des droits humains dans le pays ou critiqué des agents de l’État ou les pouvoirs publics en général.

• Hafnaoui Ghoul, journaliste et militant des droits humains, membre de la section de Djelfa de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), a été déclaré coupable de diffamation et d’outrage envers une institution publique par le tribunal de première instance de Djelfa, le 27 octobre, à l’issue de deux procès distincts. Il a été condamné à quatre mois d’emprisonnement – dont deux avec sursis –, au paiement d’une amende et au versement de dommages et intérêts. Il a interjeté appel dans les deux affaires et demeurait en liberté en attendant qu’il soit statué sur son recours. Une procédure avait été ouverte à son encontre après que des fonctionnaires du gouvernorat de Djelfa se furent plaints d’articles qu’il avait publiés dans le quotidien Wasat et qui faisaient état de mauvaise gestion et de corruption. En janvier, il a été poignardé dans la rue par un inconnu.

• Kamal Eddine Fekhar, membre de la LADDH et militant du Front des forces socialistes (FFS), faisait l’objet de poursuites dans le cadre de plusieurs procédures. En octobre, le tribunal de première instance de Ghardaïa l’a condamné à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis assortie d’une amende pour « injure », ce dont il se déclarait innocent. Il était également en instance de procès pour avoir incité à incendier un véhicule de police en février. Arrêté en juin pour cet acte, il avait été placé sous contrôle judiciaire et son passeport avait été confisqué. Son interpellation faisait suite à un appel à la grève lancé le 1er juin par le FFS à Ghardaïa pour protester contre une présumée erreur judiciaire.

• Amine Sidhoum, avocat défenseur des droits humains, était toujours en instance d’appel devant la Cour suprême. En 2008, il avait été déclaré coupable d’avoir jeté le discrédit sur la justice algérienne pour des remarques qui lui avaient été attribuées dans un article de presse paru en 2004, et condamné à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis assortie d’une amende.

Disparitions forcées

Les autorités n’ont pris aucune mesure pour enquêter sur les milliers de disparitions forcées qui ont eu lieu au cours du conflit interne des années 1990.

• Aucun progrès n’a été accompli dans la recherche de la vérité sur le sort subi par Fayçal Benlatreche, disparu en 1995, ni pour traduire les responsables en justice. Le père de cet homme, qui pendant des années avait fait campagne pour connaître la vérité et obtenir justice, et qui avait fondé l’Association des familles de disparus à Constantine, est décédé en septembre.

Un ministre aurait affirmé, en août, que près de 7 000 familles de disparus avaient accepté une indemnisation de l’État, pour un montant total de 11 milliards de dinars (environ 9,7 millions d’euros). Farouk Ksentini, président de la CNCPPDH, aurait demandé au gouvernement de présenter des excuses publiques aux familles des disparus, mais il aurait aussi affirmé que certaines demandes de vérité et de justice étaient impossibles à satisfaire.

Les associations de familles de disparus étaient la cible de harcèlement et leur action était entravée, mais elles continuaient à organiser des manifestations.

• Le 16 juin, des responsables de l’application des lois ont empêché des personnes d’accéder à un lieu privé à Bachedjarah (Alger), où devait se tenir une conférence organisée par des associations de familles de disparus et de victimes de « terrorisme ».

• Les autorités de Jijel n’ont pas répondu à la demande d’agrément déposée en mai par l’antenne locale de l’Association Michaal des enfants de disparus, qui venait d’être créée, bien qu’elles soient tenues par la loi de le faire dans un délai de 60 jours. D’autres associations de familles de disparus actives depuis des années n’avaient toujours pas réussi à se faire enregistrer officiellement.

Droits des migrants

Le 25 février, le président a approuvé des modifications au Code pénal qui, entre autres, érigeaient en infraction pénale le fait de quitter l’Algérie « d’une façon illicite », en utilisant des documents falsifiés ou à partir de lieux autres que les postes frontaliers officiels. Ces modifications restreignaient également la liberté de mouvement et faisaient de la migration une infraction. La sortie « illicite » du territoire algérien était passible d’une peine comprise entre deux et six mois d’emprisonnement et d’une amende, ou de l’une des deux peines. Des milliers d’Algériens et de ressortissants d’autres pays ont néanmoins tenté de gagner clandestinement l’Europe depuis l’Algérie. Plusieurs centaines – et peut-être bien davantage – ont été interceptés en mer ou alors qu’ils se préparaient à partir en bateau. Les médias ont indiqué que de nombreuses personnes avaient été jugées et condamnées aux termes des nouvelles dispositions sur la sortie « illicite » du territoire.

On ne disposait pas de statistiques officielles sur le nombre d’étrangers expulsés d’Algérie, mais dans son rapport initial au Comité sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le gouvernement algérien avait déclaré que 7 000 étrangers en moyenne étaient refoulés aux frontières ou expulsés d’Algérie chaque année. Bon nombre de ces expulsions étaient, semble-t-il, effectuées hors de toute procédure régulière et en l’absence des garanties appropriées.

Discriminations contre les femmes

Le 15 juillet, l’Algérie a levé les réserves à l’article 9-2 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en ce qui concerne l’égalité des droits entre hommes et femmes s’agissant de la nationalité de leurs enfants. Des modifications introduites en 2005 au Code de la nationalité avaient déjà permis aux Algériennes mariées à des étrangers de transmettre leur nationalité à leurs enfants. Le Code de la famille contenait toujours un certain nombre de dispositions discriminatoires, tout particulièrement en matière de mariage, de divorce, de garde d’enfants et d’héritage, ainsi que l’illustraient les réserves persistantes de l’Algérie à plusieurs autres articles de la Convention.

Peine de mort

Plus d’une centaine de prisonniers restaient sous le coup d’une condamnation à la peine capitale, mais les autorités maintenaient le moratoire de facto sur les exécutions en vigueur depuis 1993. La majorité des sentences capitales ont été prononcées, dans la plupart des cas par contumace, dans des affaires liées au terrorisme, mais il y a également eu des condamnations à mort pour assassinat.

On a appris en juin le rejet par le gouvernement d’une proposition de loi visant à abolir la peine de mort. Le texte avait été déposé par un député de l’opposition.

2. La défense des droits de l’homme en Algérie

Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH). Dite aussi « Commission Ksentini » du nom de son président

Comme la plupart des pays, l’Algérie est dotée d’une institution officielle, gouvernementale, baptisée Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH). Le Comité International de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (CIC) procède chaque année à une évaluation des institutions du même type à travers le monde et leur accorde un statut. Ainsi le statut « A » leur permet de participer aux sessions et aux travaux du Conseil des droits de l’homme, de prendre la parole sur tous les points de l’ordre du jour en qualité d’entité indépendante et d’entrer en relation avec ses divers mécanismes. L’institution nationale accréditée peut également soumettre des déclarations écrites, diffuser une documentation portant la côte que les Nations Unies leur assignent et agir auprès des organes conventionnels et des procédures spéciales de l’ONU. Pour la troisième année consécutive l’Algérie n’obtient pas le Statut A pour pratiquement les mêmes motifs : la sujétion de la Commission au pouvoir exécutif, l’absence de transparence dans la nomination de ses membres, le manque de coopération avec les organes de l’ONU et avec les ONG indépendantes de défense des droits de l’homme.

Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH)

http://www.algerie-laddh.org/ http://www.la-laddh.org/?lang=fr

Sa création remonte à 1985. Elle est affiliée à la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), au réseau Euro-Méditéranéen des Droits de l’Homme (REMDH), à la Coordination Maghrébine des Organisations des Droits Humains (CMODH). Son président actuel est un avocat Mostefa Bouchachi. Depuis sa création la LADDH a joué un rôle de premier plan dans la défense des droits de l’Homme en Algérie ; nombre de ses membres ont été emprisonnés et poursuivis pour leur activité militante. Aujourd’hui elle est à la pointe de la contestation du régime algérien. C’est la LADDH qui est à l’initiative de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) qui a animé la scène politique algérienne depuis deux mois. Il y a quelques semaines, cette coordination qui organise les manifestations du samedi s’est divisée sur la méthode de mobilisation mais aussi sur les objectifs du mouvement. A sa création la Coordination (LADDH +syndicats autonomes+ quelques partis) avait trois revendications essentielles : la libération des détenus arrêtés en janvier, la levée de l’état d’urgence, l’ouverture du champ médiatique, politique et d’association pour permettre aux Algériens de militer pacifiquement afin d’aller à la démocratie. A l’annonce de la manifestation du 12 février, tous les détenus ont été libérés et le conseil des ministres a annoncé la levée imminente de l’état d’urgence. Il semblerait qu’à partir de là la LADDH ait opté pour une stratégie plus pédagogique, pacifique, négociée avec des objectifs décris de al façon suivante par Mostefa Bouchachi « On peut envisager la mise en place d’un gouvernement de coalition nationale qui organise de vraies élections dans lesquelles tout le monde participera. Cela peut nous mener vers la démocratie et le départ du système de manière contrôlé. C’est la seule vraie sortie. Une révolution à la tunisienne, à l’égyptienne ou libyenne je pense que ce n’est pas ce qu’il nous faut, c’est porteur de trop grands dangers.« (12/03/2011, pour l’interview complète du président aller sur le site la LADDH). Donc plus de manifestations du samedi, pas de slogans « Boutef dégage » ou « Pouvoir assassin ». Sous le titre  » Les Algériens qui marchent et qui ne marchent pas Le « peuple introuvable » de la CNCD », Mohamed BOUHAMIDI développe l’analyse politique de la Ligue dans un article en ligne sur le site (http://www.algerie-laddh.org/?action=actualite_detail&actualite_id=364). A l’intérieur de la LADDH il n’y a pas unanimité sur cette ligne. Ainsi le président d’honneur de la Ligue Ali Yahia Abdennour, 90 ans, s’est vite retrouvé samedi dernier immobilisé sur un trottoir par la police. « Nous continuerons à essayer de marcher chaque samedi. Il faut que ce pouvoir parte. 50 ans, ça suffit« , a-t-il lancé. A. Ali Yahia est l’auteur de « La dignité humaine » (Editions INAS, Alger, 2007) une longue réflexion sur l’histoire politique de l’Algérie contemporaine examinée depuis l’observatoire des droits de l’homme.

A signaler une publication remarquable de la LADDH, la revue Errabita : première revue des droits de l’homme en Algérie. La publication, explique Abdelmoumen Khelil, secrétaire général de la LADDH, se veut être un espace de réflexion, de débat, mais surtout d’expression, dans un pays où les libertés collectives et individuelles sont en perpétuelle régression. En réussissant à éditer cette revue de 58 pages, la LADDH réussit un défi qu’aucune autre organisation, et même les partis politiques, n’a réalisé pour le moment. A ce jour 4 numéros parus. Ils sont tous accessibles et téléchargeables en ligne à l’adresse

http://www.la-laddh.org/spip.php?rubrique5&lang=fr

N° 4 (19/07/2010) Ni juste ni indépendante, la justice au service de qui ?

N° 3 (29/10/2009) Liberté d’association et de réunion, une nécessité sociale

N°2 : (20/07/2009) L’urgence qui dure ! (à propos de l’Etat d’Urgence)

N°1 (05/04/2009) La dignité humaine est au cœur des droits de l’homme.

Algeria-Watch. Information sur la situation des droits humains en Algérie

http://www.algeria-watch.de/francais.htm

Algeria-Watch est une association de défense des droits humains en Algérie. Créée en 1997 en Allemagne, elle existe également en France depuis 2002, où elle a constitué une association (loi de 1901) du même nom. Toutes les activités d’Algeria-Watch sont le fruit de l’engagement et du travail bénévole de ses membres et de ses amis.

Le double objectif de l’association Algeria-Watch est :
- de rassembler les informations permettant de mieux comprendre les ressorts complexes de la guerre qui déchire l’Algérie depuis 1992, provoquant des ravages tant sur le plan humain (150 000 à 200 000 morts, des centaines de milliers d’orphelins, des dizaines de milliers de torturés, plus de 10 000 disparus, au moins 1,5 million de personnes déplacées, plus de 500 000 exilés, etc.), que sur les plans économique, écologique et éthique ;
- de prendre et soutenir toute initiative visant au rétablissement de la paix, la vérité et la justice en Algérie.

Le site d’Algeria-Watch est extraordinairement documenté (articles, dossiers, débats…). Pour rester dans le sujet de cette lettre, voici les liens de la rubrique permanente « Violations des droits humains « 

• Répression

• « Disparus »

• Torture

• Massacres

• Milices

• Réfugiés

• Rapports – Déclarations

Pour finir, sur le site Algérie-politique « Travaillons ensemble à l’instauration de la 2ème république », dont il sera question dans un autre N° d’Eclairages, une page est consacrée aux droits de l’homme en Algérie ; on y trouve des informations réactualisée presque tous les jours. http://ffs1963.unblog.fr/tag/droits-de-lhomme/

Les libertés individuelles en débat à Venelles 5 février 2011

Pourquoi Venelles ? Ce n’est sans doute pas un hasard si la Ligue des Droits de l’Homme a choisi cette commune pour organiser son premier débat public.

D’autant qu’ici, on est à la veille d’imiter la grande soeur aixoise en matière de vidéosurveillance.

Même si l’objectif affiché par les organisateurs est avant tout de poser des questions en matière de sécurité. Et, sur certains points, de faire des propositions…

Philippe Senegas, président de la section aixoise de la LDH a introduit la séance devant un public venu nombreux. Précisant que ce premier débat faisait suite à la signature, au plan national, par une cinquantaine d’organisations associatives et syndicales, du « Pacte pour les droits et la citoyenneté ».

Pour illustrer et lancer la réflexion, Gilles Sainati, magistrat membre du Syndicat de la magistrature, a fait un long exposé sur le développement des outils de vidéosurveillance, le fichage, la biométrie… et leur compatibilité avec les libertés individuelles.

Quel encadrement ? Pourquoi cette généralisation ? Quelles conséquences ? Sécurité et liberté vont-elles de pair ? « Depuis 2002 nous enregistrons 42 nouvelles lois sécuritaires, cela engendre une augmentation des poursuites pénales », note-t-il.  » Et puis on a évacué le contradictoire… on a démantelé la section économique… on a introduit l’automaticité des peines, prenant exemple des pénalités routières… avec pour conséquences la tenue de fichiers… ». Et de citer le fichier STIC (Système de traitement des infractions constatées) regroupant les informations concernant les auteurs d’infractions « présumés coupables, témoins ou victimes » interpellés par les services de la police nationale.

Le public n’a pas manqué de poser des questions. François Hamy, élu aixois d’opposition, s’est interrogé sur Facebook qu’il a qualifié de « STIC caché » en tant que réseau social consultable.

Anne Mesliand, conseillère régionale et présidente de la commission « solidarité et sécurité, santé et services publics », a rappelé que la vidéosurveillance n’était pas une politique de la Région qui reste attachée à la prévention.

« Il ne faudrait pas qu’il y ait détournement des dispositifs sociaux », s’est-elle inquiétée. « Il est prévu de renforcer la police nationale par des effectifs citoyens fortement indemnisés avec les risques que l’on imagine », a dit tel autre. « D’autant que l’argument des maires est de dire que la population le demande ».

« Y a-t-il donc un risque de clientélisme ? » Luc Foulquier, responsable du Parti communiste, s’exprime en tant que citoyen et demande instamment que l’on se projette dans l’avenir… « Est-il bon de remplacer les humains par des caméras et d’exploiter la peur ? » Gilles Sainati s’inquiète au final des conséquences de la LOPPSI (loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) qui vise, dit-il, « à développer la vidéosurveillance et le transfert au privé de la sécurité. » Philippe Senegas rappelle pour conclure les propositions concrètes du Pacte qui concernent la démocratie, la protection de la vie privée et des données personnelles, les droits et libertés face à la justice, à la police et au système pénitentiaire, la lutte contre les discriminations, l’égalité sociale et les solidarités. « Je suis preneur de l’avis des élus », a-t-il précisé. « Il faut que leurs réponses éclairent les citoyens. »

A noter enfin qu’aucun élu de la majorité municipale de Venelles n’était présent. Le maire, Jean-Pierre Saez, a simplement déclaré : « J’assume complètement le choix largement partagé par les Venellois de la mise en oeuvre de la vidéoprotection ».

Marie-Pierre Peyrou, élue d’opposition, présente au débat, a déclaré avoir voté contre cette mise en oeuvre. Et, au-delà de Venelles, le débat reste donc très

ouvert.

S.L.

Gilles Sainati est l’auteur de la « Décadence sécuritaire », éditions La Fabrique.

Pièces jointes

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Les citoyens et la sécurité 5 février 2011

Débat public organisé par la Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat de la Magistrature. Avec Gilles Sainati, magistrat

On assiste aujourd’hui à une délation organisée.

Comment en est-on arrivé là ? Quelques éléments de réponse.

La vidéosurveillance représente 60 % du budget de la prévention – elle tend à remplacer les éducateurs. Les caméras de surveillance sont offertes aux collectivités locales, qui payent très cher leur entretien. Elles s’accompagnent de la réduction des effectifs de gendarmerie et de police. Les communes vont financer les caméras, l’Etat se décharge de ses missions : la police municipale acquiert des pouvoirs réservés auparavant à la police d’Etat.

La généralisation de la vidéo-surveillance survient partout, quels que soient les bords politiques. Exemple d’une commune de 500 habitants, équipée de 16 caméras. Le maire est socialiste…

Il s’agit d’une évolution massive de la société. Pour plaire, dit-on, à l’électorat.

A quoi ce phénomène est-il dû ? Ceux qui le dénoncent sont taxés d’angélisme ou de gauchisme ! Il s’agit pourtant d’atteintes à l’Etat de droit.

Qu’est-ce qu’un état de droit ? Les principes fondamentaux sont contenus dans la Déclaration Universelle des droits de l’Homme et dans la Convention européenne des droits de l’Homme.

C’est sur eux que reposent les codes civil et pénal.

Premier principe : la liberté. Mais qu’est-ce que c’est que la liberté ?

« La sécurité est la première des libertés », a dit Jospin. Cette phrase n’a pas grand sens. La liberté ne se discute pas. Mais il y a confusion entre la sûreté et la sécurité !

La « sureté » (1789), c’est la garantie contre le pouvoir de l’Etat. C’est un ensemble de règles limitant le pouvoir de l’Etat (tel qu’il existait sous l’Ancien Régime). En échange, l’Etat assure la sécurité des citoyens. En confondant sécurité et liberté, on enlève un morceau essentiel d’une notion, la sûreté, qui assure la défense contre l’arbitraire de l’Etat.

Conséquence : un syndicat de police et Sarkozy veulent inscrire la « sécurité » dans la Constitution, au détriment de la liberté. Cette confusion entre sécurité et sûreté date de l’année 2000, on a assisté à 10 ans de politique sécuritaire terribles : 42 lois sur la sécurité ! A chaque fait divers, on en fait une…

La « tolérance zéro » est une expression qui nous vient des USA, c’est le maire de New York qui a inventé la formule, reprise tout au long des années Bush. Il s’agit de poursuive tous les petits délits dans le but de dissuader d’en commettre de plus graves.

On va même créer de nouvelles infractions. Il s’agit de faire du chiffre : la police est payée au rendement (aux USA).

Sarkozy a adopté la même politique : on se glorifie de l’augmentation des poursuites pénales (pourtant, elles montrent qu’il y a toujours autant de délinquants !) Les « chiffres de la délinquance » sont, en réalité, les chiffres des activités policières. Le « taux de poursuites pénale » doit être de plus en plus proche de 100 % : on poursuivra tout ! La tolérance zéro, c’est en réalité l’intolérance sociale. C’est la culture de la peur de l’autre.

La justice

Les principes fondamentaux de la justice, c’est 1) des débats contradictoires, 2) la possibilité d’être défendu par un avocat, 3) la motivation du jugement, avec un droit d’appel, 4) l’impartialité des juges.

Ces principes sont remis en cause avec l’automatisation des peines ; la reconnaissance préalable de la culpabilité ; l’énoncé des peines fait par le parquet

Toutes ces mesures mettent à mal la personnalisation des peines, on ne bénéficie plus de la protection d’une juge. 40% des peines sont aujourd’hui décidées par le Parquet (le juge ne faisant que les entériner) – c’est-à-dire par la police…

La loi Perben 2 a mis le Parquet sous la direction du Garde des Sceaux. On évacue le juge du Siège, qui a une place réduite. Et on choisit les « petites affaires » qui sont simples, au détriment des affaires compliquées : entre autres les affaires politico-financières ! Cette poursuite privilégiant la « délinquance de la rue » aboutit à un démantèlement du service de police. Par exemple, on ne voit plus beaucoup d’affaires de recels, qui demandent du temps et du personnel. On peut dire qu’on se contente d’arrêter celui qui court le moins vite !

Autre moyen de faire des économies : les peines automatiques. Par exemple, les radars routiers aboutissent à des suppressions de permis automatiques. Résultat : quantité de personnes en sont réduites à conduire sans permis. Si on les attrape, on va les envoyer en prison ! On les traitera comme de dangereux récidivistes. Il s’agit là d’un phénomène massif. C’est la disparition du principe de la personnalisation de la peine, qui permettait, par exemple, de retirer le permis de quelqu’un pendant les vacances tout en lui permettant d’aller travailler… La nouvelle politique est une politique d’élimination sociale.

Le fichage

La notion juridique de « récidive » est remplacée par la notion de « réitération », utilisée par Sarkozy. Pour savoir qui a « réitéré », on va voir dans le fichier STIC (mis en place en 1995 par Pasqua, mais la gauche l’a gardé et enrichi !). Il contient le nom de « toute personne mise en cause », que ce soit l’auteur d’un délit, les témoins, les suspects, les victimes ! Les victimes sont donc des présumés-coupables. La CNIL a relevé 15 % d’erreurs, impossibles à rectifier. On ne peut pas savoir si on est fiché, on ne peut pas, ou très difficilement, avoir accès à sa fiche. Exemple de l’électricien qui se fait arrêter pour port de couteau d’électricien : voilà une « affaire élucidée », le voilà inscrit dans le fameux STIC. Autre exemple : vous habitez dans un immeuble où un meurtre se produit. Inscrit dans le STIC, vous êtes automatiquement emmené en garde à vue…

La notion de « personne mise en cause » (figurant dans le STIC) est une notion floue. Pour Sarkozy, il s’agit de repérer tous les mauvais citoyens. On y a mis les mineurs. La durée d’inscription dans le STIC est de 20 ans !

Exemples : la police fait une descente à la sortie d’un lycée, des jeunes se font pincer avec un peu d’herbe. Ils vont avoir affaire au Juge pour Enfants – mais ils seront inscrits au STIC ! De même, récemment, des jeunes manifestants distributeurs de tract.

Le STIC pourra être consulté non seulement par la police, mais par des employeurs publics dans le cadre des concours à la fonction publique, par ex. dans l’Education Nationale. Des bagagistes dans les aéroports se sont vus mettre à la porte parce qu’ils étaient inscrits au STIC.

Combien de gens sont inscrits au STIC ? 10 millions ? 15 millions ? Tout le monde y sera !

Le Casier Judiciaire ne sert plus à grand-chose : il comportait 3 volets dont les premiers disparaissaient au bout d’un certain temps (ce qui relevait du droit à l’oubli !), seul le troisième demeurait, consultable seulement par la justice. Aujourd’hui, il est bien plus rapide de consulter le STIC !

Autre fichier : celui des empreintes génétiques, d’abord réservé aux délinquants sexuels. En 98, E. Guigou s’était engagé à ce qu’il reste circonscrit aux délits sexuels graves. Après le 11-septembre, la pression sécuritaire a été telle qu’il y a eu des manifestations de policiers et de gendarmes contre une justice jugée trop « laxiste ». Le fichier des empreintes génétiques a été généralisé à l’ensemble des infractions pénales.

Avec le rapport de l’INSERM et le rapport Bénisti, on a prétendu faire des prédictions génétiques de la délinquance ! Militants syndicalistes et politiques sont poursuivis pour refus de donner ses empreintes génétiques. Ils risquent la prison…

En conclusion, la loi LOPSI 2

Il faut souligner le caractère de plus en plus flou des infractions que l’on poursuit : depuis les délits « terroristes » comme à Tarnac jusqu’à la notion de délit « en bande organisée » (ou il suffit d’être deux pour avoir « droit » à une majoration de peine !)

La loi de prévention de la délinquance impose aux éducateurs et assistantes sociales le « secret partagé » – cad la suppression du secret professionnel. C’est la mise en place du comportementalisme, qui vise à réprimer non seulement des délits mais des comportements : on demande des informations le comportement d’un enfant, sur celui des familles etc.

LOPSI 2, c’est le cheval de Troie : on met en place des dispositifs non-conformes aux principes fondamentaux, et surtout qui sont susceptibles d’extension. La politique de « vidéo-protection » va être imposée aux communes par les préfets. Verront le jour des fichiers comportementaux : tout comportement « anormal » sur la voie publique pourra faire l’objet d’un signalement…

La nouvelle conception de la police, qui touche toute l’Europe, consiste à arrêter les personnes avant l’infraction. C’est une police « proactive », qui doit repérer des faits sociaux, comportementaux. C’est l’idée d’une « prédestination » à délits !

Les 42 articles de LOPSI 2 touchent tous les aspects de la vie.

L’avis de la Cour Européenne des droits de l’Homme sur la justice française (le procureur ne pouvant pas être considéré comme autorité judiciaire parce que non indépendant) a servi à retarder la suppression du Juge d’Instruction. Mais il n’y a aucune remise en cause du statut du Parquet. Pas question de le rendre indépendant. Les problèmes sociaux se règlent par le pénal. Ainsi, par exemple, l’absentéisme scolaire : les enfants absents sont fichés et signalés au Maire.

A Perpignan existe un fichier des mariages entre Français et étrangers !

La fusion des services de contre-espionnage et des Renseignements Généraux pose le problème de l’emprise totale de l’exécutif : on en a vu l’illustration à Tarnac. Il faut surveiller les opposants politiques les plus en marge. Et lutter contre les étrangers.

LOPSI 2 annonce la création de milices privées !

Pièces jointes

Les peines alternatives à la prison 26 novembre 2010

Avec M. Sidaine, Juge d’Application des Peines et membre du Syndicat de la Magistrature, en charge de la Maison d’Arrêt de Luynes.

L’amphi était pratiquement plein, beaucoup d’étudiants. Le JAP a fait une intervention de 20 minutes environ, le débat a duré une bonne heure.

Quelques notes sur l’intervention de M. Sidaine

Les peines ne cessent de s’allonger, le nombre de détenus augmente.

Il y a d’autres types de sanction que l’incarcération.

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 se met en place.

A Luynes, le taux d’occupation est de 125%.. 130 personnes sont sous surveillance électronique.

Le JAP intervient après le jugement pénal. On l’appelle parfois « le juge qui désapplique les peines », et on s’interroge sur la légitimité de ce magistrat.

Il fixe les modalités de l’application des peines.

Selon un article de la loi, il doit « favoriser l’insertion ou la réinsertion ». Selon le principe de l’individualisation des peines, celles-ci doivent être aménagées.

Un autre article stipule que, sauf en cas de récidive, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours.

La mission du JAP est complexe. Il doit prendre en compte

  • l’intérêt de la société
  • les victimes
  • la réinsertion
  • la prévention de la récidive.

On lui impose une obligation de résultat.

La police et la justice voient dans l’emprisonnement la « récompense » de leur travail. Hortefeux a clamé qu’il était « inadmissible » de voir un condamné à deux ans de prison remis en liberté.

Les alternatives (il en fait la liste très vite, je n’ai pas pu les noter)

* La libération conditionnelle est la principale. Elle existe depuis 1885. Elle constitue le meilleur outil pour prévenir la récidive : il n’y a que 3% de récidivistes parmi ceux qui ont connu la libération conditionnelle.

Les critères dont il tient compte pour prononcer la libération conditionnelle :

  • les « efforts constatés de réinsertion professionnelle »
  • l’indemnisation des victimes
  • une promesse de travail
  • des enfants de moins de 10 ans

La libération conditionnelle peut être prononcée à partir du moment où la moitié de la peine a été réalisée, les 2/3 pour les récidivistes. (je ne suis pas sûre de mes notes)

La libération conditionnelle est de loin le dispositif le plus important.

* Le placement sous surveillance électronique se généralise : ça coûte beaucoup moins cher que la prison ! La loi de novembre 2009 stipule qu’il peut être prononcé pour les peines allant jusqu’à deux ans de prison – aux mêmes critères que la libération conditionnelle.

* L’autorisation de sortie – pour aller travailler, ou se soigner…

* La suspension de peine, quelle que soit la durée de la peine, pour les condamnés atteints d’une maladie ou étant dans un état « incompatible avec la prison ». (Papon !)

* le travail dans une entreprise d’insertion.

Pour toutes ces « alternatives », le condamné doit avoir « démontré des efforts sérieux » de réadaptation sociale. On peut prononcer la surveillance électronique pour permettre à quelqu’un d’aller chercher du travail.

La loi de 2009 exige un « projet de réinsertion de nature à éviter la récidive ». Elle constitue une ouverture pour l’aménagement des peines. Il y a une volonté d’éviter l’incarcération en matière de détention préventive, en faveur du recours au contrôle judiciaire avec surveillance électronique.

En pratique, les aménagements de peine sont de plus en plus importants. Un cas récent : pour une peine de 3 ans et demi, il a prononcé un aménagement au bout de 6 mois.

L’aménagement donne lieu à un second procès (avec l’avocat, le procureur, le juge). Le parquet est encore aujourd’hui extrêmement défavorable aux aménagements.

Il y a donc un paradoxe : des textes extrêmement répressifs entrainent une surpopulation pénale, et en même temps, sans le dire officiellement, on demande aux JAP d’éviter l’incarcération !

Pour les peines de deux ans, le JAP va être évincé, c’est l’administration pénitentiaire qui présentera un projet d’aménagement. Il y aura délégation de pouvoir aux procureurs, qui imposeront plus facilement une décision.

Que veut le législateur ? Une réflexion sur la peine ? Ou la gestion des tensions ?

Il faut accepter que la sanction ne soit qu’exceptionnellement la prison.

Les travaux d’intérêt général (TIG), avec le suivi par un éducateur.

Les échecs ? Sur 4000 ordonnances de permission de sortie, il y eu à peine 5 évasions en 10 ans !

Quelques notes prises lors du débat :

. Le JAP ne s’occupe pas des mineurs. Ceux-ci sont de la compétence du Juge pour Enfants.

. Le critère du travail (promesse d’embauche) est « sacrosaint » – ce qui rend difficile les aménagements de peine pour les étrangers sans papiers.

. Les TIG (travaux d’Intérêt Général) ne sont pas appliqués pour les condamnés détenus, sauf pour des « reliquats » de peine. C’est une mesure peu appliquée parce qu’elle n’est possible que pour les condamnés à moins de 6 mois. Le travail n’a rien de gratifiant, il s’agit de ramasser les feuilles, de vider des poubelles, parfois on utilise les Resto du Cœur. Ça reste marginal… Il faudrait imposer aux mairies une certaine quantité de travaux : les mairies refusent de faire travailler des « délinquants » !

. Question : est-ce que, en tant que JAP, il prend en compte la demande des victimes ? C’est une donnée parmi bien d’autres. Non, je ne vais pas écouter les demandes des victimes qui réclament qu’un détenu ne sorte pas. Par contre, je prends en compte les efforts pour indemniser les victimes.

. Réponse vigoureuse à un commentaire du président des Visiteurs des Prisons, Philippe Lermé, laissant entendre que la nature du délit pouvait jouer en défaveur d’un aménagement de peine : une peine aménagée n’est PAS une peine non exécutée ! C’est extrêmement difficile d’avoir un bracelet électronique constamment ! Il faut arrêter avec la prison, comme on a arrêté avec les travaux forcés ! La prison doit être exceptionnelle. Il y a en prison des gens qui n’ont rien à y faire. Par exemple, quelqu’un qui est incarcéré parce qu’il n’a pas payé une amende, ou une pension alimentaire. L’incarcération pour non paiement d’amende est un phénomène nouveau, et scandaleux.

. La prison est criminogène – mais parfois, il est vrai qu’il n’y a parfois pas d’autre solution.

. Les récidivistes sexuels : il faut se poser la question des moyens : un éducateur a 100 détenus en charge, un gardien, 250 ! A Luynes, il faut 3 ou 4 mois pour rencontrer un psychologue !

Les outils ne sont pas en place pour que la prison soit un moyen d’éviter la récidive.

. Le suivi peut durer plus d’une année. Le sursis avec mise à l’épreuve : le suivi peut durer de 5 à 10 ans (pour les délits sexuels).

. Le nombre de cas relevant de la psychiatrie est impressionnant.

. En réponse à un étudiant l’accusant d’être de parti pris : je ne fais qu’appliquer la loi. C’est la loi qui dit que la prison doit être l’exception.

. Peter (ancien visiteur des prisons, qui y a travaillé pendant 30 ans) : ce qui est le plus difficile, c’est la réinsertion. Il ne s’agit pas seulement de récidive. Il y a énormément d’échec de réinsertion, en raison du refus d’employer d’anciens détenus. Il faut changer d’état d’esprit ! C’est le rôle des associations.

. Réponse à un étudiant qui dit qu’il y a « beaucoup de récidives » : Non ! Il n’y a pas beaucoup de récidives ! Par contre, on n’a jamais eu autant de détenus qu’aujourd’hui.

Anne Torunczyk