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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives de l'auteur : LDH Aix

Bidonvilles aixois – La violence n’est pas la solution ! 20 mai, 2012

Depuis maintenant plusieurs mois le Collectif Aixois pour la Dignité et les Droits des Roms des Immigrés et des Sans-Papiers (CADDRIS) appelle au dialogue et à la co construction de solutions face aux bidonvilles qui ont ressurgi en Pays d’Aix. Personne ne devrait avoir à subir les bidonvilles ni les riverains, ni les miséreux qui ont trouvé là un abri plus que précaire. C’est la misère qu’il faut combattre, pas celles et ceux qui la subissent.

C’est pourtant bien, hélas, ce que fait la Mairie d’Aix-en-Provence en recourant au concours de la force publique à l’encontre des habitants des bidonvilles. Ainsi après la destruction des baraquements de Luynes et des 3 Sautets, l’assignation des ROMS de Vasarély, ce sont maintenant les habitants du campement de l’Arbois qui sont convoqués au Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence.

Ce bidonville, qui n’a aucun vis-à-vis, n’entraîne pourtant pas de trouble à l’ordre public. Les personnes s’y trouvant ne sont en aucune manière agressives. Elles saluent volontiers les visiteurs et engagent la conversation. Certaines d’entre elles maîtrisent parfaitement le français et avec les autres la compréhension est aisée du fait de la romanité des langues employées. Plusieurs enfants et adolescents sont scolarisés dans les écoles et collèges à proximité. Les adultes souhaitent comme nombre d’immigrés pouvoir travailler.

Il n’existe actuellement aucune solution alternative car nos appels au dialogue sont restés vains. Pire avec une brutalité, due à une période électorale compliquée pour elle, le Maire, qui ne reconnait pas un Président pourtant démocratiquement élu, n’en finit plus de courir derrière l’extrême droite. Sans humanité aucune Maryse JOISSAINS et ses représentants s’enferment dans une logique du tout répressif et chassent purement et simplement les plus miséreux d’entre nous. Rappelons qu’elle a déclaré qu’elle ne voulait plus un seul ROM sur le territoire aixois. Ne touchons-nous pas là au pire de la discrimination et de l’exclusion ?

D’éventuelles nouvelles expulsions seraient injustes humainement pour des résidents dont certains sont là depuis plusieurs années. Elles seraient également aussi coûteuses qu’inefficaces. Elles seraient enfin illégales au regard du droit européen. Nous refusons le recours à la force et appelons l’Etat, comme la Mairie, qui seraient alors soutenus par le Département, la Région et l’Europe, à construire des alternatives durables aux bidonvilles aixois.

EN MATIÈRE DE SOLIDARITÉ AUSSI, C’EST MAINTENANT QU’IL FAUT CHANGER ! TOUS ENSEMBLE, DISONS NON AUX EXPULSIONS !

LE CADDRIS APPELLE LES AIXOISES ET LES AIXOIS A MANIFESTER LEUR SOLIDARITÉ EN ÉTANT MASSIVEMENT PRÉSENTS À L’AUDIENCE DU TRIBUNAL LE MARDI 29 MAI À PARTIR DE 09 H 00 AU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’AIX-EN-PROVENCE, IMPASSE DES FRÈRES PRATESI, AU JAS DE BOUFFAN.

Les adhérents du CADDRIS : Aix écologie, Aix-Solidarité, Alternatifs 13, Amnesty groupe 133 d’Aix en Provence, Association de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés, Association des Travailleurs, Maghrébins de France, ATTAC Pays d’Aix, CFDT du Pays d’Aix, EMMAUS Cabriès, Europe Ecologie Les Verts Pays d’Aix, Féminin(s) Pluriel(s) en Pays d’Aix, Jeunesse Communiste d’Aix-en-Provence, Les Jeunes Ecologistes Aix-Marseille, Ligue des Droits de l’Homme, MAIS International, MRAP Aix, Nouveau Parti Anticapitaliste, Parti Communiste Français – Aix, Parti de Gauche, Partit Occitan, Parti Socialiste, Rencontres Tsiganes, Réseau Education Sans Frontières 13, Syndicat des Avocats de France, Syndicat de la Magistrature, Tous Ensemble Pour Aix, Union des Étudiants Communistes, Union Pour Aix, Union locale de la Confédération Nationale du Logement du Pays d’Aix, Unis pour un Monde Solidaire…

Pièces jointes

pdf/Tract_CADDRIS_Arbois_4_.pdf Télécharger

A la veille des élections législatives : une société sans illusions (02 – mars, avril 2012) 3 mai, 2012

Mort de Ahmed Ben Bella, cinquantième anniversaire de l’indépendance, prise en otages du consul d’Algérie à Goa par les islamistes qui annexent le nord-Mali et même élections législatives du 10 mai : aucun de ces événements ne sort les algériens de leur résignation devant les difficultés et les violences de la vie quotidienne.

Front social et vie quotidienne

Il y a un an, les dernières braises du mouvement citoyen qui avait donné naissance à la CNCD (Coordination nationale pour le changement et la démocratie) s’étouffaient lentement et la société algérienne renouait avec ses rites protestataires suscités par les difficultés de la vie quotidienne, économique et sociale. Rien n’a changé depuis. Sur le front de la vie quotidienne, les émeutes et protestations populaires (logement, services publics, emploi…) continuent de faire l’actualité à Alger comme dans les villages les plus reculés. Dernier événement en date, des échauffourées ont opposé dimanche 29/04 les forces de l’ordre à plusieurs jeunes à Jijel (360 km à l’est d’Alger) après qu’un vendeur a tenté de s’immoler par le feu pour protester contre la démolition de son local commercial de fortune. Sur le front social, les revendications sectorielles, incessantes depuis les promesses gouvernementales consécutives au printemps arabe, sont réactivées par la période électorale, propice aux engagements clientélistes. Chaque jour, les syndicats de la santé, de l’éducation, des collectivités locales, de la justice et d’autres corporations organisent des grèves, des sit-in et des marches dans les rues des principales villes du pays et devant les ministères à Alger.

Mais en ce printemps 2012, deux actualités dominent la vie quotidienne des algériens : la flambée des prix sur les produits alimentaires et la violence dans les stades de football.

Depuis plus d’un mois, les prix des fruits et légumes ont augmenté de façon spectaculaire. La pomme de terre, aliment de base, a quasiment quadruplé. Outre les fruits et légumes frais, c’est tout le marché de détail des produits alimentaires qui connaît un emballement des prix y compris les légumes secs (pois chiches, haricots blancs, lentilles), les produits laitiers (fromages, yaourts…), les céréales, les viandes, la sardine…. A l’origine de ces hausses, les intempéries de fin février qui ont entrainé une baisse des récolte, suivie d’une spéculation aggravée par la multiplicité des intermédiaires tout au long des chaînes de distribution. En pleine campagne électorale, ces difficultés, qui touchent les plus pauvres du pays, nourrissent les diatribes contre les gouvernants (“Ils n’ont même pas prévu la flambée des prix de la pomme de terre ; comment peuvent-ils planifier l’avenir des générations”.) ; on a même vu la pomme de terre s’inviter sur les affiches électorales de certains partis.

Dans la même période (mars-avril), la fin du championnat national de football et la Coupe d’Algérie ont donné lieu à des déchainements de violence et des affrontements très durs entre supporters, et avec les forces de police. A Saïda, le 14 avril, les joueurs de l’USM Alger, à peine le match terminé, ont été attaqués à l’arme blanche par les supporters de l’équipe locale. Six joueurs, ainsi qu’un dirigeant du club algérois ont été blessés par les coups de couteau qui pleuvaient sur eux. Ils ont dû être hospitalisés alors que les supporters ont poursuivi leurs actes de vandalisme en dehors du stade. Le phénomène s’est renouvelé à l’occasion d’un grand nombre de matchs. Le vendredi 20 avril, plus de 10 mille policiers ont été mobilisés pour encadrer la première demi-finale de la coupe d’Algérie. Cette situation ne surprend pas Youcef Fates, politologue français d’origine algérienne, et maître de conférences à Paris-X, interviewé par le journal Jeune Afrique : « Ce que l’on observe dans les stades reflète le désarroi d’une partie de la jeunesse, issue d’une société dont les transitions se sont toujours faites dans la violence »

Dans le climat décrit ci-dessus, des événements comme la mort de Ben Bella (survenue le 11 avril) ou le cinquantenaire de l’indépendance, passent au second plan des préoccupations des algériens. On peut en dire autant des élections législatives qui s’annoncent.

Elections législatives

Le 10 mai prochain, près de 22 millions d’électeurs algériens seront appelés aux urnes pour élire leurs nouveaux députés, et leur donner un mandat de 5 ans. 25 800 candidats, représentant 44 partis politiques, brigueront les 462 sièges que comptera alors l’Assemblée Populaire Nationale (contre 389 dans l’assemblée actuelle). Combien d’électeurs iront voter ? Fin mars, une enquête révélait que 56 % des algériens seulement savaient qu’il y aurait des élections législatives le 10 mai. Selon la même enquête, la participation atteindrait 44%, chiffre qui semble très surestimé : le taux de participation officiel lors des élections de mai 2007 était de 35 % alors qu’en réalité le chiffre ne dépassait guère les 20 %. Outre l’incrédulité massive de la population à l’égard de la politique et des politiciens, l’existence notoire de fraudes, élection après élection, n’encourage pas l’exercice civique. Pour cette élection, deux commissions nationales seront chargées de veiller à la régularité des opérations de vote, et 500 observateurs étrangers s’efforceront, en vain comme dans les précédentes élections, de scruter le fonctionnement de plus de 48 000 bureaux de votes.

A quelques jours de l’élection comment se présente le rapport des forces politiques ? (cf. Eclairage n° 7 pour la présentation des partis politiques mentionnés ci-dessous).

On se rappelle que la coalition parlementaire et de gouvernement qui a dirigé le pays ces 5 dernières années a subi un premier éclatement avec la rupture du Mouvement de la société pour la paix (MSP) en janvier dernier.

Le 7 mars, le MSP, le parti El Islah et le parti Ennahda, trois formations islamistes, ont officiellement annoncé la création de l’ »Alliance de l’Algérie Verte » en vue des législatives, en avançant un programme unique et des listes communes. L’Alliance verte (rien à voir avec nos écologistes, le vert est un des symboles de l’islam) se présente comme l’équivalent des partis religieux qui sont arrivés au pouvoir par les urnes dans les autres pays du Maghreb, à la suite du printemps arabe. Deux autres partis islamistes n’ont pas rejoint l’Alliance et iront aux élections sous leur propre bannière : il s’agit du Front pour la justice et le développement (FJD), populaire dans les milieux intellectuels et universitaires, et du Front du changement (FC), récemment créé et dissident du MSP.

Le FLN, premier parti de l’actuel parlement, apparaît profondément divisé et son secrétaire général, A. Belkhadem, fortement contesté (cf. Le Monde du 21 avril). Il s’en est fallu de peu que ce dernier soit destitué par les membres du comité central du parti. Les contestataires lui reprochent d’avoir, à l’occasion de la constitution des listes de candidats, écarté des figures du parti et « islamisé » la représentation de ce même parti dans la perspective de préparer sa propre candidature à l’élection présidentielle de 2014.

Le Rassemblement national démocratique (RND) est le deuxième parti représenté dans le parlement actuel. Son leader, Ahmed Ouyahia, fort de l’image et de l’expérience que lui a donné son statut de Premier ministre mène une campagne technique et moderniste mais résolument nationaliste.

Du côté des partis de gauche, le Front des forces socialistes (FFS), le plus ancien parti d’opposition en Algérie, présentera des candidats. Il avait boycotté les élections législatives de 2002 et de 2007, ainsi que l’élection présidentielle de 2009. Parti laïc et fortement présent et populaire en Kabylie, le FFS participe cette année aux élections pour proposer une « construction pacifique de l’alternative démocratique ». A signaler que la tête de liste du FFS dans la capitale est Mustapha Bouchachi, l’ex-président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme. De son côté, le Parti des travailleurs (PT) de Louisa Hanoune creuse son sillon de parti anti-capitaliste et dénonce l’emprise des multinationales sur l’économie algérienne, emprise favorisée par une classe politique corrompue.

Aucun sondage en Algérie ne permet d’anticiper les résultats de ce scrutin qui aura lieu dans quelques jours. Les « nationalistes » (FLN et RND) pourraient garder la majorité, mais il est probable que les islamistes auront un nombre important de députés ; des islamistes dont le discours n’a plus grand’chose de commun avec celui du FIS en janvier 1992, et dont la victoire électorale n’entrainera pas l’intervention de l’armée.

Mali

Peu de temps après le putsch militaire du 21 mars au Mali, les rebelles touaregs (MNLA : Mouvement national de libération de l’Azawad) ont ouvert la porte à la domination du Nord-Mali (Azawad) par les groupes salafistes et terroristes de la mouvance Aqmi. Ces groupes, pourchassés par l’armée algérienne et puissamment armés depuis le conflit lybien, se trouvent maintenant à l’abri derrière une frontière et occupent un territoire plus grand que la France, territoire qui menace de devenir un nouvel Afghanistan au cœur du Sahel. Il suffit de regarder une carte du nord de l’Afrique pour constater que l’Algérie a une frontière commune avec tous les pays du Maghreb et du Sahel. Tous ces pays, y compris ceux qui ont connu le printemps arabe et qui ont mis des islamistes au pouvoir, se réjouiraient que l’Algérie, la plus importante puissance militaire d’Afrique, les protège du terrorisme islamiste. L’enlèvement, le 5 avril, du consul d’Algérie et de six de ses collaborateurs à Gao, par le MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest) aurait pu conduire le gouvernement et l’armée, en cette période d’élections législatives, à exploiter la fibre nationaliste des algériens en dramatisant la situation dans le sud. Il n’en a rien été, l’Algérie a dit qu’elle refusait d’opérer hors de ses frontières. On annonce la libération des otages algériens pour la fin avril.

Du côté de la LADDH

D’abord, bref retour sur les organisation de défense des droits de l’homme en Algérie. Il y a de quoi s’y perdre, dans la presse et sur les sites. Ces précisions complètent –et corrigent !- celles déjà données dans le tout premier Eclairage de 2011.

La CNCPPDH (Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme) est une organisation gouvernementale fortement critiquée par le CIC (Comité International de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme) aux motifs suivants : sujétion de la Commission au pouvoir exécutif, absence de transparence dans la nomination de ses membres, manque de coopération avec les organes de l’ONU et avec les ONG indépendantes de défense des droits de l’homme.

La LADDH (Ligue algérienne de défense des droits de l’homme) créée en1985 est affiliée à la FIDH (Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme). Sa légitimité est largement reconnue ; elle a été un des principaux acteurs du printemps algérien de 2011, créateur de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) pendant cette période. Ses militants sont régulièrement menacés et malmenés par le pouvoir. Jusqu’au 25 mars, son président était Mostefa Bouchachi.

Enfin la LADH (Ligue algérienne des droits de l’homme) apparue à la suite d’une scission au sein de la LADDH lors du Congrès de Boumerdes en 2005. Cette scission est survenue après la destitution du président en exercice, Hocine Zehouane, et son remplacement par une équipe proche du FFS et du mouvement berbère. La LADH est actuellement présidée par Hocine Zehouane.

L’actualité de la LADDH est triple.

Organisationnelle d’abord : Engagé dans la course pour les législatives, tête de liste du Front des forces socialistes (FFS) à Alger, Mostefa Bouchachi a démissionné officiellement de son poste de président. Depuis le 13 avril, Me Noureddine Benissad, élu par le Conseil national de la Ligue est le nouveau président de la LADDH.

Militante ensuite : Abdelkader Kherba militant de la LADDH a été arrêté par des agents de la sureté d’Alger le 18 avril 2012 pour le seul fait d’avoir apporté son soutien au mouvement de protestation des greffiers lors d’un sit-in pacifique devant le tribunal de Sidi M’hamed. Des témoignages font état de brutalités lors de son arrestation et de la confiscation de sa caméra. Présenté devant le parquet du tribunal local, le militant des droits de l’Homme s’est vu inculpé d’incitation à l’attroupement. Placé en détention provisoire à la prison de Serkadji, sa comparution devant le tribunal correctionnel était prévue pour pour le 26 avril.

Internationale enfin : La LADDH avec des ONG algériennes et internationales ont élaboré et rendu public le 20 avril, un rapport intitulé « Réformes politiques ou verrouillage supplémentaire de la société et du champ politique en Algérie « . A l’heure où l’échéance électorale du 10 mai 2012 est l’objet de toutes les attentions (…) », souligne le rapport, « l’adoption des nouvelles lois est en réalité devenue pour le pouvoir algérien une occasion de maîtriser davantage la société civile et le champ politique et un moyen de renforcer le contrôle de la société algérienne dans son ensemble ». Ce rapport fait l’objet de l’Eclairage de ce mois-ci.

L’Algérie vue par les ONG et par le dessinateur DILEM 3 mai, 2012

Pour cet éclairage, deux documents, deux regards politiques sur la situation de l’Algérie à quelques jours des élections législatives. Le premier document est une analyse critique des lois votées par le parlement sortant dans le cadre des réformes gouvernementales consécutives au printemps 2011. Le deuxième est un recueil de dessins de presse dont l’auteur est DILEM, chroniqueur féroce de la vie quotidienne, politique et internationale de son pays.

Premier document (d’une grande qualité graphique) : « Réformes politiques ou verrouillage supplémentaire de la société et du champ politique en Algérie ? Une analyse critique »

Le document peut être téléchargé sur le site de la LDH ( la notre !) à l’adresse : http://www.ldh-france.org/Reformes-politiques-ou

Dans un rapport conjoint publié le 19 avril 2012, le Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH), le Collectif des Familles des Disparu(e)s en Algérie (CFDA), la Ligue Algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) et le Syndicat National du Personnel Autonome de l’Administration Publique (SNAPAP) présentent un rapport sur les nouvelles lois adoptées en Algérie et sur les violations des libertés fondamentales et des droits humains qui s’intensifient en Algérie.

Ce rapport s’intitule « Réformes politiques ou verrouillage supplémentaire de la société et du champ politique en Algérie ? Une analyse critique » . Il révèle que contrairement aux annonces du Président Bouteflika faisant état « d’approfondissement du processus démocratique », l’adoption des nouvelles lois est en réalité devenue pour le pouvoir algérien une occasion de maîtriser davantage la société civile et le champ politique, un moyen de renforcer le contrôle de la société algérienne dans son ensemble.

Ce rapport offre un panorama des différents textes de loi à travers des fiches thématiques et des recommandations, portant sur : la loi relative au régime électoral (fiche 1), la loi fixant les modalités augmentant les chances d’accès de la femme à la représentation dans les assemblées élues (fiche 2), la loi relative aux partis politiques (fiche 3), à l’information (fiche 4) et aux associations (fiche 5).

Ces lois, adoptées en janvier 2012 en Algérie dans le cadre des prétendues réformes politiques, marquent une régression notable en matière des libertés fondamentales et ce en violation flagrante des engagements internationaux pris par l’Algérie, notamment des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies (PIDCP). Les organisations signataires dénoncent fermement le décalage entre les annonces officielles et les pratiques répressives auxquelles les autorités algériennes ont recours et interpellent le public algérien ainsi que les observateurs internationaux présents en Algérie, notamment les observateurs de la mission de l’Union européenne, sur les nouvelles lois adoptées en Algérie et sur les violations aux libertés fondamentales et aux droits humains qui s’intensifient en Algérie.

Deuxième document (d’une très grande qualité graphique !!) : les dessins de DILEM dans le quotidien algérien Liberté.

http://www.liberte-algerie.com/dilem/galerie

Voici comme Plantu le présente en janvier 2012 quand les deux dessinateurs échangent leur place à la une de leur journal « Dilem est un dessinateur qui ne ressemble pas aux autres. Déjà tout jeune, il transgressait un énorme tabou dans son pays, l’Algérie : oser dessiner le président. Il y a plus de 15 ans, ce président s’appelait Chadli et le jeune Dilem osa pour la première fois se moquer et… caricaturer le numéro 1 du pays. Il retint son souffle… Et puis rien : il ne fut pas inquiété.

C’est alors qu’il commença sa carrière de dessinateur de presse. Aujourd’hui, il travaille pour la Liberté, un quotidien qui arrive à publier ses pages sans trop de problème. Autant la télévision algérienne est cadenassée, autant la presse papier jouit d’une belle ouverture. Depuis, Dilem a quand même eu quelques ennuis ; l’année dernière, il a séjourné pas mal de temps dans les tribunaux car ses dessins ne passent pas vraiment inaperçus. Et, côté barbus, il a reçu de grosses menaces. En 2004 encore il apprenait que tel imam de telle mosquée avait demandé qu’on l’égorge, toute affaire cessante ; ça met comme une ambiance. »

Et en plus a) quotidiennement, le dessin du jour s’ajoute à la galerie ; et b) il dessine beaucoup et très méchamment Sarko

BIDONVILLES AIXOIS – L’EXPULSION N’EST PAS LA SOLUTION ! 18 avril, 2012

Depuis maintenant plusieurs mois le Collectif Aixois pour la Dignité et les Droits
des Roms des Immigrés et des Sans-Papiers (CADDRIS) appelle au dialogue et
à la co construction de solutions face aux bidonvilles qui ont ressurgi en Pays d’Aix.
Mais si nous ne voulons plus voir ces campements de fortune c’est justement au
nom du fait qu’il faut mener une lutte implacable contre la misère. Oui il faut
s’attaquer à la précarité, au dénuement et pas à celles et ceux qui en sont victimes.
C’est pourtant bien, hélas, ce que fait la Mairie d’Aix-en-Provence en recourant, par référés, au concours de la force publique à l’encontre les habitants des bidonvilles.
Ainsi les habitants du campement de Vasarély sont convoqués au Tribunal
de Grande Instance d’Aix-en-Provence.
Ce bidonville n’entraîne pourtant pas de trouble à l’ordre public. Les personnes s’y trouvant ne sont en aucune manière agressives. Elles saluent volontiers les
visiteurs et engagent la conversation. Certaines d’entre elles maîtrisent
parfaitement le français et avec les autres la compréhension est aisée du fait de la romanité des langues employées.
Il n’existe actuellement aucune solution alternative car nos appels au dialogue sont restés vains. Les seules réponses avancées par la Mairie sont uniquement basées sur la répression et l’Etat ne fait pas face à ses missions de cohésion sociale.
Rappelons que les expulsions d’Août 2010, sur ce même campement n’ont
strictement rien changé à une situation qui actuellement se dégrade. L’action des
travailleurs sociaux et des bénévoles est en effet lourdement handicapée par le
climat d’angoisse que font régner ces recours à la force publique.
D’éventuelles nouvelles expulsions seraient injustes humainement pour des
résidents dont certains sont là depuis plusieurs années. Elles seraient également
aussi coûteuses qu’inefficaces. Elles seraient enfin illégales au regard du droit
européen. Dans une décision du 29 Mars 2012 le Parlement Européen a rappelé
aux Etats qui pratiquent des restrictions sur l’accès au travail et la circulation à
faciliter l’intégration des communautés ROMS, en leur reconnaissant les mêmes
droits et devoirs qu’aux autres citoyens de l’Union européenne.
Nous refusons le recours à la force et appelons l’Etat comme la Mairie, qui seraient alors soutenues par le Département, la Région et l’Europe, à construire des alternatives durables aux bidonvilles aixois.
TOUS ENSEMBLE, DISONS NON AUX EXPULSIONS !
LE CADDRIS APPELE LES AIXOISES ET LES AIXOIS A MANIFESTER LEUR
SOLIDARITÉ EN ÉTANT MASSIVEMENT PRÉSENTS À L’AUDIENCE DU
TRIBUNAL LE MARDI 24 AVRIL À PARTIR DE 09 H 00 AU TRIBUNAL DE
GRANDE INSTANCE D’AIX-EN-PROVENCE, IMPASSE DES FRÈRES PRATESI,
AU JAS DE BOUFFAN

Claudie Hubert – Philippe Chouard – Hervé Guerrera – Philippe Sénégas – Marc Durand

Pour le Collectif Aixois pour les Droits et la Dignité des Roms, des Immigrés et des Sans-Papiers (CADDRIS)

Pièces jointes

Reconstruire ensemble une politique de sécurité 30 mars, 2012

Le Syndicat des Avocats de France, le Syndicat de la Magistrature, l’Observatoire des délinquances et des contextes sociaux, la Région PACA ont organisé le 16 mars un colloque à Marseille sous ce titre . Les trois principaux intervenants étaient Pierre Joxe, avocat au barreau de Paris, Valérie Sagant, magistrate et co-auteur du rapport de la fondation Terra Nova sur la politique de sécurité et Laurent Mucchielli, Directeur de Recherches au CNRS et de l’Observatoire des délinquances et contextes sociaux.
Nous nous sommes inspirés des idées émises par ces trois conférenciers, des débats qui ont succédé à leurs interventions pour aborder ce sujet dans l’article qui suit.

Une vision de la politique sécuritaire.

La politique de sécurité appartient de droit à l’Etat qui en a la responsabilité et doit en définir les grandes lignes. Elle est aussi de la responsabilité de chaque acteur du champ social, non pas directement mais comme conséquence de son action. Un travailleur social, du fait qu’il aide des populations à vivre, qu’il gère des difficultés et des conflits, agit pour une société apaisée, et donc une société de sécurité.

Le but de la sécurité n’est pas de mener une guerre, victorieuse certes, contre le crime, le terrorisme ou d’autres déviances, mais d’instaurer des relations sociales dans lesquelles chacun trouve sa place pour un épanouissement personnel et collectif. La « guerre » peut être un moyen passager – c’est à discuter – elle ne peut être un état permanent de la société. La recherche de la sécurité peut passer par des actes de violence nécessaire, mais la mesure de la violence institutionnelle ne peut être le critère de réussite d’une politique de sécurité. On ne peut dire que la Principauté de Monaco soit un modèle pour nous, tant cette société est policée et surveillée. Il est cependant instructif de savoir qu’en ce pays chaque acte de violence institutionnelle, rendu nécessaire par un délit, est considéré comme un échec. La réussite de l’action policière est validée par l’absence d’interventions de la Police. On peut comparer cela à la gourmandise avec laquelle on nous rappelle qu’en France le plan Vigipirate rouge est toujours en vigueur, et que même on vient pour la première fois d’appliquer dans une région le plan écarlate. Ou encore avec la nécessité pour la Police de remplir des quotas de PV délivrés, de gardes à vue exécutées, de mises en examen obtenues. Bien sûr ce sont des mesures de l’activité des services qui ont leur valeur indicative, mais il ne faut pas oublier le but qui serait une société dans laquelle cette mesure ne serait plus pertinente, si l’activité répressive ne concernait plus qu’une partie marginale irréductible de la population . La politique du chiffre instaure une confusion entre résultat et activité. Non seulement elle mène à toutes les dérives ou abus, non seulement à chasser la délinquance la plus facile à atteindre et élucider – et par là la moins inquiétante – mais, plus grave encore, elle instaure dans la société un renversement des valeurs : est honoré le « superflic », le « Rambo » qui « terrorise les terroristes » comme cela a été demandé par un Ministre de l’Intérieur, est déconsidéré l’acteur de la sécurité qui apaise les tensions et les relations.

Cette politique est liée directement à la notion de guerre introduite ces dernières années, depuis la « guerre au terrorisme » de Georges Bush. Nous sommes en guerre contre les criminels, puis contre tous les délinquants, et pourquoi pas contre les marginaux pour finir récemment contre les Roms. La politique de sécurité a été contaminée par la sécurité extérieure : nous faisons une guerre intérieure alors que nos opérations militaires à l’extérieur s’apparentent à des actions de police (inaugurées par l’armée, à son corps défendant, pendant la « bataille d’Alger » voici plus de 50 ans). Même la Sécurité Civile se militarise, jusqu’à introduire des uniformes de type militaire. Combien de vigiles habillés en quasi-CRS, même lorsqu’il s’agit de gardiens de barrières ? Dans le fameux plan Vigipirate écarlate, la Sécurité Civile est de fait incorporée à l’action militaire.

La politique des dernières années.

A ces considérations il faut ajouter une politique spécifique développée depuis une dizaine d’années. On a surfé sur les peurs et le désir d’un « toujours plus de sécurité ». A la politique du chiffre qui ne concerne pas seulement la sécurité, tous les fonctionnaires y sont soumis, s’est ajouté le « toujours plus » de lois. A chaque événement une nouvelle loi. Un exemple parfait est donné par le discours du Président le 22 mars dernier, une heure après la mort du tueur de Toulouse et Montauban : c’est toute une série de mesures, toutes plus coercitives les unes que les autres, qu’il a annoncées, comme si cette affaire dramatique avait dans l’instant éclairé la société sur les causes de son insécurité et sur les remèdes devant lui apporter la paix. Ces lois ne sont quasi jamais évaluées, jamais avant la promulgation de la suivante qui les corrige. Elles ne sont mises en œuvre que très partiellement faute de décrets d’application ou parce qu’on a changé d’idée avant de les promulguer, elles se marchent les unes sur les autres, introduisant nombre de contradictions qui rendent le Droit illisible. Il s’agit d’une politique brouillonne, donc incompréhensible et souvent inapplicable, mais de plus cela induit une atmosphère sécuritaire allant à l’envers d’un apaisement des relations dans la société. Il n’y a pas mieux pour attiser les peurs irrationnelles, faire de chacun l’ennemi de l’autre et sa victime potentielle. Beaucoup d’argent est dépensé pour la sécurité, mais de façon erratique. Comment mener une action cohérente quand les crédits sont alloués en dents de scie ? On se vante d’allonger des millions, mais pour quelle action ? Les deux tiers des crédits alloués actuellement à la sécurité sont donnés pour la vidéosurveillance dont l’efficacité n’a jamais été évaluée sérieusement en France (et les évaluations étrangères ne sont guère encourageantes sur son efficacité). Son coût non plus n’est pas pris en compte, l’exemple de la ville de Cannes est instructif : sept millions d’euros pour l’installation et…600 000 euros annuels pour l’utilisation et la maintenance. Il serait intéressant de savoir quels autres types d’action ces sommes permettraient d’envisager, qui seraient peut-être plus efficaces.

Le traitement judiciaire des affaires.

La vision répressive des pouvoirs publics a entraîné une forte augmentation des peines de prison, en contradiction par exemple avec la loi de 2009 destinée à alléger le nombre de détenus. On a instauré une standardisation des réponses pénales, en contradiction avec le principe d’individuation de la peine qui était une des avancées essentielles de la Justice moderne. A cela il faut ajouter les transferts de charges de la Police nationale vers les polices municipales et les polices privées. Ce renoncement de l’Etat à son pouvoir régalien est très inquiétant pour la démocratie, mais de plus tant les polices municipales que les officines privées ne bénéficient pas d’une formation suffisante pour le rôle qu’on leur laisse.

On a introduit aussi la notion de « traitement en temps réel » (TTR). La raison en est un désir d’efficacité accrue, et si l’on compte en nombre de dossiers traités, cela est une réussite. On comprend que dans une administration, quelle qu’elle soit, le nombre de dossiers traités soit un critère d’évaluation. Mais il semble que l’efficacité d’une administration soit liée principalement au résultat obtenu par le traitement des dossiers. On ne traite pas des dossiers pour le plaisir de les traiter et d’augmenter leur nombre. Et dans ce domaine le TTR a révélé des limites fortes, des lacunes, des dérives. On n’a plus le temps de se préoccuper de la personnalité des individus mis en cause. Quelle est la justice d’un jugement qui ignore celui qu’elle juge ? Les peines automatiques n’ont pas besoin de magistrats pour les prononcer, elles déshumanisent la Justice, détruisent les individus, compromettent l’amendement des délinquants qui devraient accepter leur peine (ou pour le moins en reconnaître le bien-fondé, la logique), en percevoir le sens. Pour les mineurs, le TTR est encore plus catastrophique, il enlève toute once de mesure éducative. Quant aux victimes, il constitue pour elles, dans la plupart des cas, une violence supplémentaire. Encore sous le choc de ce qu’elles ont subi, sans avoir le temps de prendre le moindre recul, elles sont sommées de venir s’expliquer devant une Cour. Il n’est pas rare, lorsqu’on donne du temps, de rencontrer des victimes apaisées, désirant que justice soit rendue tout en ne rejetant pas le délinquant. Alors la peine permet de tourner la page en leur rendant justice, permet au délinquant d’entamer une réhabilitation. Cette Justice rendue atteint alors son but, mais avec le TTR ceci est strictement impossible. Avec le TTR, la grande majorité des affaires passe en comparution directe, avec donc toute cette violence et cette injustice commise tant envers les victimes que les délinquants. Les moyens de la Justice étant trop faibles – le peu de crédits alloués sont absorbés prioritairement par les constructions et la gestion de prisons – les délais sont beaucoup trop longs si on évite la comparution directe, d’où une nouvelle injustice envers les personnes impliquées qui vivent fort mal ce temps d’attente, qui demeurent dans leur délit ou dans la violence subie sans pouvoir en sortir. La quadrature du cercle dirait-on ? Oui, mais il est possible d’en sortir si l’on a une autre vision de la Justice et que l’on en prend les moyens.

Faiblesses de la politique répressive.

La politique sécuritaire actuelle coûte très cher, il faut se pencher sur les comptes pour comprendre où va tout cet argent qui devrait servir à apaiser la société. Les prix des constructions de prison, de la gestion des places en détention sont sans commune mesure avec l’argent octroyé aux actions qui feraient baisser la délinquance. Mais ce ne sont pas les mêmes caisses, alors on ne fait pas de comparaisons…Pour un mineur en EPM (« Etablissement pénitentiaire pour mineurs », les nouvelles prisons pour mineurs), combien d’enfants en danger pourraient être suivis en milieu ouvert … et prendre une voie qui ne les mènerait pas à terme en détention ? Bien sûr il existe des irréductibles pour lesquels on ne trouve pas d’autre solution que l’enfermement. Ceux-là feront partie de notre part d’échec à l’aune de la façon de compter en Principauté de Monaco, mais combien sont-ils ? Que signifie de condamner à de la prison, puis de jouer sur les sursis, ou sur d’autres possibilités afin de ne pas enfermer les condamnés ? Très souvent on ne libère pas avec anticipation parce que le délinquant aurait fait un chemin lui permettant sa réinsertion, mais simplement pour libérer de la place … et le délinquant libéré dans ces conditions augmente toutes ses chances de venir réoccuper la dite place ! Si c’est pour l’effet d’annonce, tout est parfait, le bon peuple saura que nos édiles veillent au grain et les protègent en faisant condamner un maximum de déviants. On annonce ainsi au peuple qu’on incarcère, et dans la foulée on libère en douce. Quand cette façon de faire coince, qu’il y a bavure, on accuse la Justice de laxisme.

Ce double langage du pouvoir politique est insupportable : on édicte des lois (une trentaine en dix ans !!) chaque fois plus répressives, tellement embrouillées qu’elles sont souvent inapplicables, et parallèlement on expédie aux magistrats des circulaires dont la majorité des citoyens ignorent l’existence qui contredisent les dites lois . Qu’il applique la circulaire, le Magistrat, en cas de problème, peut être vilipendé pour n’avoir pas appliqué la loi dans toute sa rigueur, qu’il ne l’applique pas, il se trouve devant le mur d’une loi inapplicable et en conflit avec sa hiérarchie. Ce double langage a aussi un effet dévastateur sur les justiciables. Les peines et leur application devenues incompréhensibles perdent leur légitimité. Seul reste le bâton pour mettre tout le monde au pas, et personne n’y croit.

Connaître la délinquance.

Si le traitement de la délinquance a perdu toute clarté et se dirige comme un bateau ivre, reste le fait de la délinquance, reconnu par tous, et la connaissance que nous pouvons en avoir. Là encore les choses sont biaisées. On ne le dira jamais assez, « la » délinquance n’existe pas. Quand on parle de « la  » délinquance, on cite les crimes horribles, les viols d’enfants, etc. Mais comment confondre cela avec un vol de portable ou de portefeuille, une fausse déclaration d’impôts, une bagarre ou le fait de fumer un joint ? La vie est infiniment plus complexe que cette vision simplifiée donnée par les journaux et renforcée par les déclarations des autorités. Quand on parle de victimes, on évoque les victimes de meurtres, de viols, si possible qui appellent à la vengeance la plus sévère, et on fait de grandes déclarations pour les protéger. « La Justice pénale, c’est d’abord celle des victimes » a déclaré le président de la République. Alors que l’on nous dise quel est le rôle des juges. Le Juge est-il encore cet arbitre entre le Procureur, défenseur de la société, la Partie civile, représentant les victimes, et les avocats de la Défense ? La grande majorité des victimes sont de petites gens qui ont subi une violence (arrachage de sac, vol, effraction, agression, etc.) qui n’ont jamais voulu se trouver au centre d’un procès pénal et de toutes les déclarations qui l’entourent, qui désirent seulement que « Justice leur soit rendue », c’est-à-dire que par quelque moyen la société reconnaisse leur souffrance et dise leur Droit. On légifère pour les victimes de meurtre, en promulguant des lois qui vont d’abord s’appliquer à des victimes tout-à-fait ordinaires. Pas plus que « la » délinquance, « la » victime n’existe pas.

« La » délinquance augmente, dit-on, de manière vertigineuse. Il serait bon de se tourner vers les historiens pour le savoir. La délinquance est un concept construit. La grande majorité des crimes actuels sont des viols, pédophiles ou non. Et la plupart des viols se déroulent « en famille » (inceste, relations entre frères et sœurs, viols conjugaux). Voici cinquante ans l’inceste était tu, le viol conjugal était une notion inconnue, les affaires entre frères et sœurs (ou cousins) ne sortaient pas de la famille. De la pédophilie, il n’était quasi pas question, la police ne désirait pas s’en mêler et renvoyait à l’autorité parentale. Quant aux autres violences non crapuleuses (n’ayant pas pour but un vol), les violences conjugales n’étaient pas comptabilisées, les bagarres entre jeunes étaient courantes et rarement soumises à la Justice. Outre qu’elles étaient régulées dans les cours de récréation par les adultes présents (c’était le temps où les » pions » existaient), celles qui se déroulaient à l’extérieur n’émouvaient pas trop les adultes qui savaient que l’adolescence est une période difficile. Restaient les grosses bagarres rangées, telles celles qui se réglaient à coups de chaînes de vélo entre des blousons noirs ou auparavant les Apaches, elles n’avaient rien à envier à ce qui se passe aujourd’hui et seules concernaient les forces de Police. La question n’est pas de savoir si c’était mieux alors (sauf la présence d’adultes dans les établissements scolaires qui ont disparu depuis deux ou trois dizaines d’années et font cruellement défaut, pas seulement pour la sécurité), mais il est fait que la plus grande partie de la délinquance qui remplit nos journaux aujourd’hui passait inaperçue par manque d’intérêt voici quarante ans. Par ailleurs il existe toute une délinquance non comptabilisée ou très peu médiatisée : la délinquance routière, les atteintes au code du travail (qui peuvent avoir des conséquences très graves, les accidents du travail sont très nombreux, y compris les morts ou handicapés graves), la délinquance fiscale. Les escroqueries sont très peu poursuivies et encore moins pénalisées : il vaut mieux escroquer un million que voler mille euros en arrachant un sac ! La délinquance des riches semble mieux supportée par la société que celle des pauvres.

Alors la délinquance augmente-t-elle ? La question est vide, non pertinente. On peut mesurer telle sorte de délinquance et voir comment elle était ressentie autrefois, mais les comparaisons avec des chiffres sont assez vaines tant est variable le ressenti de la société devant ces phénomènes. On peut sans nul doute comparer les crimes de sang, ils diminuent fortement en nombre. Pour les autres types de délinquance, mieux vaut s’attarder sur ce qu’on doit faire que s’égarer dans des comparaisons non pertinentes. Les discours de nos autorités surfent sur un sentiment d’insécurité qui sert leurs intérêts, politiques et aussi financiers, mais sont hors de la réalité.

Le sentiment d’insécurité.

Le sentiment d’insécurité, lui aussi, est bien réel et doit être analysé pour le comprendre et y répondre. Les habitants de l’immeuble dans lequel vivait le « tueur au scooter » de Toulouse seraient terrorisés à l’idée de revenir y habiter. Mais qui les terrorise ? Tout le monde est d’accord pour dire que de tels phénomènes sont très rares, uniques, les chances qu’une même population les subisse une nouvelle fois sont quasiment nulles. Seulement les medias ont scénarisé, minute par minute, l’hallali opéré contre lui, y compris en repassant sur les ondes la minute et demie de tir nourri qui a achevé l’assaut…et l’assiégé. Qui a construit ce sentiment d’insécurité ? Pour lutter contre le sentiment d’insécurité, ne faudrait-il commencer par apaiser les relations entre les gens ? Montrer les vrais dangers (il en existe, évidemment) et dégonfler les baudruches ? On ne construit pas une politique sécuritaire sur le sentiment d’insécurité, sinon on va à l’échec, même si cela permet de gagner une élection. Les études menées montrent que le sentiment d’insécurité, la peur, sont très souvent déconnectés du réel. Ce sont d’abord les personnes vulnérables (personnes âgées, précaires, personnes isolées) qui ont peur de façon totalement des risques qu’ils pourraient courir. On a peur de l’inconnu, du fantôme agresseur qui pourrait fondre sur nous, venant de nulle part. Or dans 90% des cas recensés, la victime connaissait son agresseur qui était assez proche. A Marseille la ville serait prise par la peur à la suite de règlements de compte sanglants dans le grand banditisme. Mais si l’on y réfléchit bien, en quoi cela induit-il des dangers véritables pour la population ? On exagère la peur qu’elle éprouve pour justifier une politique (les problèmes des Marseillais sont plus le chômage que ces épisodes sanglants), et s’il et vrai qu’il existe une peur rémanente, elle est plus liée au traitement médiatique de ces faits qu’à des risques encourus. Ce n’est donc pas avec des annonces sécuritaires qu’on peut lutter contre ces peurs, ce n’est non plus pas en développant une politique répressive. La source du mal est ailleurs.

Quelques pistes de solution.

Alors que faire ? Certainement pas renoncer à poursuivre les crimes et les délits, il serait même bon de se montrer plus sévère pour nombre de délits qui coûtent très cher à la société et sont étrangement absous. Mais il faut renoncer à le faire de façon brouillonne, à coups d’effets d’annonce, en instaurant la société une culture de la guerre, de l’affrontement. Il est possible de tout sécuriser, de ne plus trouver de délinquants (visibles) ni de marginaux, cela s’appelle la dictature. Le Procureur de Marseille, au cours du colloque, disait que le taux de démocratie d’un pays est parallèle à son taux de marginaux…

Il est temps de définir une doctrine qui oriente l’action des pouvoirs publics. Cette doctrine doit guider la Justice et la Police. Par exemple veut-on la paix civile ou la guerre aux délinquants et aux marginaux ? Il semble que le plus urgent soit d’établir une doctrine pour la Police : lorsque la Justice est laissée libre elle trouve des ressources pour se diriger plus facilement que la Police qui travaille au plus près du terrain, où il est difficile d’avoir du recul. Qu’attend-on des forces de sécurité ? Désire-t-on une police de proximité, une police de médiation, une police à la poursuite des délinquants ? Ce genre de missions ne s’excluent d’ailleurs pas mutuellement, encore faut-il les préciser. Il est nécessaire d’édicter des règles sur la violence légitime. Les armées ont une doctrine qui guide leurs interventions. La Police semble étrangement en manquer. La Police Municipale doit-elle être armée ? Comment ? Pour quelles opérations ? Qui des armes létales ou à l’opposé des Tasers ou autres armes de dissuasion ? Actuellement on arme à tout va sans se demander à quoi cela sert. Cela semble une sorte de reconnaissance de statut, un policier sans « pétoire » ne serait qu’un moins que rien ! Le débat est renversé, on arme puis on se demande quoi faire. Dans le déroulement des actions peuvent se produire de la part des forces de l’Ordre des excès, quelle est la limite qui en fait des abus, voire encore des délits ? Il serait bon qu’une doctrine précise ces notions.

En plus d’établir une doctrine, il est nécessaire de s’attacher à une saine gestion du personnel. Quelles sont les « forces de sécurité » ? Certainement la Police Nationale, mais quelle est la place des Polices municipales, des officines privées ? Quelle doit être la structure de ces forces (combien d’hommes de troupes, de sous-officiers, d’officiers, de commissaires ?). Quelle répartition sur le territoire ? Quelles sont les qualifications nécessaires ? Et donc on touche aux questions de formation initiale et permanente, aux perspectives de carrière. Comment demander fidélité et dévouement à des troupes si ces questions sont éludées, si les réponses se font au gré des situations, sans continuité ? Mutatis mutandis ces questions doivent aussi être posées et trouver des réponses pour la Justice.

Les personnels travaillent avec du matériel. On rit du sous-équipement de la Police, de l’état des commissariats. Mais le problème est sérieux, et pour la Justice tout autant. Les Magistrats et les Policiers ont le droit, le besoin, de travailler dans des locaux respectables et respectueux de ceux qui les occupent. Les greffes sont sous-dotés, n’ont pas les moyens de travailler correctement. La Police a besoin de voitures correctes et en état de marche, de réseaux informatiques performants, etc. Non seulement cela est essentiel pour leur travail, mais leur fournir du matériel correct est une bonne façon de leur montrer de la considération (bien plus qu’en armant certains policiers quand ce n’est pas nécessaire). Sans considération on ne peut attendre un travail efficient. La Mairie d’Aix l’a bien compris qui a équipé sa Police Municipale d’un parc de voitures et de motos (pour quel genre d’interventions, au fait ?) qui n’a rien à envier à la meilleure brigade de gendarmerie routière. Enfin il faut mentionner aussi les développements technologiques. En face de certaine délinquance, ou encore plus du crime organisé, la Police doit avoir accès à une technologie sans cesse en évolution.

Ces considérations relèguent bien loin la trentaine de lois sécuritaires promulguées depuis une dizaine d’années, des effets d’annonce, des proclamations de guerre au terrorisme ou aux délinquants, aux Roms ou aux Sans-papiers. Il est temps de reconsidérer, de redéfinir les rôles de la Police et de la Justice, de leur assigner des buts et leur en donner les moyens. Il est temps de travailler à un apaisement des conflits dans la société au lieu de les attiser. Tout cela est bien connu des spécialistes, les rapports, livres et études ne manquent pas, mais il semble que bien souvent les décideurs se contentent d’un digest des rapports commandés. Il ne suffit pas de savoir que les études sont réalisées, encore faut-il une volonté politique forte pour les mettre en œuvre, une volonté qui s’étale dans le temps en oubliant un peu les échéances électorales, une volonté qui ose avancer malgré tous les obstacles…On peut toujours espérer.

Bidonvilles aixois : la municipalité doit changer de cap ! 29 mars, 2012

Constitué pour proposer des solutions concrètes à l’accueil et à l’insertion des nouveaux arrivants, le Collectif Aixois pour les Droits et la Dignité des Roms, des Immigrés et des Sans-Papiers (CADDRIS) demande, depuis sa constitution en septembre 2011, la tenue d’une table ronde. Convoquée sous l’égide de l’Etat cette instance, réunie pour en finir avec ces bidonvilles d’un autre temps et rechercher des solutions dignes d’hébergement et d’insertion, rassemblerait tous les partenaires institutionnels et associatifs d’Aix et du Pays d’Aix.

Afin d’expliciter et de soutenir cette démarche, le collectif a demandé à être reçu par les autorités concernées. Si la Sous-Préfecture, les Conseils Général et Régional ont répondu à cette attente en recevant des délégations, nous ne pouvons aujourd’hui que regretter le mutisme de la Ville d’Aix-en-Provence et de la CPA.

Deux courriers dont un recommandé et un remis en mains propres, d’innombrables appels téléphoniques, l’engagement public, pris par Madame le Député Maire et Présidente de la Communauté du Pays d’Aix lors du Conseil Municipal de Janvier, de recevoir le CADDRIS n’auront pas suffi. Aucune entrevue n’est encore prévue à ce jour.

Mais il y a hélas pire, la désinformation et les interpellations publiques dont les Roms font aujourd’hui l’objet. Dans ses prises de parole la ville d’Aix a fait savoir qu’elle renforçait ses aires d’accueil de gens du voyage à destination des Roms. Comme l’a très clairement indiqué le Sous Préfet, ces aires sont exclusivement réservées aux personnes “qui vivent et se déplacent en habitat mobile ou susceptible de l’être pendant tout ou partie de l’année, c’est à

dire les nomades et sédentaires qui se réclament du voyage” (loi n°200-614 du 5 juillet 2000). Ce qui n’est pas le cas des Roms qui sont des citoyens roumains, donc ressortissants européens et n’ont pas droit au carnet de circulation nécessaire pour accéder aux aires d’accueil.

Autre important sujet de préoccupation, la très surprenante réunion organisée hier par la Mairie de Luynes à propos des Roms récemment installés en bordure du village. On aurait voulu attiser les haines qu’on ne s’y serait pas pris autrement : Pas la moindre proposition, aucune volonté de dialogue. Il s’est agit purement et simplement de stigmatiser et déplacer les Roms.

Enfin l’ouverture du futur chantier, entre la fondation Vasarely et l’auberge de jeunesse, de l’école d’Art du Jas de Bouffan, à quelques mètres d’un important campement ne va pas sans nous inquiéter. Les premiers coups de pelles seraient prévus en Août 2012. A la même période que les sinistres coups de pelleteuse, applications concrètes du belliqueux discours de Grenoble d’un Nicolas Sarkozy qui exigeait de « mettre un terme aux implantations sauvages de campements Roms », qui ont détruit le premier bidonville de Vasarely.

Aucune solution concrète, pas de main tendue et encore moins d’échange, une action en rupture avec la tradition d’accueil et d’humanisme de la Provence et de la France voilà ce qui est hélas aujourd’hui la réalité de la politique de cette ville. Au contraire la ville, si l’on en croit la maire de Luynes, a fait établir par huissier un recensement complet des Roms installés sur le territoire de la CPA. Mais à quel titre, selon quel droit, voudrait-on tout simplement préparer leur éviction ?

Le CADDRISS ne peut que déplorer et dénoncer une attitude qui n’honore personne. Nous en appelons au contraire à un véritable sursaut citoyen pour imposer une table ronde. Des solutions existent et sont rapidement réalisables y compris à moindre frais. Si les collectivités territoriales en font la demande des fonds européens sont mobilisables. Ils nous permettraient d’élaborer des solutions d’hébergement dignes de ce nom. Non l’insertion, pour peu que nous nous en donnions les moyens, n’est pas un vain mot. Elle peut être, dès demain, une réalité concrète profitable à tous. Mais pour engager ces initiatives, nous avons besoin de l’adhésion de tous.

Aussi plus que jamais, le CADDRISS réitère sa demande à la ville d’Aix, comme aux utres partenaires. Il est urgent de travailler, au plus vite, à des solutions dignes, humaines et durables propres à éliminer les bidonvilles et à lutter efficacement contre la misère que subissent les populations concernées.

Claudie HUBERT Aix-Solidarité, Philippe CHOUARD Association de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés, Hervé GUERRERA Conseiller Municipal

Conseiller Régional, Philippe SÉNÉGAS Ligue des Droits de l’Homme

Une illustration du racisme ordinaire 29 mars, 2012

La Maire de Luynes, Madame Danielle Brunet, a organisé une réunion publique sur la question des Roms installés dans le contrebas d’une route, sur la commune. Il y a foule, probablement 150 personnes. La maire qui préside la séance, assistée de la suppléante du député du secteur , commence par décrire son action auprès des Roms et des questions annexes depuis leur arrivée en janvier. Ces Roms roumains ont été expulsés de Marseille et sont arrivés en deux fois, d’abord environ cinq familles, puis, assez récemment trois ou quatre familles apparentées. Voici sa description des faits et ses commentaires.

Dès leur arrivée elle s’est rendue sur le terrain accompagnée de deux policiers municipaux, pour inviter ce groupe à quitter les lieux. Elle leur a donné une semaine, et ils ont acquiescé, dit-elle. Elle y est retourné parce qu’ils « n’ont pas respecté leur parole » (elle insistera à plusieurs reprises sur cela), elle a demandé que les services d’hygiène vérifient l’état des lieux puis leur a envoyé SOS médecins (?) : là-dessus elle garantit que donc les vaccinations des enfants sont maintenant en règle. Elle est retournée encore sur le terrain, accompagnée de 5 policiers pour leur demander de partir. Elle leur reproche de ne pas tenir parole et regrette qu’ils soient sur un terrain privé dont le propriétaire, qui habite en Ukraine, ne l’ait pas autorisée à se substituer à lui pour faire l’expulsion. Elle se trouve donc démunie. Elle regrette vivement que « contrairement aux précédents en 2008 » ceux-ci, « déjà habitués à leur situation à Marseille », semblent plus au courant des règlements et lois et n’obtempèrent donc pas à ses injonctions. Ils devraient quitter Luynes, et s’ils le veulent dit-elle, se rendre sur l’aire d’accueil des Gens du Voyage du Realtor, où ils bénéficieraient de l’eau et de l’électricité. Cette aire leur est destinée, mais le responsable des Gens du Voyage à la CPA l’a informée que les Roms refusent de s’y rendre parce qu’ils devraient payer le courant électrique qu’ils préfèrent voler.

Apportons quelques précisions : Il ne s’agit pas de SOS médecins, la maire s’embrouillera sur le sujet, mais de Médecins du Monde, c’est-à-dire qu’elle « a envoyé » des bénévoles pour faire le boulot ! Elle a certainement peu suivi les choses, les enfants n’ont pas toutes les vaccinations nécessaires, simplement elle est couverte puisqu’elle  » a envoyé » le corps médical. Pour ce qui est de l’aire du Realtor, elle ment effrontément, tout comme Madame Joissains à chaque fois sur ce sujet. Cette aire est interdite aux Roms roumains, réservée de par la loi aux « Gens du Voyage » dûment recensés comme tels et munis des documents adéquats, statut que les Roumains ne peuvent obtenir, et d’ailleurs ces Roumains ne sont pas des « Voyageurs » mais des sédentaires. Madame Brunet a déjà expédié ceux de 2008 (qui ne connaissaient pas trop la réglementation, se félicite-t-elle) en leur promettant l’accueil sur cette aire qu’ils se sont vus évidemment refuser, ils se trouvent depuis sur un terrain aux alentours, sans eau ni électricité, mais bien plus loin de la ville. Mais cela elle le nie, s’appuyant sur les dires du responsable de la CPA. Ou ce monsieur, Monsieur Angelo Bassi, lui a menti, ou c’est elle qui ment. Monsieur Bassi sait tellement bien que l’aire est interdite aux Roumains qu’il a signifié voici quelques mois que même le local de l’aire dévolu à la PMI pour les consultations était interdit d’accès à cette population, il faut actuellement faire venir un camion sanitaire de Médecins du Monde de Marseille pour parer au plus pressé. Et si c’est Monsieur Bassi qui a menti, ce qui serait étonnant, il connait son affaire et n’a aucune raison de tromper les élus, elle est bien légère de ne pas s’informer mieux : quand on prend une décision aussi lourde que l’expulsion de familles (avec de plus écrasement au bulldozer des abris), il semble grave de ne pas se mettre au courant de la législation (à moins que l’expulsion de familles Roms soit un acte sans importance). Au mépris des populations s’ajoute une incompétence notoire. Pour ce qui est de l’électricité, j’ai vu tourner les moteurs des camions (bien délabrés) avec lesquels ils font de la ferraille pour allumer des ampoules au petit matin ou lors de la venue de la nuit. Ils préfèreraient probablement payer leurs kilowattheures. Enfin question de parole non tenue, il est facile de gloser dessus. Lorsqu’on arrive avec des policiers en donnant huit jours avant expulsion, que peuvent-ils répondre si ce n’est « oui-oui » ? C’est une réponse récurrente chez les Roms quand nous réclamons quelque chose, ils vivent dans l’instant, chaque jour il faut trouver sa nourriture, on ne les voit pas répondre « non-non » tant le rapport de force est en leur défaveur ! En faire une question morale comme l’a fait Madame la maire semble bien déplacé.

Ce qui est caractéristique dans ces démarches de Madame Brunet est que l’unique but est d’expulser. Luynes ne veut pas de ces gens, point. Rien n’a été dit sur une démarche humanitaire quand il faisait moins dix. Juste s’assurer qu’ils ne « volent » pas l’électricité ! On aurait pu imaginer qu’elle se préoccupe des résultats sanitaires après le passage de médecins du Monde. On aurait pu imaginer qu’elle aurait pu être préoccupée par la scolarisation des enfants, quelque désir qu’elle ait qu’ils s’en aillent. Plusieurs fois elle a dit combien l’état de ces enfants lui brisait le cœur, cela n’est pas allé jusqu’à ces quelques démarches « humaines », mot seriné plusieurs fois, qui auraient montré qu’il s’agissait pour elle de personnes, tout simplement. On aurait pu même imaginer le passage d’une assistante sociale pour aider ces familles à voir ce qu’elles pouvaient devenir. Non, on les chasse, et surtout on ne veut pas savoir où, en voulant faire croire que s’ils se retrouvent sur un terrain aussi insalubre, c’est de leur volonté.

Et la salle ? Bien sûr les personnes présentes étaient venues pour apprendre comment faire partir ces Roms. Vue la réputation qu’on leur fait, et que la maire et ses comparses entretient parfaitement, on comprend les inquiétudes des habitants. La misère est toujours désagréable à considérer, à voir, encore plus à trouver chez soi. Déjà « on » n’aime pas les HLM, alors ! Des inquiétudes, il y en a. On parle d’agressions, le boucher a du en surveiller dans sa boutique avec son commis pendant une demi-heure (là, je pense qu’il exagère), parce qu’ils étaient évidemment là pour voler, un autre en a rencontré en ballade sur un chemin, évidemment ils étaient là pour repérer les casses envisageables, quant à l’agression, on apprendra que c’était avant leur arrivée à Luynes. Une autre personne est ennuyée parce qu’elle « doit » maintenant fermer ses volets. Restait une personne qui a déposé plainte, mais on ne saura ni le motif, ni contre qui…

Que ces inquiétudes soient réelles, cela est évident et désagréable pour la population, et l’inquiétude d’une population doit être respectée. La façon de respecter les inquiétudes de la population par Madame Brunet est de les encourager pour montrer qu’elle sait taper quand il le faut, c’est un mépris total de la population. Et pour la salle, cela nécessite une expulsion immédiate, ce n’est pas leur problème de savoir où ces gens se retrouveraient, ce sont des nocifs. Quand nous avons pris la parole au nom de Rencontres Tsiganes, puis de la LDH, c’est sous les huées que nous avons parlé pour simplement dire (nous avons été incapables d’aller plus loin) qu’il faudrait voir plus loin qu’une expulsion, que peut-être il y aurait au-delà de l’expulsion d’autres solutions pour ces gens et que pour cela il faudrait pouvoir rencontrer les pouvoirs publics. Y avait-il des opposants à la maire sur le sujet ? Oui, ceux qui trouvaient qu’elle se laissait mener en bateau et qu’elle devrait être plus radicale…La seule personne qui a osé demander qui, concrètement, avait été agressé ou volé, s’est vue rabrouer vertement…sans réponse. A la fin, mais nous n’étions plus là, la représentante du Secours Catholique a pu intervenir, mais si la salle est polie envers une telle institution, cela n’a pas été plus entendu.

Il est inquiétant de voir une élue, maire adjoint d’Aix et maire d’un quartier qui est un vrai village, n’avoir aucun intérêt pour les suites de ses actes. On expulse, et comme elle l’a dit, ce sont d’autres qui se débrouilleront. On peut être pour ou contre les Roms, ce qui d’ailleurs ne signifie rien, mais cette politique de gribouille est consternante. Alors quel était le sens de cette assemblée ? Attiser la haine des Roms ? C’était une conséquence assumée, même si le but semblait surtout de montrer aux électeurs qu’on est à leur service pour chasser les indésirables. En les présentant comme des menteurs, sans parole, voleurs d’électricité et refusant les solutions « humaines » proposées (l’aire d’accueil) par avarice, voleurs et agresseurs potentiels, porteurs de tous les risques sanitaires et sans hygiène (demander l’hygiène quand il n’y a pas d’eau ni de toilettes, demander de ne pas salir quand on vous laisse dans de telles conditions !) on pousse les gens à la haine, pas à l’humanisme dont on se targue.

Finalement, alors que tout criminel a droit à un jugement en sa présence avec la liberté de parole pour sa défense, cette fois-ci la condamnation était déjà faite et le procès, en l’absence des poursuivis et avec interdiction de toute parole qui ne serait pas directement condamnatrice, consistait à évoquer les meilleurs moyens d’appliquer la sentence dans les meilleurs délais et avec la plus grande fermeté. Quand j’ai des rats dans ma maison, je cherche comment les chasser au plus vite, je ne me préoccupe pas de ce qu’ils ressentiront.

C’était une illustration du racisme ordinaire orchestré par une élue qui ne voulait pas se faire distancer sur ce sujet.

Marc Durand

29 mars 2012

Pièces jointes

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L’appel des femmes arabes pour la dignité et l’égalité 8 mars, 2012

Huit femmes, actrices des luttes pour la démocratie, lancent un appel pour la dignité et l’égalité dans le monde arabe, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars.

Nous, femmes arabes impliquées dans les luttes pour la démocratie, la dignité et l’égalité, nous, actrices au premier plan des changements exceptionnels que connaît le monde arabe, tenons à rappeler à l’opinion publique que les femmes sont en droit de bénéficier au même titre que les hommes du souffle de liberté et de dignité qui gagne cette région du monde.

Depuis toujours, les femmes mènent des luttes pour obtenir des acquis, plus ou moins importants selon les pays. Mais ces acquis demeurent en deçà de leurs aspirations et font de leur statut un des plus reculés dans le monde.

Les violences demeurent répandues tant dans l’espace public que privé et très peu de mesures sont prises pour mettre fin à ce fléau.

Les codes de la famille ne sont dans la plupart des pays arabes que des textes instituant l’exclusion et la discrimination.

Les autres lois que sont le code de la nationalité, certains codes civils et les lois pénales ne font que renforcer ces discriminations. Ces lois violent les droits les plus élémentaires et les libertés fondamentales des femmes et des fillettes par l’usage de la polygamie, le mariage des mineures, les inégalités en matière de mariage, de divorce, de tutelle sur les enfants ou encore l’accès à la propriété et à l’héritage.

Certaines lois permettent même à la parentèle masculine de tuer des femmes et des filles avec le bénéfice de circonstances atténuantes dans le cadre des crimes d’honneur.

Si la majorité des pays arabes (à l’exception du Soudan, et de la Somalie) a ratifié avec plus ou moins d’empressement la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw), adoptée par l’ONU en 1979, ces ratifications sont restées sans impact réel sur le statut et la condition des femmes.

Aujourd’hui que le monde arabe est en phase de construction démocratique pour la consolidation de l’Etat de droit et des droits humains, nous considérons que si l’égalité ne peut se réaliser sans la démocratie, la pleine jouissance de cette démocratie ne peut se réaliser sans une égalité totale entre les hommes et les femmes.

C’est pourquoi nous appelons les Etats, les partis politiques et la société civile dans ces pays à tout faire pour que la dignité des femmes et leur égalité avec les hommes ne soient pas une fois de plus sacrifiées au nom de prétendues priorités.

Aucune démocratie en effet ne peut se construire au détriment de la moitié de la société. Ensemble nous avons fait notre présent, ensemble nous construirons un avenir meilleur.

Nous exigeons :

- la préservation des acquis, l’égalité totale et effective et l’inscription des droits des femmes dans les constitutions ;

- les mesures législatives et administratives afin d’éradiquer les violences faites aux femmes ;

- la ratification et le respect de la Cedaw sans réserve dans son esprit et dans toutes ses implications concrètes ;

- l’adoption de lois qui protègent les femmes des inégalités sociales et économiques, des discriminations, en particulier familiale ;

- les mesures d’action positive afin d’assurer l’accès des femmes aux postes de décision et à leur pleine participation à la vie politique et associative ;

- la dénonciation des voix qui s’élèvent ici et là pour discriminer les femmes au nom d’une lecture rétrograde des préceptes religieux ainsi que celles qui voudraient leurinterdire une participation pleine et entière à une vie digne et respectueuse des droits humains.

Les huit signataires de l’appel :

Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), tunisienne ; Bochra Belhadj Hmida, avocate, cofondatrice et ex-présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates, tunisienne ; Shahinaz Abdel Salam, blogueuse et activiste, égyptienne ; Nawal El Saadawi, médecin psychiatre, écrivain et féministe historique, égyptienne ; Tahani Rached, réalisatrice, égyptienne ; Samar Yazbek, écrivain, syrienne ; Azza Kamel Maghur, avocate internationale et membre du Conseil Libyen des Droits de l’Homme, libyenne ; Wassyla Tamzali, féministe et essayiste, algérienne.