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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives de l'auteur : LDH Aix

BIDONVILLES AIXOIS – L’EXPULSION N’EST PAS LA SOLUTION ! 18 avril 2012

Depuis maintenant plusieurs mois le Collectif Aixois pour la Dignité et les Droits
des Roms des Immigrés et des Sans-Papiers (CADDRIS) appelle au dialogue et
à la co construction de solutions face aux bidonvilles qui ont ressurgi en Pays d’Aix.
Mais si nous ne voulons plus voir ces campements de fortune c’est justement au
nom du fait qu’il faut mener une lutte implacable contre la misère. Oui il faut
s’attaquer à la précarité, au dénuement et pas à celles et ceux qui en sont victimes.
C’est pourtant bien, hélas, ce que fait la Mairie d’Aix-en-Provence en recourant, par référés, au concours de la force publique à l’encontre les habitants des bidonvilles.
Ainsi les habitants du campement de Vasarély sont convoqués au Tribunal
de Grande Instance d’Aix-en-Provence.
Ce bidonville n’entraîne pourtant pas de trouble à l’ordre public. Les personnes s’y trouvant ne sont en aucune manière agressives. Elles saluent volontiers les
visiteurs et engagent la conversation. Certaines d’entre elles maîtrisent
parfaitement le français et avec les autres la compréhension est aisée du fait de la romanité des langues employées.
Il n’existe actuellement aucune solution alternative car nos appels au dialogue sont restés vains. Les seules réponses avancées par la Mairie sont uniquement basées sur la répression et l’Etat ne fait pas face à ses missions de cohésion sociale.
Rappelons que les expulsions d’Août 2010, sur ce même campement n’ont
strictement rien changé à une situation qui actuellement se dégrade. L’action des
travailleurs sociaux et des bénévoles est en effet lourdement handicapée par le
climat d’angoisse que font régner ces recours à la force publique.
D’éventuelles nouvelles expulsions seraient injustes humainement pour des
résidents dont certains sont là depuis plusieurs années. Elles seraient également
aussi coûteuses qu’inefficaces. Elles seraient enfin illégales au regard du droit
européen. Dans une décision du 29 Mars 2012 le Parlement Européen a rappelé
aux Etats qui pratiquent des restrictions sur l’accès au travail et la circulation à
faciliter l’intégration des communautés ROMS, en leur reconnaissant les mêmes
droits et devoirs qu’aux autres citoyens de l’Union européenne.
Nous refusons le recours à la force et appelons l’Etat comme la Mairie, qui seraient alors soutenues par le Département, la Région et l’Europe, à construire des alternatives durables aux bidonvilles aixois.
TOUS ENSEMBLE, DISONS NON AUX EXPULSIONS !
LE CADDRIS APPELE LES AIXOISES ET LES AIXOIS A MANIFESTER LEUR
SOLIDARITÉ EN ÉTANT MASSIVEMENT PRÉSENTS À L’AUDIENCE DU
TRIBUNAL LE MARDI 24 AVRIL À PARTIR DE 09 H 00 AU TRIBUNAL DE
GRANDE INSTANCE D’AIX-EN-PROVENCE, IMPASSE DES FRÈRES PRATESI,
AU JAS DE BOUFFAN

Claudie Hubert – Philippe Chouard – Hervé Guerrera – Philippe Sénégas – Marc Durand

Pour le Collectif Aixois pour les Droits et la Dignité des Roms, des Immigrés et des Sans-Papiers (CADDRIS)

Pièces jointes

Reconstruire ensemble une politique de sécurité 30 mars 2012

Le Syndicat des Avocats de France, le Syndicat de la Magistrature, l’Observatoire des délinquances et des contextes sociaux, la Région PACA ont organisé le 16 mars un colloque à Marseille sous ce titre . Les trois principaux intervenants étaient Pierre Joxe, avocat au barreau de Paris, Valérie Sagant, magistrate et co-auteur du rapport de la fondation Terra Nova sur la politique de sécurité et Laurent Mucchielli, Directeur de Recherches au CNRS et de l’Observatoire des délinquances et contextes sociaux.
Nous nous sommes inspirés des idées émises par ces trois conférenciers, des débats qui ont succédé à leurs interventions pour aborder ce sujet dans l’article qui suit.

Une vision de la politique sécuritaire.

La politique de sécurité appartient de droit à l’Etat qui en a la responsabilité et doit en définir les grandes lignes. Elle est aussi de la responsabilité de chaque acteur du champ social, non pas directement mais comme conséquence de son action. Un travailleur social, du fait qu’il aide des populations à vivre, qu’il gère des difficultés et des conflits, agit pour une société apaisée, et donc une société de sécurité.

Le but de la sécurité n’est pas de mener une guerre, victorieuse certes, contre le crime, le terrorisme ou d’autres déviances, mais d’instaurer des relations sociales dans lesquelles chacun trouve sa place pour un épanouissement personnel et collectif. La « guerre » peut être un moyen passager – c’est à discuter – elle ne peut être un état permanent de la société. La recherche de la sécurité peut passer par des actes de violence nécessaire, mais la mesure de la violence institutionnelle ne peut être le critère de réussite d’une politique de sécurité. On ne peut dire que la Principauté de Monaco soit un modèle pour nous, tant cette société est policée et surveillée. Il est cependant instructif de savoir qu’en ce pays chaque acte de violence institutionnelle, rendu nécessaire par un délit, est considéré comme un échec. La réussite de l’action policière est validée par l’absence d’interventions de la Police. On peut comparer cela à la gourmandise avec laquelle on nous rappelle qu’en France le plan Vigipirate rouge est toujours en vigueur, et que même on vient pour la première fois d’appliquer dans une région le plan écarlate. Ou encore avec la nécessité pour la Police de remplir des quotas de PV délivrés, de gardes à vue exécutées, de mises en examen obtenues. Bien sûr ce sont des mesures de l’activité des services qui ont leur valeur indicative, mais il ne faut pas oublier le but qui serait une société dans laquelle cette mesure ne serait plus pertinente, si l’activité répressive ne concernait plus qu’une partie marginale irréductible de la population . La politique du chiffre instaure une confusion entre résultat et activité. Non seulement elle mène à toutes les dérives ou abus, non seulement à chasser la délinquance la plus facile à atteindre et élucider – et par là la moins inquiétante – mais, plus grave encore, elle instaure dans la société un renversement des valeurs : est honoré le « superflic », le « Rambo » qui « terrorise les terroristes » comme cela a été demandé par un Ministre de l’Intérieur, est déconsidéré l’acteur de la sécurité qui apaise les tensions et les relations.

Cette politique est liée directement à la notion de guerre introduite ces dernières années, depuis la « guerre au terrorisme » de Georges Bush. Nous sommes en guerre contre les criminels, puis contre tous les délinquants, et pourquoi pas contre les marginaux pour finir récemment contre les Roms. La politique de sécurité a été contaminée par la sécurité extérieure : nous faisons une guerre intérieure alors que nos opérations militaires à l’extérieur s’apparentent à des actions de police (inaugurées par l’armée, à son corps défendant, pendant la « bataille d’Alger » voici plus de 50 ans). Même la Sécurité Civile se militarise, jusqu’à introduire des uniformes de type militaire. Combien de vigiles habillés en quasi-CRS, même lorsqu’il s’agit de gardiens de barrières ? Dans le fameux plan Vigipirate écarlate, la Sécurité Civile est de fait incorporée à l’action militaire.

La politique des dernières années.

A ces considérations il faut ajouter une politique spécifique développée depuis une dizaine d’années. On a surfé sur les peurs et le désir d’un « toujours plus de sécurité ». A la politique du chiffre qui ne concerne pas seulement la sécurité, tous les fonctionnaires y sont soumis, s’est ajouté le « toujours plus » de lois. A chaque événement une nouvelle loi. Un exemple parfait est donné par le discours du Président le 22 mars dernier, une heure après la mort du tueur de Toulouse et Montauban : c’est toute une série de mesures, toutes plus coercitives les unes que les autres, qu’il a annoncées, comme si cette affaire dramatique avait dans l’instant éclairé la société sur les causes de son insécurité et sur les remèdes devant lui apporter la paix. Ces lois ne sont quasi jamais évaluées, jamais avant la promulgation de la suivante qui les corrige. Elles ne sont mises en œuvre que très partiellement faute de décrets d’application ou parce qu’on a changé d’idée avant de les promulguer, elles se marchent les unes sur les autres, introduisant nombre de contradictions qui rendent le Droit illisible. Il s’agit d’une politique brouillonne, donc incompréhensible et souvent inapplicable, mais de plus cela induit une atmosphère sécuritaire allant à l’envers d’un apaisement des relations dans la société. Il n’y a pas mieux pour attiser les peurs irrationnelles, faire de chacun l’ennemi de l’autre et sa victime potentielle. Beaucoup d’argent est dépensé pour la sécurité, mais de façon erratique. Comment mener une action cohérente quand les crédits sont alloués en dents de scie ? On se vante d’allonger des millions, mais pour quelle action ? Les deux tiers des crédits alloués actuellement à la sécurité sont donnés pour la vidéosurveillance dont l’efficacité n’a jamais été évaluée sérieusement en France (et les évaluations étrangères ne sont guère encourageantes sur son efficacité). Son coût non plus n’est pas pris en compte, l’exemple de la ville de Cannes est instructif : sept millions d’euros pour l’installation et…600 000 euros annuels pour l’utilisation et la maintenance. Il serait intéressant de savoir quels autres types d’action ces sommes permettraient d’envisager, qui seraient peut-être plus efficaces.

Le traitement judiciaire des affaires.

La vision répressive des pouvoirs publics a entraîné une forte augmentation des peines de prison, en contradiction par exemple avec la loi de 2009 destinée à alléger le nombre de détenus. On a instauré une standardisation des réponses pénales, en contradiction avec le principe d’individuation de la peine qui était une des avancées essentielles de la Justice moderne. A cela il faut ajouter les transferts de charges de la Police nationale vers les polices municipales et les polices privées. Ce renoncement de l’Etat à son pouvoir régalien est très inquiétant pour la démocratie, mais de plus tant les polices municipales que les officines privées ne bénéficient pas d’une formation suffisante pour le rôle qu’on leur laisse.

On a introduit aussi la notion de « traitement en temps réel » (TTR). La raison en est un désir d’efficacité accrue, et si l’on compte en nombre de dossiers traités, cela est une réussite. On comprend que dans une administration, quelle qu’elle soit, le nombre de dossiers traités soit un critère d’évaluation. Mais il semble que l’efficacité d’une administration soit liée principalement au résultat obtenu par le traitement des dossiers. On ne traite pas des dossiers pour le plaisir de les traiter et d’augmenter leur nombre. Et dans ce domaine le TTR a révélé des limites fortes, des lacunes, des dérives. On n’a plus le temps de se préoccuper de la personnalité des individus mis en cause. Quelle est la justice d’un jugement qui ignore celui qu’elle juge ? Les peines automatiques n’ont pas besoin de magistrats pour les prononcer, elles déshumanisent la Justice, détruisent les individus, compromettent l’amendement des délinquants qui devraient accepter leur peine (ou pour le moins en reconnaître le bien-fondé, la logique), en percevoir le sens. Pour les mineurs, le TTR est encore plus catastrophique, il enlève toute once de mesure éducative. Quant aux victimes, il constitue pour elles, dans la plupart des cas, une violence supplémentaire. Encore sous le choc de ce qu’elles ont subi, sans avoir le temps de prendre le moindre recul, elles sont sommées de venir s’expliquer devant une Cour. Il n’est pas rare, lorsqu’on donne du temps, de rencontrer des victimes apaisées, désirant que justice soit rendue tout en ne rejetant pas le délinquant. Alors la peine permet de tourner la page en leur rendant justice, permet au délinquant d’entamer une réhabilitation. Cette Justice rendue atteint alors son but, mais avec le TTR ceci est strictement impossible. Avec le TTR, la grande majorité des affaires passe en comparution directe, avec donc toute cette violence et cette injustice commise tant envers les victimes que les délinquants. Les moyens de la Justice étant trop faibles – le peu de crédits alloués sont absorbés prioritairement par les constructions et la gestion de prisons – les délais sont beaucoup trop longs si on évite la comparution directe, d’où une nouvelle injustice envers les personnes impliquées qui vivent fort mal ce temps d’attente, qui demeurent dans leur délit ou dans la violence subie sans pouvoir en sortir. La quadrature du cercle dirait-on ? Oui, mais il est possible d’en sortir si l’on a une autre vision de la Justice et que l’on en prend les moyens.

Faiblesses de la politique répressive.

La politique sécuritaire actuelle coûte très cher, il faut se pencher sur les comptes pour comprendre où va tout cet argent qui devrait servir à apaiser la société. Les prix des constructions de prison, de la gestion des places en détention sont sans commune mesure avec l’argent octroyé aux actions qui feraient baisser la délinquance. Mais ce ne sont pas les mêmes caisses, alors on ne fait pas de comparaisons…Pour un mineur en EPM (« Etablissement pénitentiaire pour mineurs », les nouvelles prisons pour mineurs), combien d’enfants en danger pourraient être suivis en milieu ouvert … et prendre une voie qui ne les mènerait pas à terme en détention ? Bien sûr il existe des irréductibles pour lesquels on ne trouve pas d’autre solution que l’enfermement. Ceux-là feront partie de notre part d’échec à l’aune de la façon de compter en Principauté de Monaco, mais combien sont-ils ? Que signifie de condamner à de la prison, puis de jouer sur les sursis, ou sur d’autres possibilités afin de ne pas enfermer les condamnés ? Très souvent on ne libère pas avec anticipation parce que le délinquant aurait fait un chemin lui permettant sa réinsertion, mais simplement pour libérer de la place … et le délinquant libéré dans ces conditions augmente toutes ses chances de venir réoccuper la dite place ! Si c’est pour l’effet d’annonce, tout est parfait, le bon peuple saura que nos édiles veillent au grain et les protègent en faisant condamner un maximum de déviants. On annonce ainsi au peuple qu’on incarcère, et dans la foulée on libère en douce. Quand cette façon de faire coince, qu’il y a bavure, on accuse la Justice de laxisme.

Ce double langage du pouvoir politique est insupportable : on édicte des lois (une trentaine en dix ans !!) chaque fois plus répressives, tellement embrouillées qu’elles sont souvent inapplicables, et parallèlement on expédie aux magistrats des circulaires dont la majorité des citoyens ignorent l’existence qui contredisent les dites lois . Qu’il applique la circulaire, le Magistrat, en cas de problème, peut être vilipendé pour n’avoir pas appliqué la loi dans toute sa rigueur, qu’il ne l’applique pas, il se trouve devant le mur d’une loi inapplicable et en conflit avec sa hiérarchie. Ce double langage a aussi un effet dévastateur sur les justiciables. Les peines et leur application devenues incompréhensibles perdent leur légitimité. Seul reste le bâton pour mettre tout le monde au pas, et personne n’y croit.

Connaître la délinquance.

Si le traitement de la délinquance a perdu toute clarté et se dirige comme un bateau ivre, reste le fait de la délinquance, reconnu par tous, et la connaissance que nous pouvons en avoir. Là encore les choses sont biaisées. On ne le dira jamais assez, « la » délinquance n’existe pas. Quand on parle de « la  » délinquance, on cite les crimes horribles, les viols d’enfants, etc. Mais comment confondre cela avec un vol de portable ou de portefeuille, une fausse déclaration d’impôts, une bagarre ou le fait de fumer un joint ? La vie est infiniment plus complexe que cette vision simplifiée donnée par les journaux et renforcée par les déclarations des autorités. Quand on parle de victimes, on évoque les victimes de meurtres, de viols, si possible qui appellent à la vengeance la plus sévère, et on fait de grandes déclarations pour les protéger. « La Justice pénale, c’est d’abord celle des victimes » a déclaré le président de la République. Alors que l’on nous dise quel est le rôle des juges. Le Juge est-il encore cet arbitre entre le Procureur, défenseur de la société, la Partie civile, représentant les victimes, et les avocats de la Défense ? La grande majorité des victimes sont de petites gens qui ont subi une violence (arrachage de sac, vol, effraction, agression, etc.) qui n’ont jamais voulu se trouver au centre d’un procès pénal et de toutes les déclarations qui l’entourent, qui désirent seulement que « Justice leur soit rendue », c’est-à-dire que par quelque moyen la société reconnaisse leur souffrance et dise leur Droit. On légifère pour les victimes de meurtre, en promulguant des lois qui vont d’abord s’appliquer à des victimes tout-à-fait ordinaires. Pas plus que « la » délinquance, « la » victime n’existe pas.

« La » délinquance augmente, dit-on, de manière vertigineuse. Il serait bon de se tourner vers les historiens pour le savoir. La délinquance est un concept construit. La grande majorité des crimes actuels sont des viols, pédophiles ou non. Et la plupart des viols se déroulent « en famille » (inceste, relations entre frères et sœurs, viols conjugaux). Voici cinquante ans l’inceste était tu, le viol conjugal était une notion inconnue, les affaires entre frères et sœurs (ou cousins) ne sortaient pas de la famille. De la pédophilie, il n’était quasi pas question, la police ne désirait pas s’en mêler et renvoyait à l’autorité parentale. Quant aux autres violences non crapuleuses (n’ayant pas pour but un vol), les violences conjugales n’étaient pas comptabilisées, les bagarres entre jeunes étaient courantes et rarement soumises à la Justice. Outre qu’elles étaient régulées dans les cours de récréation par les adultes présents (c’était le temps où les » pions » existaient), celles qui se déroulaient à l’extérieur n’émouvaient pas trop les adultes qui savaient que l’adolescence est une période difficile. Restaient les grosses bagarres rangées, telles celles qui se réglaient à coups de chaînes de vélo entre des blousons noirs ou auparavant les Apaches, elles n’avaient rien à envier à ce qui se passe aujourd’hui et seules concernaient les forces de Police. La question n’est pas de savoir si c’était mieux alors (sauf la présence d’adultes dans les établissements scolaires qui ont disparu depuis deux ou trois dizaines d’années et font cruellement défaut, pas seulement pour la sécurité), mais il est fait que la plus grande partie de la délinquance qui remplit nos journaux aujourd’hui passait inaperçue par manque d’intérêt voici quarante ans. Par ailleurs il existe toute une délinquance non comptabilisée ou très peu médiatisée : la délinquance routière, les atteintes au code du travail (qui peuvent avoir des conséquences très graves, les accidents du travail sont très nombreux, y compris les morts ou handicapés graves), la délinquance fiscale. Les escroqueries sont très peu poursuivies et encore moins pénalisées : il vaut mieux escroquer un million que voler mille euros en arrachant un sac ! La délinquance des riches semble mieux supportée par la société que celle des pauvres.

Alors la délinquance augmente-t-elle ? La question est vide, non pertinente. On peut mesurer telle sorte de délinquance et voir comment elle était ressentie autrefois, mais les comparaisons avec des chiffres sont assez vaines tant est variable le ressenti de la société devant ces phénomènes. On peut sans nul doute comparer les crimes de sang, ils diminuent fortement en nombre. Pour les autres types de délinquance, mieux vaut s’attarder sur ce qu’on doit faire que s’égarer dans des comparaisons non pertinentes. Les discours de nos autorités surfent sur un sentiment d’insécurité qui sert leurs intérêts, politiques et aussi financiers, mais sont hors de la réalité.

Le sentiment d’insécurité.

Le sentiment d’insécurité, lui aussi, est bien réel et doit être analysé pour le comprendre et y répondre. Les habitants de l’immeuble dans lequel vivait le « tueur au scooter » de Toulouse seraient terrorisés à l’idée de revenir y habiter. Mais qui les terrorise ? Tout le monde est d’accord pour dire que de tels phénomènes sont très rares, uniques, les chances qu’une même population les subisse une nouvelle fois sont quasiment nulles. Seulement les medias ont scénarisé, minute par minute, l’hallali opéré contre lui, y compris en repassant sur les ondes la minute et demie de tir nourri qui a achevé l’assaut…et l’assiégé. Qui a construit ce sentiment d’insécurité ? Pour lutter contre le sentiment d’insécurité, ne faudrait-il commencer par apaiser les relations entre les gens ? Montrer les vrais dangers (il en existe, évidemment) et dégonfler les baudruches ? On ne construit pas une politique sécuritaire sur le sentiment d’insécurité, sinon on va à l’échec, même si cela permet de gagner une élection. Les études menées montrent que le sentiment d’insécurité, la peur, sont très souvent déconnectés du réel. Ce sont d’abord les personnes vulnérables (personnes âgées, précaires, personnes isolées) qui ont peur de façon totalement des risques qu’ils pourraient courir. On a peur de l’inconnu, du fantôme agresseur qui pourrait fondre sur nous, venant de nulle part. Or dans 90% des cas recensés, la victime connaissait son agresseur qui était assez proche. A Marseille la ville serait prise par la peur à la suite de règlements de compte sanglants dans le grand banditisme. Mais si l’on y réfléchit bien, en quoi cela induit-il des dangers véritables pour la population ? On exagère la peur qu’elle éprouve pour justifier une politique (les problèmes des Marseillais sont plus le chômage que ces épisodes sanglants), et s’il et vrai qu’il existe une peur rémanente, elle est plus liée au traitement médiatique de ces faits qu’à des risques encourus. Ce n’est donc pas avec des annonces sécuritaires qu’on peut lutter contre ces peurs, ce n’est non plus pas en développant une politique répressive. La source du mal est ailleurs.

Quelques pistes de solution.

Alors que faire ? Certainement pas renoncer à poursuivre les crimes et les délits, il serait même bon de se montrer plus sévère pour nombre de délits qui coûtent très cher à la société et sont étrangement absous. Mais il faut renoncer à le faire de façon brouillonne, à coups d’effets d’annonce, en instaurant la société une culture de la guerre, de l’affrontement. Il est possible de tout sécuriser, de ne plus trouver de délinquants (visibles) ni de marginaux, cela s’appelle la dictature. Le Procureur de Marseille, au cours du colloque, disait que le taux de démocratie d’un pays est parallèle à son taux de marginaux…

Il est temps de définir une doctrine qui oriente l’action des pouvoirs publics. Cette doctrine doit guider la Justice et la Police. Par exemple veut-on la paix civile ou la guerre aux délinquants et aux marginaux ? Il semble que le plus urgent soit d’établir une doctrine pour la Police : lorsque la Justice est laissée libre elle trouve des ressources pour se diriger plus facilement que la Police qui travaille au plus près du terrain, où il est difficile d’avoir du recul. Qu’attend-on des forces de sécurité ? Désire-t-on une police de proximité, une police de médiation, une police à la poursuite des délinquants ? Ce genre de missions ne s’excluent d’ailleurs pas mutuellement, encore faut-il les préciser. Il est nécessaire d’édicter des règles sur la violence légitime. Les armées ont une doctrine qui guide leurs interventions. La Police semble étrangement en manquer. La Police Municipale doit-elle être armée ? Comment ? Pour quelles opérations ? Qui des armes létales ou à l’opposé des Tasers ou autres armes de dissuasion ? Actuellement on arme à tout va sans se demander à quoi cela sert. Cela semble une sorte de reconnaissance de statut, un policier sans « pétoire » ne serait qu’un moins que rien ! Le débat est renversé, on arme puis on se demande quoi faire. Dans le déroulement des actions peuvent se produire de la part des forces de l’Ordre des excès, quelle est la limite qui en fait des abus, voire encore des délits ? Il serait bon qu’une doctrine précise ces notions.

En plus d’établir une doctrine, il est nécessaire de s’attacher à une saine gestion du personnel. Quelles sont les « forces de sécurité » ? Certainement la Police Nationale, mais quelle est la place des Polices municipales, des officines privées ? Quelle doit être la structure de ces forces (combien d’hommes de troupes, de sous-officiers, d’officiers, de commissaires ?). Quelle répartition sur le territoire ? Quelles sont les qualifications nécessaires ? Et donc on touche aux questions de formation initiale et permanente, aux perspectives de carrière. Comment demander fidélité et dévouement à des troupes si ces questions sont éludées, si les réponses se font au gré des situations, sans continuité ? Mutatis mutandis ces questions doivent aussi être posées et trouver des réponses pour la Justice.

Les personnels travaillent avec du matériel. On rit du sous-équipement de la Police, de l’état des commissariats. Mais le problème est sérieux, et pour la Justice tout autant. Les Magistrats et les Policiers ont le droit, le besoin, de travailler dans des locaux respectables et respectueux de ceux qui les occupent. Les greffes sont sous-dotés, n’ont pas les moyens de travailler correctement. La Police a besoin de voitures correctes et en état de marche, de réseaux informatiques performants, etc. Non seulement cela est essentiel pour leur travail, mais leur fournir du matériel correct est une bonne façon de leur montrer de la considération (bien plus qu’en armant certains policiers quand ce n’est pas nécessaire). Sans considération on ne peut attendre un travail efficient. La Mairie d’Aix l’a bien compris qui a équipé sa Police Municipale d’un parc de voitures et de motos (pour quel genre d’interventions, au fait ?) qui n’a rien à envier à la meilleure brigade de gendarmerie routière. Enfin il faut mentionner aussi les développements technologiques. En face de certaine délinquance, ou encore plus du crime organisé, la Police doit avoir accès à une technologie sans cesse en évolution.

Ces considérations relèguent bien loin la trentaine de lois sécuritaires promulguées depuis une dizaine d’années, des effets d’annonce, des proclamations de guerre au terrorisme ou aux délinquants, aux Roms ou aux Sans-papiers. Il est temps de reconsidérer, de redéfinir les rôles de la Police et de la Justice, de leur assigner des buts et leur en donner les moyens. Il est temps de travailler à un apaisement des conflits dans la société au lieu de les attiser. Tout cela est bien connu des spécialistes, les rapports, livres et études ne manquent pas, mais il semble que bien souvent les décideurs se contentent d’un digest des rapports commandés. Il ne suffit pas de savoir que les études sont réalisées, encore faut-il une volonté politique forte pour les mettre en œuvre, une volonté qui s’étale dans le temps en oubliant un peu les échéances électorales, une volonté qui ose avancer malgré tous les obstacles…On peut toujours espérer.

Bidonvilles aixois : la municipalité doit changer de cap ! 29 mars 2012

Constitué pour proposer des solutions concrètes à l’accueil et à l’insertion des nouveaux arrivants, le Collectif Aixois pour les Droits et la Dignité des Roms, des Immigrés et des Sans-Papiers (CADDRIS) demande, depuis sa constitution en septembre 2011, la tenue d’une table ronde. Convoquée sous l’égide de l’Etat cette instance, réunie pour en finir avec ces bidonvilles d’un autre temps et rechercher des solutions dignes d’hébergement et d’insertion, rassemblerait tous les partenaires institutionnels et associatifs d’Aix et du Pays d’Aix.

Afin d’expliciter et de soutenir cette démarche, le collectif a demandé à être reçu par les autorités concernées. Si la Sous-Préfecture, les Conseils Général et Régional ont répondu à cette attente en recevant des délégations, nous ne pouvons aujourd’hui que regretter le mutisme de la Ville d’Aix-en-Provence et de la CPA.

Deux courriers dont un recommandé et un remis en mains propres, d’innombrables appels téléphoniques, l’engagement public, pris par Madame le Député Maire et Présidente de la Communauté du Pays d’Aix lors du Conseil Municipal de Janvier, de recevoir le CADDRIS n’auront pas suffi. Aucune entrevue n’est encore prévue à ce jour.

Mais il y a hélas pire, la désinformation et les interpellations publiques dont les Roms font aujourd’hui l’objet. Dans ses prises de parole la ville d’Aix a fait savoir qu’elle renforçait ses aires d’accueil de gens du voyage à destination des Roms. Comme l’a très clairement indiqué le Sous Préfet, ces aires sont exclusivement réservées aux personnes “qui vivent et se déplacent en habitat mobile ou susceptible de l’être pendant tout ou partie de l’année, c’est à

dire les nomades et sédentaires qui se réclament du voyage” (loi n°200-614 du 5 juillet 2000). Ce qui n’est pas le cas des Roms qui sont des citoyens roumains, donc ressortissants européens et n’ont pas droit au carnet de circulation nécessaire pour accéder aux aires d’accueil.

Autre important sujet de préoccupation, la très surprenante réunion organisée hier par la Mairie de Luynes à propos des Roms récemment installés en bordure du village. On aurait voulu attiser les haines qu’on ne s’y serait pas pris autrement : Pas la moindre proposition, aucune volonté de dialogue. Il s’est agit purement et simplement de stigmatiser et déplacer les Roms.

Enfin l’ouverture du futur chantier, entre la fondation Vasarely et l’auberge de jeunesse, de l’école d’Art du Jas de Bouffan, à quelques mètres d’un important campement ne va pas sans nous inquiéter. Les premiers coups de pelles seraient prévus en Août 2012. A la même période que les sinistres coups de pelleteuse, applications concrètes du belliqueux discours de Grenoble d’un Nicolas Sarkozy qui exigeait de « mettre un terme aux implantations sauvages de campements Roms », qui ont détruit le premier bidonville de Vasarely.

Aucune solution concrète, pas de main tendue et encore moins d’échange, une action en rupture avec la tradition d’accueil et d’humanisme de la Provence et de la France voilà ce qui est hélas aujourd’hui la réalité de la politique de cette ville. Au contraire la ville, si l’on en croit la maire de Luynes, a fait établir par huissier un recensement complet des Roms installés sur le territoire de la CPA. Mais à quel titre, selon quel droit, voudrait-on tout simplement préparer leur éviction ?

Le CADDRISS ne peut que déplorer et dénoncer une attitude qui n’honore personne. Nous en appelons au contraire à un véritable sursaut citoyen pour imposer une table ronde. Des solutions existent et sont rapidement réalisables y compris à moindre frais. Si les collectivités territoriales en font la demande des fonds européens sont mobilisables. Ils nous permettraient d’élaborer des solutions d’hébergement dignes de ce nom. Non l’insertion, pour peu que nous nous en donnions les moyens, n’est pas un vain mot. Elle peut être, dès demain, une réalité concrète profitable à tous. Mais pour engager ces initiatives, nous avons besoin de l’adhésion de tous.

Aussi plus que jamais, le CADDRISS réitère sa demande à la ville d’Aix, comme aux utres partenaires. Il est urgent de travailler, au plus vite, à des solutions dignes, humaines et durables propres à éliminer les bidonvilles et à lutter efficacement contre la misère que subissent les populations concernées.

Claudie HUBERT Aix-Solidarité, Philippe CHOUARD Association de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés, Hervé GUERRERA Conseiller Municipal

Conseiller Régional, Philippe SÉNÉGAS Ligue des Droits de l’Homme

Une illustration du racisme ordinaire 29 mars 2012

La Maire de Luynes, Madame Danielle Brunet, a organisé une réunion publique sur la question des Roms installés dans le contrebas d’une route, sur la commune. Il y a foule, probablement 150 personnes. La maire qui préside la séance, assistée de la suppléante du député du secteur , commence par décrire son action auprès des Roms et des questions annexes depuis leur arrivée en janvier. Ces Roms roumains ont été expulsés de Marseille et sont arrivés en deux fois, d’abord environ cinq familles, puis, assez récemment trois ou quatre familles apparentées. Voici sa description des faits et ses commentaires.

Dès leur arrivée elle s’est rendue sur le terrain accompagnée de deux policiers municipaux, pour inviter ce groupe à quitter les lieux. Elle leur a donné une semaine, et ils ont acquiescé, dit-elle. Elle y est retourné parce qu’ils « n’ont pas respecté leur parole » (elle insistera à plusieurs reprises sur cela), elle a demandé que les services d’hygiène vérifient l’état des lieux puis leur a envoyé SOS médecins (?) : là-dessus elle garantit que donc les vaccinations des enfants sont maintenant en règle. Elle est retournée encore sur le terrain, accompagnée de 5 policiers pour leur demander de partir. Elle leur reproche de ne pas tenir parole et regrette qu’ils soient sur un terrain privé dont le propriétaire, qui habite en Ukraine, ne l’ait pas autorisée à se substituer à lui pour faire l’expulsion. Elle se trouve donc démunie. Elle regrette vivement que « contrairement aux précédents en 2008 » ceux-ci, « déjà habitués à leur situation à Marseille », semblent plus au courant des règlements et lois et n’obtempèrent donc pas à ses injonctions. Ils devraient quitter Luynes, et s’ils le veulent dit-elle, se rendre sur l’aire d’accueil des Gens du Voyage du Realtor, où ils bénéficieraient de l’eau et de l’électricité. Cette aire leur est destinée, mais le responsable des Gens du Voyage à la CPA l’a informée que les Roms refusent de s’y rendre parce qu’ils devraient payer le courant électrique qu’ils préfèrent voler.

Apportons quelques précisions : Il ne s’agit pas de SOS médecins, la maire s’embrouillera sur le sujet, mais de Médecins du Monde, c’est-à-dire qu’elle « a envoyé » des bénévoles pour faire le boulot ! Elle a certainement peu suivi les choses, les enfants n’ont pas toutes les vaccinations nécessaires, simplement elle est couverte puisqu’elle  » a envoyé » le corps médical. Pour ce qui est de l’aire du Realtor, elle ment effrontément, tout comme Madame Joissains à chaque fois sur ce sujet. Cette aire est interdite aux Roms roumains, réservée de par la loi aux « Gens du Voyage » dûment recensés comme tels et munis des documents adéquats, statut que les Roumains ne peuvent obtenir, et d’ailleurs ces Roumains ne sont pas des « Voyageurs » mais des sédentaires. Madame Brunet a déjà expédié ceux de 2008 (qui ne connaissaient pas trop la réglementation, se félicite-t-elle) en leur promettant l’accueil sur cette aire qu’ils se sont vus évidemment refuser, ils se trouvent depuis sur un terrain aux alentours, sans eau ni électricité, mais bien plus loin de la ville. Mais cela elle le nie, s’appuyant sur les dires du responsable de la CPA. Ou ce monsieur, Monsieur Angelo Bassi, lui a menti, ou c’est elle qui ment. Monsieur Bassi sait tellement bien que l’aire est interdite aux Roumains qu’il a signifié voici quelques mois que même le local de l’aire dévolu à la PMI pour les consultations était interdit d’accès à cette population, il faut actuellement faire venir un camion sanitaire de Médecins du Monde de Marseille pour parer au plus pressé. Et si c’est Monsieur Bassi qui a menti, ce qui serait étonnant, il connait son affaire et n’a aucune raison de tromper les élus, elle est bien légère de ne pas s’informer mieux : quand on prend une décision aussi lourde que l’expulsion de familles (avec de plus écrasement au bulldozer des abris), il semble grave de ne pas se mettre au courant de la législation (à moins que l’expulsion de familles Roms soit un acte sans importance). Au mépris des populations s’ajoute une incompétence notoire. Pour ce qui est de l’électricité, j’ai vu tourner les moteurs des camions (bien délabrés) avec lesquels ils font de la ferraille pour allumer des ampoules au petit matin ou lors de la venue de la nuit. Ils préfèreraient probablement payer leurs kilowattheures. Enfin question de parole non tenue, il est facile de gloser dessus. Lorsqu’on arrive avec des policiers en donnant huit jours avant expulsion, que peuvent-ils répondre si ce n’est « oui-oui » ? C’est une réponse récurrente chez les Roms quand nous réclamons quelque chose, ils vivent dans l’instant, chaque jour il faut trouver sa nourriture, on ne les voit pas répondre « non-non » tant le rapport de force est en leur défaveur ! En faire une question morale comme l’a fait Madame la maire semble bien déplacé.

Ce qui est caractéristique dans ces démarches de Madame Brunet est que l’unique but est d’expulser. Luynes ne veut pas de ces gens, point. Rien n’a été dit sur une démarche humanitaire quand il faisait moins dix. Juste s’assurer qu’ils ne « volent » pas l’électricité ! On aurait pu imaginer qu’elle se préoccupe des résultats sanitaires après le passage de médecins du Monde. On aurait pu imaginer qu’elle aurait pu être préoccupée par la scolarisation des enfants, quelque désir qu’elle ait qu’ils s’en aillent. Plusieurs fois elle a dit combien l’état de ces enfants lui brisait le cœur, cela n’est pas allé jusqu’à ces quelques démarches « humaines », mot seriné plusieurs fois, qui auraient montré qu’il s’agissait pour elle de personnes, tout simplement. On aurait pu même imaginer le passage d’une assistante sociale pour aider ces familles à voir ce qu’elles pouvaient devenir. Non, on les chasse, et surtout on ne veut pas savoir où, en voulant faire croire que s’ils se retrouvent sur un terrain aussi insalubre, c’est de leur volonté.

Et la salle ? Bien sûr les personnes présentes étaient venues pour apprendre comment faire partir ces Roms. Vue la réputation qu’on leur fait, et que la maire et ses comparses entretient parfaitement, on comprend les inquiétudes des habitants. La misère est toujours désagréable à considérer, à voir, encore plus à trouver chez soi. Déjà « on » n’aime pas les HLM, alors ! Des inquiétudes, il y en a. On parle d’agressions, le boucher a du en surveiller dans sa boutique avec son commis pendant une demi-heure (là, je pense qu’il exagère), parce qu’ils étaient évidemment là pour voler, un autre en a rencontré en ballade sur un chemin, évidemment ils étaient là pour repérer les casses envisageables, quant à l’agression, on apprendra que c’était avant leur arrivée à Luynes. Une autre personne est ennuyée parce qu’elle « doit » maintenant fermer ses volets. Restait une personne qui a déposé plainte, mais on ne saura ni le motif, ni contre qui…

Que ces inquiétudes soient réelles, cela est évident et désagréable pour la population, et l’inquiétude d’une population doit être respectée. La façon de respecter les inquiétudes de la population par Madame Brunet est de les encourager pour montrer qu’elle sait taper quand il le faut, c’est un mépris total de la population. Et pour la salle, cela nécessite une expulsion immédiate, ce n’est pas leur problème de savoir où ces gens se retrouveraient, ce sont des nocifs. Quand nous avons pris la parole au nom de Rencontres Tsiganes, puis de la LDH, c’est sous les huées que nous avons parlé pour simplement dire (nous avons été incapables d’aller plus loin) qu’il faudrait voir plus loin qu’une expulsion, que peut-être il y aurait au-delà de l’expulsion d’autres solutions pour ces gens et que pour cela il faudrait pouvoir rencontrer les pouvoirs publics. Y avait-il des opposants à la maire sur le sujet ? Oui, ceux qui trouvaient qu’elle se laissait mener en bateau et qu’elle devrait être plus radicale…La seule personne qui a osé demander qui, concrètement, avait été agressé ou volé, s’est vue rabrouer vertement…sans réponse. A la fin, mais nous n’étions plus là, la représentante du Secours Catholique a pu intervenir, mais si la salle est polie envers une telle institution, cela n’a pas été plus entendu.

Il est inquiétant de voir une élue, maire adjoint d’Aix et maire d’un quartier qui est un vrai village, n’avoir aucun intérêt pour les suites de ses actes. On expulse, et comme elle l’a dit, ce sont d’autres qui se débrouilleront. On peut être pour ou contre les Roms, ce qui d’ailleurs ne signifie rien, mais cette politique de gribouille est consternante. Alors quel était le sens de cette assemblée ? Attiser la haine des Roms ? C’était une conséquence assumée, même si le but semblait surtout de montrer aux électeurs qu’on est à leur service pour chasser les indésirables. En les présentant comme des menteurs, sans parole, voleurs d’électricité et refusant les solutions « humaines » proposées (l’aire d’accueil) par avarice, voleurs et agresseurs potentiels, porteurs de tous les risques sanitaires et sans hygiène (demander l’hygiène quand il n’y a pas d’eau ni de toilettes, demander de ne pas salir quand on vous laisse dans de telles conditions !) on pousse les gens à la haine, pas à l’humanisme dont on se targue.

Finalement, alors que tout criminel a droit à un jugement en sa présence avec la liberté de parole pour sa défense, cette fois-ci la condamnation était déjà faite et le procès, en l’absence des poursuivis et avec interdiction de toute parole qui ne serait pas directement condamnatrice, consistait à évoquer les meilleurs moyens d’appliquer la sentence dans les meilleurs délais et avec la plus grande fermeté. Quand j’ai des rats dans ma maison, je cherche comment les chasser au plus vite, je ne me préoccupe pas de ce qu’ils ressentiront.

C’était une illustration du racisme ordinaire orchestré par une élue qui ne voulait pas se faire distancer sur ce sujet.

Marc Durand

29 mars 2012

Pièces jointes

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L’appel des femmes arabes pour la dignité et l’égalité 8 mars 2012

Huit femmes, actrices des luttes pour la démocratie, lancent un appel pour la dignité et l’égalité dans le monde arabe, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars.

Nous, femmes arabes impliquées dans les luttes pour la démocratie, la dignité et l’égalité, nous, actrices au premier plan des changements exceptionnels que connaît le monde arabe, tenons à rappeler à l’opinion publique que les femmes sont en droit de bénéficier au même titre que les hommes du souffle de liberté et de dignité qui gagne cette région du monde.

Depuis toujours, les femmes mènent des luttes pour obtenir des acquis, plus ou moins importants selon les pays. Mais ces acquis demeurent en deçà de leurs aspirations et font de leur statut un des plus reculés dans le monde.

Les violences demeurent répandues tant dans l’espace public que privé et très peu de mesures sont prises pour mettre fin à ce fléau.

Les codes de la famille ne sont dans la plupart des pays arabes que des textes instituant l’exclusion et la discrimination.

Les autres lois que sont le code de la nationalité, certains codes civils et les lois pénales ne font que renforcer ces discriminations. Ces lois violent les droits les plus élémentaires et les libertés fondamentales des femmes et des fillettes par l’usage de la polygamie, le mariage des mineures, les inégalités en matière de mariage, de divorce, de tutelle sur les enfants ou encore l’accès à la propriété et à l’héritage.

Certaines lois permettent même à la parentèle masculine de tuer des femmes et des filles avec le bénéfice de circonstances atténuantes dans le cadre des crimes d’honneur.

Si la majorité des pays arabes (à l’exception du Soudan, et de la Somalie) a ratifié avec plus ou moins d’empressement la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw), adoptée par l’ONU en 1979, ces ratifications sont restées sans impact réel sur le statut et la condition des femmes.

Aujourd’hui que le monde arabe est en phase de construction démocratique pour la consolidation de l’Etat de droit et des droits humains, nous considérons que si l’égalité ne peut se réaliser sans la démocratie, la pleine jouissance de cette démocratie ne peut se réaliser sans une égalité totale entre les hommes et les femmes.

C’est pourquoi nous appelons les Etats, les partis politiques et la société civile dans ces pays à tout faire pour que la dignité des femmes et leur égalité avec les hommes ne soient pas une fois de plus sacrifiées au nom de prétendues priorités.

Aucune démocratie en effet ne peut se construire au détriment de la moitié de la société. Ensemble nous avons fait notre présent, ensemble nous construirons un avenir meilleur.

Nous exigeons :

- la préservation des acquis, l’égalité totale et effective et l’inscription des droits des femmes dans les constitutions ;

- les mesures législatives et administratives afin d’éradiquer les violences faites aux femmes ;

- la ratification et le respect de la Cedaw sans réserve dans son esprit et dans toutes ses implications concrètes ;

- l’adoption de lois qui protègent les femmes des inégalités sociales et économiques, des discriminations, en particulier familiale ;

- les mesures d’action positive afin d’assurer l’accès des femmes aux postes de décision et à leur pleine participation à la vie politique et associative ;

- la dénonciation des voix qui s’élèvent ici et là pour discriminer les femmes au nom d’une lecture rétrograde des préceptes religieux ainsi que celles qui voudraient leurinterdire une participation pleine et entière à une vie digne et respectueuse des droits humains.

Les huit signataires de l’appel :

Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), tunisienne ; Bochra Belhadj Hmida, avocate, cofondatrice et ex-présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates, tunisienne ; Shahinaz Abdel Salam, blogueuse et activiste, égyptienne ; Nawal El Saadawi, médecin psychiatre, écrivain et féministe historique, égyptienne ; Tahani Rached, réalisatrice, égyptienne ; Samar Yazbek, écrivain, syrienne ; Azza Kamel Maghur, avocate internationale et membre du Conseil Libyen des Droits de l’Homme, libyenne ; Wassyla Tamzali, féministe et essayiste, algérienne.

Exaspération populaire et incertitudes politiques 28 février 2012

Actualité sociale.

Le 26 janvier à Tiaret, Hichem Gacem (22 ans), vendeur “informel”, s’immole par le feu après que les policiers aient renversé son étal de lunettes. Il succombe des suites de ses brûlures au CHU d’Oran le 31 janvier. Son enterrement le 2 février a donné lieu à des manifestations violentes et des affrontements très durs avec les forces de l’ordre : plus de trente blessés et des arrestations. Les émeutes et les heurts entre manifestants et forces de l’ordre restent les symptômes les plus visibles du climat de frustration dans lequel vivent les algériens aujourd’hui. Les problèmes de logement et de relogement constituent le motif le plus fréquent de ces manifestations. Depuis le début de l’année, on a dénombré, à Mostaganem, à El Oued, à Alger, à Oran, à Laghouat, et ailleurs des émeutes quotidiennes liées aux critères et aux méthodes d’attribution des logements sociaux. Sur tout le territoire algérien, la vétusté des logements anciens (A Constantine par exemple, de nombreux immeubles menacent de s’effondrer) et l’essor d’une population venue se réfugier en masse dans les villes depuis les années 90 provoque une explosion des besoins de logements ; de vastes programmes de construction sont actuellement en cours (concédés à des entreprises chinoises et turques) et des listes d’ayant droits sont constituées. Rien que pour Oran et les localités attenantes, plus de 45.000 demandes de logements sont en attente. Figurer sur ces listes et se voir attribuer un appartement est un combat de plusieurs années pour beaucoup d’Algériens qui constatent que la corruption, les fausses promesses, les retards de construction font reculer indéfiniment leurs chances d’être logés. Les réactions de la population sont d’une extrême violence (comparables à celles que la France connaît aussi, à la Réunion lors des émeutes contre la vie chère) à chaque fois que les listes ne sont pas publiées ou qu’elles ne sont pas respectées, et les affrontements aux forces antiémeutes font chaque semaine des centaines de blessés et d’arrestations. D’autres motifs comme le chômage, les problèmes d’équipement en eau et en électricité mais aussi, par exemple, la mort de deux jeunes contrebandiers poursuivis par la police, l’interpellation d’un footballeur connu, l’insatisfaction à l’égard d’une cantine scolaire, des conflits de voisinage, dégénèrent en combats de rue extrêmement brutaux.

Cette exaspération ambiante et chronique a été aggravée ces dernières semaines par un épisode de très grand froid et d’enneigement aux conséquences dramatiques pour une partie importante de la population (au minimum une cinquantaine de morts). Selon la LADDH, « Les intempéries qu’a connu le pays ont montré les limites d’un système de gouvernance quant à la prise en charge des citoyens et la protection de leurs droits sociaux économiques les plus élémentaires ».

Dans ce contexte, faut-il s’étonner que le phénomène des harragas, plutôt réservé aux saisons clémentes de l’année ait connu cet hiver une recrudescence inhabituelle ? Le 15 janvier le journal L’Expression titrait : « L’année 2012 s’annonce mortelle pour la jeunesse algérienne. Chaque jour, des candidats à l’émigration clandestine, dont des jeunes, des femmes et des enfants sont interceptés au large de nos côtes. » Ainsi rien que pour la région de Mostaganem (à l’ouest, vers l’Espagne), plus de 50 harragas ont été arrêtés en mer pendant le mois de janvier. Quarante-deux en 24 heures au large de Annaba (à l’est, vers la Sardaigne). Combien ont réussi à échapper aux gardes-côtes ? Combien ont survécu ? Combien croupissent dans des centres de rétention en Espagne ou en Italie ?

Dans le même temps, la position financière de l’Algérie n’a jamais été aussi favorable : grâce au marché des hydrocarbures, les réserves algériennes de change, qui ont franchi les 182 milliards de dollars en 2011, atteindront un niveau spectaculaire en 2012.

Islamisme armé

Selon les chiffres officiels, les attentats ont coûté la vie à 200 algériens en 2011 (la petite criminalité a fait 300 victimes durant la même période). Il semblerait que la fréquence des attentats revendiqués par les islamistes armés accuse une baisse significative ces derniers mois. Mais la Kabylie et les Aurès restent le foyer d’affrontements meurtriers entre l’armée et des groupes armés identifiés à l’ex-GSPC ou à AQMI selon les sources. Ces affrontements ont été particulièrement intensifs début janvier quand l’armée a entrepris le ratissage et le bombardement de zones de maquis islamistes dans la région de Tizi Ouzou. Deux maquisards ont été tués et d’importantes caches d’armes et d’explosif auraient été découvertes lors de ces opérations. Dans la même semaine trois militaires ont été blessés lors de l’explosion d’une bombe placée sur le passage de leur véhicule. Plus récemment, le 19 février, près de Boumerdés, quatre passagers d’un car suivant un convoi des forces de sécurité ont été tués et plusieurs autres grièvement blessés. La riposte de l’ANP ne s’est pas fait attendre puisque dans les 4 jours qui ont suivi, 17 maquisards ont été tués et autant ont été blessés et faits prisonniers. Le ministère de la Défense semble craindre l’action de kamikases dans cette région et a mis à contribution trois opérateurs téléphoniques pour envoyer des SMS aux citoyens, leur demandant de signaler une éventuelle menace ou présence terroriste.

Le 23 janvier quatre condamnations à mort par contumace ont été prononcées pour des actes terroristes par la Cour criminelle d’Alger.

Les élections législatives

La préparation des élections du 10 mai suscite un débat récurrent en Algérie au moment des élections : le débat sur la fraude. Comme pour les scrutins précédents, des gages ont été donnés par le gouvernement (des urnes transparentes, la présence d’observateurs étrangers par exemple), mais avec 45 000 bureaux de votes à surveiller qui peut croire que le bourrage des urnes et les doubles inscriptions seront évités cette fois. La principale innovation est la création d’une commission de magistrats désignés par le Président de la République pour assurer le contrôle du déroulement du scrutin ; l’indépendance de la justice (cf Eclairage n°9) étant loin d’être garantie en Algérie, cette mesure n’a pas vraiment rassuré. Pratiquement tous les partis (mis à part ceux qui gouvernent actuellement) considèrent la fraude en faveur du régime comme inéluctable. Les partis islamistes (cf Eclairage n°7) mettent en garde contre les risques de guerre civile qu’entraîneraient des irrégularités qui les écarteraient du suffrage. Quant aux partis de gauche (cf Eclairage n°3), depuis vingt ans qu’ils prennent part aux élections, ils ont une longue tradition de non participation à des scrutins qu’ils estiment truqués, mais aussi qu’ils sont sûrs de perdre. Cette fois, c’est le RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie de Saïd Sadi) qui le premier a décidé de boycotter ; la question est encore en débat dans les instances du FFS (Front des forces socialistes de Hocine Aït Ahmed). La possible abstention des “démocrates” ne fait pas l’affaire des “nationalistes” du gouvernement (FLN et RND) qui craignent la victoire des “islamistes”. En effet, alors que le FLN affiche ses divisions internes, trois partis islamistes (Ennahda, El Islah et le MSP) viennent de réaliser une alliance électorale avec l’engagement de présenter des listes communes et de constituer un seul groupe parlementaire dans la prochaine assemblée. Bouteflika mène une campagne résolue contre l’abstention par des discours (Arzew, 23 février : « L’algérie est en danger ») et par des moyens plus inhabituels comme l’envoi massif de SMS encourageant la participation au scrutin.

En vrac : Instauration d’un quota de 33% de femmes sur les listes électorales aux élections législatives et locales. Agrément de 17 nouveaux partis autorisés à présenter des candidats aux élections. Interdiction à tout citoyen algérien ayant une double nationalité d’être candidat aux élections locales, législatives et présidentielle. Le nombre des députés à élire passe de 389 à 462, soit une augmentation de 73 sièges. Enfin, sur décision du Président, chaque député de l’assemblée actuelle touchera une prime de 30 millions de dinars (300 000 Euros) à la fin de son mandat…pour services rendus ?

Une semaine ordinaire à la LADDH

Le conseil national de la LADDH, s’est tenu les 17 et 18 février à Zeralda. Voici une présentation de ses conclusions par Ahmed Selmane dans le journal La Nation du 21 février. Les “amis” d’occident, c’est nous…

« Des faux témoins de la “civilisation”

Le conseil national de la LADDH, réuni à Zéralda les 17 et 18 février, a résumé, de manière succincte dans son communiqué, pourquoi il ne faut accorder aucun crédit à un régime qui, fondamentalement, ne fonctionne que sur le double levier de la répression et de la corruption. Sans efficacité minimale au plan de la gestion économique et administrative. Dans l’atmosphère de rapine qu’il a instituée comme norme et malgré une conséquente disponibilité des ressources financières, le service public ou le service du public n’existe pratiquement plus. Quelques flocons de neige et l’on a redécouvert de très nombreux Algériens esseulés et les niveaux de pauvreté que les temps cléments permettent de cacher. Les perturbations climatiques, indiquent le communiqué de la LADDH, ont montré « les limites du système de gouvernance en matière de prise en charge du citoyen et de la protection de ses droits sociaux et économiques fondamentaux ». Le langage des militants des droits de l’homme est fortement marqué par la volonté de faire du « constat ». Il ne rapporte que très faiblement le niveau de l’écœurement de très nombreux Algériens face à la gabegie d’un système si « présent » pour surveiller, contrôler, réprimer et empêcher le mouvement naturel de la société vers l’émancipation, la liberté et la citoyenneté. Le régime ne fonctionne qu’à la manœuvre, la manipulation et aux faux semblants. Il réprime les Algériens et négocie, avec les occidentaux, pas avec les forces politiques du pays, des opérations cosmétiques qui n’illusionnent que ceux qui veulent bien faire semblant d’y croire. Depuis que le régime a entrepris ses fausses réformes en faisant mine de modifier les textes – et en le verrouillant davantage le plus souvent – nos « amis » d’occident ont multiplié les exclamations d’admiration… Comme d’habitude, ils ont leurs propres soucis et les tenants du régime savent y répondre. On finira, bien sûr, par saisir la « contrepartie » qui a été concédée, pour obtenir le faux témoignage de « civilisés » sur les réformes « impressionnantes » menées par le gouvernement algérien. Le conseil national de la LADDH a appelé, avec une certaine pudeur, la communauté internationale « à faire preuve de réserve et à s’abstenir de prendre des positions dans le sens d’un soutien aux soi-disant réformes, attentatoires, dans les faits, aux libertés » ». On peut penser que les militants des droits de l’homme prêchent dans le désert. Les occidentaux privilégient leurs intérêts et non les valeurs des droits de l’homme. Mais la LADDH n’a pas tort d’envoyer ce message à nos très « chers amis » pour leur signifier que nous ne sommes pas dupes. Et que nous prenons acte de leurs faux témoignages et de leur long compagnonnage avec des autocraties et des dictatures bien commodes. C’est sans doute cela la supériorité de la « civilisation » de M.Guéant si fortement « impressionné » par les virgules que le régime algérien a déplacées dans des textes de loi qui ne s’appliquent jamais. »

Dans l’Eclairage n°10 on trouvera un long entretien de Mostefa Bouchachi, président de la LADDH, auquel fait écho un texte de Ali Yahia Abdenour, président d’honneur de la Ligue, publié dans EL Watan du 22 février

http://www.djazairess.com/fr/elwatan/360021 le pouvoir judiciaire est inconditionnellement soumis au pouvoir exécutif-22-02-2012-160021_120.php

Le thème de ces interventions est celui de l’indépendance de la justice en Algérie.

Le même jour, Taher Belabes du comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC) et Malika Fallile affiliée au Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (SNAPAP), ont été arrêtés par la police, alors qu’ils voulaient interpeller le ministre du travail Taid Louh à l’occasion d’une conférence sur l’emploi.

Quatre jours plus tard, le 26 février, le président et le secrétaire général du Conseil national des enseignants contractuels ainsi que 40 enseignants contractuels syndicalistes affilié au Snapap étaient arrêtés lors d’un sit-in devant la présidence pour faire entendre leur protestation contre le mépris du ministre de l’Education nationale qui refuse l’intégration des enseignants hors spécialité qui ont exercés cette fonction depuis 5 a 13 ans.

A la ligue algérienne de défense des droits de l’homme, la mobilisation est permanente car « Le régime a fabriqué des hommes et des femmes qui ne croient pas à la souveraineté de la loi » (M. Bouchachi)

La justice et le régime en Algérie 28 février 2012

Entretien de Mustapha Bouchachi, président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) avec Ahmed Selmane, La Nation, 7 Février 2012.

La Nation – Comment expliquez-vous la tendance de plus en plus forte au sein de la société à résoudre les problèmes à travers les institutions sociales traditionnelles ? N’est-ce pas un indice de l’aggravation de la crise de confiance à l’égard de l’appareil judiciaire ? Le métier d’avocat et la magistrature sont à l’image de la société. Ce système est corrompu et la plupart des institutions sont sans crédibilité ; et cela ne se limite pas aux seules institutions de l’Etat. Je crois que le plus grave et le plus dangereux est qu’il existe un plan pour détruire la nation dans sa conscience même. Ma fonction d’enseignant et d’avocat me permettent de constater que la corruption est générale. La question qui se pose est la suivante : est-ce une corruption programmée ou est-elle spontanée ? Je ne crois pas à cette dernière éventualité car nous sommes face à un Etat et à un régime qui disposent de tous les laboratoires. Il est difficile de croire que ce qui se passe se limite à des simples erreurs de gestion. Il y a au contraire une entreprise de destruction des institutions de l’Etat et en même temps un anéantissement de la conscience chez les gens de ce pays. Cela concerne toutes les institutions de l’Etat et toutes les professions.

Mais quel serait le but d’une telle entreprise de destruction ? C’est une question légitime et nous devons la poser et l’examiner. Ceux qui planifient la destruction, le font-ils pour leur profit ou pour le profit d’autres ? C’est une question à laquelle je ne suis pas en mesure de répondre car je ne connais pas les centres de prise de décision et on ne peut les personnifier et les évaluer ; mais ce qui est certain est que la destruction de l’université, de la magistrature, de la profession d’avocats et d’autres institutions n’est pas une opération spontanée mais planifiée.

Ne pensez-vous pas que ce qui se passe aujourd’hui dans la région arabe avec les appels de certaines élites et de certaines catégories de la population à demander une intervention de l’occident contre les régimes est un effet de cette destruction que vous évoquez ? Il y a des régimes dictatoriaux dans la région qui œuvrent à assurer leur pérennité mais en même temps il existe des dictatures qui ont une certaine vision. Ce sont bien des dictatures mais elles veulent créer des institutions et développer la société afin d’entrer dans l’histoire sous cet aspect.

Quelles sont ces dictatures ayant une certaine culture de l’Etat ? En Tunisie, malgré la dictature et la corruption, le régime à essayé de s’inscrire dans l’histoire à travers certains projets, en Algérie la dictature est sans programme, elle est sans but ; c’est une dictature sans vision, une dictature qui gère le pays au jour le jour ; une dictature où le régime entreprend de détruire les cadres compétents et à les éloigner des centres de décisions économiques, culturels et sociaux. Le régime n’est même pas en mesure de travailler pour lui-même, c’est une situation qui laisse perplexe. Je ne pense pas que les hauts responsables eux-mêmes soient en mesure d’être fiers même vis-à-vis de leurs enfants de ce qui se passe en Algérie. Aussi je dis que les régimes arabes ont des similitudes mais le régime algérien est le plus sordide dans le domaine de la destruction de la conscience de la nation et des institutions.

Le paradoxe est que l’Algérie est un pays d’une grande révolution. Comment est-on arrivé jusqu’à la destruction de la conscience de la nation et des institutions ? La réponse à cette question nous amène à soulever des interrogations. Détruit-on cette nation ? Détruit-on cet héritage révolutionnaire au profit de tiers ? Et qui sont ces tiers ? Voilà de grands points d’interrogations. Mais je ne peux pas spéculer et dire que le régime politique sert tel ou tel Etat. La seule chose certaine est qu’il existe un plan pour détruire la nation dans ses institutions et dans sa conscience. Le résultat que l’on voit est cette tendance forte à l’égoïsme, à l’individualisme ; il n’existe pas au sein de la société de lutte pour les principes, pour l’Etat de droit, pour la justice et la liberté. Il y a des luttes sociales pour des revendications matérielles pour un secteur ou pour une catégorie. Cela vaut également pour la profession d’avocat qui en tant qu’institution de défense doit normalement mettre fin à une situation où le pouvoir judiciaire est entre les mains d’un régime. Dans cette profession, au cours de la dernière décennie, on ne s’est pas insurgé quand des affaires de tortures ont été posées, quand des citoyens ont été tués dans des prisons, quand les tribunaux spéciaux ont été mis en place. Durant toute cette période, cette profession a été absente mais elle s’est subitement manifestée quand a été soumise la loi régissant la profession d’avocat. Soyons clairs, les revendications des avocats sont légitimes mais leur acceptation de la situation qui a prévalu, leur acceptation de se transformer en pur décor, sont des indices de situation de destruction des consciences.

Mais l’Algérie a perdu durant les deux décennies les catégories sociales – médecins, professeurs et autres intellectuels – qui pouvaient réellement soulever les questions des libertés et des droits collectifs. N’est-ce pas cet exil massif qui explique que cette revendication est entravée. Les questions des libertés peuvent-elles aujourd’hui être prises en charge d’un point de vue plus large ? Il est certain que l’hémorragie qu’a connue la classe moyenne a eu une incidence négative sur le parcours des luttes. Mais cela est insuffisant pour expliquer la situation. Prenons l’exemple du Pakistan qui subit ce qu’on appelle le terrorisme. Quand le régime a commencé à porter atteinte aux droits de l’homme et a eu recours à la torture, le pouvoir judiciaire incarné par le président de la Cour suprême a convoqué le premier responsable de la sécurité au Pakistan qui avait le grade de général. Une situation qui avait poussé le président du Pakistan à le démettre et à mettre fin à ses fonctions. Les avocats sont alors sortis dans des manifestations et ont exercé des pressions sur le président jusqu’à le pousser à la démission. Ce sont des magistrats et des avocats du Pakistan… La même situation prévaut en Algérie mais je ne connais pas un seul juge qui a la capacité ou le courage moral de convoquer un responsable, sécuritaire ou non sécuritaire. Au cours des deux dernières semaines, dans le cadre du procès des cadres de la sureté nationale parmi lesquels se trouve M.Oultache, les avocats ont demandé un document établi par l’administration de la sûreté nationale soulignant la légalité des contrats conclus. Il n’aurait pas été honteux si le juge demande le document et que l’administration de la sureté nationale refuse de le transmettre. Mais le plus grave est que le juge qui est tenu par la Constitution, laquelle souligne qu’il n’est soumis qu’à la loi et à conscience, n’a pas osé demander ce document ! Ce juge algérien pourra-t-il convoquer un général alors qu’il n’a même pas osé demander un document ?

Pourquoi les magistrats algériens sont-ils si timorés, selon vous ? Pour la simple raison que les appareils sécuritaires sont au-dessus des institutions et que la magistrature en Algérie est une fonction. Le juge ressent qu’il est un fonctionnaire révocable à tout moment et qu’il est sans protection. Il peut être mis à ses fonctions par un simple fax. Aussi n’ose-t-il pas convoquer un responsable d’une institution. Peut-être qu’on ne lui a pas demandé de ne pas le faire, mais il ne le fait de lui-même, par peur… Le ministère de la justice n’a plus besoin de faire usage du téléphone pour demander aux juges ce qu’ils doivent faire. Ces juges connaissent les tendances du régime. Et la tendance en vigueur est que plus vous êtes durs et plus vous êtes en phase avec le régime. Et plus vous êtes en phase et moins vous avez de craintes pour votre carrière professionnelle. Et plus vous cherchez à appliquer la loi et à agir selon la conscience, plus vous avez des raisons d’avoir peur pour votre carrière. C’est ainsi que nait une autocensure…

Ce sont ces juges qui superviseront les prochaines élections ! Une journaliste m’a dit que le ministre (de la justice) défiait quiconque de lui citer un seul exemple d’une ingérence du ministère dans le travail des juges. Je lui ai répondu : j’aurais souhaité que le ministre prenne quotidiennement son téléphone pour parler aux juges afin qu’il leur dise que telle ou telle affaire a un lien avec l’image de l’Etat et de ses intérêts et qu’ils doivent veiller à appliquer la loi afin que les algériens ne soient pas ridiculisés. Le problème est qu’ils ont poussé les magistrats à s’adapter et à se normaliser et à suivre le régime sans qu’il ait besoin de le leur demander. Prenons l’exemple des évènements de janvier 2011. En une semaine, il y a eu des centaines de jeunes arrêtés, 1200 jeunes ont été poursuivis et 600 ont été condamnés et emprisonnés pour l’accusation d’avoir commis des infractions d’incendie, de destruction…. Une semaine plus tard, tous les détenus, de Bir Al Ater à Maghnia ont été élargis. L’affaire ne concernait pas un seul tribunal mais tous les tribunaux et cela est affligeant. Du point de vue social, nous avons accueillisde manière positive l’amélioration des rémunérations des juges. On se disait qu’ils ont ainsi les moyens de ne pas se soumettre aux pressions du pouvoir exécutif, mais rien de tel n’est arrivé car nous ne sommes pas dans un Etat de droit. Quand le ministre de l’intérieur clame qu’il n’agréera pas des partis, on donne une idée de la manière dans les affaires publiques sont gérées. Et on fabrique des hommes et des femmes qui ne croient pas à l’idée de la loi. Je vous cite un exemple que peu osent évoquer. Je reçois, en tant que président de la Laddh, des lettres d’algériens qui ont quitté l’Algérie en 1966 et qui sont accusés d’être des harkis. Ils me disent qu’ils sont interdits de passeport et interdit de se rendre en Algérie. On leur dit qu’ils sont sur une « liste noire ». La question qui se pose est : qui a établi cette liste noire ? Et qu’elle est la place de la loi dans cela ? Existe-t-il un droit de recours contre cette liste ? Dans un Etat de droit, on doit connaître l’institution qui a établi cette liste et sur quelle base et si ceux dont le nom est cité ont un droit de recours. Il n’existe aucune institution qui peut corriger cette situation. Il est incroyable que la loi soit si peu présente à ce point ! C’est ce qui démontre bien qu’il y a une destruction de la conscience morale et professionnelle. Et du moment que nous parlons de la supervision des élections par les juges, je vous rappelle que cela n’a rien de nouveau. Je vous donne un exemple. Un confrère avocat dans une des wilayas du pays a présenté une liste électorale pour les élections. La liste a été rejetée par la Wilaya. L’avocat fait un recours devant le tribunal administratif. La wilaya a présenté le dossier des services de sécurité au tribunal administratif. La loi oblige qu’une copie soit donnée à la partie adverse mais le juge a refusé de le faire sous le prétexte que le dossier comporte des enquêtes sécuritaires. L’avocat qui aurait dû se retirer ne l’a pas fait. Il est arrivé à l’idée que l’Etat est au-dessus de la loi. Et c’est une idée qui s’est ancrée dans la société.

On a donc créé une sacralisation des rapports des services de sécurité ? De fait, car ces rapports sont pris en haute considération par l’appareil judiciaire. Je vous cite le cas d’une affaire de douaniers. Quand des accusés viennent devant le juge et disent qu’ils ont fait des déclarations sous la torture qui a été pratiquée contre eux par les services de sécurité, normalement le procureur de la république ouvre une enquête sur ces accusations. D’autant que l’Algérie a ratifié les accords internationaux contre la torture. Il n’en est rien.

Cela signifie que la justice n’a pas de sens et que les rapports sécuritaires sont essentiels. C’est juste. Le danger est que nous tous, citoyens ou professionnels du secteur de la justice, nous en arrivons à banaliser la torture

Les victimes elles-mêmes ont tendance à penser que ce qui leur arrive est normal. Je ne fais pas de reproche au citoyen ordinaire. Le plus grave est la situation de démission collective des avocats, journalistes, intellectuels et élites au sens large. La loi ne peut s’appliquer que dans un Etat réellement démocratique où la séparation des pouvoirs est une réalité.

Mais dans le cas des affaires de corruption, le problème ne réside-t-il pas aussi dans un problème de spécialisation des juges ? Il y a des juges spécialisés même si leur formation n’est pas parfaite. Mais le problème n’est pas dans la formation. Je pense que la véritable corruption n’arrive pas devant les tribunaux. Dans l’affaire des cadres de la sureté nationale, le contrat conclu avec la société ABM est bien meilleur que les autres contrats. Mais ceux-ci sont poursuivis, comme d’autres, de manière sélective qui ne convainc ni les juges, ni la défense. Comme vous le savez, les poursuites relèvent du procureur général et du procureur de la république, tous deux sont soumis au pouvoir exécutif. Le plus grand exemple a été l’affaire Khalifa. C’est une seule affaire dans laquelle certains ont été poursuivis et d’autres non. Or les faits se rapportant à ceux qui n’ont pas été poursuivis sont plus graves que ceux pour lesquels les autres ont été poursuivis. Qui donc décide qui doit être poursuivi et qui ne doit pas l’être ? Le régime, le pouvoir exécutif, bien sûr ! Quand le dossier arrive chez le juge, ceux qui ont été désignés par le régime sont poursuivis, ceux qui ont été exclus des poursuites par lui ne le sont pas. L’odeur de la politique et de règlement de comptes domine à l’ombre de cette gestion sélective. En outre, la loi anticorruption qui a été promulguée encourage la corruption. Je vous donne un exemple. Un tribunal à Alger a condamné une dame travaillant dans le service des impôts à deux ans de prison ferme pour avoir dilapidé 1400 dinars. A l’opposé, il y a quelques jours un autre tribunal a condamné à trois ans de prison ferme une personne accusée d’avoir détournée 60 milliards de centimes ! Pourquoi ? Parce que la loi met sur le même pied d’égalité celui qui vole un dinar et celui qui vole tout un pays ! Ceux qui pillent un pays sont ceux qui sont à des postes de haute responsabilité et après ce pillage, la pire des sanctions est de 10 ans de prison. Le résultat est que la corruption est encouragée puisque que voler un téléphone portable et voler 100 millions d’euros revient au même ! La législation a donc été mise en place avec une intention malsaine et non pour lutter contre la corruption. Notre grand problème est que nous avons démissionné ! Nous avons acquis la conviction que nous ne pouvons rien faire et c’est une erreur. Les luttes menées par les gens le sont, souvent, pour des calculs mesquins… Je milite pour devenir députés, pour obtenir ceci ou cela… Même dans le langage social on dit un « tel règle » les affaires, un tel est une « charika guadra »…. Au plan social, ceux qui sont honnêtes sont à la marge.

Comment un juge qui est censé assurer la protection du citoyen par la loi peut-il le faire alors qu’il n’a aucune garantie professionnelle et qu’il est révocable à tout moment. Comment la loi peut-elle régner dans tel pays ? Au cours des 20 dernières années, on a connu un véritable problème de formation qui a nui à la classe moyenne et aux intellectuels. Les universités ne sont plus un lieu de réflexion et de luttes, mais des centres de formation professionnelle. Quand le titulaire d’une licence en psychologie, en sociologie ou en droit aborde les choses avec la même logique de celui qui est sans instruction, il y a un problème. La seule différence est que celui qui a un diplôme connait des articles de lois, mais cela en fait un technicien, pas un universitaire. Le mal est profond. Au moment des évènements de janvier 2011, j’ai adressé une lettre au bâtonnier national dans laquelle je faisais valoir que les jeunes poursuivis sont des pauvres qui n’ont pas pu exprimer leurs préoccupations de manière pacifique et qu’ils sont des victimes d’un régime autoritaire. J’ai appelé à ce que le syndicat constitue des groupes d’avocats pour les défendre. Le bâtonnier ne m’a pas répondu. Il a déclaré cependant à la presse : « nous on ne se mêle pas de politique ». Une attitude qui est tout le contraire de ce qui s’est passé après les évènements d’octobre 1988. Le syndicat des avocats s’était constitué au niveau national pour défendre toutes les victimes. Il y a une régression grave dans les professions juridiques, dans les universités et ailleurs.

Le changement est-il possible en Algérie ? Il est possible ! Mais les élites doivent sortir de leur silence. Quand le président décide quatre mois avant l’élection de changer la constitution sans que les enseignants universitaires, les professeurs de droit et de sciences politiques, ne bougent pour dire que cela ne se fait pas, cela nous donne une idée de l’état de démission collective de la classe instruite dans ce pays.

Existe-t-il une possibilité de changement de régime ou bien ce changement va être reporté et ne viendra que de manière violente ? Je crois en la mort naturelle d’un régime corrompu. J’aurais souhaité que ceux qui sont en charge de la gestion de ce régime permettent sa mort naturelle et aillent vers un transfert pacifique du pouvoir. Malheureusement, les indices vont dans le sens contraire. Je pense que les lois qui ont été adoptées et les partis qui ont été agréées confirment que le régime est dans une stratégie d’autoperpétuation. C’est grave pour le pays. C’est même dangereux pour eux peut-être… Car si le changement pacifique n’a pas lieu, l’explosion viendra. Et si l’explosion a lieu, cela veut dire de la violence et des destructions. J’ai la conviction que tous les changements violents ne mènent pas nécessairement à la démocratie. Ceux qui disposent de la légitimité des armes se donnent la légitimité… et notre expérience depuis l’indépendance pourrait se répéter. Aussi, j’espère qu’ils penseront à leurs propres enfants et auront peur pour leur avenir.

Printed from : http://www.algeria-watch.de/fr/article/just/bouchachi_systeme_judiciaire.htm

C’est la misère qu’il faut combattre, pas ceux qui la subissent ! 23 février 2012

Voilà le titre du dernier communiqué (joint) du Collectif aixois pour les droits et la dignité des Roms, des immigrés et des sans-papiers (CADDRIS) suite aux déclarations à la presse (article de La Provence joint) du Préfet de police quand il a « visité » (le 21 février) les camps de Roms du plateau de l’Arbois.

Ce communiqué veut retenir les aspects positifs de l’intervention du Préfet de police Alain Gardère et privilégier ce qu’il dit sur la nécessité de mobiliser les collectivités territoriales pour proposer des logements décents à ces gens là. Nous voulons y voir une réponse à la demande du CADDRIS que soit organisée une table ronde avec tous les partenaires concernés, y compris bien sûr des représentants des populations de l’Arbois, afin que soient recherchées des solutions durables pour organiser leur accueil, leur accompagnement et leur insertion.

Mais nous ne sommes pas dupes du double discours auquel l’Etat malheureusement nous a habitués sur cette question. Double discours quand sur place le Préfet Gardère dit sa volonté que soient proposés des logements décents et que dans le département il ne cesse depuis plusieurs mois de supprimer des camps de Roms et d’expulser. Double discours quand il parle de logements pour les Roms et que dans le même temps, dans les salles de réunion de la préfecture, le sous-préfet indique qu’il n’y a pas de vraie solution et qu’il ne va pas distraire des crédits de la politique de la ville ou de l’ANRU car les populations présentes dans les quartiers pourraient s’estimer « lésées » ! Non, nous ne sommes pas dupes, mais nous continuerons à agir pour faire pression, pour sensibiliser le plus grand nombre à porter un regard humain et non pas de rejet sur les populations de Roms.

Nous souhaitons aussi que le Conseil général, propriétaire foncier principal des terrains où sont installés les Roms et responsable de l’action sociale, dise enfin clairement sa position et ses intentions pour sortir de cette misère ; qu’il dise au moins dans un premier temps qu’il est d’accord pour participer à la table ronde que nous appelons l’ensemble des acteurs à réunir.

Hier, 22 février, nous avons rencontré à l’Arbois IOAN (photo jointe) : se posant comme porte-parole des roumains il nous a tenu des propos dignes et volontaires. Il explique d’abord que les Roms sont pourchassés, persécutés en Roumanie, qu’on ne doit pas les critiquer de rechercher une meilleure situation. Que les Roms de l’Arbois, pour la plupart présents depuis plusieurs années, veulent travailler ; mais que c’est difficile : pour travailler les patrons, les employeurs, leur demandent un titre de séjour, mais pour avoir un titre de séjour il faut avoir une promesse d’embauche ! « Je ne demande aucun privilège pour nous, dit IOAN, seulement le droit de travailler. Que les entrepreneurs embauchent quelques-uns d’entre nous et ils verront que nous sommes de bons travailleurs ». IOAN a demandé pour lui-même une carte de séjour afin de pouvoir s’installer comme auto-entrepreneur et créer une boutique de vente de jus de fruits et de musiques tziganes ; il souhaite bénéficier des mêmes droits à l’installation que ceux qui sont prévus pour tous, sauf pour eux jusqu’à présent.

Qu’on écoute ces gens là, qu’on leur parle ! Qu’on ne vienne pas seulement regarder leur misère !

Pièces jointes

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