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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives de l'auteur : LDH Aix

Grèves de la faim, immolations : les gestes du désespoir. 7 mai 2013

Emeutes du logement et de l’emploi, répression des manifestants, le cycle des relations de violence entre l’état et les citoyens se poursuit inexorablement sans que rien ne change fondamentalement dans la société algérienne. Devant les injustices, les humiliations et le mépris dont ils sont victimes les algériens les plus démunis retournent la violence contre eux et mettent leur vie en jeu. Jusqu’où iront-ils ? Qui les écoute ? Quelle crédibilité auront les partis politiques qui vont bientôt prétendre à la succession de Bouteflika ?

Emeutes et résistances

Emeutes du chômage dans les wilayas du sud

Le taux de chômage indiqué par le FMI pur l’Algérie avoisine les 10%, mais il est donné en fonction de la méthode de calcul proprement algérienne et sur la base des données fournies par le gouvernement. Estimé par des économistes algériens appliquant des normes de calcul internationales le taux réel serait situé entre 23 et 30% de la population active.

Alors que le 12 mars, 4 chômeurs ont été condamnés par le Tribunal de Laghouat à 2 mois de prison, et que 15 autres attendaient d’être déférés devant le tribunal de Ouargla, les émeutes du chômage dans les wilayas du sud n’ont pas cessé. Le 14 mars, à Ouargla, une marche organisée par le Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC) a rassemblé plusieurs milliers de manifestants venus de toute la région pour protester contre les discriminations et les injustices dont sont victimes les populations du sud. Pour calmer le jeu, le gouvernement a annoncé des mesures favorables aux chômeurs, mais ces derniers n’en voyant pas les conséquences concrètes, la tension n’est pas retombée ; les jeunes ont continué de se rassembler par centaines dans toutes les localités de la région. L’axe routier Ouargla-Ghardaïa a été bloqué pendant plusieurs jours jusqu’au 24 mars où la gendarmerie nationale est intervenue, a arrêté une dizaine de manifestants, et les a tabassés avant de les relâcher. Le 26 mars, à Ghardaïa, une vingtaine de militants de la LAADDH rejoints par des chômeurs ont manifesté lors du défilé d’ouverture de la fête annuelle du tapis la jugeant trop coûteuse au regard des difficultés économiques que connaît la ville (environ 1,9 million d’euros pris sur les impôts locaux). La suite est racontée par une des manifestants « À peine dix minutes après le début de la manifestation, la police a commencé à charger et ça a dérapé : les policiers ont utilisé des gaz lacrymogènes, ont tiré avec des balles en caoutchouc et j’ai même retrouvé la douille d’une vraie balle – qui n’a heureusement touché personne. Nous avons dû utiliser les chaises disposées pour l’ouverture de la fête pour nous défendre. Il y a eu des blessés, avec des hématomes au niveau des yeux et du front. On les a soignés nous-mêmes, car s’ils s’étaient rendus à l’hôpital, ils auraient été très certainement cueillis par la police. D’autres manifestants ont été embarqués, dont le président de notre section de la LAADDH, nous sommes sans nouvelles d’eux depuis. Une commission doit se tenir et décider de leur sort. S’ils ne sont pas libérés, nous retournerons manifester ».

Emeutes du logement

Dans la même région des wilayas du sud, les émeutes du logement se sont ajoutées à celles du chômage, notamment à Ouargla. Suite à la publication d’une liste d’attribution de logements sociaux, des dizaines de citoyens exclus de la liste, et dénonçant la présence sur cette liste de « nombreux bénéficiaires indus » ont investi le centre de la ville le 10 avril. Les manifestants ont brûlé des dizaines de véhicules de particuliers et saccagé une agence de téléphonie (Mobilis), le siège de la CNEP-banque, la fourrière communale, l’unité de la SNTA et une aile de la daïra (sous-préfecture) de Ouargla. Les brigades de police anti-émeutes sont intervenues en usant de bombes lacrymogènes auxquelles les groupes de jeunes en colère répondaient par des jets de pierres et de cocktails Molotov. Les affrontements se sont poursuivis pendant plusieurs jours faisant un grand nombre de blessés de part et d’autre et laissant la ville dans un état “apocalyptique” d’après la presse. « Ouargla brûle » titrait le 12 avril un quotidien national d’information. Des scénarios identiques se sont déroulés le 14 avril dans la commune d’El Maqaria (banlieue d’Alger) et le 25 avril à Aïn Kercha (Est algérien) où le siège de la daïra (sous-préfecture) a été incendié.

Grèves de la faim

Une autre forme de protestation et de pression sur les autorités en matière de logement se déroule actuellement à Ksar el Boukhari (150 km au sud d’Alger, wilaya de Médéa) : 15 femmes et 10 hommes en attente d’un logement décent pour leurs familles depuis des années ont commencé une grève de la faim le 13 avril. Le 21 avril, alors que trois d’entre eux avaient déjà été hospitalisés dans un état critique, aucune autorité n’avait accepté de les recevoir. Ils ont, ce jour rendu publique la déclaration suivante.

« Nous grévistes de la faim à Ksar El Boukhari tenons à préciser ce qui suit :

· En ce Dimanche 21 avril 2013 nous renouvelons notre action, à savoir la grève de la faim et l’occupation du Palais de la daïra.

· Le Jeudi 18 avril suite à la rencontre avec le président de l’Assemblée Populaire de la Wilaya nous fut promis un rendez vous avec le Wali ce dimanche 21 avril. Concernant ce rendez vous nous tenons à préciser que nous n’attendons pas du Wali l’ouverture d’un dialogue sans fin mais l’apposition de son cachet à une liste de logements attribuable aux familles grévistes.

· Il nous fut signifié hier que le rendez vous avec le Wali était reporté. Face au désir des autorités de laisser trainer les choses, face à leur manquement à leur engagement, nous grévistes de la faim reprenons notre action. Nous sommes prêts à aller jusqu’au bout pour que soit appliqué notre droit légitime et international à un logement digne. Les autorités porteront la responsabilité de toute crise sanitaire et de mise en danger de la vie des grévistes ».

Depuis, pas de nouvelles…

Le suicide comme moyen de lutte

Le 2 février 2012, Le Monde, reprenant un article d’El Watan, titrait « Recrudescence de suicides en Algérie…le nombre de jeunes Algériens tentant de s’immoler prend des proportions tout à fait inquiétantes ». Un an plus tard, on peut dire que le phénomène s’est accentué et que sa signification sociale est désormais évidente : l’Algérie est frappée par une vague de menaces ou de tentatives de suicide individuels mais aussi collectifs de la part de personnes désespérées par leur condition sociale et l’absence de réponses des services des collectivités publiques.

Le 24 mars, des enseignants contractuels manifestant devant le palais présidentiel d’El Mouradia menacent (par la voix de la présidente de leur association nationale) de mettre fin à leurs jours collectivement en réponse à la passivité des autorités compétentes concernant leur demande d’intégration.

Le 28 mars à Guelma un garde communal qui souhaitait rencontrer le maire au sujet du traitement de sa demande de logement social déposée depuis des années, se voit refuser tout rendez-vous. Il s’enferme avec sa femme et ses trois enfants dans le studio leur servant de logement, il ouvre le gaz et met le feu au local. Retirées des flammes par des agents de la Protection civile, les cinq personnes ont dû être hospitalisées.

Le 28 mars encore, un homme de 29 ans s’est aspergé d’essence et a allumé son briquet devant le siège de la sûreté de daïra de Kherrata (60 km à l’est de Bejaïa). Des passants et des policiers sont intervenus pour éteindre les flammes. La victime a été évacuée vers l’hôpital de Kherrata, puis transférée au CHU de Bejaïa.

Le 28 mars, toujours, devant l’entrée de la base pétrolière de Skikda, un homme de 30 ans a menacé de s’immoler par le feu après avoir aspergé son corps de trois bouteilles d’essence. Il protestait contre le fait d’avoir été écarté des recrutements. Les services de sécurité ont réussi à l’empêcher de mettre le feu à ses vêtements.

Le 31 mars, des chômeurs de la commune de Sidi Amar (wilaya de Annaba), ont menacé de s’immoler par le feu, des briquets et des bidons d’essence à la main. « Nous demandons du travail et un salaire pour survivre. Nous n’exigeons pas grand-chose. Même un contrat à durée déterminée, nous l’acceptons car nous touchons le fond. Nous n’avons plus de quoi subvenir à nos besoins et manger à notre faim. Nous vivons la misère absolue et nos responsables locaux feignent de ne rien savoir ».

Le 14 avril, cinq travailleurs communaux de Khenchela (dans les Aurès) qui n’ont pas perçu de salaire depuis cinq mois, ont essayé de se donner la mort sur leur lieu de travail. Ils ont escaladé l’enceinte de l’Assemblée populaire communale, menacé de se jeter du haut de l’édifice avant de s’asperger d’essence et d’allumer un briquet.

Le 28 avril, à Alger, lors d’une manifestation d’anciens détenus politiques venus réclamer les indemnités prévues par la loi d’amnistie un des manifestants a tenté de s’immoler alors que deux autres se sont tailladé les veines ; les trois blessés ont dû être hospitalisés d’urgence.

Droits de l’homme

Des rapports internationaux accablants

Manque de transparence dans la passation des marchés publics, justice sous ordre et gangrenée par la corruption, impunité des services de sécurité et des parlementaires, restrictions des libertés individuelles et atteintes à la liberté de la presse : dans son nouveau rapport sur l’état des droits de l’Homme dans le monde, publié le 19 avril, le Département d’Etat américain n’épargne pas l’Algérie. Les USA avaient pourtant en 2012 donné des signes évidents de complaisance et d’indulgence à l’égard du pouvoir algérien en matière de gouvernance et de droits humains. Duplicité ou changement d’attitude ?

Début avril paraissait le rapport 2013 du Bureau international du travail (BIT). Selon le résumé qu’en donne le président du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap) « L’Algérie est citée avec une vingtaine d’autres pays qui ne respectent par la législation en vigueur concernant la liberté d’appartenance syndicale. Le gouvernement algérien est destinataire aussi de remarques concernant les inégalités salariales entre les hommes et les femmes dans les secteurs privé et public et est invité à renforcer sa législation en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et la refonte du code du travail ».

Nouveaux cas de disparition forcée

Le 25 mars, Mustapha Chouia a été enlevé à Msila (250 km au sud d’Alger) par des agents du DRS (Département du renseignement et de la sécurité) alors qu’il venait de quitter son lieu de travail. Des hommes des services de renseignement l’ont interpellé alors qu’il conduisait la voiture de son ami Abdallah Bouammar et ont pris possession du véhicule pour l’emmener vers une destination inconnue. Le lendemain, le propriétaire de la voiture a également été arrêté à son domicile par les mêmes agents. Depuis, leurs familles sont sans nouvelles des deux hommes et continuent à se heurter au silence des autorités qui nient leur détention. En 2009, Mustapha Chouia avait déjà été arrêté et détenu au secret par les services du DRS pendant plus d’un mois

Le 15 avril, Messaoud Boudene, jeune diplômé en ingénierie électronique âgé de 30 ans, a été enlevé par des agents du DRS près de Tahel (wilaya de Jijel dans l’est algérien). Ses voisins ont assisté à la scène : alors qu’il sortait de son domicile, trois voitures banalisées l’ont encerclé, des hommes en civil sont sortis de l’un des véhicules et ont forcé le jeune homme à monter à bord avant de démarrer vers une destination inconnue. A ce jour, on ignore toujours les raisons de l’enlèvement et le lieu de détention, mais le fait qu’il est aux mains des services de sécurité a été confirmé par la gendarmerie nationale. Il est plus que probable que Messaoud Boudene a été interpelé à cause de ses prises de position critiques vis-à-vis des autorités sur Facebook, d’autant plus que sa connexion Internet avait été coupée depuis plus d’un mois sans raison et que les services des PTT ont refusé de la rétablir sans donner de justification.

Depuis, pas de nouvelles…

LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT DE LA CIMADE 8 mars 2013

La section d’Aix-en-Provence de la LDH vient d’écrire au président national de la Cimade pour dire son émotion après qu’il ait désavoué ses délégués régionaux qui avaient refusé de participer à une initiative du CRIF.

Voici la lettre.

Le 5 mars 2013

Monsieur Patrick Peugeot

Président

de la CIMADE

64 Rue Clisson

75013 Paris

Monsieur le Président,

Dans un courrier au Président du CRIF vous présentez les excuses de la Cimade pour la lettre écrite par les deux délégués régionaux de Marseille dans laquelle ils déclinaient l’invitation à une manifestation du CRIF régional. C’est par le journal Mediapart que nous venons de prendre connaissance de l’ensemble de l’affaire.

Nous sommes concernés par ces excuses et la teneur de votre lettre dans la mesure où nous travaillons avec la Cimade dans la région, et en particulier avec ces deux délégués qui sont extrêmement impliqués dans toutes les actions auprès des plus démunis. Cette collaboration exige d’avoir confiance entre nous et votre lettre pourrait la détruire.

Ne revenons pas sur l’ensemble des lettres, tant celle de Monsieur Prasquier que la vôtre, nous imaginons que d’autres ont déjà fait les commentaires qu’elles appellent. Mais nous voudrions soulever deux points qui nous concernent directement.

Monsieur Prasquier ose écrire : « Il n’est que d’écouter certaines déclarations de son délégué régional à Marseille, cosignataire de cette lettre honteuse à la Présidente du CRIF régional, pour se rendre compte qu’il n’agit pas pour aider les démunis, mais pour mener un combat politique virulent contre notre société, combat dans lequel il utilise amalgames et insinuations sans la moindre mesure. Vous avez dit humanitaire ? ». Venant de Monsieur Prasquier, cela n’a aucune importance et ne mérite aucune réponse. Mais que votre lettre critique fortement vos deux délégués sans reprendre cela nous semble proprement scandaleux. C’est tout le travail que nous sommes nombreux à effectuer avec votre association qui est ainsi nié, déconsidéré. Si les instances nationales de la Cimade laissent dire cela, elles déconsidèrent tout le travail fait avec votre association, vous comprendrez que cela mette gravement en cause notre collaboration. Cela est « grave » et non la soi-disant « offense » faite aux instances régionales du CRIF.

Second point : vous écrivez « je leur reproche d’avoir pris le risque de donner la possibilité à des gens qui ne nous font pas de cadeaux de dire que nous sommes antisémites ». Mais justement c’est une constante du CRIF d’user et d’abuser de la lutte contre l’antisémitisme pour condamner toute critique tant d’Israël que du CRIF ou de ses amis. La Shoah est constamment instrumentalisée par ce lobby – qui, heureusement, n’est pas représentatif des Juifs de France – pour interdire toute expression qui lui déplaît (et couvrir les crimes que l’on sait). Le reproche d’antisémitisme par ces gens n’a pas de sens, tant il est perverti par son usage. Et nous nous honorons de garder une parole libre quoique ces gens puissent alors proclamer. Rentrer dans leur jeu est une faute. Là encore se pose une question de confiance entre nous et votre association, si vos instances nationales imposent une telle attitude.

Nous soutenons totalement l’attitude de J.P. Cavalié et F. Rocheteau ; on ne peut pas participer à certaines manifestations à l’invitation d’une association telle le CRIF actuel, et le leur dire est un devoir car ce refus n’est pas honteux. D’ailleurs Monsieur Prasquier, par ses déclarations faites à la mort de Stéphane Hessel, confirme, s’il en était besoin, l’impossibilité de se trouver à ses côtés.

Quant à nous, nous continuerons à travailler avec J.P. Cavalié et F. Rocheteau en qui notre confiance est entière, mais nous avons besoin d’une clarification de la part des instances de la Cimade pour que cette collaboration dépasse les deux personnes en cause et s’étende à votre association en qui nous avions toute confiance jusqu’à présent.

Compte tenu des enjeux en cause nous nous réservons de rendre publique cette lettre.

Nous vous prions, Monsieur le Président, d’agréer nos salutations.

Philippe Sénégas

Président de la section d’Aix-en-Provence de la LDH

Répression syndicale, guerre du Mali et crises des partis politiques 8 mars 2013

Le début de l’année 2013 est marqué par de fortes mobilisations sur le front du chômage, surtout dans le sud où la répression du mouvement syndical est particulièrement forte. La prise d’otages de Tiguentourine a fait monter d’un cran la tension dans les régions frontalières du Mali soumises à des menaces extérieures mais aussi à des conflits communautaires internes. Dans le même temps, les principaux partis politiques de l’alliance présidentielle ou de l’opposition, privés de leurs leaders charismatiques, se livrent à des guerres de succession destructrices

Émeutes

Émeutes du logement et du cadre de vie

Deux janvier : A Biskra (450km au sud-est d’Alger), la publication d’une liste de 522 bénéficiaires de logements sociaux (pour plus de 14.000 dossiers de demandes en attente) a provoqué l’occupation du siège de la sous-préfecture (daïra) par des centaines de protestataires contestant les critères d’attribution. L’émeute s’est propagée aux autres administrations dont l’accès était bloqué par des troncs d’arbre et des pneus enflammés. Au moins 7 blessés parmi les forces de l’ordre et plusieurs dizaines d’arrestations de manifestants.

Le même jour, le même scénario s’est déroulé à Khenchela (Aurès), à Skikda, à Constantine… Dans deux villages de la région de Skikda, les tensions ont duré plusieurs jours ; à Tamalous les exclus du relogement sont passés à une attaque en règle contre la résidence du Chef de Daïra (sous-préfet) qui a dû fuir avec sa famille pour échapper à un lynchage.

Dans la première semaine de janvier c’est la région de Mostaganem qui a connu des journées d’émeutes pour des problèmes de relogement (comme à Hadjadj, bourgade qui s’est barricadée pendant plusieurs jours) et des problèmes d’aménagement public (comme à Rehailia douar aux rues non bitumée et non éclairées, sans centre de santé etc…)

Le 12 janvier, près d’une vingtaine de blessés ont été enregistrés parmi des jeunes qui sont sortis dans la matinée protester contre la dégradation de leur cadre de vie à Boudouaou El Bahri (wilaya de Boumerdès). Le pire est que la plupart de ces blessés ont été victimes de l’affrontement entre manifestants, certains réclamant le revêtement des routes et d’autres le raccordement au réseau du gaz de ville !

Emeutes du chômage

Les chômeurs de Ouargla (900 km au s-e d’Alger) organisent presque chaque semaine des manifestations pour revendiquer leur droit au travail dans les nombreuses entreprises pétrolières du pays. Le 2 janvier, pendant toute la journée des centaines d’entre eux ont occupé le centre de la ville et se sont affrontés aux forces de l’ordre (en 2011 pareilles émeutes avaient failli embraser tout le sud Algérien). La manifestation était encadrée par le Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC). Tahar Belabbes, coordinateur du CNDDC a été arrêté par la police avec d’autres manifestants. Après plus de quatre jours d’emprisonnement, les chômeurs de Ouargla ont été relâchés après leur présentation devant le procureur de la République. Le 3 février Tahar Belabbes a été condamné à un mois de prison ferme et 50 000 DA d’amende par le tribunal de Ouargla. Amnesty International a dénoncé ces arrestations. Le 24 février plusieurs milliers de chômeurs de Ouargla ont entrepris une marche vers Hassi Messaoud qui a été bloquée par la police au bout de 20 km. Une grande marche est annoncée à Ouargla pour le 14 mars.

Du 20 au 22 février la tension a été extrême à Laghouat (400 km au sud d’Alger), à la suite de l’arrestation de jeunes chômeurs qui faisaient un sit-in devant le bureau de la main-d’œuvre. La réaction d’autres chômeurs ne s’est pas fait attendre et les heurts se sont soldés par l’arrestation de 18 jeunes et l’hospitalisation de 13 blessés. Certains blessés parmi les émeutiers ont refusé d’êtres transférés à l’hôpital par crainte d’être fichés par les services de sécurité. Le 22 un important rassemblement devant le palais de justice, conduit en particulier par la LADDH a réclamé la libération des 18 militants et chômeurs qui ont été présentés la veille devant le procureur de la République. Au même moment, les échauffourées se poursuivaient dans la ville.

Le 19 février dans la zone industrielle de Fornaka (Mostaganem), très violente confrontation entre des jeunes chômeurs et les forces anti-émeutes, accompagnée de barrages et de saccages d’équipements publics. Seize manifestants ont été arrêtés et déférés en justice.

Affrontements communautaires

Ghardaïa (600km au sud d’Alger) est la capitale du M’zab, région berbérophone jalouse de son identité. Autour du 25 janvier, pendant plusieurs jours, des affrontements ont eu lieu entre les Mozabites (berbérophones) et les Chambis (arabophones). Ces tensions sont chroniques (elles avaient fait 2 morts en février 2009) ; cette fois, les affrontements ont éclaté suite à la construction par un membre de la communauté arabophone d’un mur de clôture sur un terrain situé à proximité d’un cimetière mozabite. Les agressions sporadiques entre membres des deux se sont multipliées, dans les rues et au lycée, causant de nombreux blessés ; des maisons ont été incendiées. Un mois plus tard, le 23 février, nouveaux affrontements, à la suite d’une agression de jeunes mozabites travaillant dans les champs, par plusieurs dizaines de jeunes Chambis venus à bord de camions pour les provoquer. Les militants locaux de la Laddh s’efforcent de jouer les médiateurs.

Attaques terroristes

La plus spectaculaire et dramatique est évidemment celle du site pétrolier de Tiguentourine survenue le 16 janvier à 40 kilomètres d’In Anemas, près de la frontière avec la Libye (1500 km au sud-est d’Alger). Une trentaine d’hommes (dont 11 tunisiens) ont investi la base et finalement gardé en otages plusieurs dizaines d’expatriés travaillant sur le site (Américains, Français, Britanniques, Japonais, Norvégiens, Philippins et Irlandais). L’assaut final donné par l’armée algérienne s’est soldé par la mort de 29 djihadistes, 37 otages étrangers et 1 otage algérien (voir Eclairage N°15). L’initiateur de ce raid, Mokhtar Belmokhtar, l’a revendiqué au nom d’Al-Qaida en déclarant qu’il visait le régime algérien « pour avoir permis au colonisateur d’hier d’utiliser son sol et son espace aérien pour tuer les nôtres au Mali ». Cette explication est discutable étant donné qu’il a fallu certainement plusieurs semaines au commando pour mettre sur pied l’attaque et pour arriver sur site. Les observateurs ont noté la méthode expéditive utilisée par les forces algériennes au mépris de la vie des otages ; ils ont aussi noté qu’il a fallu attendre un mois avant que le Président Bouteflika fasse allusion à cet événement dans une déclaration publique. L’armée est bien encore le premier pouvoir en Algérie.

Le 6 février au soir, une cinquantaine d’hommes lourdement armés (lance-roquettes antichars) ont attaqué la caserne de Khenchela (540 km au sud-est d’Alger). A l’issue d’un assaut qui a duré trois heures, la garnison a été dégagée grâce à l’intervention de d’avions de chasse et de tirs d’artillerie. Les assaillants (qui ont eu des tués) seraient des algériens, des tunisiens et des lybiens.

On aura noté que sous des formes et pour des motifs divers (émeutes, attentats), les régions du sud du pays, aux portes (Biskra, Laghouat, Ouargla, Ghardaïa, Hassi-Messaoud) ou au cœur du Sahara (Tiguentourine), sont sujettes à une agitation qu’on observait plutôt dans les banlieues surpeuplées du nord ou en Kabylie. Le sud algérien est devenu une région hautement sensible. C’est l’objet de l’Éclairage (n°15) de ce mois-ci.

Liberté d’expression, libertés syndicales

Nasreddine Rarrbo, est un militant de 25 ans, membre du Mouvement des Jeunes du 8 mai 1945, un groupe qui dénonce la corruption et appelle à l’instauration de la démocratie par des moyens pacifiques en Algérie. Son activité politique sur facebook lui a valu d’être arrêté le 5 février à Larbaa (Blida) par des agents des services de sécurité algériens et torturé pendant deux jours au commissariat de police avant d’être inculpé de « troubles à l’ordre public » et d’ « outrage à corps constitués » . Son cas a été soumis au Rapporteur spécial sur la torture des Nations unies et au Rapporteur spécial sur la liberté d’expression.

Mais les atteintes aux droits de l’homme en ce début d’année 2013 ont surtout concerné les chômeurs (notamment à Ouargla, cf. ci-dessus) et ceux qui les défendent, les militants syndicaux.

Le 18 février, une dizaine de syndicalistes membres de plusieurs syndicats autonomes ont été arrêtés à Alger alors qu’ils tentaient d’organiser un sit-in devant le ministère du Travail pour protester contre la non délivrance du récépissé d’enregistrement de leurs organisations pourtant actives sur le terrain depuis des années. « Les arrestations ont été très musclées. Des dizaines de camions de police ont été stationnés devant le ministère du Travail. Des policiers ont contrôlé les papiers de tous les passants et dés qu’ils s’apercevaient qu’une personne n’habitait pas à Alger, ils l’embarquaient. » Le secrétaire national aux mouvements sociaux du FFS, Youcef Aouchiche a été également embarqué par la police.

La répression antisyndicale a pris un tour particulièrement radical à l’occasion du 1er forum maghrébin pour la lutte contre le chômage et le travail précaire. Cette conférence a été empêchée dans des conditions que rapporte l’extrait suivant du communiqué du Collectif Vérité et Justice pour l’Algérie.

« Mercredi 20 février 2013 à 9h du matin, 11 chômeurs, de nationalité tunisienne, marocaine et mauritanienne, venus assister au premier forum des chômeurs et des travailleurs précaires, initié par le SNAPAP (Syndicat National Autonome de l’Administration Publique), se sont vu arrêtés à leur hôtel à Alger et reconduits à la frontière comme de vulgaires délinquants après avoir passer la journée au commissariat de Bab Ezzouar. Le siège du SNAPAP à Alger a été également encerclé pour empêcher toute participation à la rencontre. Deux des organisateurs algériens ont été arrêtés et ont passés la journée au commissariat avant d’être relâchés en fin d’après midi. Dans une déclaration rendue publique le 21 février, la Fédération internationale des ligues des Droits de l’Homme dénonce « cette tentative de réprimer une réunion pacifique portant sur le droit au travail et appellent les autorités algériennes à mettre un terme aux violations des libertés de réunion, d’association, d’expression ainsi qu’aux libertés syndicales dont sont victimes les défenseurs des droits de l’Homme en Algérie ».

Les partis politiques en crise de renouvellement

A un an d’une élection présidentielle évidemment cruciale, le tissu des partis politiques se déchire de toute part.

Au FLN. La destitution d’Abdelaziz Belkhadem secrétaire général du FLN le 31 janvier a révélé la profonde division interne du parti : le vote de défiance du Comité central s’est joué à 4 voix (160 contre 156). Ses adversaires lui reprochaient d’avoir utilisé « les institutions de l’État pour assouvir ses ambitions personnelles », une accusation assez cocasse en Algérie. Un successeur consensuel provisoire (jusqu’à la tenue du 10ème congrès ordinaire prévu au second semestre 2013) avait été trouvé en la personne d’Abderrazak Bouhara. Malheureusement, le nouveau secrétaire général, âgé de 79 ans, est décédé dix jours plus tard emporté par une crise cardiaque. A défaut de pouvoir trouver un nouveau personnage qui fasse consensus, le parti envisage de faire voter ses militants : 8 candidats dont deux femmes se sont d’ores et déjà déclaré.

Au RND. A la tête du Rassemblement national démocratique (2ème parti de l’Alliance présidentielle) depuis 1999, l’ancien Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, a démissionné de ses fonctions le 3 janvier. Depuis juin 2012 un mouvement de “redresseurs” s’opposait au secrétaire général, mais sa démission peut aussi être vue comme le signe d’une course à la présidentielle de 2014. Jusqu’au mois de mai quand se déroulera le prochain congrès du parti, c’est Abdelkader Bensalah, actuel Président du Conseil de la nation qui assure l’intérim.

Au FFS. Hocine Aït Ahmed (86 ans), créateur et leader historique du Front des forces socialistes a annoncé sa décision de quitter la présidence du parti le 21 décembre 2012. Le premier secrétaire national du FFS depuis 2011, Ali Laskri doit faire face à des démissions de plusieurs dizaines de militants ; il prépare le 5ème congrès du FFS qui se tiendra avant juin prochain à Alger et qui devra procéder à l’élection du nouveau président du parti.

Au RCD. Après 23 ans à la tête de ce parti d’opposition en Algérie, Saïd Saadi, démissionnaire, a été remplacé par Mohsen Belabbas en mars 2012 lors du quatrième congrès du parti. Des cadres et militants du RCD ont dénoncé, le 9 février dernier « les dérives » de l’actuel président du parti qu’ils accusent notamment de vouloir soutenir le président Abdelaziz Bouteflika pour un 4e mandat ; ils exigent le retour de Saïd Sadi.

Une page se tourne donc, les crises de “redressement” suscitées par ces changements laissant craindre, malheureusement, que les guerres de clans et de factions, principales sources du renouvellement du personnel politique algérien ne permettent pas vraiment à des visions d’avenir ambitieuses et rénovatrices de voir le jour.

Nord-sud : nouvel axe géopolitique de l’Algérie? 8 mars 2013

Jusqu’à 1957, l’Algérie désigne une bande littorale de 1200 km de long et de moins de 200 km de large. Le sud, aujourd’hui partie intégrante de l’état nation algérien, représente plus de 80% de son territoire et recèle les ressources naturelles qui font sa richesse. Un sud déstabilisé par de nombreuses tensions, crise sociale, conflits ethniques, guerre du Sahel qui annoncent peut-être un basculement de la géopolitique intérieure de l’Algérie de l’axe est-ouest vers un axe nord-sud.

« Cette petite portion au bord de la mer qui se prend pour le centre du monde, qui ne parle que d’elle-même, qui agit au nom de tous et qui résume l’histoire nationale à ses frasques et vanités et qui s’appelle le nord algérien. » Sonia Lyes, TSA, 24 février 2013

Un peu de géographie, un peu d’histoire.

Schématiquement, on peut découper l’Algérie en trois zones géographiques se succédant du nord au sud. Au nord le Tell, riverain de la Méditerranée, large au maximum de 200 km et où vit 90% de la population. Puis, en descendant vers le sud, l’ensemble de montagnes, plaines et hauts plateaux formé par l’Atlas tellien et l’Atlas saharien, profond d’environ 300 km, borné par les oasis des “portes du désert”. Et enfin le Sahara qui occupe plus de 80 % du pays et qui s’enfonce jusqu’à plus de 2000 km du littoral.

Le Tell, au nord, est le théâtre de l’histoire algérienne depuis l’antiquité ; les invasions, la colonisation, la guerre d’indépendance, les rivalités régionales anciennes ou actuelles, se sont déployés dans cette région, selon un axe est-ouest qui structure la géopolitique intérieure de l’Algérie.

Un peu d’histoire maintenant, forcément schématique elle aussi, pour rappeler une chose : jusqu’en 1957 le Sahara ne faisait pas partie, administrativement, de l’Algérie française et il a failli ne pas faire partie de l’Algérie algérienne en 1962. En fait, entre 1848 et le milieu des années 1950, le Sahara avait un statut administratif de territoire qui n’en faisait pas une partie de la France alors que la région du nord était découpée en départements ayant le statut de départements français (par exemple, le département d’Oran portait le n° 92 en continuité avec la numérotation des départements de métropole). Au milieu des années 50 deux faits se sont conjugués pour remettre en cause cette partition et le statut particulier des territoires du sud. En février 1956, le pétrole a jailli à Edjeleh, non loin de la frontière libyenne et 6 mois plus tard à Hassi Messaoud ; au même moment on découvrait du gaz naturel à Hassi R’mel. Or la découverte et l’exploitation des richesses du sous-sol saharien a correspondu exactement avec (deuxième fait) le début de la lutte politique et militaire organisée pour l’indépendance de l’Algérie. Cette co-occurrence a suscité la crainte de la France que l’indépendance de l’Algérie entraîne la perte du Sahara, de ses richesses colossales ainsi que de ses bases d’expérimentation nucléaire. D’où la création en 1957 des « départements français du Sahara » (la France renforce sa tutelle sur le Sahara) puis le refus quelques temps plus tard de négocier leur inclusion au sein d’une future Algérie indépendante (projet d’une indépendance accordée aux départements français d’Algérie, pas aux départements français du Sahara). Ce n’est que lorsque de Gaulle a compris, en septembre 1961, que les négociations n’aboutiraient pas si le Sahara ne faisait pas partie intégrante de l’Algérie indépendante, que les négociations d’Évian ont pu aller à leur terme. On voit que l’unité nationale de l’Algérie, des rives de la Méditerranée aux rives de l’ « Afrique noire », est un fait très récent, consacré par l’indépendance algérienne.

Aujourd’hui, les régions pré-saharienne et saharienne, vastes tâches blanches sur les atlas de géographie, et aussi sur la carte mentale de la plupart des algériens, font irruption dans l’actualité de plusieurs façons : crise sociale, conflits ethniques, guerre du Sahel. L’instabilité créée par ces secousses annonce peut-être un basculement de la géopolitique intérieure de l’Algérie de l’axe est-ouest vers un axe nord-sud.

La richesse de l’Algérie vient du sud, mais elle profite surtout au nord

Chômage, exclusion sociale, misère, manque d’infrastructures, bureaucratie chronique, passe-droits, problèmes de sécurité…plus qu’au nord encore, cette situation génère dans les populations du sud le sentiment d’être marginalisées et condamnées au sous- développement. Peu nombreuses, ces populations ont un faible poids électoral ; ce que l’état ne fait pas au bénéfice du peuple algérien des villes du nord, il met encore moins de zèle à le réaliser dans les provinces du sud. A ce sentiment d’abandon s’ajoute l’expérience d’un chômage dramatique, d’autant plus dur à accepter que cette région est une des plus riches au monde en hydrocarbures et en minerais. A titre d’exemple, près de 1000 sociétés nationales et multinationales sont en activité dans la zone de Hassi Messaoud où règne un chômage endémique ; des milliers d’emplois existent mais qui profitent peu aux populations autochtones. Les émeutes du chômage se sont multipliées ces derniers mois à Hassi Messaoud, Ouargla, Laghouat…jetant dans la rue des manifestants accusant les entreprises de donner les emplois à ceux du nord : algérois, oranais, constantinois. Le mécanisme est simple, l’Institut algérien du pétrole a trois écoles de formation l’une à Boumerdès, l’autre à Oran et la dernière à Skikda, trois villes du littoral méditerranéen ; c’est donc dans le nord que sont formés et recrutés les cadres et techniciens qui viendront travailler dans le sud. Le sud est géré comme une colonie d’exploitation par le nord.

Conduits par le Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC), les manifestants du sud ne se contentent plus de vaines promesses, ils veulent du concret : un programme de développement ciblé mettant en avant les spécificités climatiques, géographiques et culturelles du Sahara, un plan de valorisation des ressources humaines de la région tant dans la Fonction publique qu’au niveau de l’industrie pétrolière, une prise en charge effective et une mise à jour des lois régissant l’emploi, la sous-traitance ainsi que l’affectation du personnel des instances de l’emploi ayant fait preuve de mauvaise gestion et de corruption. Ces revendications sont portées par des militants responsables et organisés. Les travailleurs de l’éducation, de la santé, de l’enseignement supérieur et des collectivités locales ont rejoint le mouvement de protestation. Ils réclament des primes spéciales et des indemnités pour régler le problème des inégalités sociales majeures existant entre le nord et le sud. Le sud se politise.

Dans le même temps, l’énorme frustration engendrée par cette situation précipite une partie de la jeunesse privée d’emploi et sans ressources dans les filets de plusieurs types de réseaux qui prospèrent sur ce terreau et qui sont le plus souvent interconnectés, en particulier les réseaux de la contrebande (carburants, cigarettes, drogue, voitures, armes…) et de la délinquance qui lui est associée.

Confronté à ces revendications sociales lors de son déplacement le 24 février à Illizi (près du site gazier de Teguentourine attaqué le 16 janvier) le Premier ministre Abdelmalek Sellal a avancé la thèse du complot en révélant l’existence d’un « groupuscule » qui vise à semer la division entre le nord et le sud du pays. Il n’a fourni aucune indication sur ce « groupuscule ». Mais, ce faisant, il soulevait deux questions bien présentes, elles, dans les esprits, la question du séparatisme et la question de l’insécurité extérieure, toutes deux réactivées par la guerre du Sahel.

La guerre du Sahel facteur de déstabilisation du sud algérien

Non seulement l’Algérie a plus de la moitié de son territoire immergé dans une zone de tensions religieuses, ethniques et criminelles explosives mais en plus, cette partie du sol national est son coffre fort, où sont entreposées ses principales sources de richesse. Or, avec ses deux phases successives, l’invasion du Nord Mali par Aqmi puis la reconquête par la Misma, la guerre du Mali a fait du sud algérien une région très exposée, menacée comme jamais sur le plan de sa sécurité du fait des risques de franchissement massif des frontières par les groupes armés djihadistes avec ou sans l’aide des touaregs. L’enjeu est de taille : garder au sud algérien le caractère de sanctuaire industriel qui est le sien depuis plus de cinquante ans pour le plus grand bénéfice de l’Algérie elle-même et des multinationales qui y sont installées. C’est un fait, pendant la guerre d’indépendance le FLN n’a jamais attaqué les installations pétrolières ; pendant la décennie noire les islamistes ne s’en sont pas approchés non plus ; et dans la dernière période, les narco-terroristes opérant dans la région n’ont surtout pas pris le risque de compromettre leur juteux commerce alors que depuis des années l’Algérie ferme les yeux sur leurs trafics de migrants clandestins, de cocaïne qui transite d’Amérique du Sud vers l’Afrique de l’Ouest puis à travers l’Algérie vers l’Europe, de pétrole qui descend vers le Sahel, de marchandises diverses et d’armes.

Le conflit malien risquant de rompre cet équilibre, l’Algérie s’est efforcée, dans un premier temps, de prévenir les risques de déstabilisation en prêchant et en pratiquant le dialogue et en faisant assaut de diplomatie. On lui a assez reproché son attentisme, son opposition à l’intervention militaire planifiée par les organisations internationales, et même ses efforts de conciliation. C’est ainsi qu’Alger a demandé à Bamako d’associer les Touaregs du nord dans le processus de négociations et de prendre en considération leurs revendications et, symétriquement, a obtenu de deux des groupes armés occupant le nord du Mali (Mnla et Ansar Eddine), l’engagement de cesser les hostilités et de négocier avec les autorités maliennes.

Mais à la mi-janvier l’Algérie entre ouvertement dans le conflit : le 13 janvier en ouvrant sans limite son espace aérien aux Rafale qui vont bombarder les positions d’Aqmi et du Mujao, et le 14 janvier en “fermant” sa frontière avec le Mali. La conséquence (les interprétations divergent sur cette causalité) est immédiate, le 16 janvier un commando fortement armé investit le site gazier de Teguentourine (wilaya de Illizi, près de la frontière lybienne) dans une opération organisée par le chef islamiste algérien Mokhtar Belmokhtar. C’est la première fois qu’un puits gazier ou pétrolier du sud algérien est attaqué avec succès. Les auteurs de l’attaque sont dirigés par les patrons d’al-Qaida au Maghreb islamique c’est-à-dire des Algériens, anciens membres du GIA (Groupe islamique armé) et du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat). La menace extérieure est sérieuse, et elle vient de terroristes qui ont aussi leurs partisans à l’intérieur du pays.

Rivalités ethniques et aspirations indépendantistes

Les deux sources d’instabilité signalées plus haut (les conflits sociaux et les menaces terroristes) en alimentent une troisième : la revendication identitaire.

Le discours autonomiste ou indépendantiste n’est pas absent des analyses et revendications des chômeurs de Ouargla ou de Hassi Messaoud. En fait, les velléités d’indépendance des populations du sud algérien ne sont pas nouvelles. Elles s’appuient, comme en Kabylie, sur des identités culturelles fortement ancrées et revendiquées, associées à une hostilité à l’égard du pouvoir de l’état centralisateur et répressif détenu par les arabes. D’un autre côté, la guerre au Mali commence à provoquer des tensions entre des tribus touaregs et arabes. Par exemple, à Bordj Badji Mokhtar, poste frontière algérien à la lisière du Mali, les Touaregs empêchent les membres des tribus arabes d’emprunter certaines routes situées sur leur territoire ; à l’origine de ce conflit, l’aide apportée par des chefs de tribus arabes aux forces françaises engagées dans des opérations militaires au Nord Mali et précisément dans les villes de Gao et Tombouctou, où des Touaregs ont été tués. Les Touaregs d’Algérie ne peuvent pas ignorer les liens qui les unissent aux Touaregs des autres pays sahariens, même si leurs leaders affichent une loyauté de façade à l’état-nation algérien auquel la colonisation les a intégrés. L’état algérien, qui en 1976 avait envoyé son armée contre le Maroc pour défendre le droit à l’autodétermination des sahraouis observe aujourd’hui avec inquiétude les velléités indépendantistes des populations du sud.

La synergie entre détresse sociale, tensions identitaires et risques terroristes dans le sud algérien fait de cette région un nouveau foyer d’insécurité et de menace sur l’unité nationale que l’état algérien pourrait avoir du mal à contrôler.

ROMS – NOUVELLE INTERPELLATION DES POUVOIRS PUBLICS 4 février 2013

Le Collectif Roms de Gardanne
et communes voisines
invite à une
Conférence de Presse du mardi 5 février à 11 heures
Devant la Sous-Préfecture – 24 rue Mignet – Aix-en-Provence

Début septembre dernier, le Maire de Gardanne a accepté d’accueillir sur le territoire de la Commune 11 familles Roms, représentant 62 personnes. Cet accueil s’est fait sur le « carreau » d’un ancien puits de mine, le « Puits Z », que le Maire avait préalablement fait sécuriser en urgence, et sur lequel les familles disposent du minimum décent : eau et électricité. Des « habitats mobiles » (caravanes et mobile-homes) ont plus tard été installés, grâce au concours de la Fondation Abbé Pierre.

Le Maire de Gardanne, faisant ainsi preuve d’une humanité et d’un courage politique demeurés à ce jour uniques dans le département des Bouches du Rhône, a dès ce moment indiqué clairement que le nombre de familles accueillies serait limité, même s’il a par la suite accepté d’accueillir quelques personnes supplémentaires étroitement liées aux précédentes, portant cet effectif à 80 personnes environ.

Dès l’automne, de nombreuses associations, dont celles qui étaient à l’origine de la demande d’accueil adressée au Maire de Gardanne, se sont constituées en collectif, et ont entrepris un considérable et constant travail avec les familles du Puits Z : alphabétisation et scolarisation des enfants, suivi sanitaire et social, aide matérielle (vêtements, nutrition), …

Tout ceci s’est fait en liaison étroite et en parfaite intelligence avec les services de la Mairie (CCAS, Police Municipale, Service Jeunesse), de l’Éducation Nationale (dont les membres ont accompli un travail exemplaire), des structures hospitalières et services médico-sociaux des environs, et de divers organismes caritatifs qui ont tous pris une part importante à ces actions.

Des personnes surnuméraires ont afflué au Puits Z, modestement d’abord, puis de façon plus importante récemment, suite à diverses « évacuations » sans solutions opérées dans le département, en des lieux très proches ou un peu plus lointains. Face à cette situation qu’il considérait comme « ingérable », le Maire de Gardanne a entamé une procédure en référé auprès du TGI d’Aix en Provence, lequel a rendu le 29 janvier une ordonnance accordant aux familles concernées, pour quitter le Puits Z, un délai de deux mois.

Puis, devant cette ordonnance du Tribunal, le Maire a pris le 31 janvier un arrêté municipal enjoignant aux familles Roms « surnuméraires » de quitter les lieux sous 24 heures, avec recours à la force publique si nécessaire. La Gendarmerie Nationale et la Police Municipale se sont rendues au Puits Z le 1er février pour appuyer cette injonction et, sans doute, en préparer l’exécution.

Le Collectif Roms de Gardanne n’a jamais contesté sur le fond ni le courage du Maire de Gardanne, ni la légitimité de sa volonté, clairement affichée dès le début, de limiter le nombre de personnes accueillies à Gardanne.

Le Collectif, cependant, ne peut accepter que ne soit pas appliqué en l’occurrence le principe « Pas d’expulsions sans solutions », selon une formule du candidat Hollande, aujourd’hui Président de la République.

Cette formule semble très clairement validée dans son principe général, mais aussi de façon circonstanciée, par la circulaire interministérielle du 26 août 2012 qui stipule notamment dans ses titres 2 et 3 que doivent être opéré un « diagnostic », comme le « repérage des personnes fragiles (personnes malades, jeunes enfants) » et prises des mesures telles que « préalablement à l’évacuation, le recours à l’hébergement d’urgence », « l’aménagement d’un site d’accueil provisoire » etc.

Nous rappelons en outre que, dans sa décision rendue publique le 21 janvier 2013, le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) du Conseil de l’Europe condamne fermement la France, et pour la quatrième fois, pour « violations manifestes de droits et d’accès aux droits des populations Roms ». Le gouvernement français et plus largement toutes les autorités concernées devraient donc enfin prendre des mesures concrètes et effectives pour lutter contre l’exclusion sociale des Roms et leur garantir les mêmes droits qu’à tous.

Dès la fin du mois de novembre, le Collectif Roms de Gardanne s’est adressé aux Maires de 25 communes environnantes et à divers élus locaux et nationaux, dans l’espoir que des solutions soient trouvées. Le Collectif a réitéré sa démarche avec plus d’insistance début janvier, s’adressant aux mêmes, puis à nouveau il y a quelques jours, s’adressant également au Préfet de Région et au Sous-Préfet d’Aix. Les très rares réponses que le Collectif a reçues à ce jour étaient hors sujet.

Est-il besoin de rappeler que si quelques communes des Bouches-du-Rhône acceptaient d’accueillir sur leur territoire ne serait-ce que quelques personnes, une famille, ce qui ne nécessite pas de bien grands moyens, le « problème » ne se poserait plus ?

Les familles concernées vont-elles se retrouver expulsées, comme c’est le cas général, errant dans des conditions de dénuement extrême de lieu précaire en trottoir d’où elles se feront « éjecter » sans sommation, à n’importe quel moment du jour ou de la nuit, avec peut-être les violences auxquelles nous n’avons que trop souvent assisté impuissants ?

Nous avons tenté d’attirer l’attention du Préfet sur ce qui pourrait découler d’une expulsion intervenant dans d’aussi brefs délais, particulièrement en ce qui concerne l’accompagnement sanitaire d’un certain nombre de personnes, notamment enfants en bas âge, dont certains présentant des pathologies graves, et que notre collectif a pris en charge en les accompagnant régulièrement dans les structures hospitalières d’Aix et de Marseille où ils sont suivis.

Tout le travail concernant la scolarisation des enfants, que nous avons effectué depuis des mois, chaque semaine au puits Z, se retrouverait ainsi, également, totalement annihilé.

C’est pourquoi le Collectif Roms de Gardanne interpelle une fois de plus les autorités de la République, et plus largement l’ensemble des pouvoirs publics, des collectivités locales à l’Union Européenne, pour que soit mis fin
- à des discriminations d’ordre racial et culturel,
- à des situations de misère indigne et sans issue,
- à des traitements humainement inacceptables

et que soient enfin appliqués aux Roms les principes relevant « du droit commun », notion fondamentale en démocratie, et de l’égalité républicaine, particulièrement s’agissant de ressortissants de l’Union Européenne.

Quelles solutions l’État a-t-il prévues pour l’accueil des familles qui vont quitter le Puits Z de Gardanne et, plus généralement, des populations Roms expulsées de divers lieux du département ? Quand l’État se décidera-t-il à proposer des solutions pérennes à un problème qui, pour l’essentiel, est de son ressort ?

Le Collectif demandera une entrevue à Monsieur le Sous-Préfet d’Aix en Provence, et lui remettra à cette occasion un nouveau courrier.

Gardanne, le 3 février 2013

EN MEMOIRE D’ABDELHAKIM AJIMI 10 janvier 2013

MOBILISATION À AIX-EN-PROVENCE LUNDI 14 et MARDI 15 JANVIER 2013
Devant et dans la Cour d’appel 20, place de Verdun – 13616 Aix-en-Provence

POUR MÉMOIRE

Le 9 mai 2008 à Grasse, Abdelhakim Ajimi est mort suite à son interpellation par la police. Apostrophé dans la rue, Abdelhakim Ajimi n’est ni armé, ni dangereux, ni même menaçant. Il est immobilisé par 2 agents de la Brigade Anti Criminalité (BAC), rejoints par des officiers de la police municipale et nationale. Pieds et mains menottés, ventre contre terre, Abdelhakim Ajimi subit durant 15 à 20 mns une clé d’étranglement (dont l’usage est condamné par la Cour européenne des Droits de l’Homme) associée à une importante compression thoracique et à de violents coups de poings et de pieds. Voyant l’état critique du jeune homme, des témoins tentent d’intervenir. En vain.

DES POLICIERS JUGÉS, CONDAMNÉS MAIS IMPUNIS…

Après 4 années de procédure judiciaire particulièrement pénibles pour la famille Ajimi, le procès des 7 policiers impliqués dans la mort d’Abdelhakim Ajimi s’est tenu du 16 au 20 janvier 2012. Le 24 février 2012, le verdict du tribunal correctionnel de Grasse tombait : les 7 policiers, dont l’ « inhumanité » et la « responsabilité » ont été soulignées au cours du procès, ont bénéficié de la complaisance du tribunal.

Walter Lebeaupin et Jean-Michel Moinier, les 2 agents de la BAC, ont été reconnus coupables et condamnés à des peines de 18 et 24 mois de prison pour homicide involontaire et non assistance à personne en péril sur la personne d’Abdelhakim Ajimi. Jim Manach, policier municipal, a été condamné à 6 mois de prison pour non assistance à personne en péril. Pourtant ces peines ont été prononcées avec sursis. Quant à M. Authier-Rey, A. Bekhira, B. Julien et P. Locatelli, agents de Police secours qui avaient transporté Abdelhakim Ajimi sans lui prêter assistance, tous ont été relaxés.

L’impunité est flagrante. L’absence de commune mesure entre les faits, avérés, et la condamnation a été immédiatement dénoncée par la famille Ajimi, le comité Vérité et Justice pour Abdelhakim Ajimi et leurs soutiens.

… ET TOUJOURS EN POSTE !

Par voie de presse, le 26 mars 2012, la famille Ajimi apprenait en revanche que « Les policiers de la brigade anti-criminalité de Grasse J.-M. Moinier et W. Lebeaupin [… venaient] officiellement de changer de service. Les deux agents ne font plus partie de la BAC grassoise. Toutefois, ils continueront de travailler au sein du commissariat. »

PAS D’IMMUNITÉ POUR LES POLICIERS LES 14-15 JANVIER 2013

W. Lebeaupin, J.-M. Moinier et J. Manach, condamnés par le Tribunal de Grasse à des peines de prison avec sursis, ont fait appel devant la Cour d’Aix-en-Provence. L’audience aura lieu lundi 14 et mardi 15 janvier 2013. Maître Leclerc et maître de Vita, avocats de la famille Ajimi, seront présents pour que justice soit rendue à Abdelhakim Ajimi, pour que les policiers soient redevables de leurs actes comme tout citoyen. Les séances sont publiques :

RESTONS MOBILISÉS

AUX COTÉS DE LA FAMILLE AJIMI

Comité Vérité et Justice pour Abdelhakim Ajimi

Contact : comite_hakim_ajimi@riseup.net

Lettre ouverte à M. le Président de la République française, à l’occasion de sa visite officielle en Algérie 2 janvier 2013

A l’occasion de la visite d’Etat de F. Hollande les 19 et 20 décembre en Algérie, plusieurs organisations de défense des Droits de l’Homme, françaises, algériennes et internationales ont attiré l’attention du président français sur la situation des Droits dans ce pays. Ils l’ont fait sous forme d’une lettre ouverte, intégralement reproduite dans cet Eclairage.

Lettre ouverte à M. le Président de la République française, à l’occasion de sa visite officielle en Algérie

Paris, le 17dé́cembre 2012

A l’attention de : M. François Hollande, Président de la République Française

Monsieur le Président de la République,

Vous vous apprêtez à effectuer une visite officielle en Algérie – visite qui a pour ambition de « rétablir une relation politique de confiance à la hauteur des ambitions de nos deux peuples et tournée vers l’avenir ». A cette occasion, nous, organisations signataires, souhaitons attirer votre attention sur les questions relatives aux droits de l’Homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, et aux libertés fondamentales dans le cadre des relations entre la France et l’Algérie.

Nous tenons, tout d’abord, à saluer votre décision de reconnaître le massacre, le 17 octobre 1961, de manifestants algériens, en plein cœur de Paris. Cette décision, nous l’espérons, sera suivie d’une dénonciation du système colonial et des crimes qu’il a engendrés alors, afin de permettre notamment un travail de mémoire conjoint et apaisé sur l’Histoire commune, une plus grande capacité des nouvelles générations d’origine algérienne à assumer leur citoyenneté française ainsi que l’établissement de relations normalisées entre la France et l’Algérie. Nous sommes également convaincus que le droit de vote aux élections locales accordé aux étrangers établis en France, ce qui concerne donc les Algériens y vivant, devrait contribuer positivement à cette évolution.

Monsieur le Président, parmi les « 60 engagements » de votre projet présidentiel, vous vous promettez de « [développer] la relation de la France avec les pays de la rive sud de la Méditerranée sur la base d’un projet économique, démocratique et culturel […] en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité » . Cette visite officielle en est une première étape. Nos organisations croient que cette « relation de confiance » que vous souhaitez développer pendant votre présidence avec les autorités algériennes doit se faire au bénéfice de certains progrès en matière de droits de l’Homme et des libertés démocratiques, ainsi que de tous les acteurs de la société civile indépendante en Algérie.

Or, depuis l’annonce des réformes politiques en avril 2011, la répression à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et des militants syndicaux n’a fait que s’amplifier en Algérie. En contradiction avec la Constitution du pays et les conventions internationales que l’Algérie a ratifiées, le harcèlement judiciaire à l’égard de défenseurs des droits de l’homme et de militants syndicaux, la répression policière, l’interdiction injustifiée de manifestations et réunions publiques, le recours à des pratiques administratives abusives entravant la création et le fonctionnement des associations et des syndicats autonomes élèvent des obstacles considérables à l’action de la société civile algérienne. Plusieurs lois promulguées en janvier 2012 et présentées comme des “réformes démocratiques” sont en réalité une régression des libertés publiques, en particulier la loi n° 12-06 qui rend plus difficile la création, le financement et le fonctionnement quotidien des associations et la loi n° 12-05 sur l’information qui entrave l’indépendance des journalistes et la liberté d’opinion et de publication. Par ailleurs, plusieurs demandes de création de nouveaux syndicats autonomes dans différents secteurs se heurtent à un refus d’enregistrement non motivé. De plus, l’impunité des auteurs de disparitions forcées et d’autres violations graves et massives des droits de l’Homme commises durant les années 90 reste toujours de mise, malgré les nombreuses condamnations formulées par différents organes du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies.

À l’occasion de votre visite, nos organisations vous demandent d’inclure en priorité, dans toute négociation avec les autorités algériennes, la question du respect et de l’application réelle des conventions internationales relatives aux droits de l’Homme ainsi que des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), ratifiées par l’Algérie. A cet égard, nous tenons également à vous faire part des obstacles à la délivrance de visas que nos organisations comme d’autres organisations internationales des droits de l’Homme ou syndicats étrangers rencontrent et qui ont pour effet d’entraver le travail sur le terrain avec les organisations algériennes. Nous croyons, par ailleurs, que la France serait mieux entendue si elle cessait de pratiquer une politique entravant la liberté de circulation des algériens à l’intérieur de ses frontières, comme dans les autres pays européens. Ces entraves qui touchent tous les secteurs de la population sont ressenties comme autant de manifestations de mépris. Enfin, nos organisations vous invitent, Monsieur le Président, à saisir l’occasion de votre visite pour rencontrer la société civile afin d’entendre l’intense aspiration démocratique des Algériennes et des Algériens. Nous espérons que celle-ci sera en outre l’occasion de mettre en place des mécanismes qui permettent de consulter et d’associer la société civile indépendante des deux pays au renouveau de la coopération entre la France et l’Algérie.

Confiants de l’attention que vous voudrez bien porter à notre requête, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

Signataires :

M. Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH)

Mme Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)

M. Michel Tubiana, président du Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme (REMDH)

M. Halim Derbal pour le Bureau de l’association Agir pour le Changement Démocratique en Algérie (ACDA)

Mme Nassera Dutour, porte-parole du Collectif des familles des disparu(e)s en Algérie (CFDA)

M. Stéphane Enjalran, président du Comité International de Soutien au Syndicalisme Autonome Algérien (CISA)

Me Noureddine Benissad, président de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH)

M. Rachid Malaoui, président du Syndicat National Autonome du Personnel de l’Administration Publique (SNAPAP)

Me Amine Sidhoum, coordinateur du Réseau des Avocats pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDH)