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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives de l'auteur : psenegas

Pour un respect de l’Etat de droit en matière de verbalisations/amendes 14 avril 2020

Lettre ouverte de plusieurs organisations, dont la LDH, et avocats au Premier ministre, au ministre de l’Intérieur et au secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur

Objet : demandes pour un respect de l’Etat de droit en matière de verbalisations/amendes, suite à l’appel au discernement des forces de l’ordre.

Monsieur le Premier ministre,

Nous, associations, syndicats, avocats, vous écrivons à la suite de votre audition le 1er avril devant la mission d’information parlementaire sur l’impact, la gestion et les conséquences de l’épidémie de Coronavirus Covid-19 à l’Assemblée nationale. Vous avez alors appelé les forces de l’ordre à « faire preuve de discernement » dans leur mission de contrôle du respect des mesures de confinement et la constatation des infractions dont découlent des amendes. Nous saluons cet appel, mais constatons qu’il ne suffira pas à prévenir les abus, déjà constatés par nos organisations.

Le 27 mars dernier, 22 organisations de la société civile alertaient le ministre de l’Intérieur sur l‘existence de plusieurs vidéos et témoignages faisant apparemment état de contrôles abusifs et de violences par les forces de police. Ces organisations ont alors appelé « le ministre de l’Intérieur et le directeur général de la Police nationale à veiller à ce que le maintien de l’ordre et les opérations de contrôle dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 ne donnent pas lieu à des abus ».  

Une semaine plus tard, nous constatons que les témoignages de contrôles et verbalisations abusifs se multiplient. Ceux-ci font aussi état de manquements aux gestes barrières de la part des forces de l’ordre, qui ne sont par ailleurs pas dotées de gants et de masques de protection et ne respectent pas toujours la distance de sécurité, ce qui met en péril la santé des personnes contrôlées et des forces de l’ordre.

De nombreux citoyens déplorent aussi les conditions et motifs de leurs verbalisations. Nombre d’amendes résultent d’interprétations erronées ou excessives des consignes gouvernementales par les forces de l’ordre. Alors que les forces de l’ordre n’ont pas le droit de procéder à une inspection visuelle des sacs (et encore moins à une fouille), des verbalisations sont effectuées selon une interprétation arbitraire de la notion de « première nécessité », dont la vérification n’est pourtant pas permise par les textes. De même, en violation du secret médical, des policiers apprécient la nécessité ou non de se rendre chez un médecin ou dans une pharmacie. 

Pour n’en citer que quelques exemples, parmi ceux qui ont afflué ces derniers jours sur les réseaux sociaux et dans les médias :
– Le 26 mars, à Aulnay-sous-bois (93), un homme en possession d’un laisser-passer, l’autorisant à circuler en permanence en Ile-de-France, ainsi que d’une attestation dérogatoire de déplacement, a pourtant été verbalisé au motif qu’il avait oublié d’indiquer son année de naissance sur son attestation dérogatoire. Si l’on ajoute que cet homme affirme avoir aussi fait l’objet d’insulte à caractère raciste, il est permis de s’interroger sur la motivation réelle de sa verbalisation.
– Le 30 mars à Paris (75), un homme a écopé d’une amende de 200 euros au motif qu’il n’avait pas recopié tous les motifs de sa sortie, sur son attestation sur papier libre.
Pour un plus large aperçu, nous vous invitons à consulter ce site qui compile un nombre déjà très conséquent de récits de ce type.

Une partie des difficultés rencontrées par les personnes, qui s’estiment injustement verbalisées, tient en particulier au fait que la liste des motifs dérogatoires justifiant des déplacements, ouvre la voie à des interprétations hétérogènes de la part des fonctionnaires de police. Nous en voulons pour preuve l‘interprétation très inégale de ces autorisations de sortie selon les territoires et selon les agents des forces de sécurité. Il apparaît donc important d’encadrer le pouvoir d’appréciation des fonctionnaires de police en ce qui concerne ces autorisations de sortie.

Ces faits nous inquiètent d’autant plus que les voies de recours contre les amendes forfaitaires restent largement opaques et complexes pour les citoyens, que la preuve contre les constatations d’un procès-verbal ne peut être apportée que par écrit ou par témoin. Cela rend la contestation en justice d’autant plus illusoire que le nombre de témoins potentiels est limité et que la réitération de verbalisations – quand bien même seraient-elles abusives – est susceptible désormais d’entraîner des poursuites pour délit pénal. 

Conscients de l’ampleur et de la gravité de la crise sanitaire actuelle, nous savons que l’exercice demandé aux forces de l’ordre est délicat et que la mission qui leur est assignée est difficile. Mais nous rappelons que l’état d’urgence sanitaire ne doit pas être en rupture avec l’Etat de droit et ne saurait justifier des contrôles discriminatoires ni un recours à la force injustifié ou disproportionné par les forces de l’ordre. Cela ne justifie pas non plus des sanctions disproportionnées, l’absence d’un procès équitable ou d’un mécanisme de recours efficace.

Il nous semble urgent que le ministère de l’Intérieur rappelle aux policiers en charge des contrôles que ces opérations doivent s’opérer dans un cadre strictement légal, sans discrimination ni arbitraire. 

Nous vous demandons dans l’intérêt de tous – citoyens et policiers – de bien vouloir apporter au plus vite des précisions concrètes quant aux motifs dérogatoires de déplacement et de donner aux forces de sécurité des instructions précises quant à leur application. 

Il nous semble par ailleurs urgent de repenser les modalités de recours et de contestation contre les amendes abusives, compte tenu de l’extrême difficulté à apporter la preuve contraire en dépit d’une utilisation arbitraire de la verbalisation. Le gouvernement doit aussi préciser comment ces recours seront examinés avec l’urgence que la situation requiert. La pratique nous enseigne que beaucoup d’officiers du ministère public ne traitent pas à temps les contestations, de sorte que les amendes sont automatiquement majorées après 45 jours, en dépit de l’effet suspensif de leur réception. Par ailleurs, l’articulation des dispositions relatives à la possibilité de contester une amende forfaitaire (45 jours doublés depuis l’ordonnance 2020-303 du 25 mars 2020) et celles de l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique qui prévoient que les faits sont susceptibles, en cas de trois verbalisations dans un délai de trente jours, d’être un délit, apparaît hautement problématique, puisque la personne concernée pourra être condamnée à une peine d’emprisonnement, le cas échéant en comparution immédiate, et ce alors que le délai de recours contre les premières infractions constatées n’est pas expiré, se voyant donc privée d’un droit à un recours effectif. Ces garanties juridiques sont indispensables dans un État de droit. 

Vous remerciant de l’attention que vous accorderez à ce courrier, nous espérons que vous saurez prendre rapidement les mesures qui s’imposent afin de garantir le respect des droits de toutes et tous. 

Nous restons à votre disposition pour toute information complémentaire sur ces sujets, et vous prions d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre haute considération,

Paris, le 10 avril 2020

Les signataires :

Associations et Syndicats : ACAT-France – Action droits des musulmans
– Collectif Contre l’islamophobie en France – Ligue des droits de l’Homme
– Syndicat des avocats de France – Syndicat de la magistrature

Les avocat-es : Me Nabila Asmane – Me Slim Ben Achour – Me Nabil Boudi
– Me William Bourdon – Me Vincent Brengarth – Me Emmanuel Daoud
– Me Emma Eliakim – Me Adelaïde Jacquin

Télécharger la lettre au format PDF

Source: Pour un respect de l’Etat de droit en matière de verbalisations/amendes

Usage de la force, placement en garde à vue, fouilles, et nouveau délit lié au non respect du confinement 14 avril 2020

Dans le contexte de crise sanitaire actuelle, les autorités françaises ont adopté des mesures de confinement destinées à freiner la pandémie de Covid-19. Le Parlement a voté une loi habilitant le gouvernement à agir par ordonnances et à prendre diverses restrictions dans le cadre d’un état d’urgence sanitaire. Des restrictions de circulation ont notamment été édictées pour faire face à cette situation exceptionnelle.

Cependant, l’absence de précision du cadre légal entourant les missions de contrôle des forces de l’ordre comporte des risques évidents de décisions arbitraires et de recours disproportionnés à la force. La LDH alerte et dénonce ces réactions disproportionnées des forces de l’ordre dans le cadre de leurs missions de contrôle des déplacements quotidiens [lien vers le CP]. Elle met également à votre disposition des précisions sur le cadre légal qui entoure l’action des forces de l’ordre, même en temps de confinement.

 

L’usage de la force…

Il convient de rappeler que, même dans la situation actuelle, la police et la gendarmerie ne peuvent recourir à la force qu’en cas de légitime défense (art. 122-5 du code pénal), lorsqu’un danger actuel ou imminent nécessite un acte (strictement proportionné) destiné à protéger le bien ou la personne en danger (art. 122-7 du code pénal), ou dans le but de maîtriser une personne lors d’une interpellation (art. 73 du code de procédure pénale). En outre, les forces de l’ordre ne peuvent faire usage de leurs armes qu’« en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée » (art. L.435-1 du code de la sécurité intérieure).

Par ailleurs, en matière contraventionnelle, l’article 73 du code de procédure pénale ne permet pas de recourir à l’emploi de la force. De façon générale, les dispositions relatives à la déontologie des forces de l’ordre, et notamment l’article R. 434-18 du code de sécurité intérieure, rappellent que « [l]e policier ou le gendarme emploie la force dans le cadre fixé par la loi, seulement lorsque c’est nécessaire, et de façon proportionnée au but à atteindre ou à la gravité de la menace, selon le cas ». Seule la rébellion (faire de grands gestes, se débattre), qui est un délit passible d’emprisonnement, peut conduire à placer la personne en garde à vue.

Dès lors, les comportements violents de certains agents, par agression physique sans nécessité apparente, parfois avec usage de gaz lacrymogènes, peuvent s’avérer incompatibles avec le cadre légal et les règles de déontologie en vigueur.

 

Le placement en garde à vue

De manière générale, pour connaître vos droits en garde à vue : consultez la fiche “Nos droits” dédiée [Lien].
Attention, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, votre droit à un avocat peut se limiter à un échange par visioconférence ou téléphone, conditions dans lesquelles les garanties de confidentialité sont difficilement applicables. De plus, nombre de Barreaux ne désignent plus d’avocat de permanence : en conséquence, l’assistance d’un avocat n’est possible que si vous en choisissez un (à vos frais) et que ce dernier accepte les modalités de communication mises à disposition. Par ailleurs, en cas de prolongation de garde à vue, vous ne serez pas présenté au procureur de la République. A noter que si le droit à voir un médecin demeure inchangé, il semble que dans la pratique ce ne soit pas systématiquement le cas – peut-être parce qu’il y a un manque de médecins disponibles, mais il faudrait alors questionner le risque pour les personnes à être placées en garde à vue, dans des conditions particulièrement dangereuses aujourd’hui.

Dans le contexte actuel, une mise en garde à vue qui serait uniquement fondée sur une instrumentalisation du délit de mise en danger d’autrui (art. 223-1 du code pénal), est irrégulière.

Cette infraction est caractérisée par « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement », aux seules fins de placer des personnes en garde à vue.

La Cour de cassation rappelle, par une jurisprudence constante, que le simple non-respect d’une interdiction contraventionnelle ne permet pas de retenir l’infraction de mise en danger d’autrui, s’il n’existe pas au surplus la démonstration d’un comportement particulier, exposant autrui à un risque concret et immédiat de mort. Or, le fait de ne pas pouvoir présenter une « attestation de déplacement dérogatoire » (fait sanctionné par une contravention de la 4e classe) ou de l’avoir mal rédigée ne saurait être considéré comme entraînant en soi un risque concret et immédiat de mort. Le défaut d’attestation ne crée en lui-même aucun risque. Et le non-respect de règles générales de prudence ne permet pas de sanctionner pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui.

A supposer même que le non-confinement soit retenu comme violation de l’obligation particulière, cet acte n’expose pas directement autrui à un risque immédiat de mort. Enfin, dans le cadre de ce délit précis, il convient d’ajouter que la tentative n’est pas punissable.

Dans ces conditions, le recours à cette qualification délictuelle étant abusif, ses conséquences juridiques, et notamment le placement en garde à vue, s’avèrent tout autant illégales. Selon l’article 62 du code de procédure pénale, on ne peut placer en garde à vue qu’une personne contre laquelle il existe au moins une raison plausible « de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement » : tel n’est pas le cas d’une personne qui n’a commis qu’une contravention, celle-ci ne pouvant pas être le support du délit de mise en danger de la vie d’autrui.

Il convient par ailleurs de rappeler que les forces de l’ordre sont tenues de désobéir lorsqu’un ordre manifestement illégal leur est donné (art. 122-4 du code pénal), sauf à commettre l’infraction de privation de liberté par personne dépositaire de l’autorité publique (art. 432-4 du code pénal). Le supérieur hiérarchique qui validerait ce détournement de procédure se rendrait en outre complice de ce délit. La circulaire d’application des nouveaux textes a précisé que ce délit ne convenait pas à la situation.

Si les enjeux actuels sont graves, et peuvent nécessiter des interdictions de déplacement, les mesures et sanctions prises doivent demeurer légales, proportionnées et dictées par une « approche fondée sur les droits de l’Homme pour réguler cette pandémie » .

Actuellement, la loi du 23 mars 2020 a créé un nouveau délit de “violation réitérée du confinement” (art. L.3136-1 du code de la santé publique), passible d’emprisonnement, qui permet de placer une personne en garde à vue. Il n’est pas applicable tant que vous n’avez pas déjà fait l’objet de verbalisation pour contravention au moins trois fois en un mois. Attention, l’outrage ou la rébellion (faire de grands gestes, se débattre…) contre les forces de l’ordre suffisent pour placer quelqu’un en garde à vue.

 

Un nouveau délit : la violation réitérée du confinement

Il a créé, dans la nuit du 22 au 23 mars 2020 un nouveau délit en cas de répétition de quatre contraventions dans le délai d’un mois. Il faut préciser que dès la 2e violation dans les 15 jours, des règles éditées par le gouvernement ou le préfet, l’amende passe à 1500€ (5e classe ou, si la procédure d’amende forfaitaire est choisie, à 200€). A partir de la 4e verbalisation dans un délai d’un mois, les faits sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3750€ d’amende, ainsi que (éventuellement) de la peine complémentaire de travail d’intérêt général et celle de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule. Si l’imprécision des obligations actuelles donne déjà tout pouvoir à l’arbitraire policier, celles-ci sont appelées à se multiplier du fait de l’état d’urgence sanitaire.

 

L’inspection visuelle, la fouille des bagages, de vos sacs ou de vos poches

Dans le cadre du confinement, un déplacement pour faire ses achats de première nécessité est possible. Dans ce contextes, les forces de l’ordre peuvent-elles inspecter vos sacs ou fouiller vos sacs pour le vérifier et décider ensuite de vous verbaliser en cas de non-respect des règles de confinement ?

Les règles de confinement pendant la pandémie du Covid-19 ne modifient pas les règles applicables de procédure pénale en matière d’inspection visuelle ou de fouille. Il doit être rappelé que ce que vous portez sur vous ou dans vos sacs relève de votre sphère intime : une inspection visuelle ou une fouille sont des atteintes à votre droit à la vie privée, et celle-ci est protégée par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Bien entendu, les policiers peuvent avoir le droit de procéder à ces inspections visuelles ou à des fouilles, mais seulement en respectant les règles de procédure pénale, dans deux cas de figure.

Il n’est possible de pratiquer une inspection visuelle / fouille qu’en police judiciaire :

1/ L’inspection visuelle / fouille est effectuée sur réquisition du procureur pour une durée maximale de 24 heures dans un périmètre délimité.

La réquisition ne peut concerner que la recherche de certaines infractions précisées et le Conseil constitutionnel a précisé que, pour éviter tout détournement de procédure, le procureur doit mentionner les raisons qui justifient de tels contrôles à tel lieu et tel jour. En outre, le procureur ne peut pas cumuler des réquisitions. Notons toutefois que les policiers ne sont pas tenus de vous présenter la réquisition.

Autrement dit, si le policier ou le gendarme vous demande d’ouvrir votre sac, vous pouvez refuser sauf s’il vous dit agir sur réquisition. Mais lorsque vous recevrez votre avis de contravention, vous devrez la contester. Deux hypothèses :

  • soit l’avis de contravention fait mention de la réquisition et vous la contesterez sur le fondement de la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel,
  • soit la contravention ne fait pas mention de la réquisition et vous la contesterez sur le fondement de l’illégalité de la fouille (voir ci-dessous).

Notons en conclusion, qu’il est fort peu probable que les patrouilles vous demandent d’ouvrir votre sac sur réquisition.

 

2/ Il s’agit d’une inspection ou fouille classique, d’enquête de police judiciaire.

Une fouille des bagages, des sacs ou de vos poches, relève, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, des règles relatives à une perquisition.

Autrement dit, elle n’est possible que si elle est effectuée (conditions cumulatives) :

  • Par un officier de police judiciaire (OPJ) : le nom et le grade de l’agent seront indiqués sur le procès-verbal de contravention qui constate la violation des règles de confinement, de sorte que si ce n’est pas un OPJ, vous aurez tout intérêt à contester la contravention par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception devant le procureur de la République, en faisant valoir que la constatation résulte d’une fouille illégale.
  • Devant vous : il arrive que plusieurs policiers vous contrôlent en même temps et qu’un seul s’empare de votre sac pour en vérifier le contenu, caché par la présence des deux autres. La fouille n’étant pas faite devant vous, refusez de remettre les « objets représentés » et vous contesterez la contravention pour violation des règles de fouille.
  • En flagrance : selon l’article 53 CPP, combiné aux pouvoirs de « fouille », il n’y a flagrance que si le policier peut vous reprocher au moins un délit passible d’emprisonnement (ou un crime). Il n’est donc pas possible de procéder à une fouille pour une simple contravention.

Il faut ensuite que le policier puisse démontrer qu’il existe un indice objectif apparent d’un crime ou d’un délit passible d’emprisonnement en train de se commettre ou qui vient de se commettre. C’est possible si, à l’issue d’une palpation de sécurité lors d’un contrôle d’identité, le policier sent au toucher, par exemple, la forme d’une arme. Or, le fait que vos achats correspondent ou non à des objets de première nécessité n’est pas déterminable à la palpation.

Donc, il n’est pas possible de vous fouiller d’office (ni même d’inspecter votre sac).  Pour contourner cet obstacle de l’impossibilité d’agir en flagrance, les policiers demandent souvent à la personne ciblée, d’ouvrir elle-même son sac ou de sortir les objets de ses poches. Ainsi, la vue des objets incriminants peut permettre d’obtenir l’indice objectif apparent du délit passible d’emprisonnement en train de se commettre (exemple : de la résine de cannabis).

Dans ce cas, vous avez accepté l’inspection visuelle et les policiers peuvent agir ainsi en enquête préliminaire. Cependant, outre le fait que les agents sont censés indiquer sur leur procès-verbal pourquoi ils vous ont ciblé, ils devraient également vous faire signer un papier les autorisant à vous demander d’ouvrir votre sac.

Pouvez-vous vous y opposer ? Oui. Bien entendu en restant poli, courtois et en ne vous énervant pas (pour ne pas risquer des poursuites pour outrage ou rébellion). Mais le problème vient qu’actuellement, le rapport de force prévaut et les policiers risquent de vous emmener en garde à vue ou en vérification d’identité et sans témoin, il va être compliqué de vous défendre, notamment d’accusations de rébellion ou d’outrage. Nous devons tous demander, en tant que citoyennes et citoyens, d’autres types de relations police-population fondées sur la confiance et non sur l’arbitraire et l’autoritarisme.

Ne pas oublier : il n’est possible de contester les mentions d’un procès-verbal de contravention que par témoin ou par écrit.

 

L’achat de produits de première nécessité et la verbalisation

Un policier ou un gendarme a-t-il le droit de déterminer ce qui est de première nécessité ou pas ? Evidemment non. Il n’existe d’ailleurs pas de définition dans le décret de ce qu’est un produit de première nécessité, de sorte qu’une contravention qui se fonderait sur l’absence de nécessité première du bien acheté pourrait être contestée, pour absence de prévisibilité de l’infraction, en violation du principe de la légalité des délits et des peines.

Le décret décide des établissements qui doivent rester fermés et ceux qui restent ouverts ; dès lors, un policier n’a pas à décider de ce que vous pouvez acheter dans ces commerces ou non.

Le fait que les plus hautes autorités acceptent ce contrôle inconstitutionnel est un encouragement à l’arbitraire et donc une brèche supplémentaire dans l’Etat de droit.

Analyse juridique produite par l’Observatoire parisien des libertés publiques.

Télécharger aussi le guide pratique sur les contestations des contraventions relatives aux règles de confinement, réalisé par l’Observatoire parisien des libertés publiques.

 


Source: Usage de la force, placement en garde à vue, fouilles, et nouveau délit lié au non respect du confinement

7 avril 2020 – Tribune collective “Sans-logis : l’Etat abandonne les populations les plus précaires ” publiée dans Libération 9 avril 2020

Tribune collective signée par la LDH

Après le rejet du Conseil d’Etat saisi en urgence par plusieurs associations dont la LDH, les pouvoirs publics continuent d’ignorer la nécessité de l’accompagnement social, sanitaire et juridique d’une partie de la population délaissée face à la pandémie. (…)

Demain, à quoi ressemblera notre monde ? La grande majorité d’entre nous se pose cette question et ne voit d’autre issue que de replacer la question des inégalités au centre des réflexions collectives, des décisions politiques et de l’action publique. Vu l’insuffisance manifeste des réponses apportées par l’Etat face à un risque sanitaire établi, nous refusons que demain soit la même chose qu’hier. Nous refusons que, demain, les pouvoirs publics continuent d’ignorer la nécessité de l’accompagnement social, sanitaire et juridique d’une partie de la population et nous continuerons à exiger le respect des droits des exilés et des personnes précarisées. Surtout, nous n’oublierons pas que, malgré une pandémie mondiale, la plus haute juridiction administrative se soit résolue à valider l’abandon, par le gouvernement, des personnes les plus précaires.

Signataires : la Ligue des droits de l’Homme (LDH), l’Action chrétienne pour l’abolition de la torture (Acat), Utopia 56, Droits d’urgence, Kâlî, le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti).

Lire la tribune sur Libération

 

Source: 7 avril 2020 – Tribune collective “Sans-logis : l’Etat abandonne les populations les plus précaires ” publiée dans Libération

La crise sanitaire ne justifie pas d’imposer les technologies de surveillance 9 avril 2020

Communiqué de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN), dont la LDH est membre

Chacune des crises qui ont marqué le 21e siècle ont été l’occasion d’une régression des libertés publiques. Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont vu l’Europe adopter la Directive sur la rétention des données de connexions électroniques et l’obligation faite aux opérateurs de stocker celles de tous leurs clients. Les attentats terroristes qui ont touché la France en 2015 ont permis le vote sans débat de la loi renseignement. Ils ont aussi entraîné la mise en place de l’état d’urgence dont des mesures liberticides ont été introduites dans le droit commun en 2017.

La pandémie de Covid-19 menace d’entraîner de nouvelles régressions : discriminations, atteintes aux libertés, à la protection des données personnelles et à la vie privée…

Pour surveiller l’évolution de la pandémie, tenter d’y mettre fin et organiser la fin du confinement, les gouvernements de plusieurs pays européens proposent d’utiliser des outils numériques basés sur l’utilisation des données des téléphones portables en prenant exemple sur plusieurs pays d’Asie qui ont subi l’épidémie avant l’Europe (Chine, Corée du Sud, Taïwan, Singapour).

Deux logiques sont en œuvre :

  • géolocaliser les populations et vérifier qu’elles respectent le confinement ;
  • signaler aux personnes qu’elles ont pu être en contact avec des malades Covid-19.

En France, le 8 avril, le gouvernement a indiqué travailler sur une application pour téléphone portable, téléchargeable à titre volontaire, permettant que « lorsque deux personnes se croisent pendant une certaine durée, et à une distance rapprochée, le téléphone portable de l’un enregistre les références de l’autre dans son historique. Si un cas positif se déclare, ceux qui auront été en contact avec cette personne sont prévenus de manière automatique »[1].

Pistage des contacts (contact/backtracking)

Il est envisagé d’utiliser pour cela le Bluetooth, qui permet à deux appareils, comme des téléphones portables, de se connecter lorsqu’ils sont à proximité[2]. Une application à installer (volontairement ou pas) permet aux porteurs du Covid-19 de se signaler pour que les personnes ayant été à leur proximité soient informées sur leur téléphone portable qu’elles ont peut-être été en contact avec un porteur du virus, et qu’elles devront à leur tour rester confinées pour limiter la chaîne de contamination.

Quels sont les risques et les garanties nécessaires ?

Le président de la République ayant déclaré que nous étions en guerre contre le virus, les mesures de restrictions des libertés nous sont présentées comme autant d’armes légitimes contre la pandémie.

Néanmoins, les utilisations envisagées de nos données personnelles (applications utilisant le Bluetooth pour le suivi des contacts) ou déjà mises en œuvre (géolocalisation) constituent une grave atteinte à nos libertés et ne sauraient être autorisées sans notre consentement.

Pour que des données aussi sensibles puissent être utilisées légalement, nous devrions être informés du moment où ces données sont anonymisées, notre consentement devrait nous être demandé, des informations faciles à lire et à comprendre devraient nous être fournies pour permettre un consentement libre spécifique et éclairé. Des garanties devraient également être fournies sur les techniques utilisées pour rendre impossible leur ré-identification.

Concernant les applications de suivi des contacts, elles sont présentées comme peu dangereuses pour les données personnelles puisqu’il y aurait peu de collecte des données, mais surtout des connexions par Bluetooth d’un téléphone à un autre. C’est oublier que la notion de consentement libre, au cœur des règles de la protection des données, est incompatible avec la pression patronale ou sociale qui pourrait exister avec une telle application, éventuellement imposée pour continuer à travailler ou accéder à certains lieux publics, ou encore que l’activation de ce moyen de connexion présente un risque de piratage des données du téléphone et qu’il existe de nombreuses applications prévues pour scanner en continu les appareils Bluetooth autour de soi. Il est par ailleurs bien évident que l’efficacité de cette méthode dépend du nombre d’installations (volontaires) par les personnes, à condition bien sûr que le plus grand nombre ait été dépisté. Si, pour être efficaces ces applications devaient être rendues obligatoires, « le gouvernement devrait légiférer » selon la présidente de la Cnil[3]. Mais on imagine mal un débat parlementaire sérieux dans la période, un décret ferait bien l’affaire ! Et qui descendra manifester dans la rue pour protester ?

L’atteinte au secret médical, à la confidentialité des données de santé est aussi en cause car ces applications présentent une possibilité d’identifier les malades et de les stigmatiser. Et qu’en sera-t-il de toutes les personnes qui n’auront pas installé l’application, seront-elles soupçonnées d’avoir voulu cacher des informations ?

Quant à celles qui ne possèdent pas de téléphone portable, elles risquent de subir une discrimination supplémentaire. Selon le Credoc, seulement 44 %  des “plus de 70 ans” possèdent un téléphone portable tandis que 14 % des Français ont des difficultés pour passer des appels ou envoyer des SMS[4]. De là à installer une application et en comprendre les alertes… Faudra-t-il les équiper d’un bracelet ou autre appareil électronique ? 

Dès lors, l’atteinte au respect de la vie privée et au secret médical est susceptible d’être disproportionnée compte-tenu de l’inefficacité de la mesure en matière de santé publique.

En matière de lutte contre la pandémie et notamment de fin de confinement, il semble que le gouvernement tente de masquer ses manques et ses erreurs avec des outils technologiques présentés comme des solutions miracles. Et alors que leur efficacité n’a pas été démontrée, les dangers pour nos libertés sont eux bien réels.

Organisations signataires membres de l’OLN : Cecil, Creis-Terminal, Globenet, Ligue des droits de l’Homme, La Quadrature du Net (LQDN), Syndicat de la Magistrature.

Paris, le 8 avril 2020

[1]https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/08/stopcovid-l-application-sur-laquelle-travaille-le-gouvernement-pour-contrer-l-epidemie_6035927_3244.html
[2]Technologie de réseaux sans fils d’une faible portée (10 à 100 mètres…) permettant de relier des appareils entre eux sans liaison filaire. Ils sont capables de se détecter sans intervention de l’utilisateur s’ils sont à portée l’un de l’autre.
[3]Interview par l’AFP de la présidente de la Cnil, Marie-Laure Denis le 4 avril 2020
Question : Le gouvernement a-t-il la possibilité d’imposer ce type d’app, ou d’autres app visant à imposer le respect du confinement ?
Réponse : En France, les pouvoirs publics ont exclu à ce jour l’éventualité d’un recours à un dispositif obligatoire.
S’il devait en aller autrement, il serait nécessaire d’adopter un texte législatif pour mettre en œuvre ces dispositifs qui devraient en tout état de cause démontrer leur nécessité pour répondre à la crise sanitaire ainsi que leur proportionnalité par un respect des principes de la protection des données personnelles : la  minimisation des données collectées, des finalités qui doivent être explicitées et précises, un caractère provisoire…
[4]https://www.credoc.fr/publications/barometre-du-numerique-2019


Source: La crise sanitaire ne justifie pas d’imposer les technologies de surveillance

H&L numéro 189 9 avril 2020

éditorial

Du risque sanitaire
aux risques démocratiques
Malik Salemkour Lire l’article

Actualité

L’engagement des enseignants : une culture conflictuelle en mutation
Laurent Frajerman
Lire l’article

Antisémitisme : une résolution controversée
Michel Tubiana Lire l’article

(Re)penser l’intégration
pour créer un monde commun
Entretien avec Marie-José Bernardot

Rendre effective
la réinsertion des personnes détenues
Antoine Dulin

Lutter contre la pollution
de l’air… et les inégalités
Nino Künzli

Association Josette et Maurice-Audin : mémoire vive
Pierre Mansat

monde

– Chili : « Du mal-être
à la rage »

Entretien avec Franck Gaudichaud Lire l’article

Guinée : la prison, prix à payer des « anti-3e mandat »

Entretien avec Abdourahmane Sano

Nouvelle Commission, nouveau Parlement,
pour quelle UE ?

Jan Robert Suesser Lire l’article













Source: H&L numéro 189

demandons des mesures contraignantes pour assurer la protection de tous les MNA dans le contexte de l’épidémie du Covid-19 9 avril 2020

Communiqué et lettre ouverte de plusieurs organisations, dont la LDH

36 Associations et syndicats s’associent à 88 avocats d’enfants et adressent une lettre ouverte au Premier Ministre pour l’alerter sur la situation dramatique de nombreux mineurs isolés qui, malgré les mesures prises par le gouvernement, continuent à être laissés sans protection.

Les obstacles à l’accès à une protection effective pour les mineurs isolés existaient avant la crise sanitaire, ils perdurent aujourd’hui. Les quelques mesures prises ces derniers jours et les recommandations adressées aux conseils départementaux ne suffisent pas à préserver tous les enfants de la rue lors des différentes étapes de leur parcours. Les nombreux exemples cités dans la lettre démontrent que :

  • certains départements continuent de leur refuser l’accueil provisoire d’urgence lorsqu’ils se présentent pour demander une protection, en violation de la loi.
  • d’autres mettent fin à leur prise en charge après avoir remis en cause leur minorité.
  • des ordonnances de placements provisoires prises par les juges des enfants ne sont pas exécutées.
  • les enfants et adolescents dont la minorité a été contestée avant la crise doivent survivre dans la rue, des campements ou des squats et sont exposés à tous les dangers.

 

L’épidémie de Covid-19 renforce immanquablement les risques rencontrés par ces jeunes dont l’état de santé est déjà fragilisé : impossibilité de respecter les mesures de confinement, accès insuffisants à l’alimentation, à l’hygiène et à l’eau, carences d’informations adaptées sur les gestes barrières et les précautions à prendre, difficultés d’accès aux soins.

Les conditions indignes dans lesquelles ils vivent les fragilisent face au Covid-19. La crise sanitaire les prive, en grande partie, du soutien que leur fournissaient les associations et les permanences juridiques, elle rend impossible l’accès à certains services administratifs et à de nombreux tribunaux pour enfants. Rien n’est prévu pour les jeunes qui présentent une forme non aggravée du Covid-19 et doivent faire l’objet d’un suivi médical et d’un confinement individuel, les centres dits « de desserrement » étant réservés aux majeurs.

Des solutions existent pourtant afin d’imposer aux départements le respect de leurs obligations en matière d’accueil provisoire et pour garantir la protection effective des enfants et adolescents dont ils ne reconnaissent pas la minorité. Nous sommes conscients de la difficulté qu’il y a à organiser la réponse publique, en cette période de crise qui touche l’ensemble des secteurs sociaux. Certaines mesures en faveur des personnes vulnérables ont d’ores et déjà pu être prises. Elles restent cependant quasi inexistantes pour les mineurs et jeunes majeurs isolés.

Nous proposons dans cette lettre ouverte une série de mesures immédiates à prendre afin qu’aucun enfant, que ce soit durant l’état d’urgence sanitaire ou une fois cet état levé, n’ait à dormir dans la rue ou dans des lieux indignes et dangereux. Les enfants isolés ne doivent pas être oubliés.

Paris, le 6 avril 2020

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Source: demandons des mesures contraignantes pour assurer la protection de tous les MNA dans le contexte de l’épidémie du Covid-19

Lettre ouverte sur les personnes en situation de précarité 9 avril 2020

Lettre ouverte du Collectif Alerte, dont la LDH est membre, à l’attention du Premier ministre

Paris, le 3 avril 2020

Monsieur le Premier Ministre,

Alors que la crise sanitaire qui touche notre pays ne faiblit pas, les associations de lutte contre la pauvreté et l’exclusion réunies au sein du Collectif Alerte tiennent à vous transmettre leurs vives inquiétudes quant aux conséquences, immédiates et à venir, de cette crise pour les personnes en situation de précarité, mais également pour les associations qui les accompagnent.

Certes le gouvernement a pris, depuis le début de la crise et en concertation avec le monde associatif, des dispositions en direction des plus précaires, que nous avons saluées. Toutefois, des inquiétudes perdurent et certains publics restent oubliés des pouvoirs publics alors qu’ils sont frappés de plein fouet par les conséquences de la crise.

Il est tout d’abord primordial de mettre en place des dispositifs en direction des personnes à la rue, vivant en squats ou bidonvilles, pour assurer la protection de leur santé et la couverture de leurs besoins vitaux. Aujourd’hui encore, sur l’ensemble du territoire, de nombreuses personnes n’ont pas accès aux informations concernant l’épidémie, mais pire encore, elles n’accèdent même pas à l’eau potable, à des douches, des toilettes ou au minimum d’alimentation nécessaire. Plus inquiétant encore, dans de nombreux lieux de vie, aucune solution n’est proposée pour assurer le suivi et l’isolement des malades avérés du Covid-19.

Afin de lutter efficacement contre l’épidémie et ses effets néfastes sur les plus précaires, le collectif Alerte insiste sur la nécessité de préserver les droits de l’ensemble des personnes présentes sur le territoire, quelle que soit leur situation administrative.

L’accès aux soins doit être garanti pour tous. Les récentes dispositions réduisant l’accès aux soins des étrangers privent de nombreuses personnes d’un accès à la santé en instaurant un délai de carence de 3 mois pour la couverture maladie des demandeurs d’asile, et en imposant de nouvelles restrictions pour accéder à l’Aide médicale d’Etat pour les étrangers sans titre de séjour. La crise actuelle démontre qu’un accès facilité au système de santé est plus que jamais nécessaire : ces dispositions restrictives doivent être remises en cause. Lever ces mesures ne sera toutefois pas suffisant, au vu des délais d’obtention de la couverture maladie : il est indispensable que l’accès aux soins soit possible dès maintenant pour tous, même sans couverture maladie, afin de rendre possible l’intégration précoce dans un parcours de soins et de faire face aux défis de l’épidémie.

Par ailleurs, la fermeture annoncée des guichets uniques pour demandeurs d’asile, faute de personnel suffisant en préfecture, ne rend pas seulement impossible l’enregistrement des demandes d’asile : elle va avoir des conséquences dramatiques en empêchant les personnes d’accéder aux conditions matérielles d’accueil, c’est-à-dire aux ressources et à un hébergement, durant le temps de la procédure de demande d’asile. En pleine crise sanitaire, elles ne pourront ni se nourrir, ni se loger, ni se protéger et risquent de rejoindre les campements et bidonvilles, avec des risques majeurs pour leur santé et la santé publique. On regrettera ensuite que l’ordonnance du 25 mars dernier sur la prolongation des droits sociaux ne fasse aucune mention de l’aide aux demandeurs d’asile et de son versement aux bénéficiaires actuels et primo-accédants.

On citera également les très nombreux Mineurs non accompagnés, et les centaines de personnes exilées sur le littoral franco-britannique, qui souffrent encore aujourd’hui d’une absence de protection et de mise à l’abri par un hébergement adapté.

Les associations du collectif Alerte ont constaté que ces personnes vulnérables, et l’ensemble des personnes à la rue, avaient parfois fait l’objet de verbalisations pour non-respect du confinement par la police nationale ou municipale. Le gouvernement a invité les forces de l’ordre à faire preuve de « discernement lors des contrôles de publics sans domicile fixe ou en situation de grande précarité » ; le collectif demande fermement à ce qu’aucune personne contrainte de vivre à la rue ne soit, en plus, victime d’une amende ou d’une éviction de l’espace public.

Cette crise sanitaire et les mesures de confinement qui en découlent ont enfin de lourdes conséquences sur le pouvoir de vivre des plus précaires. Arrêts maladie, chômage partiel, non accès la cantine des enfants, hausse de consommation d’électricité, de gaz et d’eau affectent directement les ressources des ménages les plus modestes. Le confinement s’avère également dramatique pour les personnes qui ne rentrent pas dans la norme : vivant de l’aide alimentaire, de travaux informels, sans forfait téléphonique, sans internet, sans carte bancaire ou vivant dans des logements insalubres ou sur-occupés.

La diffusion de chèques-service aux personnes sans domicile fixe pour pallier en urgence les carences alimentaires est une bonne mesure, mais elle est très loin de couvrir tous les publics en difficulté, et tous les besoins. Afin de permettre aux plus précaires de subvenir à leurs besoins essentiels pendant cette période délicate, le collectif Alerte souhaite l’instauration d’une prime exceptionnelle, en faveur des allocataires des minima sociaux et des familles bénéficiaires de l’allocation de rentrée scolaire, d’un montant de 250 euros par mois par personne, renouvelable mensuellement durant la période de fermeture des écoles et des cantines. Les associations de solidarité demandent également qu’un fonds d’urgence d’aide au paiement des quittances soit mis en place pour permettre à tous les ménages modestes de payer leur loyer et leurs charges et ainsi éviter tout risque d’expulsion locative à l’issue de cette période difficile.

Par ailleurs, il est essentiel de garantir un accès aux aides sociales pour toutes les personnes qui en font la demande : même si le mode de fonctionnement des organismes sociaux est aujourd’hui dégradé, l’accès aux droits des personnes faisant une demande d’ouverture aux aides sociales doit demeurer opérationnel. En outre, durant celle période de crise, toute sanction à l’encontre des allocataires de minima sociaux doit être suspendue.
Face à l’urgence sanitaire, il faut agir immédiatement et c’est le sens des dispositions qui ont été prises, comme de celles que nous vous demandons de prendre. Mais il faut également anticiper la suite pour éviter que cette crise sanitaire ne se transforme en crise sociale durable avec des milliers de personnes à faibles revenus qui basculeraient dans la pauvreté et corriger les failles de notre système de solidarité auprès des plus précaires que cette crise a révélées.

En effet, l’épidémie de Covid-19 et les mesures de confinement ont entraîné la fermeture de nombreux dispositifs tels que la distribution alimentaire, mettant en lumière la dépendance à l’aide alimentaire d’un nombre important de ménages très modestes et l’impossibilité pour un certain nombre de personnes de vivre dignement. Le système social actuel ne permet donc pas de les soutenir convenablement.

C’est pourquoi, le collectif Alerte demande, dès la sortie de la crise, la mise en oeuvre d’un plan de relance sociale ambitieux pour améliorer le pouvoir de vivre des plus modestes, avec notamment une revalorisation des minima sociaux et des aides au logement. La relance se doit d’être à la fois sociale et écologique, en investissant dans la rénovation des passoires thermiques, l’accès de tous à une alimentation saine et durable, ou encore à des modes de transport non polluants. Un tel plan aurait des effets positifs immédiats sur la consommation, dans un contexte économique affaibli par la crise sanitaire, tout en contribuant à réorienter l’activité pour faire face aux défis écologiques qui, eux non plus, n’attendent pas.

Il sera également primordial de soutenir fortement les services publics relevant du système de santé, ainsi que l’ensemble des associations positionnées en première ligne dans la gestion de cette crise et qui fonctionnent aujourd’hui avec des moyens réduits et des bénévoles de moins en moins nombreux.

Plus largement, il nous faut capitaliser sur les enseignements de cette crise pour corriger les failles de notre système de solidarité auprès des plus précaires qu’elle a révélées et concevoir ensemble une société réellement solidaire, avec des politiques publiques ambitieuses qui permettent l’accès de tous aux droits de tous :

– une école qui permette la réussite de tous les enfants, en résorbant les inégalités aggravées pendant le confinement ;

– une politique du logement qui garantisse vraiment un logement digne et bien isolé à chacun, avec un programme ambitieux de construction de logements sociaux ;

– un accès aux soins inconditionnel et des dispositions permettant en pratique cet accès aux soins pour tous ;

– des moyens d’existence convenables garantis pour tous, sans contrepartie, qui permettent aussi une alimentation saine et durable, un accès aux droits culturels et aux vacances ;

– l’extension du droit à ces moyens convenables d’existence aux jeunes de 18 à 25 ans ;

– une redéfinition des règles de l’assurance chômage dont la réforme récente risque de faire basculer dans la précarité de très nombreuses personnes ;

– l’admission au séjour et au travail d’un nombre important de familles et de personnes étrangères actuellement sans papiers mais ayant commencé leur intégration, et le rétablissement sans délai du droit au travail pour les demandeurs d’asile.

Paradoxalement, la crise sanitaire que nous vivons a montré, à la fois, l’importance cardinale de notre modèle de protection sociale et ses failles. Il convient de s’appuyer sur cette expérience douloureuse pour repenser ce modèle, au profit des personnes les plus pauvres d’entre nous.
Nous restons à votre disposition pour travailler ensemble pour construire des réponses adaptées qui placent les personnes les plus vulnérables au coeur du plan de relance sociale et écologique.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier ministre, en l’expression de notre haute considération.

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Source: Lettre ouverte sur les personnes en situation de précarité

Lettre ouverte sur la situation des enfants en période de confinement 9 avril 2020

Paris, le 6 avril 2020

Madame la ministre, garde des Sceaux,
Monsieur le secrétaire d’État en charge de la protection de l’enfance,

Nos organisations tiennent à vous alerter sur la situation des enfants en cette période de confinement. Alors qu’ils sont particulièrement vulnérables et qu’une attention particulière devrait leur être accordée, ils sont en réalité les grands oubliés. Au risque de leur faire encourir de graves dangers. En cette période de crise, nous constatons que les rôles et places de chacun des acteurs, tant en protection de l’enfance qu’en matière pénale sont brouillés, tant et si bien que ces missions pourtant essentielles ne sont plus assurées au mieux des intérêts des enfants et des adolescents. Les ordonnances prises dans le domaine de la justice, en matière civile comme pénale, ne nous semblent pas de nature à résoudre les difficultés, mais au contraire à les aggraver.

S’agissant de la protection de l’enfance vous avez, Monsieur le secrétaire d’État, adressé une lettre le 21 mars dernier aux présidents des conseils départementaux dans laquelle vous avez listé les activités vous semblant devoir être intégrées dans les plans de continuation d’activité des départements : cellule de recueil des informations préoccupantes, interventions de protection de l’enfance à domicile, permanence éducative téléphonique à destination des assistants familiaux, prise en charge au-delà des 18 ans pour éviter toute remise à la rue de jeunes majeurs non autonomes et adaptation des missions de la PMI.

Vous y avez également mentionné la priorité qui devait être donnée à la mise à l’abri des mineurs isolés étrangers, quand bien même les conditions d’évaluation de leur minorité seraient perturbées, la mise à l’abri devant dès lors être systématique. Toutes ces préconisations, que nous rejoignons, avaient pour but, selon vos propres termes, de rappeler que «les enfants en danger et les enfants protégés doivent faire l’objet d’une vigilance encore plus forte afin que l’urgence sanitaire à laquelle nous sommes confrontés ne conduise pas à aggraver leur situation».

Et pourtant…

Nous constatons que les situations sont très disparates selon les départements et dans nombre d’entre eux ces priorités ne sont pas assurées.

Les services de prévention et de protection de l’enfance, que ce soit dans le cadre administratif ou judiciaire, fonctionnent essentiellement par téléphone. Alors même que ce seul contact par téléphone apparaît insuffisant, il est en outre mis à mal la plupart du temps, par l’absence de matériel professionnel mis à disposition des équipes.

La crise sanitaire conduisant également de nombreux foyers à solliciter des mainlevées de mesures, voire les contraignant à fermer, certains enfants reviennent à domicile dans des conditions mal préparées et sans aucun accompagnement éducatif effectif, ou bien sont brutalement réorientés vers d’autres structures.

L’accès aux soins est mis à mal et les services de la protection maternelle infantile ne paraissent pas partout en état de fonctionner.

En cette période où l’école ne peut que difficilement jouer son rôle habituel de détection des situations de danger, nous nous inquiétons particulièrement des capacités collectives, à les détecter et donc à apporter une protection effective aux enfants concernés.

Enfin, la situation des mineurs isolés étrangers demeure la plus préoccupante, ces derniers ne sachant vers qui se tourner pour être mis à l’abri, beaucoup sont à la rue. Une décision de la CEDH a d’ailleurs été nécessaire pour enjoindre un département à prendre un mineur en charge.

Si nous avons pu espérer que l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale apporterait quelques gardes-fous en matière d’assistance éducative, il n’en est rien.

L’ordonnance donne la possibilité aux juges des enfants de prononcer des non-lieux à assistance éducative sans audience et sans recueil des observations des parties. Ainsi, des mineurs isolés étrangers risquent fortement de se voir refuser le bénéfice de mesures d’assistance éducative sans avoir eu l’occasion d’être défendus et de faire valoir leurs observations.

Par ailleurs, nous ne pouvons que déplorer que cette ordonnance oublie l’enfant comme sujet de droit.

Il n’est à nul endroit prévu le recueil de ses observations ou son audition alors-même que l’enfant discernant est partie à la procédure et que son droit à être entendu est un principe consacré par la Convention internationale des droits de l’enfant.

Pourtant, les décisions qui pourront être prises par les juges des enfants, sans contradictoire réel, et pour de trop longues durées, seront lourdes de conséquences: prolongation des mesures d’assistance éducative de plein droit jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, (sans que l’on sache s’il sera levé le 24 mai prochain); renouvellements de mesures pouvant aller jusqu’à neuf mois pour les placements, un an pour les mesures de milieu ouvert, sur le fondement d’un rapport éducatif, dont il n’est en nul endroit prévu les modalités effectives de communication aux parties, ou d’accès au dossier.

Par ailleurs, le recueil de l’avis écrit d’un seul parent, sans prise en compte de l’avis de l’enfant dans les mêmes conditions, vient à l’encontre de l’ exercice de l’autorité parentale conjointe, qui pourtant est et doit rester la règle, à l’exception de situations particulièrement graves(telles les violences avérées d’un parent).

L’état d’urgence sanitaire ne justifie pas une telle disproportion dans l’atteinte aux droits des parties.

Concernant la prise en charge de la délinquance des enfants et des adolescents, nous faisons malheureusement des constats tout aussi pessimistes.

En effet, la grande majorité des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse n’ont pas les moyens matériels et techniques permettant un accompagnement à distance, dans le respect des mesures sanitaires, et le maintien d’un lien effectif et suivi avec les enfants et les adolescents, pour lesquels l’entretien uniquement téléphonique s’avère parfois totalement inadapté.

En détention, la situation apparaît dramatique et force est de constater l’insuffisance des moyens de protection pour éviter une propagation du virus – les gestes «barrière» étant très difficiles à respecter – , une promiscuité en promenade, des activités quasi à l’arrêt et une privation complète des contacts avec les familles, ce qui rend l’enfermement d’autant plus insupportable.

Si des structures de type foyers ou centres fermés ont vu leurs effectifs diminuer pour des solutions alternatives, pour autant, les lieux d’incarcération des mineurs sont encore trop pleins,comme en témoignent les chiffres de la région Île de France, où les établissements accueillant des mineurs étaient à saturation jusqu’il y a quelques jours et ne se vident que très lentement.

Les mineurs isolés étrangers sont particulièrement touchés par cette situation carcérale lourde, subissant parfois des transferts d’établissement intempestifs et obtenant peu de mises en liberté, faute de solutions alternatives adaptées en cette période de crise sanitaire.

L’ordonnance du n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale accroît ces difficultés, en permettant notamment une prolongation de droit de la détention provisoire pour les plus de 16 ans encourant plus de sept ans d’emprisonnement.

Nous déplorons que cette ordonnance n’ait pas davantage fait primer l’éducatif, ni garanti la spécificité et la moindre sévérité pour les enfants par rapport aux majeurs. Il est à notre sens très préoccupant et peu compréhensible que pour plusieurs dispositions (prolongation de garde à vue qui peut intervenir sans présentation devant le magistrat compétent, prorogation automatique de la détention provisoire), certains mineurs puissent se voir appliquer les mêmes règles que les majeurs,règles pourtant particulièrement dérogatoires aux droits de la défense et aux libertés. Il est à noter d’ailleurs que toutes les mesures plutôt favorables portant sur les remises de peine concernent en réalité peu de mineurs, qui restent à 80% placés sous le régime de la détention provisoire.

Par ailleurs, les seules règles spécifiquement prévues pour les mineurs, à savoir la prolongation automatique des mesures de placement (pour 4 mois), et des mesures éducatives (pour7 mois) sans débat, ne garantissent pas le respect des droits particulièrement en ce que les placements en centre éducatif fermé n’ont pas été explicitement exclus et que ces durées sont excessives. Nous nous interrogeons ici aussi sur la notion de rapport éducatif au regard de l’absence de matériel professionnel d’une grande partie des personnels de la PJJ sus-mentionnée.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, Madame la ministre, Monsieur le secrétaire d’État, nos organisations espèrent que de nouvelles mesures, que ce soit sur un plan matériel ou juridique, pourront être rapidement prises pour garantir la protection des enfants et des adolescents durant cette crise sanitaire.

Nous appelons également à en tirer d’ores et déjà des enseignements pour l’avenir, cette crise étant venue confirmer et mettre au jour, le délabrement général des services de prévention, de protection de l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse sur lequel nous vous avions plusieurs fois alertés.

Si les places en foyer n’étaient pas aussi difficiles à trouver et suffisamment diversifiées en temps normal, si les moyens humains, matériels et techniques de tous les acteurs étaient suffisants,peut-être aurions-nous pu éviter une telle imprévisibilité.

Aussi, nous espérons que cela sera le chantier prioritaire de l’après-état d’urgence sanitaire, plutôt qu’une réforme non consensuelle du droit pénal des mineurs, notamment en redéployant les moyens substantiels actuellement dévolus aux lieux privatifs de liberté vers les services de prévention, de la protection de l’enfance, de la protection judiciaire de la jeunesse et les tribunaux pour enfants.

En vous remerciant de l’attention portée à ce courrier, nous vous assurons, Madame la ministre, Monsieur le secrétaire d’État, de notre plus haute considération.

Signataires : Avocats conseil d’entreprise (ACE), Barreau de Paris, Confédération générale du travail (CGT), Conférence des bâtonniers, Conseil national des barreaux (CNB), Convention nationale des associations de protection de l’Enfant (CNAPE), Fédération des conseils de parents d’élèves Paris (FCPE75), Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA), Fédération SUud santé sociaux, Fédération syndicale unitaire (FSU), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Observatoire international des prisons Section Française (OIP-SF), Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP-FSU), Syndicat national des personnels de l’éducation et du social – PJJ (SNPES-PJJ/FSU), Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (SNUASFP-FSU), la FSU territoriale(SNUTER-FSU), Solidaires Justice, Union syndicale Solidaires.

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Source: Lettre ouverte sur la situation des enfants en période de confinement

Du fichage psychiatrique au «casier psychiatrique» ! 9 avril 2020

Communiqué Saf, SM et LDH

Le fichier Hopsyweb, vous connaissez ?

Vous l’ignorez peut-être, mais oui, les personnes hospitalisées sans leur consentement en raison de troubles mentaux sont fichées, depuis un arrêté du 19 avril 19941.

Ce fichier est dénommé Hopsyweb !

Mais rassurez-vous, le traitement automatisé de données à caractère personnel relatives à ces patients – sans possibilité d’opposition de la part de l’intéressé – n’est qu’un simple outil de gestion administrative destiné à « limiter les risques d’erreur dans la gestion des hospitalisations sans consentement » et d’éviter les condamnations de l’Etat, rétorquait l’administration en février 20112.

Petite précision : les données en question recouvrent les nom, prénom, domicile, date et lieu de naissance du malade, ainsi que des renseignements judiciaires et des informations médicales.

Surtout ne vous égarez pas, répétait le ministère des Solidarités et de la Santé en juillet 2018 à la suite des remous crées par la publication du décret du 23 mai 20183 élargissant l’utilisation de cette dénommée application, « Hopsyweb ne peut être défini comme un fichier dans la mesure où sa
finalité […] est d’assurer le suivi, par les agences régionales de santé, des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement, et, plus précisément, de faciliter la gestion administrative des mesures de soins sans consentement qui associent des acteurs multiples »4.

Ne cherchez aucun loup dans la relance de ce fichier en 2018, au moment de la diffusion du Plan national de prévention de la radicalisation du 23 février 2018 proposant d’« actualiser les dispositions existantes relatives à l’accès et la conservation des données sensibles contenues dans l’application de gestion des personnes faisant l’objet d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement (HOPSY) »5.

Bien sûr que non, n’y voyez aucune atteinte grave à la vie privée, aux droits des patients ou au respect de la dignité humaine avec des risques de stigmatisation manifeste pour les personnes concernées, ni une violation du secret médical.

Regardez, la Cnil a, certes en appelant à « une vigilance particulière »6, validé le décret du 23 mai 2018, de même que le Conseil d’Etat, qui ne l’a que très partiellement annulé7.

Allons bon, les masques ne sont pas tombés avec le décret du 6 mai 20198, qui vise à modifier les objectifs jusqu’alors affichés en ajoutant une finalité nouvelle, à savoir permettre « l’information du représentant de l’Etat sur l’admission des personnes en soins psychiatriques sans consentement
nécessaires aux fins de prévention de la radicalisation à caractère terroriste », se traduisant par une interconnexion entre les fichiers Hopsyweb et FSPRT9.

Cette interconnexion d’informations relevant du champ médical, et donc de l’intime, et de renseignements relevant du domaine de la lutte contre le terrorisme ne constituera en rien un outil de répression putative et de détection de ces nouveaux « signaux faibles ».

Comment ça, dans un contexte où la psychiatrie est au bord de l’asphyxie et où les personnes souffrant de troubles mentaux – et qui pour une majorité d’entre elles sont au contraire victimes d’infractions -, l’Exécutif alimente, en jouant avec des peurs infondées, la confusion entre troubles
mentaux et radicalisation ?

Regardez encore, le Conseil d’Etat, dans une nouvelle décision du 13 mars 202010, a rejeté les requêtes déposées par plusieurs associations et syndicats visant à annuler ce décret du 6 mai 2019, non sans entériner une nouvelle obsession sécuritaire.

A l’ère du traçage et de la surveillance de masse – avec pour dernière illustration la publication du décret « Gendnote » – les dispositifs panoptiques de contrôle policier continuent de se déployer et s’entremêlent ici, en aggravant la mise à l’écart des malades mentaux désignés comme dangereux.


1 Arrêté du 19 avril 1994 (JORF n°101 du 30 avril 1994) relatif à l’informatisation du suivi des personnes hospitalisées sans leur consentement en raison de troubles mentaux et au secrétariat des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques.
2 Instruction DGS/MC4 n° 2011-66 du 11 février 2011 relative au rôle des agences régionales de la santé dans la gestion des hospitalisations d’office.
3 Décret n°2018-383 du 23 mai 2018 autorisant les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement.
4 Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée dans le JO Sénat du 19 juillet 2018 – page 3645.
5 Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation du 23 février 2018 – « Prévenir Pour Protéger » Plan national de prévention de la radicalisation.
6 Commission nationale de l’informatique et des libertés – Délibération n°2018-354 du 13 décembre 2018 portant avis
sur un projet de décret modifiant le décret n°2018-383 du 23 mai 2018 autorisant les traitements de données à caractère
personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement.
7 Conseil d’Etat 4 octobre 2019, n°421329.
8 Décret n°2019-412 du 6 mai 2019 modifiant le décret n°2018-383 du 23 mai 2018 autorisant les traitements de
données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement.
9 Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.
10 Conseil d’Etat 13 mars 2020, n°431450, 431530, 432306, 432329, 432378, 435722.

Paris, le 3 avril 2020

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Source: Du fichage psychiatrique au «casier psychiatrique» !

Pour la libération des enfants palestiniens emprisonnés 9 avril 2020

Pétition signée par plusieurs personnalités dont Malik Salemkour, président de la LDH, Françoise Dumont, Henri Leclerc, Pierre Tartakowsky, Michel Tubiana, présidents d’honneur de la LDH, et Marie-Christine Vergiat, vice-présidente de la LDH

 

Cliquez-ici pour signer la pétition

Répondant à l’alerte lancée par l’ONG Défense des enfants international de Ramallah, les collectifs 93 pour la Libération des enfants palestiniens emprisonnés en Israël[1] les signataires attaché-e-s aux droits des enfants appellent les autorités israéliennes à prendre sans délai des mesures pour libérer tous les enfants palestiniens détenus dans des prisons israéliennes.

En effet, la rapide expansion internationale du virus Covid-19 accroît leur vulnérabilité et fait craindre pour la sauvegarde de leur droit à la vie, leur survie, leur développement et leur droit à la santé en accord avec le droit international.

Selon un dénombrement de fin décembre 2019 (chiffres publiés par le Service des prisons israélien) :

186 enfants palestiniens sont détenus dans des prisons israéliennes.

Israël a pourtant ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations Unies (Cide) en 1991, ce qui l’oblige à mettre en œuvre la totalité des droits et des protections incluses dans le traité, avec comme obligation essentielle le respect du droit aux soins et à la santé.

Brisons le mur du silence ! Chacun, chacune faisons entendre notre voix en signant et faisant signer cet Appel.

[1]les collectifs 93 ont été crées en septembre 2018 à la fête de l’Humanité, en présence de Leila Shahid, ancienne déléguée générale de Palestine, et marraine de l’initiative, de Khaled Qusmar, directeur de DEI Ramallah, et de Nurit Peled, universitaire israélienne. Leur objectif est de permettre aux jeunes de Seine-Saint-Denis d’exprimer leur solidarité par le parrainage d’enfants et de jeunes palestiniens emprisonnés.

Voir la liste des premiers signataires sur Mediapart

Paris, le 3 avril 2020

Source: Pour la libération des enfants palestiniens emprisonnés