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Ligue des droits de l'Homme

Section du Pays d'Aix-en-Provence

Archives de l'auteur : psenegas

Miviludes, le compte n’y est pas ! 28 décembre 2021

Communiqué commun dont la LDH est signataire

D’après le site internet de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), sur la base du travail réalisé par les commissions d’enquête parlementaires, notamment à partir des informations émanant des services de renseignement, on peut estimer aujourd’hui en France à 500 000 le nombre d’adeptes de mouvements sectaires et à 60 000 à 80 000 le nombre d’enfants élevés dans un contexte sectaire. Le phénomène est d’importance et dans ces temps de crises et de pandémie, il continue de progresser sournoisement dans des formes renouvelées.

Depuis vingt ans, l’Etat dispose, avec la Miviludes et son équipe dédiée, d’un outil unique pour évaluer et suivre le risque de dérive sectaire et agir contre sa propagation avec des succès significatifs. Cependant l’engagement de la puissance publique doit être à la hauteur des enjeux et des menaces.

Si sa dimension interministérielle a été formellement maintenue après la décision du gouvernement en 2021 de la retirer de l’autorité directe du Premier ministre, son positionnement désormais comme service du ministère de l’Intérieur sous la responsabilité du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) reste regrettable et pointe ses limites.    

L’extension et la diversification constatées des phénomènes sectaires méritent un effort public significatif, des moyens identifiés accrus tant en nombre de fonctionnaires affectés à plein temps sur ses missions, qu’en budget de fonctionnement pour permettre un travail efficace de terrain en lien avec tous les acteurs concernés et à l’écoute des victimes.

Au vu des budgets prévus par la loi de finances 2022, le compte n’y est pas. Le million d’euros affecté en 2021 aux soutiens des associations engagées à la lutte contre les dérives sectaires est a minima à reconduire face aux besoins croissants. De plus, sauf à obérer sa capacité d’action, les moyens humains et financiers directement affectés à la Miviludes sont très insuffisants pour corriger les sous-effectifs actuels, renforcer ses services et permettre un meilleur fonctionnement.

Parce qu’il est urgent de se mobiliser, les organisations signataires demandent au gouvernement de corriger sa copie et de donner plus de forces à la lutte contre les dérives sectaires.

Signataires :

Ligue des droits de l’Homme (LDH) ; Alerte Faux Souvenirs Induits (AFSI) ; Association pour la Science et la Transmission de l’Esprit Critique (ASTEC) ; Centre national d’Accompagnement Familial Face à l’Emprise Sectaire (CAFFES) ; Cercle Laïque pour la Prévention du Sectarisme (CLPS) ; Collectif No Fakemed ; Conseil National des Associations Familiales Laïques (CNAFAL) ; La Vérité sur les écoles Steiner-Waldorf ; Méta de choc ; Secticide

Paris, le 27 décembre 2021

Télécharger le communiqué “Miviludes, le compte n’y est pas !” en format PDF


Source: Miviludes, le compte n’y est pas !

Passe vaccinal, une mauvaise solution 22 décembre 2021

Communiqué LDH

Dans le contexte de la 5e vague épidémique et alors qu’un nouveau variant se répand, le Premier ministre a annoncé l’intention du gouvernement de remplacer début 2022 le passe sanitaire par un passe vaccinal. Une telle mesure, qui nécessitera l’adoption d’une loi, est particulièrement inquiétante pour les libertés et droits fondamentaux.

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) alerte contre une décision dont l’effet immédiat sera de priver toute personne n’ayant pas un schéma vaccinal complet d’activités sociales quotidiennes (l’accès aux lieux ouverts au public tels que les restaurants, salles de spectacles, les transports longue distance). Parallèlement des négociations ont lieu entre les partenaires sociaux sur l’extension du passe sanitaire actuel à l’ensemble des salariés. La problématique de la suspension du contrat de travail risque donc de s’étendre à toutes les professions. La privatisation des contrôles du passe sanitaire entraîne son lot d’abus et de tensions, avec des atteintes au secret médical. Au terme des évolutions envisagées, les droits les plus fondamentaux de nombreux citoyens seraient ainsi entravés.

La LDH rappelle que les institutions publiques ont pourtant la responsabilité première d’assurer à chacune et chacun, à tout moment, en toute circonstance, la jouissance effective de ses droits fondamentaux.

La lutte contre la maladie est une nécessité. Convaincue que son éradication passera par l’adhésion de l’ensemble de la population et la combinaison de tous les outils de prévention désormais à notre disposition, la LDH invite le gouvernement à :

–      intensifier sa campagne d’information sur ces outils, au premier rang desquels figurent le vaccin, le port du masque et l’aération des lieux clos, en s’appuyant sur les acteurs de terrain et de la société civile, pour développer ces comportements du quotidien ;

–      mettre en place les politiques adaptées (qui ont fait leur preuve notamment en Espagne ou au Portugal) qui « vont vers » les personnes non vaccinées, en particulier les plus de 80 ans « isolés » et les personnes en situation de précarité, dont la couverture vaccinale est insuffisante au regard des risques ;

–      revenir à la prise en charge intégrale des tests hors prescription médicale pour toutes et tous, dans un souci d’égalité de traitement et de dépistage massif, pour aider à endiguer la propagation du virus.

Elle exhorte également l’exécutif à œuvrer en faveur de la levée des brevets sur les vaccins afin que la vaccination soit accessible à toute la population mondiale, seul moyen d’éviter l’émergence de nouveaux variants.

La LDH rappelle enfin que la saturation des services d’urgence et de réanimation des hôpitaux publics n’est pas tant le résultat de cette crise sanitaire que la conséquence la plus visible d’une gestion de l’hôpital guidée depuis des décennies par la rentabilité financière. Face au risque d’effondrement imminent du système public hospitalier, et plus largement de notre système de santé, la LDH appelle une nouvelle fois le gouvernement à adopter un plan d’urgence pour l’hôpital, assorti des moyens, humains, matériels et financiers à la hauteur des enjeux.

Paris, le 21 décembre 2021

Télécharger le communiqué “Passe vaccinal, une mauvaise solution” en format PDF

Source: Passe vaccinal, une mauvaise solution

Un appel européen en faveur de la régularisation et de la dignité 17 décembre 2021

Lettre de solidarité avec les sans-papiers et l’action menée par l’Union belge des sans-papiers pour la régularisation (USPR) signée par la LDH

Nous, acteurs civiques de toute l’Europe et membres du Parlement européen, demandons au gouvernement belge de respecter les engagements pris cet été envers les négociateurs de l’Union des Sans-Papiers pour la Régularisation (USPR).

En juillet 2021, le Secrétaire d’Etat à la migration a déclaré que les demandes des grévistes de la faim seraient considérées comme recevables et entièrement examinées et que les preuves d’emplois antérieurs, y compris le travail non déclaré, seraient considérées positivement. Cette déclaration a mis fin à une grève de la faim de 56 jours et a redonné espoir à celles et ceux qui demandaient le respect de leurs droits fondamentaux.
Quatre mois plus tard, les grévistes ont commencé à recevoir des réponses négatives, les compromis du gouvernement n’étant pas respectés. Les personnes dont la demande a été refusée ont également reçu l’obligation de quitter le territoire, et risquent ainsi d’être détenues et expulsées. Le harcèlement policier s’est accru sur les grévistes, en particulier sur les porte-parole, qui sont régulièrement arrêtés, contrôlés et pour certains embarqués par la police, puis relâchés.

Le cas des sans-papiers en Belgique n’est pas une exception ; la vie des sans-papiers est en jeu dans de nombreuses situations à travers l’Europe. Des migrants à Calais entreprennent également des grèves de la faim. Partout en Europe, les migrants sont victimes de violations systématiques des droits fondamentaux et de stratégies de chantage entre pays, comme à la frontière entre l’UE et la Biélorussie. De plus, le prochain Pacte sur l’Asile et la Migration va exacerber les défis et aggraver la situation des sans-papiers à travers l’Europe.

Toute personne devrait avoir accès aux droits fondamentaux et à la dignité, quel que soit son statut migratoire.

Il est urgent de soutenir les personnes sans-papiers et de faire respecter leurs droits. Et c’est encore plus urgent à la lumière de la pandémie de Covid-19.

Dans ce contexte
● Nous demandons au gouvernement belge, premièrement, de revenir sur ses promesses devant les grévistes et d’évaluer leurs demandes sur base de critères clairs. Deuxièmement, de mettre en avant une politique concrète et durable de régularisation.

● Nous demandons aux institutions européennes de faire respecter les conventions dont les Etats membres sont signataires, notamment la Convention européenne des droits de l’Homme.

Organisations :

Forum Civique Européen, Euromed Droits, Lifelong Learning Platform, SOLIDAR, European Network Against Racism (ENAR), European Network on Religion and Belief, European Alternatives, Volonteurope, Regional Roma Educational Youth Association – RROMA, Understanding Europe, ERGO network, ARCI (Associazione Ricreativa e Culturale Italiana) Italie, Ligue des droits de l’Homme (LDH)  France, New Europeans Belgique, Institute of Public Affairs Pologne, Greek Forum of Refugees Grèce, Roya Citoyenne France, L’Auberge des Migrants France, Centar za Mirovne Studije Croatie, Organisation Marocaine des Droits Humains Maroc, SNAPAP-CGATA/ Algérie,
European House Budapest Hongrie, Democracy International Allemagne, KISA – Action for Equality, Support, Antiracism Chypre, European Youth Parliament Belgique, Peace Institute, Ljubljana Slovénie, La Cimade France

 

Membres du Parlement européen :

Miguel URBAN CRESPO MEP The Left Cornelia ERNST MEP The Left, Pernando BARRENA MEP The Left, Idoia VILLANUEVA RUIZ MEP The Left, José GUSMÃO MEP The Left, Nikolaj VILLUMSEN MEP The Left, Pernando BARRENA MEP The Left, Leila CHAIBI MEP The Left, Stelios KOULOGLOU MEP The Left, Malin BJORK MEP The Left, Chris MACMANUS MEP The Left, Anja HAZEKAMP MEP The Left, Anne-Sophie PELLETIER MEP The Left, Oezlem DEMIREL MEP The Left, Marc Johan BOTENGA MEP The Left, Sandra PEREIRA MEP The Left, Joao PIMENTA LOPES MEP The Left, Eugenia RODRÍGUEZ PALOP MEP The Left, Sira REGO MEP The Left, Ana MIRANDA Representative BNG at the EP, Ignazio CORRAO MEP Greens/EFA Group, Mounir SATOURI MEP Greens/EFA Group, Niklas NIENAß MEP Greens/EFA Group, Claude GRUFFAT MEP Greens/EFA Group, Salima YENBOU MEP Greens/EFA Group, Rosa D’AMATO MEP Greens/EFA Group, Damian BOESELAGER MEP Greens/EFA Group, Diana RIBA I GINER MEP Greens/EFA Group, Jordi SOLÉ MEP Greens/EFA Group, Saskia BRICMONT MEP Greens/EFA Group, Marie TOUSSAINT MEP Greens/EFA Group, Margrete AUKEN MEP Greens/EFA Group, Pierrette HERZBERGER-FOFANA MEP Greens/EFA Group, Tineke STRIK MEP Greens/EFA Group, Philippe LAMBERTS MEP Greens/EFA Group, Piernicola PEDICINI MEP Greens/EFA Group, Terry REINTKE MEP Greens/EFA Group, Damien CAREME MEP Greens/EFA Group, Ville NIINISTÖ MEP Greens/EFA Group, Pietro BARTOLO MEP S&D Dietmar KÖSTER MEP S&D, Domenec RUIZ DEVESA MEP S&D, Milan BRGLEZ MEP S&D, Margarida MARQUES MEP S&D, Antoni COMIN I OLIVERES MEP n/a, Clara PONSATÍ OBIOLS MEP n/a, Carles PUIGDEMONT I CASAMAJÓ MEP n/a

Le 17 décembre 2021

Source: Un appel européen en faveur de la régularisation et de la dignité

Intervention volontaire de la LDH au soutien du référé mesures-utiles introduit par le DAL visant à obtenir des conditions dignes conformes au droit dans les centres d’hébergement de l’Isère 10 décembre 2021

Début novembre 2020, la préfecture de l’Isère a annoncé le début du plan hivernal avec l’ouverture de 700 places d’hébergement pour l’hiver 2020-2021. À cette date, elle a précisé que 681 places étaient d’ores et déjà̀ trouvées via la mobilisation d’hôtels, de mobil-homes et autres bâtis existants.

La préfecture proposait des places d’hébergement dans des mobil-homes ou dans des algecos placés sur des terrains vagues

Si les personnes accueillies dans ces centres se disaient reconnaissantes de pouvoir être hébergées pendant l’hiver, elles décrivent néanmoins des conditions d’hébergement déplorables et attentatoires à leur dignité.

Les professionnels et bénévoles en contact avec ces personnes hébergées ou qui sont amenés à intervenir dans ces centres d’hébergement ont corroboré ces descriptions.

Le DAL 38 a ainsi décidé de saisir le juge des référés afin de mettre un terme aux carences caractérisées de l’Etat dans l’exercice de ses missions en matière d’hébergement d’urgence.

La LDH, Accueil demandeurs d’asile (ADA), le syndicat CNT des travailleuses et travailleurs de l’éducation de l’Isère, le Comité de soutien aux réfugiés Algériens (CSRA), l’association les Amis de réseau Education sans frontières (Amis RESF 38), l’association de parrainage républicain des demandeurs d’asile et de protection (APARDAP), l’association Sud Education 38 et l’association « Cuisine sans frontières » ont décidé d’intervenir volontairement au soutien de cette requête.

Par une ordonnance en date du 17 mai 2021, le tribunal administratif de Grenoble a admis l’intervention des associations et a enjoint au préfet de l’Isère, dans un délai de quinze jours :

  • de remédier à la présence de parasites (cafards, punaises de lit, punaises) et d’assurer le nettoyage quotidien des sanitaires ;
  • de fournir des produits d’hygiène aux habitants en quantité suffisante et en fonction de leur besoin, et au minimum par personne et par mois (à titre indicatif : un savon, un gel douche, un shampoing, une brosse à dents, un tube de dentifrice, quinze protections menstruelles pour les femmes, un pot de crème hydratante pour les bébés, six couches par jour pour les nouveaux nés (de 0 à 5 mois), cinq couches par jour pour les bébés de 5 à 18 mois, deux couches par jour pour les enfants de 18 à 30 mois, un litre de lessive par foyer, de distribuer des produits ménagers en quantité suffisante et en terme d’alimentation, de fournir des barquettes alimentaires en quantité suffisante, notamment des fruits et des légumes frais, l’accès à du lait infantile, la fourniture de repas adaptés pour les enfants, notamment des goûters.

Source: Intervention volontaire de la LDH au soutien du référé mesures-utiles introduit par le DAL visant à obtenir des conditions dignes conformes au droit dans les centres d’hébergement de l’Isère

Contribution de la Ligue des droits de l’Homme aux Etats généraux de la Justice 10 décembre 2021

Sur la méthode

Des Etats généraux de la Justice pénale avaient déjà rassemblé en 2009 les professionnels de la justice (avocats, experts, greffiers et magistrats). De leur propre initiative, ils avaient rédigé des cahiers de doléances et conclu à de nombreuses propositions de modifications du droit pénal et de la procédure pénale, restées pour l’essentiel lettres mortes.

Bien qu’appelés également « Etats généraux de la Justice », ceux de 2021 relèvent d’une démarche opposée, la décision verticale du Garde des Sceaux. Elle n’a été précédée d’aucune véritable concertation des professionnels de terrain, si ce n’est des réunions du ministre avec les premiers présidents et les procureurs généraux de cour d’appel qui peuvent difficilement être ainsi qualifiés.

La LDH rappelle également que madame Belloubet, alors Garde des Sceaux avait initié, il y a seulement trois ans (en 2018), des « chantiers de la Justice » qui avaient abouti à la loi du 23 mars 2019, qualifiée de réforme majeure de la procédure pénale et à une modification considérable de l’organisation judiciaire (suppression des tribunaux d’instance, création des tribunaux judiciaires, réforme du divorce, jugements sans audience…).

Enfin en 2020, une commission de l’Assemblée nationale sur l’indépendance de la Justice a entendu pendant 8 mois de nombreux sachants et a adopté quarante et une propositions « classiques » le 2 septembre qui trouvent écho tant auprès des professionnels de la Justice que des parlementaires, et n’attendent plus que d’être simplement mises en œuvre, sans qu’il soit besoin d’Etats généraux de la Justice.

Ces « Etats généraux de la Justice » 2021 succèdent donc, et depuis la commission Delmas-Marty, à de nombreux et fructueux propositions et rapports sur la justice pénale, qui sont souvent restés sans lendemain.

Est-il donc opportun de réitérer un processus de réflexion, alors que les pistes de réformes sont parfaitement identifiées et connues, si ce n’est pour orienter les conclusions de ces Etats généraux de la Justice vers une pré-commande politique ?

En effet, ils sont enfermés dans un temps très limité (durée totale de quatre mois et conclusions en février 2022) et interviennent entre les élections présidentielles, le Beauvau de la sécurité et cinq lois pénales votées en 2021dont il est à craindre que la teneur dessine parfaitement les futures conclusions des Etats généraux, dont le contenu est prédéterminé par ces trois contraintes :

– la période électorale pré-présidentielle, qui induit l’impossibilité de faire voter en 2022 un quelconque projet de loi mettant en œuvre les conclusions des États généraux,

– les conclusions du 15 septembre 2021 du Beauvau de la sécurité, considérant que la Justice est la fin de la « chaîne pénale » et lui assignant une simple fonction d’homologation des initiatives policières.

Le Beauvau de la sécurité s’est terminé en dessinant une feuille de route impérative pour la Justice, enfermant les futures conclusions des Etats généraux dans des orientations précises : simplification de la procédure pénale considérée comme paralysante par les policiers, réduction des droits de la défense, durcissement des peines, suppression du rappel à la loi remplacé par l’avertissement judiciaire, fusion de la police judiciaire et de la police de sécurité publique au sein d’une même direction départementale …).

– les cinq lois concernant notamment le droit pénal et la procédure pénale votées en 2021 enserrent également les Etats généraux de la Justice dans des impératifs très répressifs de politique pénale qui incitent les juges à punir toujours plus.

Ces lois créent encore de nouveaux délits punis de cinq ans d’emprisonnement (provocation à l’identification de policiers dans la loi « sécurité globale », censurée par le Conseil constitutionnel, mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations dans la loi confortant les principes républicains, violence sans incapacité de travail contre un dépositaire de l’autorité publique dans la loi responsabilité pénale).

Elles créent, contre tous les principes républicains du droit pénal français, des peines contre des personnes pourtant déclarées irresponsables pénalement en cas d’homicide commis sous emprise de produit psychoactif (projet de loi irresponsabilité pénale), elles suppriment les réductions automatiques de peine (loi confiance en la Justice) et autorisent même des mesures de contrainte contre des personnes ayant effectué leur peine (loi antiterroriste du 30 juillet 2021).

Devant l’empilement incroyable des lois pénales et l’absence d’étude d’impact de chacun de ces textes, déploré par le Conseil d’Etat, un moratoire devrait être imposé au Parlement sur l’adoption de nouveaux textes, en l’attente d’un réel bilan parlementaire de l’application et de l’efficacité de lois votées depuis dix ans.

Alors que le monde judiciaire est en état de désespérance collective, comme l’a dit la première présidente de la Cour de cassation, la LDH regrette que, à la différence du Beauvau de la sécurité où les policiers et leurs organisations syndicales ont été largement entendus et écoutés, très peu de place soit donnée aux professionnels de la Justice (magistrats, greffiers, avocats, experts…) dans l’expression de leur difficultés et de leurs propositions de changement.

Malgré des initiatives inédites des plus hautes instance de la magistrature en 2021 (quatre avis du Conseil supérieur de la magistrature sur l’indépendance menacée de la justice, une tribune de tous les premiers présidents de cour d’appel intitulée « ça suffit », une tribune signée par plus de 5500 magistrats et la lettre des procureurs généraux et présidents de cour d’appel au ministre de la Justice, dont la presse s’est fait l’écho, qui alerte notamment sur « les réformes incessantes » et « la logique de gestion de la pénurie devenue insupportable »), il est dès maintenant acquis que la voix des professionnels de la Justice ne sera pas entendue puisque la chancellerie a prévu que seuls les citoyens auront voix délibérative dans les « ateliers délibératifs » des Etats généraux.

Ainsi, pour sa première rencontre avec les français le 21 octobre 2021, le Garde des Sceaux avait choisi, en Isère, la commune de Saint-Quentin-Fallavier et le site de production de la marque de sous-vêtements Lise Charmel. Deux cents personnes étaient présentes, mais, parmi les professionnels, seul le bâtonnier a eu la parole, le ministre lançant à l’assistance dès les premières minutes de son intervention : « Faites-moi remonter les griefs que vous avez contre la Justice ! ».

Le diagnostic sur la Justice est pourtant posé depuis longtemps par les professionnels qui sont chaque jour au contact des justiciables, par les associations de la société civile et par les institutions indépendantes (Défenseur des droits, CNCDH, Contrôleur des lieux de privation de liberté…). Leur constat est simple : aucune réforme ne peut prospérer sans le préalable d’une remise à niveau substantielle des moyens donnés à la Justice pour fonctionner.

Quels conflits, quels dysfonctionnements, quelles décisions aberrantes, sans parler des délais, ne trouveraient pas leur résolution si les magistrats et fonctionnaires de greffe étaient suffisamment nombreux, non seulement pour rendre leur décision après avoir pris le temps d’écouter les justiciables et d’étudier les évolutions du droit, et après en avoir délibéré de manière collégiale, mais aussi en prenant le temps d’échanger de manière fluide avec les autres professionnels et partenaires qui concourent à la Justice, ou même, plus largement, d’expliquer le fonctionnement de la Justice aux citoyens?

En un mot, pour retrouver le sens premier de leurs fonctions.

Indépendance de la Justice, équité de la procédure, accessibilité et humanité de la Justice, place institutionnelle, office du juge, égalité devant la Justice, collégialité de la décision, oralité des débats, défense des libertés individuelles, tels sont les principes qui devraient guider ces Etats généraux…

La LDH n’élude pas la nécessité de réformer la Justice mais elle considère que cette réforme ne peut s’effectuer qu’au terme d’un véritable travail collectif serein, rassemblant citoyens, parlementaires, associations et professionnels de la Justice.

 

L’avis de la LDH

Les moyens de la Justice

La durée, généralement excessive, des procédures résulte principalement d’un nombre de magistrats et de greffiers très insuffisant au regard de celui de nos voisins européens.

L’édition 2020 du rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la Justice (CEPEJ) décrit le système judiciaire français comme l’un des plus mal dotés parmi les quarante-sept Etats du Conseil de l’Europe, tant en termes de budget consacré à la Justice que d’effectifs de magistrats.

Les efforts budgétaires récents et réels, dont se targue à juste titre le Garde des Sceaux, profitent essentiellement à l’administration pénitentiaire et à la construction de prisons.

Les recrutements actuels de magistrats et de greffiers concernent surtout des personnels contractuels embauchés pour deux ou trois ans renouvelables une fois (assistants de justice, magistrats à titre temporaire…) et non pas le recrutement de magistrats professionnels formés à l’Ecole nationale de la magistrature.

Pour atteindre le niveau moyen européen, il serait nécessaire que :

– le budget de la Justice atteigne de 0,33 % du PIB. Il est actuellement de 0,20 %.

– la France double pratiquement le nombre de juges (moyenne européenne : 21 magistrats pour 100 000 habitants ; en France : 10,9 magistrats ;11,6 en Italie ; 11,5 en Espagne ; 13,3 en Belgique ; 24,5 en Allemagne).

– la France augmente le nombre de parquetiers, tout en diminuant leurs fonctions en pénal : la moyenne s’établit à 12,13 pour 100 000 habitants. Selon le rapport d’octobre 2020 du CEPEJ, « la France affiche le plus petit nombre de procureurs en Europe ou presque (3,0 pour 100 000 habitants), ces derniers devant, malgré tout, gérer un nombre très élevé d’affaires (6,6 pour 100 habitants) et exercer un nombre record fonctions (13) ».

– la France double le nombre de greffiers (9 400 en France).

– Le plafond de ressources de l’aide juridictionnelle totale (avocat gratuit), actuellement de  11 262 € par an, soit relevé au montant du Smic net et que les conditions d’attribution soient simplifiées (se reporter au communiqué https://www.ldh-france.org/aide-juridictionnelle-de-nouvelles-dispositions-en-restreignant-lacces/).

 

I – Contribution de la LDH en pénal

L’accumulation de textes législatifs

Dans les trente dernières années, trente et une lois pénales dites « sécuritaires » ont augmenté les pouvoirs de la police et du parquet et ont grandement érodé les compétences du juge indépendant, le juge du siège.

Les lois pénales et de procédure pénales se sont succédées à un rythme effréné, encore accéléré en 2021 (cinq lois concernant la création de nouveaux délits ou réformant la procédure pénale).

Tous les professionnels de la Justice déplorent l’insécurité juridique produite par ce droit mouvant et instable.

La LDH demande un moratoire de l’activité législative pénale, une décroissance pénale, qui imposerait à tout projet ou proposition de loi de présenter un bilan de l’application des textes dont la modification est proposée et une étude d’impact exhaustive des conséquences de l’application du nouveau texte en moyens humains et matériels.Par ailleurs, les délits dits « de prévention », sans résultat dommageable dans leur définition légale, qui ouvrent des possibilités d’action arbitraire à la police (Monsieur le professeur Olivier Cahn parle de « délits de convenance policière ») doivent être supprimés (sauf exception lorsque l’utilité particulière du texte est démontrée et justifiée dans une société démocratique). L’exemple type en étant la participation volontaire à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations (article 222-14-2 CP), infraction reine pour empêcher des personnes de manifester, sans aucune poursuite finalement, par absence de preuve ou tout simplement, absence d’infraction.

 

La police judiciaire

En préliminaire, il convient de noter que dans une note de novembre 2021, la Cour des comptes pointe « l’augmentation de 21 % de [la] masse salariale [de la police nationale] en dix ans et le concours accru de nouveaux acteurs de la sécurité (polices municipales, réservistes, sécurité privée). Néanmoins, les résultats qu’elle affiche, en termes de présence sur le terrain ou d’élucidation des faits de délinquance, ne connaissent pas d’amélioration significative, voire se détériorent. »

 

Effectifs et statut de la police judiciaire :

La police judiciaire a été démantelée ces dernières années, au profit de la police d’ordre public, comme en témoigne la baisse constante des effectifs des brigades des mineurs, des services économiques et financiers et des services départementaux et régionaux de police judiciaire). (SDPJ et SRPJ).  La Cour des comptes pointe le fait que la présence sur le terrain de la police nationale est également en baisse, au profit de la police contre les migrants : ces choix politiques ne sont pas admissibles.

La police judiciaire doit être renforcée afin de remplir correctement ses missions de recherche des délinquants et d’élucidation des infractions. Il faut redonner des effectifs décents à ces services sans lesquels aucune affaire pénale complexe ne peut aboutir. Ainsi il n’est pas rare qu’un juge d’instruction doive attendre six mois ou un an les résultats d’investigations relativement simples sur des abus de confiance, un viol, une affaire de proxénétisme, des vols à main armée…

La généralisation de la qualité d’officier de police judiciaire (OPJ) à des policiers insuffisamment formés (gardiens de la paix) participe au très faible taux d’élucidation des infractions en France (environ 50 %). Leur formation doit donc être améliorée. L’attractivité doit être renforcée pour que le niveau des candidats au concours soit relevé (cf. la note de la Cour des comptes, précitée).

La police judiciaire doit être rattachée à la Justice, comme c’est le cas en Italie ou au Portugal, afin d’éviter les ingérences du ministère de l’Intérieur dans les investigations judiciaires. La LDH suivra à cet égard avec attention la réorganisation en cours de la police judiciaire sous forme de filières par métier et la création de directions départementales de la police nationale (DDPN), qui est préoccupante en ce qu’elle risque de faire perdre la liberté de choix du service enquêteur par les magistrats.

 

Les instances de contrôle des forces de l’ordre

Les instances de contrôle de la police (Inspection générale de la Police nationale – IGPN) et de la gendarmerie (Inspection générale de la gendarmerie – IGGN) doivent être remplacées par une institution indépendante des corps qu’elles contrôlent. Comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, Grande Chambre, 28 septembre 2015, Affaire Bouyid C. Belqique) à propos de l’instance de contrôle de la police belge, « d’une manière générale, pour qu’une enquête puisse passer pour effective, il faut que les institutions et les personnes qui en sont chargées soient indépendantes des personnes qu’elle vise. Cela suppose non seulement l’absence de lien hiérarchique ou institutionnel mais aussi une indépendance concrète. » 

Comme l’Independant office of police conduct (IOPC) en Angleterre, dont les effectifs sont triples, ces inspections doivent comprendre une majorité de personnes qui n’ont pas été en fonction dans les services de sécurité (tels des professionnels de la Justice, des enseignants en droit, des avocats et des magistrats, des représentants associatifs, des citoyens et des personnalités incontestables nommées par le Parlement) qui siégeraient aux côtés de policiers et gendarmes.

Les directeurs de ces organismes ne devront pas avoir été en fonction dans la police ou la gendarmerie.

 

Les contrôles d’identité, la garde à vue et les droits du suspect

Les contrôles d’identité au faciès sont aujourd’hui banalisés et très largement utilisés. De plus, les contrôles au faciès sont une réalité : les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes ont vingt fois plus de risques d’être contrôlés que les autres, malgré la condamnation régulière de la France pour discrimination par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), et de l’Etat par la Cour de cassation, pour faute lourde.

La LDH demande que le cadre légal des contrôles d’identité soit limité à la recherche de l’auteur identifié d’une infraction et (comme d’autres associations luttant contre les discriminations) que soient engagées des mesures de prévention des contrôles discriminatoires comme avec la remise d’un récépissé en cas de contrôle d’identité, ce qui existe déjà dans d’autres pays (Espagne, Angleterre, Hongrie, Bulgarie, Etats-Unis, Canada).

La présence de l’avocat tout au long de la garde à vue, l’accès intégral au dossier et l’enregistrement audiovisuel des auditions du gardé à vue se révèlent être des priorités. Ainsi, l’obligation d’enregistrement des auditions des personnes en garde à vue n’existe qu’en matière criminelle ou pour les mineurs, alors que l’exclusion des procédures concernant des faits de terrorisme ou de délinquance organisée est inacceptable.

La rénovation des cellules de garde à vue doit être entreprise de façon urgente, tant elles sont dégradées et dans un état qui porte atteinte à la dignité des personnes. Il convient de se reporter aux recommandations du 21 septembre 2021 relatives aux conditions matérielles de garde à vue dans les locaux de police de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, et à l’ordonnance du juge des référés du Conseil d’Etat ordonnant au gouvernement de prendre des mesures urgentes pour mieux protéger la santé des personnes (ord. 22 novembre 2021, n°456924).

Le choix n’a pas été fait de supprimer le juge d’instruction mais de dévitaliser l’information au profit de l’enquête de police judiciaire, donnant tous pouvoirs au procureur (l’autorisation pour des actes particulièrement intrusifs dans la vie privée par le juge des libertés et de la détention n’est en réalité qu’un alibi, faute de réel examen du dossier et du pouvoir de faire cesser les mesures en temps réel. Voir l’analyse du Conseil constitutionnel dans sa décision CC 2019-778 DC 21 mars 2019, loi de réforme pour la Justice, §144). Un véritable statut du suspect, comportant des droits de la défense et la possibilité de demander des actes doit donc être accordé au stade de l’enquête.

 

Les violences policières

La Justice assure, selon l’article 66 de la Constitution, la garantie de la liberté individuelle ; elle doit donc contrôler effectivement la police et sanctionner les violences policières illégitimes.

Si le nombre de condamnations pour violences contre les policiers a doublé en dix ans, si les infractions contre les policiers sont systématiquement poursuivies par le parquet (taux de réponse pénale de 95,5 %), même les simples outrages qui pourraient faire l’objet d’une mesure de réparation, il n’en est pas de même pour les violences illégitimes commises par les forces de sécurité.

Les plaintes pour violences volontaires commise par un dépositaire de l’autorité publique sont le plus souvent classées sans suite par le Procureur de la République, tandis que les plaintes avec constitution de partie civile auprès des juges d’instruction sont assorties d’une consignation obligatoire de six cents à mille euros en moyenne, impossible à verser pour la plupart des victimes.

Il est constant que la justice pénale peine à réagir aux violences commises par les forces de l’ordre, illustrées par les images filmées lors des récentes manifestations des Gilets jaunes ou des militants de la cause climatique. Il est d’ailleurs très difficile de trouver les chiffres officiels d’éventuelles condamnations de dépositaires de l’autorité publique.

L‘Inspection générale de la police nationale indique dans son dernier rapport de 2021 que huit plaintes sur dix sont classées et que les mesures disciplinaires prises contre ses agents sont en nette régression.

La LDH constate que ces services d’inspection, dotés de moyens insuffisants, ne peuvent, en tout état de cause, pas remplir leur mission actuelle en toute impartialité puisqu’ils sont chargés d’enquêter sur le corps auquel ils appartiennent.

Enfin, en cas de plaintes des policiers contre des citoyens et de plaintes de citoyens contre des policiers, les affaires sont presque toujours instruites et jugées séparément, ce qui nuit à la compréhension réelle du dossier.

La LDH demande que le parquet joigne systématiquement les plaintes afin que ces affaires soient jugées dans leur globalité.

La LDH souhaite aussi le retour au droit commun en ce qui concerne le traitement judiciaire des violences contre les policiers, qui, selon les derniers textes votés en 2021, seront sanctionnées plus sévèrement (loi responsabilité pénale et sécurité publique) que les violences contre d’autres victimes particulièrement protégées (personnes vulnérables, mineurs, conjoints…) et excluront les réductions de peine (loi confiance en la Justice).

 

La détention provisoire

Plus d’un tiers des personnes détenues sont actuellement en détention provisoire alors que le taux d’occupation des maisons d’arrêt est en moyenne de 120 %, et peut atteindre 170 % (Toulouse-Seysses). Le nombre des détenus a augmenté de 35 % en vingt ans, entraînant régulièrement la condamnation de la France par la CEDH pour conditions de détention inhumaines et dégradantes.

Contrairement aux textes qui précisent que le placement en détention provisoire n’est prononcé que lorsque le contrôle judiciaire ou le port d’un bracelet électronique ne sont pas suffisants, on constate en pratique que le placement sous surveillance électronique (PSE) est souvent une alternative au contrôle judiciaire et non pas à l’incarcération provisoire.

La LDH demande :

– la suppression du critère de l’ordre public pour ordonner la détention provisoire, les autres critères suffisant à la motiver (conserver les preuves ou les indices, empêcher une pression sur les témoins et sur les victimes ou leurs familles, empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en cause et ses coauteurs ou complices, garantir le maintien de la personne mise en cause à la disposition de la Justice, mettre fin à l’infraction ou éviter son renouvellement). Le critère d’ordre public n’a été supprimé qu’en matière délictuelle.

– la suppression du référé détention qui permet au procureur, en faisant appel d’une ordonnance de remise en liberté prononcée par un juge du siège indépendant, de maintenir quand même quelqu’un en prison.

– la possibilité pour les juges des libertés et de la détention (JLD) de statuer en collégialité, c’est à dire à trois magistrats lorsqu’il l’estime nécessaire, en raison de la complexité de l’affaire et l’atteinte grave aux libertés et à la présomption d’innocence que constitue la détention provisoire.

 

La collégialité des audiences, et leur contournement – l’individualisation de la sanction

Les audiences pénales se sont considérablement transformées en vingt ans.

Le jugement à juge unique est permis pour un nombre croissant d’infractions.

De plus, de très nombreuses personnes sont condamnées sans audience, lors de procédures « alternatives », par un juge qui n’est pas un juge professionnel, mais un délégué du procureur (c’est donc le parquet qui devient juge) ou par un magistrat à titre temporaire, recruté pour trois ans.

Pour un tiers des 550 000 condamnations délictuelles annuelles, il n’y a plus d’audience correctionnelle tenue en public par un tribunal collégial (trois juges), où le prévenu est défendu par un avocat, mais des convocations devant un juge unique statuant en composition pénale (quand la « peine » n’est pas prononcée par le parquet seul, jusqu’à 3 000€ d’amende) ou en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). La peine est proposée par le parquet alors que la défense n’a que très peu de place, étant réduite à accepter ou refuser la peine, avec la menace pour le prévenu d’être plus sévèrement traité en comparution immédiate s’il refuse.

La LDH demande que soit mis fin à ces pratiques massives de contournement de l’audience publique où la culpabilité du prévenu n’est plus débattue puisqu’on statue directement sur la peine, et qui réduisent à peau de chagrin le rôle de la défense.

Les comparutions immédiates doivent être supprimées car cette procédure est la moins respectueuse des droits de la défense et celle où les peines d’emprisonnement sont prononcées de façon expéditive et très sévèrement (cf. le travail de 2011 de l’Observatoire des comparutions immédiates de Toulouse : https://www.ldh-france.org/IMG/pdf/H_L156_Actualite_5._Les_comparutions_immediates_a_la_loupe_.pdf ).

La procédure de comparution à délai différé (art. 397-1-1 CPP), créée par la loi du 23 mars 2019, qui permet d’éviter un renvoi en instruction, alors que le dossier n’est pas en état d’être jugé, doit être supprimée.

Le recours à la visioconférence doit être limité aux cas où la personne le demande expressément car la caméra interposée n’est pas neutre en réalité et l’effet de l’audience en est supprimé.

Le recours à la procédure d’amende forfaitaire doit être limité aux trois premières classes de contravention. Il n’est pas admissible, alors que le montant de l’amende est élevé, que les droits de la défense soient à ce point réduits, du fait de l’impossibilité en matière contraventionnelle de discuter de la valeur probante du procès-verbal mais aussi en raison de la perte du pouvoir d’appréciation du quantum de la peine pour le juge, le montant de l’amende forfaitaire constituant le minimum encouru.

L’ouverture de cette procédure à la 5e classe n’a d’ailleurs été effectuée que pendant la pandémie, qui a pourtant mis en lumière l’arbitraire des policiers quant à la définition des obligations support de l’infraction.

La LDH a par ailleurs dénoncé le ciblage de jeunes de certains quartiers en voie de gentrification, afin de les chasser de l’espace public (Cf. la lettre ouverte au Premier ministre, conjointe au Syndicat des avocats de France (SAF) et au Syndicat de la magistrature (SM) : https://blogs.mediapart.fr/ldh-saf-sm/blog/290321/attestation-derogatoire-de-sortie-pour-un-respect-du-droit-penal).

Cette procédure revient en réalité à confier aux policiers le pouvoir d’apprécier l’opportunité des poursuites et de juger.

Quant à l’amende forfaitaire délictuelle, il est parfaitement clair que les délits visés concernent les « pauvres » et les « jeunes des quartiers populaires » en réalité, ce qui est parfaitement discriminatoire : vente à la sauvette, occupation des halls d’immeuble et usage de stupéfiant.

La LDH, membre du collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD) milite à cet égard pour une dépénalisation de l’usage de stupéfiants et le CNPD a écrit un livre blanc contre l’amende forfaitaire délictuelle (https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2018/11/Livre-blanc_drogues.pdf).

En toute hypothèse, et au-delà de la problématique des amendes forfaitaires, l’individualisation de la sanction par un collège de juges doit être garantie et renforcée.

 

Les cours d’assises

Depuis 2019, étaient expérimentées des cours criminelles départementales, cours d’assises sans jurés, pour juger des crimes punis de vingt ans au plus de réclusion criminelle, soit à 90 % des affaires de viols auxquelles s’ajoutent quelques vols à main armée.

A la différence des cours d’assises où siègent en premier  ressort six jurés et trois magistrats professionnels, les cours criminelles départementales sont composées de deux magistrats à titre temporaire et de trois magistrats professionnels. Les jurés en sont donc exclus.

La loi « confiance en la Justice » de 2021 généralise ces cours criminelles départementales pour des motifs de gestion des stocks de dossiers en attente de jugement par les cours d’assises.

Si les trop longs délais de jugement par la cour d’assises sont un grave problème, d’autant que les accusés sont presque toujours en détention provisoire en attendant l’audience, la LDH s’oppose à la disparition progressive, pour des raisons purement gestionnaires, de la cour d’assises et surtout du jury populaire, conquête de la Révolution française.

Il convient au contraire d’augmenter considérablement le budget de la Justice afin que les crimes continuent à être jugés dans les meilleures conditions possibles du point de vue des droits de la défense et des parties civiles.

 

Les justices d’exception

La Cour de Justice de la République

Malgré les promesses des deux derniers présidents de la République, cette juridiction politique est toujours en place et permet de juger entre pairs les crimes ou délits commis par les membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions.

Sur quinze juges, elle comprend douze parlementaires et seulement trois magistrats professionnels. Le bilan de son fonctionnement depuis 1993 démontre le décalage de ses décisions avec les jugements pénaux, beaucoup plus sévères, concernant des citoyens ordinaires dans les mêmes affaires (sang contaminé, Tapie, Karachi…).

La LDH demande le remplacement de la Cour de Justice de la République par une juridiction de droit commun, mais après mise en place d’une procédure de filtrage des plaintes, pour éviter la multiplication des plaintes sans fondement pénal contre les membres du gouvernement.

Les juridictions anti-terroristes

L’actuelle organisation judiciaire anti-terroriste perpétue le contournement du juge judiciaire, au profit du parquet et du préfet, comme c’est le cas depuis trente-cinq ans de législation antiterroriste.

L’augmentation saisissante du contentieux lié au terrorisme islamiste a entraîné une superposition de textes élaborés dans l’urgence et dans l’émotion, suite aux événements dramatiques de ces dernières années, dessinant une Justice à l’abri des regards qui s’éloigne de plus en plus des valeurs qui fondent notre système juridique, alors même que l’efficacité à long terme de ce système est loin d’être assurée.

Toute la « chaîne pénale » a été réformée en matière d’anti-terrorisme afin de créer des procédures d’exception. De l’enquête à l’exécution des peines, tout y est exceptionnel : la garde à vue peut durer 144 heures, soit six jours au lieu de deux, sans pouvoir rencontrer un avocat pendant trois jours ; la détention provisoire, pour les délits, est de deux ans au lieu d’un an et de quatre ans au lieu de deux pour les crimes terroristes qui sont jugées par des cours d’assises « spéciales » et soumis à un régime d’application des peines très restrictif.

Le politique a confié beaucoup de pouvoirs à la police administrative et au juge administratif, en intégrant définitivement dans le droit commun les dispositions de l’état d’urgence, abolissant les frontières entre prévention et répression. L’Etat aurait pu faire un autre choix : celui de renforcer les moyens et le rôle de la Justice.

La LDH propose des pistes d’amélioration du dispositif juridique et judiciaire aux fins de s’adapter à la diversité des profils des mis en cause dans les affaires de terrorisme :

– Il faut supprimer les qualifications juridiques floues d’entreprise individuelle de terrorisme (qui, de l’aveu du Conseil constitutionnel permet d’incriminer des « actes préparatoires » habituellement non punissables car trop ambigus, voir CC 2017-625 QPC 7 avril 2017) comme celle d’association de malfaiteurs terroriste, si large qu’elle permet d’incriminer l’islamiste radicalisé déterminé à passer à l’action aussi bien que le mineur isolé, manipulé et désorienté cherchant à rejoindre le terrorisme sur les sites djihadistes des réseaux sociaux. L’affaire du « Tarnac » démontre la manipulation possible de cette qualification, pour étendre les pouvoirs des enquêteurs, en l’absence de tout signe concret démontrant une intention « terroriste ».

Cette qualification a pour conséquence le recours quasi systématique à la détention provisoire pour les majeurs, quelle que soit la gravité du comportement reproché. Or, il serait parfaitement possible aujourd’hui de différencier, sur le plan juridique, les préparatifs d’attentats, et la volonté de rejoindre le Djihad, ainsi que le simple soutien moral ou matériel à cette délinquance.

Depuis 2016, il a été décidé par le procureur de Paris de judiciariser tous les retours de zones de combats irako-syrienne, ce qui signifie détention provisoire et peine de prison de vingt à trente ans encourue. D’autres pays comme l’Allemagne, dont la France pourrait s’inspirer, appliquent au contraire une politique pénale individualisée, ce qui n’exclut pas de juger de nombreux revenants du Djihad, mais permet aussi de se borner à surveiller activement ceux qui semblent repentis, après enquêtes approfondies des services de renseignement.

-Les infractions concernant une expression interdite doivent être réintégrées dans la loi de la presse de 1881, notamment celle d’apologie du terrorisme.

– La durée des peines de prison prononcées par les tribunaux est considérable et parfois sans lien avec les comportements réels, l’objectif étant d’écarter de la société le plus longtemps possible toute personne pouvant représenter un risque dans l’attente, vaine, d’un essoufflement du terrorisme islamiste et de ses causes.

Or, la prison est un lieu de radicalisation et n’est pas organisée pour préparer le retour dans la société des personnes condamnées pour des faits de terrorisme. Des « médiateurs du faits religieux » ont été formés pour tenir un contre-discours religieux s’opposant à la violence, mais leur nombre, une quinzaine, est notoirement insuffisant face aux 1 200 détenus engagés dans la violence islamique.

Les récents quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR) apportent, selon le rapport de 2020 de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, une réponse contestable aux islamistes condamnés pour  terrorisme : mélange des détenus quel que soit leur âge ou leur situation pénale (détention provisoire ou exécution de peine), fouilles à nu plusieurs fois par semaine, changement de cellule hebdomadaire, accès aux douches réduit, difficultés d‘accès aux activités scolaires ou professionnelles alors qu’elles sont justement les plus efficaces pour amorcer la « déradicalisation ». De plus beaucoup de ces détenus ont de graves problèmes psychiques, que la misère de la psychiatrie pénitentiaire ne permet pas de prendre en charge.

– Enfin, peu de moyens ont été alloués en amont pour aider les associations et les familles dans la lutte contre la radicalisation, comme le note un rapport de 2019 de la Cour des comptes.

La LDH prône l’augmentation très significative des moyens des associations sociales éducatives qui peuvent accompagner les jeunes et les familles dans la critique du discours djihadistes, notamment sur les réseaux sociaux.

Elle demande aussi le rapatriement d’urgence des enfants détenus en Syrie et en Irak dans des conditions indignes.

 

Le statut du parquet

Le rôle du parquet s’est considérablement transformé depuis trente ans. Le parquet est la « gare de triage » de toutes les procédures pénales et les oriente selon ses propres critères (alternative aux poursuites,  « plaider coupable »,  comparution immédiate, devant le juge d’instruction…).

Il peut désormais décider en enquête préliminaire, avec l’homologation du juge des libertés, d’écoutes téléphoniques, de perquisitions, de quasi-expertises (examens techniques). Pour certains délits, il est quasiment un juge dans les procédures de plaider-coupable ou d’ordonnance pénale, alors que les magistrats du parquet ne sont pas indépendants.

Depuis vingt ans, les magistrats et leurs organisations professionnelles, ainsi que de nombreux partis politiques, demandent la réforme des dispositions de la Constitution s’agissant de la nomination des membres du parquet.

Un projet de réforme constitutionnelle, votée par les deux chambres en 1999, prévoyait qu’un procureur ne pourrait être nommé qu’après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), et non plus par le Garde des Sceaux, c’est-à-dire l’exécutif, après un simple avis consultatif du CSM. Cette réforme a été bloquée par le gouvernement.

La LDH demande donc a minima que la nomination et la carrière (propositions par la formation compétente du CSM pour les nominations des magistrats du parquet à la Cour de cassation, des procureurs généraux près les cours d’appel et des procureurs de la République, les autres magistrats du parquet étant nommés sur avis conforme du CSM) ainsi que la discipline des magistrats du parquet relèvent entièrement du CSM, comme les magistrats du siège.

Elle demande aussi la suppression des remontées d’informations concernant les procédures particulières au ministre de la Justice, ce qui lui permet d’être informé en temps réel des procédures pénales concernant des affaires sensibles et de réagir en conséquence.

Mais au-delà, la réforme du parquet doit être envisagée dans sa globalité, en lien avec l’existence dans notre système juridique, des juges d’instruction, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays d’Europe qui n’ont pas de juges d’instruction mais des juges de l’enquête, garants du respect de la procédure et des libertés.

Un parquet indépendant suppose enfin que la police judiciaire lui soit rattachée.

 

II – Contribution sur la procédure civile

De nombreuses réformes sont intervenues avec le souci affiché de simplification de la procédure civile et d’amélioration du fonctionnement des tribunaux et donc du service rendu pour le justiciable.

La réalité est tout autre, et la situation n’a fait qu’empirer au point de devenir carrément désastreuse dans certaines juridictions.

C’est dans ce contexte que le groupe de travail des Etats généraux de la Justice portant précisément sur « la simplification de la procédure civile » s’est vu missionner pour réfléchir sur les trois grands axes suivants :

– la maîtrise des délais par une plus grande implication des parties et de leurs conseils,

– l’articulation effective des modes amiables de règlement des différends et du procès civil,

– l’office du juge en matière civile, le périmètre et l’intensité de son intervention.

Ces trois sujets de réflexion n’ont en réalité rien de très nouveau puisqu’ils ont été, sans grand succès jusqu’à présent, au cœur précisément des dernières modifications législatives ou règlementaires intervenues.

Ils appellent les observations suivantes – non exhaustives – par rapport au vécu judiciaire quotidien.

1 – Le problème principal actuel est bien celui de la lenteur de la Justice, avec non pas une réduction mais un allongement considérable des délais.

Si l’on prend le cas des tribunaux de Paris et de la région parisienne dans lesquels un jugement de première instance pouvait être rendu en moyenne douze à dix-huit mois après la saisine de la juridiction, la durée des procédures s’échelonne désormais plutôt sur une période de trente à trente-six mois.

Devant les cours d’appel, alors que la durée était généralement très excessive, elle s’est également accrue dans des proportions similaires pour atteindre souvent en moyenne trois à quatre années.

La situation est d’autant plus paradoxale que, pourtant, avec le but de raccourcir les délais, la partie appelante dispose d’un délai de trois mois pour régulariser ses conclusions, puis la partie intimée d’un délai de trois mois également, soit six mois au total, ce qui est relativement bref dans certains dossiers complexes, mais, néanmoins, il ne se passera ensuite pratiquement plus rien jusqu’à la clôture de l’affaire et l’intervention des plaidoiries, deux ans et demi à trois ans plus tard.

Ainsi, par exemple en matière immobilière, il n’est pas rare de voir des procédures, surtout lorsqu’il y a une expertise, qui ne donneront lieu à un arrêt de la Cour d’appel, sans parler ensuite d’un pourvoi en cassation, qu’au moins sept à huit ans après le début de l’affaire.

Il en résulte une incompréhension pour le justiciable, découragé et parfois révolté devant de tels retards qui peuvent lui être gravement préjudiciables.

Certes, la raison d’une telle lenteur tient sans doute principalement à l’insuffisance des moyens humains (nombre de magistrats et greffiers) et matériels (locaux, installation informatique), même si des efforts budgétaires ont été récemment accomplis.

Mais telle ne saurait être la seule raison.

2 – La deuxième question importante qui doit être soulevée est celle d’une tendance à la déshumanisation de la Justice, et d’une perte du contact humain.

Ainsi, en va-t-il des rapports entre magistrats et avocats qui passent par des systèmes dématérialisés, ayant conduit à supprimer les échanges directs lors de l’évolution des procès.

Alors que les audiences de mise en état pour le suivi et l’évolution des procédures sont dématérialisées, ce qui constitue effectivement en principe un gain de temps, il devient extrêmement difficile de rencontrer le magistrat chargé du litige pour échanger sur la meilleure façon d’instruire et faire avancer le dossier.

Paradoxalement, cela a pour conséquence qu’il suffit à l’avocat d’une partie qui a intérêt à retarder l’issue du contentieux d’envoyer un message informatique la veille de l’audience de mise en état pour obtenir sans difficulté de multiples renvois accordés par un magistrat à l’agenda plus ou moins chargé.

Si le recours à l’informatique et à des systèmes dématérialisés constitue en soi évidemment un progrès, tout en nécessitant d’être mieux maîtrisé, il est indispensable de continuer à maintenir une Justice à l’échelle humaine.

Le ressenti de cette relative déshumanisation se traduit dans la conception elle-même des nouveaux bâtiments judiciaires, aseptisés et sécurisés, où le cloisonnement prévaut et rend difficiles les contacts, comme en témoigne, aussi bien pour les professionnels de Justice que pour les justiciables, la conception du nouveau Palais de Justice de Paris.

3 – Devant la difficulté croissante à juger dans des délais raisonnables s’est instauré et a été développé le recours à des modes amiables de règlement des différends.

Il s’agit en particulier de la médiation, de plus en plus utilisée par les magistrats.

Si le principe est qu’une telle médiation doit être acceptée par les parties en présence, les juges se montrent parfois pressants pour essayer de les y contraindre.

Or, si la médiation peut effectivement, dans certaines situations, être parfaitement adaptée et efficace, il en va autrement dans d’autres cas où les chances de succès de la voir aboutir sont extrêmement minces.

Aussi, lorsqu’au bout de plusieurs mois la médiation a échoué, les parties n’ont d’autre solution que de revenir devant la juridiction qui l’a ordonnée, avec des délais d’issue de leur litige qui, loin d’avoir été raccourcis, vont se trouver très fortement allongés.

Il convient donc de recourir à une telle tentative de conciliation avec discernement, et de ne pas la considérer comme un moyen quasi systématique d’améliorer les statistiques de traitement des affaires des tribunaux.

Il y a lieu de souligner ici l’importance du rôle joué par le médiateur qui doit avoir la compétence et les qualités requises pour être en mesure d’orienter les parties, parfois virulentes, vers un accord transactionnel, faute de quoi l’échec est assuré.

Les modes alternatifs de règlement amiable des conflits ne doivent en réalité en aucun cas être conçus pour priver le citoyen de son droit absolu de recourir à un juge pour traiter les conflits.

Or, c’est bien la tendance qui se dessine de restreindre en réalité le périmètre d’intervention du juge, notamment pour soustraire à son examen des affaires considérées comme mineures mais qui peuvent en réalité revêtir un aspect important et préoccupant pour le justiciable.

4 – Cette tendance à essayer d’alléger le temps consacré par le juge dans le cadre des procédures se retrouve par exemple à travers le recours de plus en plus fréquent au juge unique plutôt qu’à une formation collégiale, ou alors par la pratique certaines fois imposée de dépôt du dossier par l’avocat, supprimant toute oralité pourtant souvent utile à la clarification des débats.

Si pour certains dossiers ces façons de procéder peuvent s’avérer compréhensibles, il n’en va pas de même lorsque les positions respectives des parties doivent être explicitées et examinées pour qu’il puisse être ensuite statué de manière parfaitement éclairée. La meilleure preuve en est que le résultat est parfois celui de décisions médiocrement motivées et d’une qualité insuffisante qui déconcerte là aussi le justiciable. On ajoutera encore que dans un contexte quelque peu déliquescent, il y a de plus en plus de reports de dates d’audience pourtant fixées longtemps à l’avance, comme du prononcé des délibérés des décisions judiciaires.

Enfin, pour ce qui est des critiques à formuler, et, par voie de conséquence, des améliorations à apporter, il faut mentionner l’expertise judiciaire. En effet, force est de constater, et la situation n’est nullement nouvelle, que du fait d’une qualité insuffisante de certains experts, des expertises peuvent s’enliser pendant des délais conséquents, et conduire, in fine, à des rapports mal rédigés et difficilement utilisables. Une vigilance toute particulière devrait être attachée à la constitution de la liste de ces experts de façon à ce qu’y figurent des personnes effectivement qualifiées pour remplir ce rôle.

Mais en définitive, là aussi, une augmentation, plutôt que la diminution en cours des échanges entre les divers professionnels de la Justice, et particulièrement entre les magistrats et les avocats, serait de nature à éviter divers écueils et à améliorer le fonctionnement de l’institution judiciaire.

 

III- Contribution sur la « justice sociale »

De nombreuses réformes sont intervenues ces dernières années concernant les compétences des juridictions en matière de droit social, notamment en matière de droit du travail.

Ces réformes ont pour objectif de sécuriser juridiquement les décisions des actionnaires et des employeurs, au détriment de la sécurité juridique des salariés, notamment en ce qui concerne les licenciements.

En voici quelques illustrations, dispositions sur lesquelles la LDH demande de revenir :

 

  • Le plafonnement des indemnités en cas de licenciement injustifié :

Avec la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 de ratification des « ordonnances Macron » de l’automne 2017, un barème encadre et limite le pouvoir du juge du contrat de travail (Code du travail, art. L. 1235-3).

Le juge ne peut plus accorder la réparation intégrale des préjudices subis par le salarié du fait d’un licenciement injustifié. Le juge peut seulement accorder une réparation forfaitaire limitée. Cette réparation est calculée au regard du critère de l’ancienneté du salarié. L’employeur peut donc calculer à l’avance le coût potentiel d’un licenciement injustifié. Ce texte sécurise juridiquement des actes illégaux – des licenciements injustifiés. La situation des salariés dans les entreprises se trouve ainsi fortement fragilisée au regard du pouvoir de l’employeur.

La crainte des salariés de perdre son emploi, à bas coût pour l’employeur, réduit fortement leur citoyenneté dans de nombreuses entreprises.

 

  • La réduction des délais de prescription en cas de licenciement injustifié :

Alors que le délai de droit commun concernant les actions civiles est de cinq ans, en matière de droit du travail, le salarié justiciable ne peut engager une procédure que dans des délais beaucoup plus courts (loi n°2018-217 du 29 mars 2018 de ratification des « ordonnances Macron » de l’automne 2017).

Quelques illustrations (Code du travail, art. L. 1471-1) :

Toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

 

  • L’encadrement de l’office du juge dans l’appréciation du motif économique de licenciement :

Le rôle du juge est encadré et fortement limité par des dispositions légales concernant l’appréciation du motif économique de licenciement.

Ainsi, pour apprécier si des difficultés économiques peuvent justifier un licenciement pour motif économique, le juge voit son office encadré :

« Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

  1. a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
  2. b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
  3. c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
  4. d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus» (loi n°2018-217 du 29 mars 2018 de ratification des « ordonnances Macron» de l’automne 2017 ; Code du travail, art. L. 1233-3).

Là encore, un tableau comptable limite le pouvoir de juger.

 

  • L’impossibilité pour le juge d’apprécier la justification du licenciement

Avec les accords d’entreprise dits « de performance collective » (loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 ; Code du travail, art. L. 2254-2), en cas de refus par le salarié d’une modification défavorable de son contrat de travail (baisse de rémunération, modification de la répartition de la durée du travail, mobilité professionnelle ou géographique imposée dans l’entreprise, etc.), l’employeur peut le licencier.

La loi dispose que : « Ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse. »

 

  • La mise à l’écart du juge judiciaire dans l’appréciation des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE)

La loi a transféré l’appréciation des mesures sociales d’un licenciement économique – plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) – du juge judiciaire à l’administration du travail (loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 « relative à la sécurisation de l’emploi »). Les directions régionales du travail (DREETS) ne sont pas équipées pour réaliser de façon satisfaisante ce contrôle (effectifs insuffisants).

Dans la nouvelle organisation territoriale de l’Etat, ces administrations sont sous l’autorité du Préfet. L’administration ne dispose pas, contrairement au juge judiciaire, de l’indépendance nécessaire pour apprécier ces plans.

Télécharger la contribution en format PDF

 

Source: Contribution de la Ligue des droits de l’Homme aux Etats généraux de la Justice

3 décembre 2021 – Tribune collective “L’urgence d’accueillir” publiée sur Mediapart 10 décembre 2021

Tribune collective signée par la LDH et publiée sur Mediapart

Alors qu’aux portes de l’Union européenne se joue un bras de fer politique entre la Pologne et la Biélorussie, nous avons plongé ces derniers jours un peu plus loin dans les abîmes de l’inhumanité.

Dans un froid glacial, au cœur d’une forêt instituée en zone de non droit où ni les journalistes ni les organisations humanitaires n’ont droit d’accès, 4 000 personnes, venant presque toutes de Syrie ou d’Irak, sont livrées à elles-mêmes. Elles subissent la violence des forces militaires et policières polonaises. On compte déjà plus de 15 mort.e.s, des mort.e.s de froid et de soif. Sans compter la disparition d’une dizaine de ces personnes. 

Dans le même temps, des réfugiés meurent dans la Méditerranée et dans La Manche.

Pour tout commentaire, le porte-parole du RN Julien Odoul affirme sans ciller qu’il faut laisser mourir ces gens de froid. Le journaliste du Figaro Ivan Rioufol s’interroge sur la possibilité de faire tirer l’armée sur eux. Un festival de haine et de racisme. La droite et l’extrême droite sont à l’offensive. Quant au gouvernement d’Emmanuel Macron, fidèle à sa politique migratoire issue de la loi asile et immigration, il fait le choix des barbelés plutôt que de l’accueil.

Accueillir sans attendre. Nous devons, collectivement, assumer ce devoir, pour venir en aide à quelques milliers de personnes, poussées par le désespoir et instrumentalisées par des régimes totalitaires d’extrême droite.

Dans quelques jours, le grand froid, les menaçant de mort. Combien de temps allons-nous encore regarder de loin cette tragédie macabre, sans intervenir ? Comment pouvons-nous laisser croire que des solutions ne puissent être trouvées pour accueillir quelques milliers personnes qui ne menacent en rien la sécurité européenne ?

Quelle est cette Union européenne instrumentalisée par des pouvoirs autoritaires et piétinant les droits humains les plus fondamentaux ?

Il ne s’agit pas maintenant de régler les questions du respect de l’État de droit en Biélorussie, en Pologne ou en Turquie ni d’ailleurs les enjeux géopolitiques.

Il s’agit aujourd’hui de sauver des vies humaines. C’est cette urgence humanitaire qui doit nous animer.

Notre horizon ne peut, et ne doit être, celui des murs de la honte, des fils barbelés coupants, des détecteurs de mouvements. En refusant d’ouvrir les frontières et en apportant sa solidarité au gouvernement Polonais, y compris en déployant Frontex, l’Union européenne cautionne le discours xénophobe et anti-migrant.e.s du gouvernement polonais et pose comme seul horizon l’Europe forteresse.

À l’heure où les discours racistes et xénophobes se multiplient, où la détresse de milliers de personnes est utilisée à des fins de stratégie politique de haine, les forces progressistes doivent avoir une parole claire et forte sur la question de l’accueil de ces enfants, femmes et hommes aujourd’hui menacé.e.s de mort.

Devant la gravité de la situation, il faut tout de suite que l’Europe impose la présence d’observateurs internationaux et l’arrivée de l’aide humanitaire afin d’assurer la sécurité des milliers de personnes actuellement parquées entre frontières. Mais il faut également et clairement affirmer que, pour ne pas céder au chantage de régimes autoritaires, nous devons accueillir sur le territoire de l’Union européenne ces quelques milliers de migrant.e.s.

Face à l’instrumentalisation de cette détresse humaine, nous demandons que la France ne se contente pas de paroles. Si les gouvernements des États de l’Union, pris dans une course éhontée avec l’extrême droite, se refusent à le faire, la France doit se monter exemplaire en les recevant. 

Emmanuel Macron prendra la présidence européenne en janvier 2022. Dès aujourd’hui la France doit agir pour que l’Union Européenne respecte ses engagements internationaux et mettre en œuvre une politique migratoire coordonnée entre l’ensemble des États membres.

Si l’émigration est souvent le prix d’un arrachement de populations dévastées, nous affirmons en effet qu’aujourd’hui il est nécessaire d’accueillir dignement et de façon solidaire celles et ceux qui ont cherché refuge dans nos pays. Cela peut être une chance pour l’Europe, d’abord sur le plan économique mais aussi parce que l’histoire montre que toutes les sociétés sont le produit de la richesse de circulations permanentes de populations. 

Tribune initiée par  :

Aurélie Trouvé, Militante altermondialiste et économiste et Thomas Portes, Président de l’observatoire national de l’extrême droite 

Signataires

Simon Duteil et Murielle Guilbert co-délégués Généraux de l’Union syndicale Solidaires
Cybèle David Secrétaire nationale de l Union syndicale Solidaires
Arié Alimi, Avocat
Taha Bouhafs, Journaliste
Julien Bayou, Secrétaire national EELV
Pablo PillaudVivien, journaliste
Jean-François Pellissier, porte-parole ENSEMBLE!
Merlin Gautier, membre fondateur de Pour une Écologie Populaire et Sociale (PEPS)
Joséphine Delpeyrat, déléguée générale de Génération.s
Camille Hachez, co-secrétaire fédérale des Jeunes Écologistes
Quentin BernierGravat, fédéral des Jeunes Écologistes
Pierre Khalfa, fondation Copernic
Marie-Pierre Vieu, fondation Copernic
Elsa Faucillon, Députée PCF
Willy Pelletier, sociologue, université de Picardie
Mélanie Luce, Présidente de l’UNEF
Laurence De Cock, historienne et enseignante
Mathilde Larrère, Historienne
Suzy Rojtman, porte parole du Collectif National pour les Droits des Femmes.
Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature.
Benoit Teste, secrétaire général de la fsu
Youcef Brakni, militant antiraciste
Christine Poupin, porte-parole du NPA
Olivier Besancenot, porte-parole du NPA
Claire Lejeune, Militante écologiste
Annie Lahmer, conseillère régionale IDF EELV
Pascal Debay, dirigeant nationl de la CGT
Malik Salemkour, Président de la LDH
Clémentine Autain, Députée LFI
Claire Schweitzer, conseillère municipale d’Angers, co présidente du réseau national des élus insoumis et citoyens
Gabriel Amard, conseiller régional Auvergne Rhône-Alpes, co)président du réseau national des élus insoumis et citoyens
Guillaume Chaussemy, maire de pont-chrétien-Chabenet co-président du réseau national des élus insoumis et citoyens
Delphine Fenasse, adjoint au maire de Fontenay-sous-Bois co-présidente du réseau national des élus insoumis et citoyens.
Laurence Cohen, Sénatrice PCF
Eric Coquerel, Député LFI
François Béchieau, Secrétaire National du MDP
Camille Lecomte, co-secrétaire générale du MNL
Lenny Gras, Co secrétaire général du MNL
Danielle Simonnet, conseillère de Paris
Kaltoum Gachie, coprésidente du MRAP
Jean-Francois Quantin, coprésident du MRAP
Francois Sauterey, coprésident du MRAP
Manon Aubry, Députée européene LFI
Annick Coupé, Attac France
Raphaël Arnault, porte parole Jeune Garde
Jean-Christophe Sellin Co-coordinateur national du Parti de Gauche
Daniele Obono, Deputée LFI
Raphael Pradeau, porte-parole d’Attac France
Emmanuel Vire Secrétaire général du syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT)
Leila Chaïbi, Anne-Sophie pelletier, députés européennes Lfi
Adrien Quatennens, Ugo Bernalicis, Loïc Prudhomme, Mathilde Pannot, Sabine Rubin, Jean-Hugues Ratenon, Benedicte Taurine, Bastien Lachaud, Muriel Ressiguier Caroline Fiat, Alexis Corbière, Michel Larrive, députés Lfi
Rodrigo Arenas, porte-parole de la FCPE
Bénédicte Monville, Militante écologiste, conseillère municipale et communautaire à Melun
Jérôme Gleizes, conseiller de Paris EELV
Eddie Jacquemart, Président National de la CNL
Anthony Smith, responsable syndical au ministère du travail
Aurélien Taché, Député Les Nouveaux Démocrates
Pierre Laurent, Sénateur PCF et Vice président du Sénat
Ian Brossat, porte-parole du PCF
Marie Christine Vergiat, Vice présidente de la LDH et ancienne députée européenne
Marilyne Poulain, Secrétaire nationale CGT en charge des sans papiers
Céline Verzelatti, secrétaire confédérale de la CGT
David Cormand, Député européen EELV
Sandrine Rousseau, économiste et militante EELV
Patrice CohenSéat, Président honoraire d’Espaces-Marx
Maryse Martinez, présidente MRAP 66
Anne Marie Delcamp RESF 66
Renée Le Mignot, présidente honoraire du MRAP
Augustin Grosdoy, président honoraire du MRAP
Pierre Mairat, président honoraire du MRAP
Jacques Prévert, président honoraire du groupe Octobre
Marie Luchi, Responsable des relations extérieures de Generation.s
Mélissa Camara, Conseillère municipale de Lille /conseillère métropolitaine

Organisation :
UCL

Source: 3 décembre 2021 – Tribune collective “L’urgence d’accueillir” publiée sur Mediapart

1er décembre 2021 – Tribune collective “Noyade de migrants dans la Manche : des associations appellent les autorités françaises à changer de politique” publiée sur Franceinfo 6 décembre 2021

Lire la tribune sur FranceInfo

Le 24 novembre, 27 personnes sont mortes entre les côtes françaises et anglaises dans le naufrage de leur embarcation. Une semaine après ce nouveau drame, des associations pointent dans une tribune sur franceinfo la responsabilité des pouvoirs publics et les exhortent à changer de politique.

Une semaine après le naufrage d’une embarcation dans la Manche, entraînant la mort par noyade de 27 personnes qui tentaient de rallier le Royaume-Uni depuis la France, de nombreuses associations dénoncent “l’aveuglement coupable des autorités françaises et britanniques” et les appellent à changer de politique. Les signataires, associations ou responsables associatifs, s’expriment ici librement.

Vingt-sept personnes se sont noyées dans la Manche le 24 novembre. Ce drame était redouté par nos associations qui alertent depuis des années sur les risques pris par les personnes exilées pour aller en Grande-Bretagne faute de voies légales et sécurisées de passage, ou faute d’accès à une procédure d’accès à l’asile en France.

Nos organisations, aux côtés de toutes les personnes solidaires, adressent leurs condoléances et leurs pensées aux familles et à tous les proches des victimes. Elles dénoncent avec force l’aveuglement coupable des autorités françaises et britanniques qui accusent les passeurs, alors que ceux-ci ne sont que les profiteurs sans scrupules et la conséquence d’une politique aussi brutale qu’inefficace menée tout le long du littoral franco-britannique.

La mort de ces 27 personnes vient allonger la liste de celles qui sont décédées sur terre ou en mer – plus de 400 depuis 1999 – alors qu’elles cherchaient à franchir cette frontière. Ce drame intervient quelques jours après que les grévistes de la faim de Calais ont mis un terme à leur action entamée le 11 octobre, justement motivée par la mort d’un jeune Soudanais, Yasser, écrasé par un camion à Calais.

La demande des grévistes était simple : que cesse la politique de maltraitance contre les personnes exilées, décidée au sommet de l’Etat, qui brise toute confiance dans les autorités françaises et renforce leur volonté de se lancer dans des traversées périlleuses, voire mortelles.

Aujourd’hui, un double sentiment domine : l’espoir en constatant une réelle prise de conscience dans l’opinion publique ; mais un espoir vite recouvert de colère en constatant que l’action non-violente des grévistes de la faim n’a pas permis de changer quoi que ce soit aux pratiques déshumanisantes des pouvoirs publics.

Les annonces faites début novembre par le gouvernement à travers l’intervention de M. Leschi ne constituaient pourtant qu’une avancée minime : préavis donné avant les expulsions, sommation de 45 minutes avant intervention des forces de l’ordre pour que les personnes exilées puissent emporter leurs effets personnels, ouverture d’un “sas d’hébergement” (c’est-à-dire un hangar) de 300 places à Calais, et promesse d’une instance de dialogue plus représentative de l’ensemble des acteurs engagés sur le terrain ainsi que des exilés.

C’était encore trop ! Dès la fin de la grève, les pouvoirs publics ont choisi de renier immédiatement leurs engagements : le hangar, présenté comme une concession, pour répondre aux demandes des grévistes, a été refermé sur décision de la préfecture et du ministère de l’Intérieur. Après une légère accalmie, les évacuations de campement ont repris leur rythme infernal, avec la destruction des effets personnels. Un récent arrêté préfectoral est venu restreindre encore plus les lieux de distribution de nourriture et autres biens essentiels par les associations, des tranchées ont été creusées et des rochers déposés sur des lieux de (sur)vie, etc.

Des propositions, fondées sur l’accueil et le respect de la dignité des personnes, existent pourtant : elles émanent d’institutions indépendantes comme la Défenseure des droits ou la CNCDH, de parlementaires, d’élus. Tous partagent la même conviction qu’il est urgent d’appréhender autrement la présence de personnes exilées sur le littoral et de les considérer pour ce qu’elles sont : des êtres humains en quête d’une vie meilleure et, pour la plupart, dans des situations justifiant une protection internationale car leur vie est en danger dans leur propre pays.

La France doit maintenant tirer les conclusions du drame survenu le 24 novembre : arrêter les actes de maltraitance, proposer des systèmes de mise à l’abri tout le long du littoral, autoriser les personnes exilées à déposer une demande d’asile ou de séjour en France, négocier d’arrache-pied avec la Grande-Bretagne des voies légales et sûres de passage. Au lieu de dépenser des millions supplémentaires dans la surveillance de la frontière comme l’ont proposé les ministres de l’Intérieur réunis dimanche à Calais, il faut offrir à ces personnes la possibilité de se construire un avenir, et connaître la paix.

Ne pas le faire serait se rendre complice de nouveaux drames, de nouveaux morts. Les associations signataires appellent encore une fois les autorités à s’engager dans un dialogue constructif avec nos associations et tous les acteurs concernés.

Il y a urgence.

Les signataires :

Amnesty International France, Cécile Coudriou, présidente ; ATD Quart-Monde, Marie-Aleth Grard, présidente ; CCFD Terre Solidaire, Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente ; Cimade, Henry Masson, président ; Collectif d’associations de Calais, Grande-Synthe et Dunkerque : ADRA France antenne de Dunkerque, Amis, Auberge des migrants, LDH Dunkerque , Maria Skobtsova, Project Play, Refugee Info Bus, Safe Passage, Salam, Shanti, Solidarity border ; CRID, Céline Meresse, co-présidente ; Emmaüs France, Antoine Sueur, président ; Emmaüs International, Nathalie Péré-Marzano, déléguée générale ; Fédération Entraide Protestante, Jean Fontanieu, secrétaire général ; Fondation Abbé-Pierre, Christophe Robert, délégué général ; JRS-France, Véronique Albanel, présidente ; LDH, Malik Salemkour, président ; Médecins du Monde, Dr Carine Rolland, présidente ; Médecins sans Frontières, Corinne Torre, chef de mission France ; Oxfam France, Cécile Duflot, directrice générale ; Utopia 56, Yann Manzi, délégué général et co-fondateur

Source: 1er décembre 2021 – Tribune collective “Noyade de migrants dans la Manche : des associations appellent les autorités françaises à changer de politique” publiée sur Franceinfo

Journée internationale des droits de l’enfant : qu’attend le gouvernement français ? 23 novembre 2021

Communiqué commun LDH FIDH 

Aujourd’hui, plus de deux cents enfants français sont détenus avec leurs mères dans les camps de prisonniers du Nord Est syrien. Les deux tiers de ces enfants ont moins de 6 ans, 90 % moins de 12 ans et la plupart d’entre eux ont déjà vécu des situations traumatisantes.

Beaucoup souffrent de maladies chroniques, de malnutrition, d’infections pulmonaires, de dysenterie, de maladies de peau, mais dans ces camps, ils n’ont pas accès aux soins les plus basiques. Ils sont également privés d’école et vivent sans protection, dans la peur et le danger.

Depuis trois ans, des appels au rapatriement de ces enfants ont été lancés de toutes parts : le secrétaire général de l’ONU, le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, le Parlement européen, le Comité international de la Croix Rouge, l’Unicef, ont dénoncé les conditions terribles dans lesquelles vivent ces enfants, été comme hiver. En France, la Défenseure des droits et la CNCDH sont également intervenus. En juin, la FIDH et la LDH ont organisé un colloque au cours duquel pédiatres, juristes, écrivains… ont, eux aussi, appelé au rapatriement, conscients de l’urgence de la situation.

Depuis 2019, plusieurs pays d’Europe ont les uns après les autres, rapatrié des centaines d’enfants. Les autorités françaises qui s’obstinent à agir au cas par cas se sont, elles, limitées à en rapatrier 35.

En maintenant prisonniers ces enfants qui ne sont pas responsables des agissements de leurs parents, la France viole délibérément ses engagements internationaux, le droit international humanitaire, la Convention internationale des droits de l’enfant.

A l’occasion du 32e anniversaire de cette dernière Convention, la France doit montrer qu’elle entend faire vivre ce texte, sans bafouer « l’intérêt supérieur de l’enfant », sans abandonner ces enfants français qui sont d’abord des victimes de guerre.  

Elle doit immédiatement effectuer leur rapatriement.

Paris, le 19 novembre 2021

Source: Journée internationale des droits de l’enfant : qu’attend le gouvernement français ?

20 novembre 2021 – Des droits de l’enfant à la cause des enfants : pour une politique globale de l’enfance 23 novembre 2021

Communiqué du Collectif CEP-Enfance, dont la LDH est membre

À l’occasion de l’anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant le collectif CEP-Enfance réitère son attachement au respect intégral de ces droits pour tous les enfants, droits rappelés dans les 10 exigences d’urgence pour la cause des enfants que le collectif défend à l’orée de la campagne présidentielle[1].

À ce titre, alors que le parlement s’apprête à voter une loi pour la protection des enfants, le CEP-Enfance a soumis à Monsieur Adrien Taquet et aux parlementaires deux propositions d’urgence à intégrer dans le texte de cette loi :

  • Y inscrire l’interdiction d’expulser des enfants et des familles de leur logement ou de leur lieu de vie, sans rechercher si les mesures ordonnées sont proportionnées au regard de la protection due aux enfants au titre de la Convention internationale des droits de l’enfant, et des engagements pris dans la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes de 2018.
  • Rétablir dans la loi la mention de normes minimales de personnels pour les services de protection maternelle et infantile, tenant compte des dernières observations adressées à la France par le comité des droits de l’enfant des Nations-Unies[2].

Le CEP-Enfance s’adresse plus globalement à tous les acteurs de la politique de l’enfance, et aux candidat.es aux élections présidentielle et législative : quelle politique entendez-vous mener en faveur des enfants, quelles réponses aux 10 exigences que nous formulons pour la cause des enfants ?


Le CEP-Enfance organisera un Forum à Paris le 29 janvier 2022

en invitant les candidat.es à venir dialoguer avec les acteurs de l’enfance autour de ces questions.

cep.enfance@gmail.com

Paris, le 19 novembre 2021


[1] https://drive.google.com/file/d/18FLhDMBK–wq9JNeoCPiFh92m0rVK-Gs/view

[2] Le récent rapport de la Défenseure des droits soutient explicitement cette demande : https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/rae21-num-28.10.21_01access.pdf

Source: 20 novembre 2021 – Des droits de l’enfant à la cause des enfants : pour une politique globale de l’enfance

AAH : Stop à la dépendance financière dans le couple 7 novembre 2021

Lettre ouverte commune au président du Sénat et au président de l’Assemblée nationale

Monsieur le président du Sénat, Monsieur le président de l’Assemblée nationale,

Le 12 octobre dernier, le Sénat adoptait en seconde lecture la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, dont une des dispositions vise à la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’allocation aux adultes en situation de handicap (AAH). Il est indispensable que le processus parlementaire aille à son terme et que les députés, les sénatrices et les sénateurs s’accordent définitivement sur le texte. C’est pourquoi nous nous adressons aujourd’hui conjointement à vous pour solliciter la convocation d’une commission mixte paritaire.

Comme vous le savez, la déconjugalisation de l’AAH a été adoptée en première lecture par les deux chambres du Parlement après qu’une large mobilisation des personnes concernées et des associations a conduit à ce qu’une pétition de la plateforme du Sénat atteigne pour la première fois les 100 000 signatures nécessaires pour imposer la mise à l’ordre du jour du sujet.

Les sénatrices et sénateurs ont entendu le consensus de la société civile sur la question de l’autonomie financière des personnes éligibles à l’AAH. Leur volonté, que nous partageons, d’éviter que des foyers soient perdants, les a toutefois amenés à amender le texte pour que les personnes concernées puissent choisir le mode de calcul le plus favorable à leur foyer durant une période transitoire de dix ans.

En seconde lecture, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a cependant vidé la proposition de loi de sa substance, remplaçant la mesure de déconjugalisation par un abattement fixe sur les revenus du conjoint.

Or, l’abattement forfaitaire ne permet pas de répondre à l’enjeu d’indépendance financière des personnes éligibles à l’AAH. A titre d’exemple, une personne sans enfant, en couple et ne travaillant pas, dont les revenus du conjoint s’élèvent à 2 270 Euros, verra le montant de son AAH passer de 0 euro à 7,5 euros. Pourtant, le gouvernement est passé en force en imposant  un vote bloqué sur le texte, empêchant ainsi les députés de débattre de la nécessité d’y réintégrer le principe de déconjugalisation de l’AAH.

Le 12 octobre dernier, les sénatrices et sénateurs ont donc rétabli en deuxième lecture la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le mode de calcul de l’AAH, à 320 voix contre 23, sans que les deux chambres parlementaires ne se soient accordées.

La question de la désolidarisation des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH rencontre aujourd’hui un large consensus qui dépasse les clivages politiques traditionnels et s’inscrit aussi dans un soutien large de la société civile, des personnes concernées et de leurs proches. Et pour cause, il s’agit d’une avancée sociale d’ampleur, dont dépend le respect des droits, de la santé, et de la dignité des personnes concernées.

Cette revendication est par ailleurs largement partagée par des institutions indépendantes telles que la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, le Défenseur des droits ou encore le Comité des droits des personnes handicapées des Nations-Unies. Parmi ses recommandations publiées le 14 septembre dernier à la suite de l’examen du rapport initial de la France sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, on retrouve le principe de désolidarisation des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH : « réformer la réglementation de l’allocation adulte handicapée afin de séparer les revenus des personnes handicapées de ceux de leurs conjoints, et prendre des mesures pour assurer et promouvoir l’autonomie et l’indépendance des femmes handicapées vivant en couple ».

Monsieur le président du Sénat, Monsieur le président de l’Assemblée nationale, vous avez aujourd’hui l’opportunité de convoquer une commission mixte paritaire afin que la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale introduisant le principe de déconjugalisation de l’AAH soit débattue conjointement par les sénatrices, les sénateurs et les députés dans le respect de notre Etat de droit et des principes issus de la démocratie représentative. Par la présente lettre, nous tenions à vous signifier solenellement l’importance de vous saisir de cette opportunité. Il en va des droits fondamentaux des personnes éligibles à l’AAH.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le président du Sénat, Monsieur le président de l’Assemblée nationale, l’expression de notre plus haute considération.

Associations signataires : Aides, APF France Handicap, ASEI, CFPSAA, Collectif Handicaps, FFDys, Fisaf, FNATH, France Assos Santé, Ligue des droits de l’Homme,  Santé Mentale France, Sidaction, Solidarité Sida, Unafam, Unanimes, Unapei, Uniopss, Voir Ensemble.

Paris, le 4 novembre 2021

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Source: AAH : Stop à la dépendance financière dans le couple