3e rapport de la Commission européenne
La Commission a publié aujourd’hui le troisième rapport annuel sur l’Etat de droit. Ce rapport intervient dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a encore montré l’importance de défendre les valeurs démocratiques, les droits de l’Homme et l’Etat de droit.
Il comprend un aperçu des tendances dans l’ensemble de l’UE et 27 chapitres par pays qui examinent les évolutions dans chaque Etat membre depuis juillet 2021. Le rapport de cette année contient pour la première fois des recommandations spécifiques adressées à chaque Etat membre, comme l’a annoncé la présidente Von der Leyen dans son discours sur l’état de l’UE de 2021. Ces recommandations visent à encourager les Etats membres à faire avancer les réformes en cours ou prévues et à les aider à identifier les améliorations nécessaires.
Comme pour les éditions précédentes, ce rapport examine les évolutions dans quatre domaines clés pour l’Etat de droit : les systèmes judiciaires, le cadre de lutte contre la corruption, le pluralisme et la liberté des médias, et d’autres questions institutionnelles liées aux freins et contrepoids. Le rapport montre que les réformes de l’Etat de droit se sont poursuivies dans de nombreux Etats membres afin de relever les défis identifiés dans les deux éditions précédentes. Dans le même temps, des préoccupations systémiques subsistent dans certains États membres.
Le rapport fait suite aux défis identifiés dans les rapports précédents, approfondit l’évaluation de la Commission et inclut également des observations sur des questions telles que les médias de service public, l’utilisation de logiciels espions ou la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Réformes de la justice
Les réformes de la justice sont restées en tête de l’agenda politique au cours de l’année dernière. De nombreux Etats membres se sont lancés dans d’importantes réformes visant à renforcer l’indépendance de la justice, telles que des réformes liées à la composition et aux pouvoirs des conseils de la magistrature, à l’amélioration des procédures de nomination des juges ou au renforcement de l’autonomie des parquets. Les Etats membres ont également introduit des mesures visant à améliorer l’efficacité et la qualité de la justice, comme la poursuite de la numérisation des systèmes judiciaires, et à faciliter l’accès à la justice.
Dans le même temps, des préoccupations structurelles persistent dans quelques Etats membres en ce qui concerne l’indépendance de la justice. Dans certains Etats membres, les nominations dans les tribunaux supérieurs et aux postes de président de tribunal posent problème. Dans d’autres, des inquiétudes existent quant à l’indépendance/autonomie des services de poursuite et les procédures disciplinaires sont utilisées pour restreindre l’indépendance judiciaire.
Pour résoudre ces problèmes, les recommandations de la Commission encouragent, par exemple, une plus forte implication du pouvoir judiciaire dans les procédures de nomination, une plus grande autonomie des services de poursuite et la mise à disposition par les Etats membres de ressources adéquates pour les systèmes judiciaires.
Cadres de lutte contre la corruption
L’UE reste l’une des régions les moins corrompues au monde. Depuis juillet 2021, de nombreux Etats membres ont adopté de nouvelles stratégies de lutte contre la corruption ou révisé les stratégies existantes, ou sont en train de les réviser. Plusieurs Etats membres ont mis les cadres existants en conformité avec les normes internationales de lutte contre la corruption et le droit européen. La plupart des Etats membres disposent d’une législation étendue fournissant au système de justice pénale les outils nécessaires pour lutter contre la corruption. De nombreux Etats membres ont pris des mesures pour accroître les capacités des autorités chargées des poursuites judiciaires dans le cadre de la lutte contre la corruption, par des mesures telles que des ressources supplémentaires ou des formations complémentaires.
Toutefois, la corruption reste une préoccupation majeure pour les citoyens européens. L’Eurobaromètre 2022 sur la corruption montre, par exemple, que 68 % d’entre eux estiment que la corruption est répandue dans leur pays. Dans certains États membres, les enquêtes et les poursuites dans les affaires de corruption sont longues et les jugements font encore défaut, notamment dans les affaires de haut niveau. Les agents publics sont soumis à des obligations de déclaration de patrimoine et d’intérêts dans tous les Etats membres, mais celles-ci varient en termes de portée, de transparence et d’accessibilité des informations divulguées, ainsi que de niveau et d’efficacité de la vérification et de l’application.
En ce qui concerne les cadres de lutte contre la corruption, la Commission a formulé des recommandations relatives au renforcement des cadres préventifs, par exemple sur les règles en matière de lobbying et de conflits d’intérêts, et à la garantie d’enquêtes et de poursuites efficaces dans les affaires de corruption.
Liberté et pluralisme des médias
Tant la pandémie de Covid-19 que la guerre de la Russie contre l’Ukraine ont démontré le rôle crucial des journalistes pour vérifier les faits et informer les citoyens. Plusieurs Etats membres ont adopté, renforcé ou envisagent des mesures visant à améliorer la sécurité et les conditions de travail des journalistes, en s’appuyant sur les récentes initiatives de la Commission. Depuis le dernier rapport, plusieurs Etats membres ont fait des efforts pour améliorer la transparence de la propriété des médias. Des inquiétudes subsistent quant au manque de transparence dans la distribution de la publicité publique, aux conflits d’intérêts et aux obstacles liés à l’accès aux documents publics – ce sont là quelques-unes des questions importantes soulignées dans le rapport et qui requièrent une attention particulière.
Pour la première fois, le rapport se penche également sur les médias de service public, reconnaissant leur rôle particulier pour la société et la démocratie. Des garanties sont nécessaires pour assurer que l’indépendance des médias de service public est protégée, que le financement public est adéquat et qu’il n’est pas utilisé pour exercer une pression politique sur ces médias, comme le prévoient les normes européennes.
Les conclusions du rapport s’appuient sur une série de sources, dont le Media Pluralism Monitor (MPM 2022), la plateforme du Conseil de l’Europe visant à promouvoir la protection du journalisme et la sécurité des journalistes, ainsi que la plateforme Mapping Media Freedom.
La Commission a émis un certain nombre de recommandations qui portent notamment sur l’attribution transparente et équitable de la publicité publique, la gouvernance indépendante des médias de service public et les mesures visant à améliorer la sécurité des journalistes. La future loi sur la liberté des médias visera à résoudre plusieurs des problèmes identifiés dans les rapports sur l’Etat de droit.
Contrôles et équilibres institutionnels
Les Etats membres ont continué à améliorer la qualité de leurs processus législatifs – une tendance relevée dans les rapports 2020 et 2021 sur l’état de droit. Les cours constitutionnelles continuent de jouer un rôle clé dans le système des freins et contrepoids, y compris dans le contrôle des mesures d’urgence ainsi que dans d’autres domaines tels que les élections. Les institutions de défense des droits de l’Homme, les médiateurs et autres autorités indépendantes ont vu leur statut renforcé dans certains Etats membres. Dans la majorité des Etats membres, la société civile bénéficie d’un environnement propice et favorable.
Toutefois, dans certains Etats membres, il n’existe toujours pas de cadre formel pour consulter les parties prenantes, ce qui est préoccupant, et les organisations de la société civile continuent de faire face à des défis tels que des problèmes de financement, des récits négatifs et des restrictions de leur espace de fonctionnement. Pour la première fois, le rapport examine également la mise en œuvre par les Etats membres des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme. Le rapport examine également les réactions des freins et contrepoids des Etats membres à l’utilisation de logiciels espions. Bien qu’elle soit liée à la sécurité nationale, l’utilisation de tels outils devrait être soumise à des contrôles nationaux.
Pour relever certains de ces défis, la Commission a formulé des recommandations concernant, par exemple, l’implication des parties prenantes dans le processus législatif, la création et le fonctionnement d’institutions nationales des droits de l’homme accréditées et la garantie d’un cadre de fonctionnement ouvert pour la société civile.
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La situation de l’Etat de droit en France
Un processus de consultation complet a eu lieu afin d’identifier les autres réformes nécessaires pour pour répondre aux problèmes potentiels du système judiciaire français. Dans ce contexte, le pouvoir judiciaire, en judiciaire, en particulier le Conseil supérieur de la magistrature, a lancé plusieurs appels à des réformes, notamment sur la responsabilité et la protection des magistrats, et pour une augmentation des ressources humaines au-delà des ressources supplémentaires déjà allouées. La durée des procédures dans le système judiciaire a augmenté, et le ministère de la Justice évalue actuellement les besoins supplémentaires. La décision du ministre de la Justice d’ouvrir des enquêtes administratives contre plusieurs magistrats pour violation présumée des obligations déontologiques est actuellement examinée par la Cour. Si certains outils numériques à la à la disposition des justiciables et des professionnels de la justice continuent d’être déployés avec succès, les principaux projets en cours visant à accroître la numérisation de la justice civile et pénale se sont heurtés à des difficultés de mise en œuvre. En ce qui concerne les avocats, la loi pour la confiance dans la justice a créé de nouvelles garanties en matière de secret professionnel, d’éthique et de procédures disciplinaires.
La condamnation des affaires de corruption de haut niveau continue d’apporter des résultats tangibles malgré les défis liés aux ressources limitées ainsi qu’aux faiblesses structurelles. Le plan national de lutte contre la corruption pour 2020-2022 continue d’être mis en œuvre. Des règles sur les conflits d’intérêts
sont en place et une nouvelle loi a été adoptée pour la protection des lanceurs d’alerte. Une réglementation du lobbying est en place, mais d’importantes inquiétudes subsistent quant à l’application de ces règles à tous les types d’acteurs du lobbying. Les déclarations de patrimoine sont divulguées et régulièrement vérifiées. Les ressources humaines de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques restent insuffisantes par rapport à son rôle. Les mesures introduites dans marchés publics lors de la pandémie de Covid-19 restent en place.
La France dispose d’un cadre juridique solide garantissant la liberté et le pluralisme des médias, principalement en raison principalement grâce à des garde-fous issus à la fois de la Constitution et de la législation. Une nouvelle autorité indépendante indépendante – l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) est née de la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), avec des pouvoirs accrus sur l’ensemble des contenus audiovisuels et numériques.
contenu audiovisuel et numérique. Des garanties juridiques et structurelles assurent l’indépendance des des médias de service public français. Le gouvernement a pris des mesures pour faire face à la l’augmentation des attaques et des menaces contre les journalistes lors de protestations ou de manifestations. La question persistante de la concentration horizontale et transversale des médias a été examinée par une enquête du Sénat, qui a suggéré une révision substantielle de la législation existante afin de préserver la liberté d’information. Des défis persistent quant à la transparence des structures complexes de propriété des médias.
La pratique des consultations publiques à l’échelle nationale a été renforcée et étendue à d’autres domaines, dont le système judiciaire. Les procédures accélérées pour l’adoption des lois ont continué à être utilisées régulièrement, y compris pour les lois ayant un impact important sur les libertés individuelles. Le régime d’urgence en cas de pandémie Covid-19 a été prolongé jusqu’en juillet 2022, tandis que le Conseil constitutionnel a défini les limites des pouvoirs exécutif et législatif dans ce contexte. Les autorités indépendantes ont émis des avis concernant l’impact des lois adoptées pour gérer les situations de crise sur les libertés individuelles. De nouvelles lois ont été adoptées pour améliorer l’environnement financier des organisations de la société civile. La loi sur les principes républicains est entrée en vigueur et un certain nombre de parties prenantes ont fait part de leurs inquiétudes quant à son impact potentiel sur l’espace civique.
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Lire la lettre ouverte adressée à la présidente de la Commission européenne