A propos des expérimentations d’ateliers semblables à la méditation de pleine conscience à l’école 18 janvier 2022
Lettre ouverte de plusieurs organisations, dont la LDH, à l’attention de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports
Paris, le 18 janvier 2022
Monsieur le ministre,
Nous vous avions alerté en juin 2021, ainsi que l’opinion publique, sur le projet d’initiation et d’expérimentation au sein des établissements scolaires d’une pratique appelée « méditation de pleine conscience »[1] (MPC) proposée par un lobby ésotérique, et de ses risques sur des enfants, placés sous la responsabilité et la protection de l’Education nationale.
Si, suite aux protestations exprimées par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et les acteurs engagés contre les phénomènes sectaires, le projet dans sa forme initiale a été abandonné, nous avons été saisis de sa réapparition de façon maquillée depuis septembre dans plusieurs collèges avec la multiplication « d’ateliers de relaxation », d’exercices « de respiration, de méditation, de body scanning », à l’initiative des mêmes instigateurs. La presse s’est fait l’écho que le conseil scientifique de l’Education nationale aurait été saisi en vue de valider une expérimentation de tels ateliers au sein des écoles françaises dès janvier 2022.
Ce qui est labellisé MPC, ou « Mindfulness » aux Etats-Unis et introduit ensuite en Europe, est une technique très spécifique dont la promotion et le financement à travers le monde sont organisés par le think-tank ésotérique américain Mind and life institute, consortium associant des mouvances très controversées comme l’anthroposophie. L’inventeur déclaré de la MPC, ou Mindfulness, John Kabat-Zinn, est aussi l’un des actuels leaders de l’Institut Esalen, importante officine New Age, matrice de nombreuses psycho-sectes qui inondent la planète depuis les années 70.
En France, l’offensive est principalement relayée par la structure privée Initiative mindfulness France qui en fait état dans ses rapports d’activité d’initiatives locales en 2019, concernant 425 établissements publics et privés. Ce seraient ainsi près de 23 000 enfants qui auraient « bénéficié », par leur intermédiaire, d’un programme de MPC, ou « pleine présence ». Nous ne pouvons que nous inquiéter de ces interventions et qu’elles aient pu être mises en œuvre sans contrôle de votre ministère, comme sans l’information précise et l’accord exprès des parents des enfants concernés.
Parallèlement, de 2018 à 2020, La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a fait l’objet de douze saisines pour des problèmes liés à la MPC concernant des mineurs[2].
La pratique sur des enfants mineurs d’une méthode qui peut aboutir à un conditionnement avec perte d’esprit critique et assujettissement de l’individu engendre donc des risques importants qui ne peuvent être négligés.
Attachés au rôle de l’Education nationale dans la promotion de la liberté de conscience, dans la prévention des phénomènes sectaires et de la protection des enfants placés sous sa responsabilité, nous renouvelons nos plus vives inquiétudes sur ces expérimentations, et vous demandons d’intervenir pour y mettre fin sans délais afin de refuser à la fois l’entrisme d’un groupe d’influence ésotérique des plus douteux dans l’Education nationale et d’une technique, la MPC, aux conséquences incertaines et potentiellement risquées sur le développement psychique des enfants.
En raison de l’importance des enjeux, vous comprendrez que nous rendions public ce courrier.
Dans l’attente des suites que vous apporterez à cette sollicitation, nous vous prions de recevoir, Monsieur le ministre, l’expression de nos salutations les plus distinguées.
Signataires :
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) ;
L’Association pour la science et la transmission de l’esprit critique (Astec) ;
Le Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (Caffes) ;
Le Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal) ;
La Fédération de l’éducation de la recherche et de la culture de la Confédération générale du travail (Ferc-Cgt) ;
La Fédération nationale de la Libre pensée (FNLP) ;
La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) ;
La Fédération syndicale unitaire (FSU) ;
Les Francas ;
Le Groupe d’étude des mouvements de pensée en vue de la protection de l’Individu (Gemppi) ;
La Ligue de l’enseignement ;
Méta de choc ;
L’Office central de la coopération à l’école (Occe) ;
Secticide ;
L’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi) ;
Union nationale des syndicats autonomes Education (Unsa.E)
[1] Selon le rapport 2018-2020 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), «il n’existe pas de définition de la méditation de pleine conscience communément admise ». Des études ont été menées mais « une partie de la communauté scientifique s’accorde à penser qu’il est nécessaire de définir et de décrire le type de méditation de pleine conscience utilisé dans les expériences menées, ceci afin d’en limiter les biais conceptuels » (p.115) https://www.derives-sectes.gouv.fr/sites/default/files/publications/francais/Rapport%202018-2020.pdf
En toute hypothèse, la Miviludes met en garde sur le fait que « la référence à une école ou un type de méditation n’offre pas de garantie sur ce qui est effectivement proposé » et que les pratiques enseignées peuvent être éloignées « de l’idée générale que l’on peut avoir de la méthode et de ses objectifs » (rapport p.114).
[2] Rapport pré-cité, p.113 à 116
Source: A propos des expérimentations d’ateliers semblables à la méditation de pleine conscience à l’école