Une illustration du racisme ordinaire 29 mars 2012
La Maire de Luynes, Madame Danielle Brunet, a organisé une réunion publique sur la question des Roms installés dans le contrebas d’une route, sur la commune. Il y a foule, probablement 150 personnes. La maire qui préside la séance, assistée de la suppléante du député du secteur , commence par décrire son action auprès des Roms et des questions annexes depuis leur arrivée en janvier. Ces Roms roumains ont été expulsés de Marseille et sont arrivés en deux fois, d’abord environ cinq familles, puis, assez récemment trois ou quatre familles apparentées. Voici sa description des faits et ses commentaires.
Dès leur arrivée elle s’est rendue sur le terrain accompagnée de deux policiers municipaux, pour inviter ce groupe à quitter les lieux. Elle leur a donné une semaine, et ils ont acquiescé, dit-elle. Elle y est retourné parce qu’ils « n’ont pas respecté leur parole » (elle insistera à plusieurs reprises sur cela), elle a demandé que les services d’hygiène vérifient l’état des lieux puis leur a envoyé SOS médecins (?) : là-dessus elle garantit que donc les vaccinations des enfants sont maintenant en règle. Elle est retournée encore sur le terrain, accompagnée de 5 policiers pour leur demander de partir. Elle leur reproche de ne pas tenir parole et regrette qu’ils soient sur un terrain privé dont le propriétaire, qui habite en Ukraine, ne l’ait pas autorisée à se substituer à lui pour faire l’expulsion. Elle se trouve donc démunie. Elle regrette vivement que « contrairement aux précédents en 2008 » ceux-ci, « déjà habitués à leur situation à Marseille », semblent plus au courant des règlements et lois et n’obtempèrent donc pas à ses injonctions. Ils devraient quitter Luynes, et s’ils le veulent dit-elle, se rendre sur l’aire d’accueil des Gens du Voyage du Realtor, où ils bénéficieraient de l’eau et de l’électricité. Cette aire leur est destinée, mais le responsable des Gens du Voyage à la CPA l’a informée que les Roms refusent de s’y rendre parce qu’ils devraient payer le courant électrique qu’ils préfèrent voler.
Apportons quelques précisions : Il ne s’agit pas de SOS médecins, la maire s’embrouillera sur le sujet, mais de Médecins du Monde, c’est-à-dire qu’elle « a envoyé » des bénévoles pour faire le boulot ! Elle a certainement peu suivi les choses, les enfants n’ont pas toutes les vaccinations nécessaires, simplement elle est couverte puisqu’elle » a envoyé » le corps médical. Pour ce qui est de l’aire du Realtor, elle ment effrontément, tout comme Madame Joissains à chaque fois sur ce sujet. Cette aire est interdite aux Roms roumains, réservée de par la loi aux « Gens du Voyage » dûment recensés comme tels et munis des documents adéquats, statut que les Roumains ne peuvent obtenir, et d’ailleurs ces Roumains ne sont pas des « Voyageurs » mais des sédentaires. Madame Brunet a déjà expédié ceux de 2008 (qui ne connaissaient pas trop la réglementation, se félicite-t-elle) en leur promettant l’accueil sur cette aire qu’ils se sont vus évidemment refuser, ils se trouvent depuis sur un terrain aux alentours, sans eau ni électricité, mais bien plus loin de la ville. Mais cela elle le nie, s’appuyant sur les dires du responsable de la CPA. Ou ce monsieur, Monsieur Angelo Bassi, lui a menti, ou c’est elle qui ment. Monsieur Bassi sait tellement bien que l’aire est interdite aux Roumains qu’il a signifié voici quelques mois que même le local de l’aire dévolu à la PMI pour les consultations était interdit d’accès à cette population, il faut actuellement faire venir un camion sanitaire de Médecins du Monde de Marseille pour parer au plus pressé. Et si c’est Monsieur Bassi qui a menti, ce qui serait étonnant, il connait son affaire et n’a aucune raison de tromper les élus, elle est bien légère de ne pas s’informer mieux : quand on prend une décision aussi lourde que l’expulsion de familles (avec de plus écrasement au bulldozer des abris), il semble grave de ne pas se mettre au courant de la législation (à moins que l’expulsion de familles Roms soit un acte sans importance). Au mépris des populations s’ajoute une incompétence notoire. Pour ce qui est de l’électricité, j’ai vu tourner les moteurs des camions (bien délabrés) avec lesquels ils font de la ferraille pour allumer des ampoules au petit matin ou lors de la venue de la nuit. Ils préfèreraient probablement payer leurs kilowattheures. Enfin question de parole non tenue, il est facile de gloser dessus. Lorsqu’on arrive avec des policiers en donnant huit jours avant expulsion, que peuvent-ils répondre si ce n’est « oui-oui » ? C’est une réponse récurrente chez les Roms quand nous réclamons quelque chose, ils vivent dans l’instant, chaque jour il faut trouver sa nourriture, on ne les voit pas répondre « non-non » tant le rapport de force est en leur défaveur ! En faire une question morale comme l’a fait Madame la maire semble bien déplacé.
Ce qui est caractéristique dans ces démarches de Madame Brunet est que l’unique but est d’expulser. Luynes ne veut pas de ces gens, point. Rien n’a été dit sur une démarche humanitaire quand il faisait moins dix. Juste s’assurer qu’ils ne « volent » pas l’électricité ! On aurait pu imaginer qu’elle se préoccupe des résultats sanitaires après le passage de médecins du Monde. On aurait pu imaginer qu’elle aurait pu être préoccupée par la scolarisation des enfants, quelque désir qu’elle ait qu’ils s’en aillent. Plusieurs fois elle a dit combien l’état de ces enfants lui brisait le cœur, cela n’est pas allé jusqu’à ces quelques démarches « humaines », mot seriné plusieurs fois, qui auraient montré qu’il s’agissait pour elle de personnes, tout simplement. On aurait pu même imaginer le passage d’une assistante sociale pour aider ces familles à voir ce qu’elles pouvaient devenir. Non, on les chasse, et surtout on ne veut pas savoir où, en voulant faire croire que s’ils se retrouvent sur un terrain aussi insalubre, c’est de leur volonté.
Et la salle ? Bien sûr les personnes présentes étaient venues pour apprendre comment faire partir ces Roms. Vue la réputation qu’on leur fait, et que la maire et ses comparses entretient parfaitement, on comprend les inquiétudes des habitants. La misère est toujours désagréable à considérer, à voir, encore plus à trouver chez soi. Déjà « on » n’aime pas les HLM, alors ! Des inquiétudes, il y en a. On parle d’agressions, le boucher a du en surveiller dans sa boutique avec son commis pendant une demi-heure (là, je pense qu’il exagère), parce qu’ils étaient évidemment là pour voler, un autre en a rencontré en ballade sur un chemin, évidemment ils étaient là pour repérer les casses envisageables, quant à l’agression, on apprendra que c’était avant leur arrivée à Luynes. Une autre personne est ennuyée parce qu’elle « doit » maintenant fermer ses volets. Restait une personne qui a déposé plainte, mais on ne saura ni le motif, ni contre qui…
Que ces inquiétudes soient réelles, cela est évident et désagréable pour la population, et l’inquiétude d’une population doit être respectée. La façon de respecter les inquiétudes de la population par Madame Brunet est de les encourager pour montrer qu’elle sait taper quand il le faut, c’est un mépris total de la population. Et pour la salle, cela nécessite une expulsion immédiate, ce n’est pas leur problème de savoir où ces gens se retrouveraient, ce sont des nocifs. Quand nous avons pris la parole au nom de Rencontres Tsiganes, puis de la LDH, c’est sous les huées que nous avons parlé pour simplement dire (nous avons été incapables d’aller plus loin) qu’il faudrait voir plus loin qu’une expulsion, que peut-être il y aurait au-delà de l’expulsion d’autres solutions pour ces gens et que pour cela il faudrait pouvoir rencontrer les pouvoirs publics. Y avait-il des opposants à la maire sur le sujet ? Oui, ceux qui trouvaient qu’elle se laissait mener en bateau et qu’elle devrait être plus radicale…La seule personne qui a osé demander qui, concrètement, avait été agressé ou volé, s’est vue rabrouer vertement…sans réponse. A la fin, mais nous n’étions plus là, la représentante du Secours Catholique a pu intervenir, mais si la salle est polie envers une telle institution, cela n’a pas été plus entendu.
Il est inquiétant de voir une élue, maire adjoint d’Aix et maire d’un quartier qui est un vrai village, n’avoir aucun intérêt pour les suites de ses actes. On expulse, et comme elle l’a dit, ce sont d’autres qui se débrouilleront. On peut être pour ou contre les Roms, ce qui d’ailleurs ne signifie rien, mais cette politique de gribouille est consternante. Alors quel était le sens de cette assemblée ? Attiser la haine des Roms ? C’était une conséquence assumée, même si le but semblait surtout de montrer aux électeurs qu’on est à leur service pour chasser les indésirables. En les présentant comme des menteurs, sans parole, voleurs d’électricité et refusant les solutions « humaines » proposées (l’aire d’accueil) par avarice, voleurs et agresseurs potentiels, porteurs de tous les risques sanitaires et sans hygiène (demander l’hygiène quand il n’y a pas d’eau ni de toilettes, demander de ne pas salir quand on vous laisse dans de telles conditions !) on pousse les gens à la haine, pas à l’humanisme dont on se targue.
Finalement, alors que tout criminel a droit à un jugement en sa présence avec la liberté de parole pour sa défense, cette fois-ci la condamnation était déjà faite et le procès, en l’absence des poursuivis et avec interdiction de toute parole qui ne serait pas directement condamnatrice, consistait à évoquer les meilleurs moyens d’appliquer la sentence dans les meilleurs délais et avec la plus grande fermeté. Quand j’ai des rats dans ma maison, je cherche comment les chasser au plus vite, je ne me préoccupe pas de ce qu’ils ressentiront.
C’était une illustration du racisme ordinaire orchestré par une élue qui ne voulait pas se faire distancer sur ce sujet.
Marc Durand
29 mars 2012
Pièces jointes
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