Défendons ensemble la liberté, l’égalité, la fraternité 4 septembre 2010
Si nous sommes ici, tous ensemble, c’est pour dire notre refus absolu de voir notre pays gouverné par des gens qui, par leurs propos et par leurs actes, attisent la vieille haine de l’autre, de l’étranger, et qui piétinent les valeurs affirmées dans notre Constitution.
Ce sont, d’abord, les Roms, en tant que groupe ethnique, dont Nicolas Sarkozy et ses plus fidèles courtisans réveillent sciemment la haine ancestrale. Qu’ils soient français ou étrangers, ils ont depuis toujours été ceux qui font peur, que l’on accuse de tous les méfaits.
Aujourd’hui nous pouvons voir sur nos écrans des familles pourchassées, des femmes et des enfants terrorisés, des caravanes écrasées par les forces de l’ordre. C’est sur les plus faibles et les plus pauvres que s’exerce la rage de ceux qui essaient par tous les moyens de regagner des électeurs qui leur échappent, de faire oublier les affaires où ils sont empêtrés, les échecs économiques et sociaux dont ils sont responsables.
Au mépris des lois européennes qui assurent aux habitants des pays européens la libre circulation, voilà les Roms roumains et bulgares expulsés de notre pays sous les caméras – avant, on les expulsait déjà, mais en catimini. Et ces actes insupportables et illégitimes ne sont même pas efficaces : les Roms reviendront, car, comme le dit Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH, « entre crever à petit feu chez soi ou survivre avec les pires emmerdements ailleurs, les gens choisiront toujours de partir ». En Roumanie, en Bulgarie et ailleurs, les Roms sont victimes des pires discriminations.
Un forain rencontré récemment sur le marché du Jas de Bouffan disait : « On commence par les chasser, on finira par les tuer ! » Il se souvenait des centaines de milliers de « Tsiganes » (on ne sait même pas combien !) qui furent exterminés dans les camps nazis, avec la complicité du régime de Vichy qui les enferma dans des camps.
On nous dira que l’on ne peut pas assimiler les expulsions des Roms aux rafles effectuées par Vichy, c’est vrai, mais c’est bien la même extrême-droite qu’alors qui relève la tête, avec sa haine de l’étranger, son racisme, sa volonté de justifier par le maintien de l’ordre des traitements indignes et la désignation publique de boucs émissaires.
Deuxième « groupe » montrés du doigt par Sarkozy, et ses fidèles courtisans : les « Français d’origine étrangère », qui sont clairement désignés comme des délinquants potentiels.
Sur ce point on a assisté à une édifiante escalade : aux naturalisés français (depuis 2, 5, 10 ans, les durées varient selon les locuteurs), on pourrait désormais enlever leur nationalité française s’ils commettent certains crimes ou délits : il s’agissait d’abord de meurtre ou de tentatives de meurtre de policiers, on a peu à peu élargi aux pompiers, aux gardiens, aux fonctionnaires en général, puis on a étendu cette « dénaturalisation » aux « crimes et délits graves », à l’excision, à la polygamie… On voit bien qui sont ces « français d’origine étrangère », une fois de plus présentés comme de dangereux criminels : Musulmans, Noirs et Arabes. Notre ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux, condamné en juin dernier pour ses propos racistes, persiste et signe.
Retirer la nationalité française ? Là encore, cela rappelle tristement l’époque de Vichy qui retira la nationalité française à des milliers de naturalisés, en grande partie juifs…
Et l’escalade continue : on va priver les enfants nés en France de parents étrangers de leur droit automatique à la nationalité française. S’ils se conduisent mal, on pourra la leur refuser… et tant pis s’ils n’ont jamais mis les pieds ailleurs qu’en France, tant pis si on fabrique des apatrides, au mépris des accords internationaux que la France a signés.
Et puis encore : on va punir les parents des enfants délinquants. C’est toute la population, et particulièrement celle des quartiers « chauds », la plus vulnérable, la plus pauvre, celle qui aurait besoin d’aide, de soutien, que l’on désigne comme coupable. Mauvais parents, salauds de pauvres !
Et enfin : on propose de punir les Maires qui ne mènent pas une politique suffisamment répressive aux yeux du gouvernement…
Pas besoin de redouter la « lepénisation des esprits » : en vérité, c’est un Le Pen-bis que nous avons aujourd’hui aux commandes de l’Etat. Tout y est : appel à la peur et à la haine, racisme, répression s’exerçant non sur des individus mais sur des groupes, en fonction de leur ethnie, de leur couleur de peau, de l’endroit où ils habitent, distinction entre « français de souche » et « français par naturalisation ». Et la double peine, que Sarkozy avait feint de supprimer…
Le tout assaisonné par des chiffres mensongers, par exemple ceux donnés par Hortefeux sur une prétendue et effrayante augmentation des délits commis par les Roumains en France.
Mais il y a d’heureuses surprises. Face à cette offensive sans précédent, qui remet en cause les fondements de notre République, voilà que des gens venus de tous bords font entendre un peu partout leurs protestations, parfois haut et fort, parfois en chuchotant. Des gens de droite comme des gens de gauche, des ministres et d’anciens ministres, des secrétaires d’Etat, des autorités juridiques – tous les républicains qui sont choqués de voir ainsi piétinés les principes de notre république.
Et des autorités religieuses, évêques, archevêques et jusqu’au pape, se dressent pour défendre les Roms au nom de l’humanité.
Et enfin le Conseil de l’Europe, et l’ONU par la voix de son Comité pour l’Elimination de la Discrimination Raciale, prennent à partie le gouvernement français. Ces hautes instances s’inquiètent, rappellent les textes que la France a signés, qui lui interdisent des actions d’expulsion pour appartenance à un groupe et les discriminations raciales.
La presse étrangère s’étonne, s’émeut ou ironise, la France est montrée du doigt comme piétinant les droits de l’Homme qu’elle prétend avoir inventés !
La France ? Non, son actuel gouvernement, c’est-à-dire son actuel président de la République, Nicolas Sarkozy, soutenu, applaudi, surpassé même par les Hortefeux, Estrosi, Ciotti, Besson, Copé, Bertrand et autres complices.
Nous sommes là aujourd’hui pour dire haut et fort que ça suffit, que ce président-là déshonore notre pays, qu’il ne nous représente pas, qu’il trahit nos valeurs, qu’il nous trahit tous.
Ce rassemblement, ce n’est que le début d’une mobilisation que nous devons poursuivre. Nous ne nous laisserons pas faire ! Nous devons nous mobiliser de façon durable, tous ensemble, pour rétablir un état de droit, un état de justice.
Nous défendrons ensemble la Liberté, l’Egalité et la Fraternité.
Anne Torunczyk, présidente de la Section aixoise de la LDH